vendredi 19 juin 2009

L'enquête sur l'attentat de Karachi plonge en eaux troubles

Par Olivier Tesquet, lexpress.fr, le 19/06/2009

Pour l'avocat des familles des victimes, l'attentat de Karachi de 2002 serait la conclusion d'un différend commercial entre Paris et Islamabad. Il évoque la piste du financement de la campagne Balladur de 1995. Une hypothèse jugée "grotesque" par Nicolas Sarkozy.

Les déclarations d'Olivier Morice, avocat de sept familles de victimes de l'attentat de Karachi, le 8 août 2002, sont-elles le signe annonciateur d'une nouvelle affaire d'Etat? En évoquant une sombre histoire de rétrocommissions entre la France et le Pakistan -digne de la série Reporters-, l'accusateur est persuadé d'avoir déterré un pot aux roses aussi encombrant que le scandale des frégates de Taiwan.

Cette fois-ci, la polémique plonge même sous la surface. En 1994, sous le ministère de François Léotard, la France a conclu un juteux marché de 850 millions d'euros avec le Pakistan, portant sur la fabrication de sous-marins d'attaque Agosta. Le premier a été construit à Cherbourg en 1999, tandis que deux autres ont été assemblés à Karachi, avec le concours d'ingénieurs français, en 2002 et 2004. A ce sujet, la cour des Comptes dénonçait dès 2001 de "considérables difficultés" dans le projet, ainsi que "l'utilisation d'une assistance technique illégale".

Commissions gelées dès 1995?

Selon un mémorandum rédigé par Gérard-Philippe Menayas, ancien directeur de la DNCI, filiale commerciale de la Direction des chantiers navals, le contrat concédait des commissions aux intermédiaires à hauteur de 10% du montant total.

Interdits depuis 2000 par une convention de l'OCDE, ces "frais commerciaux export" auraient été stoppés par Jacques Chirac dès 1995, après son élection. C'est ce gel des paiements qui aurait été, aux yeux de Me Morice, le mobile de l'attentat. Edouard Balladur, cité dans cette nouvelle piste, a reconnu jeudi avoir "entendu parler de cette histoire depuis des années". Mais Il s'est empressé de préciser que tout s'était déroulé de manière "parfaitement régulière".

Si cette nouvelle piste s'avérait être la bonne, dans quelle direction faudrait-il chercher les responsables de l'attaque meurtrière? Vers l'ISI (Inter Services Intelligence), les tout-puissants services sercrets pakistanais, ou vers les cols cravatés des cabinets ministériels d'Islamabad? Dès avril 2006, L'Express rapportait les doutes du juge Bruguière, pas convaincu de l'implication d'Al-Qaeda dans l'attentat. Au terme d'une mission classée secret-défense, le magistrat antiterroriste avait notamment relevé que les traces d'explosifs analysées à Paris et aux Etats-Unis étaient d'origine... militaire.

"Grotesque", selon Sarkozy

Visiblement échaudé par les soupçons, Nicolas Sarkozy a balayé l'impudente hypothèse du revers de la main. "C'est ridicule [...] c'est grotesque [...] respectons la douleur des victimes, qui peut croire une fable pareille?", s'est-il exclamé à l'issue d'une réunion du Conseil européen à Bruxelles.

"Dans un monde où tout se sait, où la notion de secret d'Etat n'existe plus, quatorze ans après, est-ce que vous êtes au courant de rétrocommissions qui n'auraient pas été versées à des Pakistanais dans le cadre de la campagne de Balladur?", s'est encore emporté celui qui fut... ministre du Budget et porte-parole du gouvernement de l'ancien Premier ministre.

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