Un témoin raconte l'enlèvement de Guy-André Kieffer, Libération, 22 juillet 2009
Le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu en 2004 à Abidjan, enquêtait sur les malversations financières du régime de Laurent Gbagbo.
C'est peut-être le premier vrai tournant dans l'enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien, Guy-André Kieffer, enlevé à Abidjan en avril 2004 et porté disparu depuis lors. Le journaliste de France 3, Joseph Tual, a recueilli et diffusé ce mercredi le témoignage d'un homme qui, se présentant avec le grade de «major», dit avoir vu Guy-André Kieffer après son enlèvement dans les sous-sols de la présidence ivoirienne.
Aujourd'hui réfugié à l'étranger, Alain Gossé raconte l'arrivée de "GAK" à la présidence, le 16 avril 2004, et ses interrogatoires à la présidence, puis dans une villa d'Abidjan, par trois officiers proches des époux Gbagbo: l'ancien chef de la sécurité présidentielle Patrice Baï, l'officier chargé de la sécurité de Simone Gbagbo, Seka Yapo Anselme, et le capitaine Jean-Tony Oulaï.
Ces officiers, qui auraient appréhendé Kieffer sur un parking du centre d'Abidjan, semblent avoir été persuadés que journaliste était un agent des services de renseignement français. Sous pseudonyme dans la presse ivoirienne, ou dans la publication spécialisée La Lettre du Continent, Kieffer multipliait les enquêtes et les révélations sur les malversations financières du régime de Laurent Gbagbo, notamment dans la filière cacao.
Simone Gbagbo entendue en avril
Le major Alain Gossé assure aussi que "GAK" aurait été tué, deux jours après son enlèvement. Afin de «lui faire peur» pour arracher ses aveux, Jean-Tony Oulaï aurait tiré en l'air. Placé derrière le journaliste, un soldat aurait à son tour tiré deux balles de kalachnikov dans le dos de Kieffer, «par erreur», selon le témoin. Le corps de Kieffer n'a pas été retrouvé à ce jour.
Le major Gossé tend, dans son témoignage, à disculper en partie les époux Gbagbo de la fin tragique de "GAK". Selon lui, en effet, le chef de l'Etat et son épouse auraient appris, après-coup, la mort de Kieffer. Quoi qu'il en soit, les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot devront déterminer si trois officiers aussi proches de la présidence ivoirienne ont pu agir de leur propre chef.
Simone Gbagbo a été entendue en avril dernier par les magistrats français. Tout comme l'ex-ministre ivoirien de l'Economie, Paul-Antoine Bohoun-Bouabré, régulièrement mis en cause par Kieffer. Par ailleurs, le major Alain Gossé devrait être rapidement confronté au capitaine Jean-Tony Oulaï, détenu en France depuis octobre 2007, dans le cadre de cette affaire.
jeudi 23 juillet 2009
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