Le Monde | 18 décembre 2009
La décision de la cour d'appel de Paris sur la demande de remise en liberté de Pierre Falcone, condamné le 27 octobre à six ans de prison pour trafic d'armes dans l'affaire de l'Angolagate, était suivie au sommet de l'Etat.
Dès que son maintien en détention a été annoncé, jeudi 17 décembre 2009, les deux membres du parquet général qui avaient fait le déplacement jusqu'à la salle d'audience pour prendre connaissance en direct de l'arrêt de la cour sont ressortis, portables vissés à l'épaule pour transmettre l'information.
Contrairement aux réquisitions de l'avocat général Jean-François Cormaille de Valbray qui avait défendu la remise en liberté de M. Falcone, la cour souligne notamment les "risques de fuite" de l'homme d'affaires qui "dispose de moyens financiers conséquents et entretient des relations privilégiées avec des pays tiers où il pourrait trouver refuge".
La décision de la Cour d'appel de Paris vient conforter, côté angolais, une évolution impensable voici encore quelques mois. Alors que Luanda avait multiplié les pressions pour tenter d'empêcher la tenue du procès impliquant Pierre Falcone, tout semble indiquer que le régime d'Eduardo Dos Santos, au pouvoir depuis 1979, cherche aujourd'hui à prendre ses distances avec son encombrant chargé d'affaires.
Le premier témoignage de ce lâchage se lit entre les lignes du communiqué, d'apparence indigné, publié à Luanda le 29 octobre 2009, le surlendemain de la condamnation de Pierre Falcone.
Certes, ce texte exprime la "stupéfaction" du gouvernement de l'Angola devant un jugement visant des personnes ayant aidé ce pays à "garantir (sa) sécurité face à une subversion armée ". Certes, il qualifie le procès de "déséquilibré et injuste".
Mais le fait que ce communiqué ait été diffusé sans signature, signifie qu'aucun dirigeant ne souhaite l'assumer, estiment plusieurs observateurs angolais experts en langue de bois locale.
"Je n'exclus pas la disgrâce de Falcone. Sa réputation, confirmée par sa condamnation, ternit l'image du pays", avance l'un d'eux en s'appuyant sur la "déclaration de guerre totale à la corruption" lancée par le président Dos Santos un mois après le jugement.
Dans les médias, le silence est total sur le cas de l'homme d'affaires que le régime avait voulu protéger en le nommant ambassadeur à l'Unesco. Les dirigeants angolais "n'ont plus rien à faire de ce type qui les a escroqués et a failli les brouiller avec la France ", indique une source diplomatique française qui ajoute : "le président Dos Santos a tellement encensé Falcone, "le grand patriote angolais", qu'il ne peut se dédire".
Dans ce pays où se mêlent rhétorique tiers-mondiste et pratiques affairistes, chaque élément de langage, chaque omission sont sujets à interprétation. Or le fameux communiqué souligne la qualité de "citoyen français" des condamnés, oubliant que M. Falcone a également la nationalité angolaise.
Juteux marchés chinois
Les dirigeants angolais épargnés par la procédure française, reprochent à M. Sarkozy de ne pas avoir tenu ses juges. Dans le contexte autoritaire angolais, l'idée d'une justice indépendante est inconcevable.
"A l'époque des contrats d'armement, les Angolais ont traité avec Charles Pasqua car il représentait la République française. Aujourd'hui, les juges leur disent que c'est un voyou. Ils ont du mal à s'y retrouver !", constate un diplomate.
Installé à Pékin, l'homme d'affaires qui a construit sa fortune sur les juteux marchés chinois en Afrique, est aussi cité depuis cet automne dans l'affaire des pots de vin versés à plusieurs hauts responsables algériens par un groupement d'entreprises chinoises, pour remporter plusieurs marchés de l'autoroute qui doit relier l'est et l'ouest de l'Algérie.
Les Français tendent à interpréter la discrétion des réactions angolaises, comme un signe favorable à la poursuite de la forte présence pétrolière française dans l'un des premiers producteurs de brut d'Afrique subsaharienne. Alors même que s'achevait le procès de l'Angolagate, fin octobre 2009, Total annonçait une importante découverte "dans les eaux profondes de l'offshore angolais".
Philippe Bernard et Pascale Robert-Diard
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