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Le site des Inrocks achève avec cette cinquième et dernière livraison la publication du rapport « la France pillée » de l’association Anticor (association créée en 2002, regroupant des élus et des citoyens « venant de tous horizons politiques et philosophiques », dont le président d'honneur est le magistrat Éric Halphen).
Lors des épisodes précédents, l’association avait exploré différentes facettes de ce pillage : cadeaux fiscaux , naïveté des collectivités locales face aux banques qui leur ont vendu des emprunts toxiques, complaisances devant les conflits d’intérêts, braderie du patrimoine de l’État, tolérance sur les activités de lobbying, défaillances des instances de contrôle (tribunaux de commerce ou autorités indépendantes), dépénalisation silencieuse engagée sous des apparences techniques, inexécution des sanctions pécuniaires prononcées… A présent, elle passe aux propositions.
Ces dernières s’articulent autour de deux idées fortes : l’indépendance des institutions de contrôle et la surveillance citoyenne. De ce point de vue, le projet de loi visant à instituer un secret des affaires (voir notre chronique précédente) est un sérieux coup porté à l’alerte éthique que ce rapport propose d’institutionnaliser et de protéger (boîte mails, numéro vert, alerte justice…).
Au total, Anticor fait 23 propositions pour agir parmi lesquelles :
* L'interdiction de confier des marchés publics à des entreprises installées directement ou indirectement (filiales) dans des paradis bancaires et fiscaux. De même, les collectivités locales ne doivent pas entretenir de liens financiers avec des établissements qui ont des activités dans ces mêmes paradis fiscaux.
* Le rétablissement des dispositions de la loi du 4 janvier 2001 pour donner aux comités d’entreprise l’information nécessaire sur les aides publiques dont bénéficie leur société, et leur permettre d’alerter les autorités si ces aides ne sont pas utilisées conformément à leur objet.
* La surveillance citoyenne de l’exécution des marchés publics et notamment renforcement du rôle des commissions d’usagers de service public.
* L'interdiction des cumuls de fonction pour tout membre d’une instance de contrôle en lien avec l’objet contrôlé.
* L'interdiction du lobbying.
* La possibilité d’action de groupe citoyenne, notamment pour saisir les juridictions.
* Faire de l’absence de condamnation pour corruption une condition d’éligibilité.
* Surveiller la réelle exécution des peines civiles et pénales infligées aux élus.
On le voit, ces propositions n'ont rien d'extravagant ni d'extraordinaire. Elles semblent au contraire découler d'une posture très pragmatique et de l'observation de la réalité des conduites de nombre de responsables politiques. Elles pourraient ainsi constituer le socle d'une réforme majeur de la démocratie française.
L'association Transparency Internationale positionne la France seulement à la 25ème place dans le classement mondial de la corruption par pays, loin derrière la plupart des pays occidentaux et même certains pays d'Amérique du Sud.
Voilà un bel enjeu pour les élections présidentielles de 2012. Les candidats - en particulier ceux qui sont si prompts à parler de la délinquance des habitants des quartiers pauvres - auront-ils le courage de s'attaquer aussi à la délinquance des élites ?
Références
- Le dossier « Délinquances économiques et financières, délinquance des élites » réalisé par Thierry Godefroy (CNRS, Cesdip).
- Un précédent billet publié sur ce blog sur les représentations de la corruption en France.
- Une tribune publié par Le Monde le 13 novembre 2010 : «Délinquance économique : l'impunité s'accroît en France» (par Thierry Godefroy et Laurent Mucchielli).
lundi 13 juin 2011
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