vendredi 30 octobre 2009

L’affaire des chargés de mission de la ville de Paris

AFP - 30/10/2009

Voici les principaux rebondissements de l’affaire qui a valu à l’ancien chef de l’Etat, Jacques Chirac, d’être renvoyé devant le tribunal correctionnel.

1999

6 janvier : Instruction ouverte à Paris pour faux en écritures publiques, prise illégale d’intérêt, détournement de fonds publics, recel, complicité et destruction de preuves, après la plainte d’un contribuable en décembre 1998.

2002

28 novembre : L’ex-ministre Robert Pandraud, ancien directeur de cabinet de Jacques Chirac, est mis en examen. Il est soupçonné d’avoir signé cinq contrats. 43 emplois fictifs auraient été signés sous Jacques Chirac (1977-1995) et Jean Tiberi (1995-2001) pour 4,5 millions d’euros.

2003

8 janvier : Daniel Naftalski, directeur de cabinet de Jacques Chirac à l’Hôtel de Ville (1986-1989), est mis en examen. Ses successeurs Michel Roussin (1989-1993) et Rémy Chardon (1993-1995) le sont les 23 janvier et 7 février.

1er avril : Raymond-Max Aubert, directeur-adjoint de cabinet de Jacques Chirac (1988-1989), est mis en examen. Maire de Tulle, conseiller général RPR, il aurait eu, de 1988 à 1992, un collaborateur payé par la Ville.

13 septembre : Le député UMP de Paris, Jean De Gaulle, est mis en examen pour avoir bénéficié d’une assistante en 1990-1991, payée par la Ville. On apprend les mises en examen de Marie-Thérèse Poujade, épouse de l’ex-maire RPR de Dijon, Robert Poujade, pour un emploi fictif (1981-1993), Bernard Bled, directeur de cabinet de Jean Tiberi (1995-1998), François Debré, frère de Jean-Louis, Michelle de Charette, épouse de l’ex ministre Hervé de Charette, et Marc Blondel, alors secrétaire général de FO.

5 décembre : La cour d’appel de Paris juge prescrite une grande partie du dossier. Ne subsistent que les poursuites à l'encontre de Michel Roussin, Rémy Chardon et Bernard Bled pour "faux en écritures par dépositaire de l’autorité publique", infraction criminelle prescrite après 10 ans et non 3.

2004

2 décembre : La Cour de cassation casse l’arrêt du 5 décembre 2003.

2006

8 décembre : Le parquet général de Paris requiert l’annulation des mises en examen de Naftalski, Pandraud et Roussin, qui n’étaient pas dépositaires d’argent public et ne peuvent être selon lui poursuivis pour détournement de fonds publics.

2007

16 février : La cour d’appel valide les mises en examen.

15 mai : Alain Juppé est entendu comme témoin, en sa qualité d'ancien adjoint aux finances de la mairie.

23 juin : L’avocat de Chirac conteste une information selon laquelle le président aurait été convoqué par les juges.

26 juin : La Cour de cassation confirme les mises en examen.

5 septembre : La police financière enquête sur Claude Chirac, conseillère à la mairie de Paris de 1989 à 1993 et salariée d’une société privée. Claude Chirac n’a reçu «aucune convocation» judiciaire, affirme son entourage.

21 novembre : Jacques Chirac est mis en examen pour "détournements de fonds publics" par un juge. Il reconnaît avoir "souhaité ou autorisé", les recrutements de chargés de mission "légitimes" dans une tribune publiée par Le Monde.

2008

4 août : Claude Chirac est entendue comme témoin par les policiers de la Division nationale des investigations financières (Dnif).

2009

Avril : La juge d'instruction Xavière Simeoni boucle son enquête.

28 septembre : Le parquet de Paris requiert un non-lieu général. La juge doit encore décider d'un éventuel renvoi en correctionnelle.

30 octobre : Jacques Chirac est renvoyé en correctionnelle pour «21 supposés emplois fictifs» à la mairie de Paris. Selon son service de presse, l'ancien président aurait bénéficié d'un non-lieu pour faux en écriture publique.

Emplois fictifs : Chirac renvoyé devant la justice

Le Figaro - 30/10/2009

La juge d'instruction Xavière Simeoni a estimé que les charges contre l'ancien chef d'État étaient suffisantes pour qu'il soit jugé. Une première dans l'histoire de la Ve République française.

C'est fait. Vendredi matin, la juge d'instruction Xavière Simeoni n'a pas suivi les réquisitions de non-lieu général du parquet et décidé le renvoi devant un tribunal correctionnel de Jacques Chirac. L'ancien président est spouçonné de «détournement de fonds publics» et «d'abus de confiance». Il est poursuivi pour «21 supposés emplois fictifs», du temps où il occupait le fauteuil de maire de Paris. Ce serait la première fois qu'un ancien président de la République français se retrouve devant la justice.

En théorie, le chef de «détournement de fonds publics» est punissable de dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amendes (article 432-15 du code pénal). Celui d'«abus de confiance» est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende (article 314-1du code pénal). Le procureur de la République de Paris Jean-Claude Marin pourrait faire appel de la décision de la juge d'instruction.

L'ancien chef d'Etat a pris «acte de cette décision, en justiciable comme les autres», indique un communiqué. «Il est serein et décidé à établir devant le tribunal qu'aucun des emplois qui restent en débat ne constitue un emploi fictif», ajoutent ses services. Le bureau de Jacques Chirac note que l'ancien président et neuf autres personnes sont renvoyées «pour 21 supposés emplois fictifs, sur les 481 emplois examinés par la justice, ce qui exclut toute idée de système durant la période où il a été maire de Paris».

«Un acharnement»

Interrogé sur France 3, l'avocat de Jacques Chirac, Jean Veil, «ne (s)e plain(t) pas du problème de la durée de la procédure et de l'ancienneté des faits». «Qu'il puisse y avoir acharnement dans un dossier dont j'ai le sentiment qu'il a été instruit exclusivement à charge, c'est autre chose»,a-t-il ajouté.

Si son nom est apparu dans plusieurs affaires, celle des chargés de mission est la seule pour laquelle Jacques Chirac a été mis en examen. L'ancien président de la République (1995-2007), protégé pendant 12 ans par sa fonction à la tête de l'Etat puis redevenu justiciable ordinaire, avait été mis en examen le 21 novembre 2007 pour «détournement de fonds publics» dans ce dossier d'emplois de complaisance présumés payés par le cabinet du maire de Paris, fauteuil occupé par Jacques Chirac de 1977 à 1995.

Sont également renvoyés en correctionnelle avec Jacques Chirac deux de ses anciens directeurs de cabinet, Michel Roussin et Rémy Chardon, ainsi que sept bénéficiaires d'emplois présumés fictifs. Parmi ces derniers, François Debré, frère de l'actuel président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré, l'ancien patron du syndicat Force ouvrière Marc Blondel et Jean de Gaulle, petit-fils du fondateur de la Ve République. Deux autres anciens directeurs de cabinet de Jacques Chirac, Robert Pandraud et Daniel Naftalski bénéficient d'un non-lieu en raison de la prescription des faits. C'est aussi le cas pour Bernard Bled, ancien secrétaire général de la mairie et ex-directeur de cabinet de Jean Tibéri et pour sept autres personnes.

L'instruction menée par la magistrate vise des emplois présumés fictifs sur une période courant de 1983 à 1998, soit du début du deuxième mandat de Jacques Chirac à la mairie aux trois premières années de son successeur Jean Tiberi. Jacques Chirac avait endossé la responsabilité de ces embauches, arguant de leur utilité, et nié tout détournement.

samedi 24 octobre 2009

Chargés de mission de la Ville de Paris: Ce que Jacques Chirac a dit au juge

Laurent Valdiguié - Le Journal du Dimanche - Samedi 24 Octobre 2009

Le JDD révèle cinq longues auditions, jusque-là secrètes. Cent sept pages de procès-verbaux signées de la main de l’ancien président de la République. Jacques Chirac, mis en examen pour détournement de fonds publics, a été entendu à cinq reprises par la juge Xavière Simeoni, entre le 21 novembre 2007 et le 3 juillet 2008. Un récit au cas par cas.

Première audition: le système

8 h 25, ce 21 novembre 2007. Jacques Chirac a quitté l’Elysée depuis le printemps. Pour commencer, il est interrogé sur le fonctionnement de son cabinet. "Le Maire de Paris est un maire qui est à la tête d’une administration très importante constituée d’environ 40 000 agents et qui gère un budget de l’ordre de 5 milliards d’euros… Il est exact que lorsque je suis arrivé à la tête de l’hôtel de ville de Paris, la situation que j’y ai trouvée était une situation un peu curieuse puisqu’il s’agissait d’une administration dirigée par un préfet… Je dois dire que cela ne correspondait pas tout à fait à l’idée que l’on peut se faire aujourd’hui de la démocratie." La juge l’interroge sur ses différentes fonctions : "Je souligne que je suis quelqu’un qui a toujours énormément travaillé, sans prendre de vacances ni même de jours de repos", se défend Jacques Chirac. Interrogé sur les déclarations de l’ancien directeur du personnel, Georges Quémar, et sur le "système des emplois fictifs", le Président se dit "étonné de telles déclarations". "Les chargés de mission plus particulièrement affectés à mon cabinet poursuivaient l’objectif de participer à la direction des grandes administrations de la ville… Il s’agissait de gens compétents, motivés, politiquement de la même famille que celle du maire." D’entrée de jeu, Jacques Chirac dit "assumer la totale responsabilité de ces recrutements".

Deuxième audition: la mécanique

Cette fois-ci, la juge décortique les embauches de cabinet. "Il n’y avait pas de règles générales qui présidaient au recrutement de ces chargés de mission", se défend d’abord Jacques Chirac. Xavière Simeoni lui lit les déclarations de Jean-Paul Garotte, l’agent administratif spécialement chargé des contrats litigieux. "Au départ, en 1997, il y avait 18 chargés de mission… et lorsque j’ai cessé mes fonctions fin 1999, il y en avait 699, toutes catégories confondues." "Etiez-vous au courant de cette procédure ? interroge la magistrate. – Je n’étais pas au courant sur le plan pratique de la procédure… Je dois dire que je n’ai jamais eu affaire à cette personne", répond l’ancien maire. "Comment interprétez-vous les termes d’une conversation rapportée par Garotte au cours de laquelle Michel Roussin lui aurait dit “Garotte, les dossiers que vous avez, c’est de la dynamite” ? questionne Xavière Simeoni. – Je connais bien Michel Roussin et je le vois mal utiliser une telle expression… De plus, je vois mal pourquoi cet agent d’exécution aurait pu détenir des dossiers contenant de la dynamite", réplique l’ancien Président. Autre interrogation, la raison pour laquelle des dossiers administratifs auraient été détruits : "J’ai compris que ces dossiers auraient été expurgés après mon départ de la mairie de Paris… je n’ai évidemment donné aucune instruction à cet égard", réagit-il. Interrogé aussi sur les dysfonctionnements repérés par la chambre régionale des comptes (103 agents en 1994 alors que la loi permettait le recrutement maximum de 33 collaborateurs), l’ancien maire dit "en prendre connaissance". Tout comme il découvre que de 1983 à 1998 le préfet n’avait exercé aucun contrôle de légalité sur ces emplois. "Je ne savais pas, je ne peux donc en expliquer les raisons", s’excuse-t-il. Fin de l’entrée en matière.

Troisième audition: la Corrèze et "Réussir l’an 2000"

Après avoir campé le décor, la juge entre dans l’examen au cas par cas. Deux thèmes à l’ordre du jour : les Corréziens et les cinq chargés de mission de la cellule "Réussir l’an 2000", que les enquêteurs soupçonnent en fait d’avoir travaillé au QG de Jacques Chirac pour la présidentielle de 1995. L’ancien maire commence par une déclaration spontanée : "Pour des faits datant de vingt ans et plus, les souvenirs et les témoignages ne peuvent, en effet, être qu’incertains. Nul ne pourrait s’étonner que je puisse avoir, après toutes ces années au cours desquelles j’ai été accaparé par tant d’autres préoccupations, que de vagues souvenirs sur la situation de ces personnes." Concernant la "cellule corrézienne", la juge entame par le cas de Jean-Marie Roche, qui était affecté à la permanence du député Chirac à Ussel. "Il pouvait, mieux que personne, faire le tri entre les demandes plus ou moins sérieuses adressées par les Corréziens au maire de Paris, se défend le mis en examen. Je dois signaler que j’avais clairement exposé un principe selon lequel les demandes des Corréziens ne devaient pas faire l’objet d’un traitement privilégié", insiste-t-il. Coût de l’emploi pour la ville : 244 000 eiros. "Il semble que cette collaboration était plus utile au député qu’au maire", remarque la juge. Jacques Chirac n’a en revanche "aucun souvenir" d’un emploi mis à la disposition du député de Corrèze Raymond-Max Aubert, ou d’un salaire pour André Vidal, maire de Soussac. Pour une autre chargée de mission corrézienne, il indique qu’il s’agissait "d’une fille intelligente" : "J’ai estimé qu’elle pouvait fournir un travail utile de synthèse du nombre important de livres que je recevais." Interrogé sur les cinq emplois affectés au siège de l’association "Réussir l’an 2000", boulevard Saint-Germain, Jacques Chirac n’en garde "aucun souvenir". Montant des salaires : 381 000 euros. "Il n’y avait rien d’anormal sans que cela nuise à l’accomplissement de leur mission pour la ville qu’ils participent aux travaux de cette association", se défend-il.

Quatrième audition: Le CNI et les associations diverses

Quinze emplois présumés fictifs au programme. La ville a salarié six permanents du CNI, le Centre national des indépendants, un parti politique proche du RPR, pour un montant de 458 000 euros. "Je prends acte de l’état de l’enquête, réagit Jacques Chirac. J’en revendique totalement la responsabilité. Pour des raisons politiques, j’avais besoin derrière moi d’un CNI qui soit ferme et je considère que cela relève exclusivement de l’appréciation du maire de Paris." La juge passe ensuite à neuf chargés de mission affectés à des associations, comme le Club 89 ("une association respectable", commente Chirac), l’association "Sécurité et paix publique", ("Cette association ne me dit absolument rien"), "l’Institut pour la démocratie", ("Cela paraissait être la vocation de la ville"). "Pas de souvenir", déclare-t-il. En revanche, l’ancien Président revendique l’emploi de Pierre Figeac à la tête de l’Association internationale des maires francophones, "l’agence de coopération de la Ville de Paris", précise-t-il. Il assume aussi l’emploi d’un garde du corps de Marc Blondel, le patron de FO (qui a remboursé depuis), mais ne se souvient pas d’Hubert Chavelet, un proche de Gaston Flosse, qui percevait 3.800 euros mensuels, pour animer une association dans le Pacifique Sud : "Je ne peux pas dire qui avait demandé son recrutement… A ma connaissance, Gaston Flosse n’est pas intervenu." Montant total de tous ces salaires pour la ville : 931 000 euros.

Cinquième audition: les collaborateurs d’élus et les proches

Dix-sept contrats au menu, prévient la juge, dont "dix affectés à des élus", "trois paraissant être des purs emplois de complaisance" et "deux attribués à des sportifs". Pour la première catégorie, Jacques Chirac doit s’expliquer sur les trois collaborateurs payés à Jean de Gaulle, député des Deux-Sèvres, dont "un nègre" chargé de lui rédiger des discours. Chirac ne connaît pas les personnes, mais "avait beaucoup d’amitié et d’estime" pour le parent du Général. "Jean de Gaulle a été conseillé pour les affaires africaines", précise-t-il. Pour d’autres collaborateurs de députés ou d’anciens élus RPR, le maire "prend acte". Plus gênant, l’emploi d’un chauffeur pour Lucien Lanier, ancien préfet devenu sénateur du Val-de-Marne. Les enquêteurs ont retrouvé son contrat, signé de la main du maire de Paris. "Il s’agissait d’une coutume… La tradition voulait qu’un ancien préfet bénéficie d’un chauffeur", explique le signataire. Autre emploi, celui d’un proche de Brice Lalonde, Yves Manciet : "Il était mon agent de liaison avec les Verts non radicaux", détaille Chirac. Gênants aussi les 442 000 euros versés à Mme Poujade, l’épouse du maire de Dijon, qui a admis n’avoir jamais mis les pieds à la mairie. "Il s’agissait d’une femme très brillante qui a été pour moi une collaboratrice très efficace dans le domaine de l’éducation", avance le mis en examen. L’enquête a pourtant établi qu’elle avait des problèmes de santé… François Debré, lors de l’enquête, a admis "quelques rapports verbaux" justifiant son salaire. "Ses liens avec la communauté asiatique étaient très importants et très utiles à la mairie de Paris, expose Jacques Chirac. Je pense que les propos qu’il a pu tenir sur son emploi n’étaient pas dénués d’un esprit provocateur", ajoute-t-il. L’épouse de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mme de Charette, a elle aussi eu beaucoup de mal à justifier son double contrat, à la Ville et au département de Paris. "Je suis stupéfait et choqué de cette situation", relève le maire, qui n’en a pas gardé de "souvenir". Chirac maintient en revanche l’utilité de l’embauche d’assistants pour les deux sportifs, comme celui mis à disposition de Jeannie Longo. Sommes totales évoquées ce jour-là : 2,2 millions d’euros. Au moment de conclure, Jacques Chirac assure "assumer la responsabilité de ces recrutements, même si, pour la plupart d’entre eux, je ne les connaissais pas". Sommes en jeu, pour les 35 emplois évoqués : 3,5 millions d’euros.

vendredi 23 octobre 2009

En Suisse, une enquête sur des pots-de-vin pourrait menacer Sarkozy

En Suisse, une enquête sur des pots-de-vin pourrait menacer Sarkozy, veilleur de jour, 23 octobre 2009

Ce vendredi, le quotidien suisse Le Temps met en évidence le volet genevois de l’affaire des rétrocommissions sur la vente de sous-marins par la France au Pakistan. Affaire déjà évoquée sur ce blog. Sylvain Besson commence fort son article : “«Ce qui se dit, c’est que Sarkozy a toutes les chances d’être réélu en 2012, sauf si ce dossier explose.» Cette petite phrase d’un connaisseur de l’affaire donne une idée de l’intérêt que suscite, en France, un volet oublié de l’enquête genevoise sur les pots-de-vin destinés aux dirigeants du Pakistan. Cette procédure a été classée l’an dernier à la demande du principal mis en cause, Asif Ali Zardari, le veuf de Benazir Bhutto, devenu président pakistanais. Mais elle a permis de découvrir un ensemble de versements suspects, partant de comptes suisses et de sociétés liechtensteinoises vers des bénéficiaires finaux en France et en Espagne. L’ordre de grandeur de ces flux serait d’une douzaine de millions de francs.”

Sylvain Besson avait déjà écrit sur cette affaire en juillet dernier : “Selon Olivier Morice, avocat des familles des victimes de l’attentat de Karachi, «il y a des comptes en Suisse, c’est très clair», et les commissions destinées au Pakistan sont passées par eux. Des documents publiés par le site Bakchich.info livrent le nom d’un intermédiaire, Ziad Takieddine (photo), et de sa société Mercor, à qui ont été promis 4% du montant du contrat.

Mercor était gérée par un avocat genevois, Hans-Ulrich Ming. «Je suis tout à fait lié par le secret professionnel, explique-t-il au Temps. Il me faudrait l’autorisation du bâtonnier pour aller regarder mes archives. C’est une affaire tellement vieille…» Interrogé par L’Express , Ziad Takieddine affirme n’être «pas intervenu dans cette affaire» et n’avoir perçu «aucune commission».”

L’enquête ouverte en France s’intéresse aussi à l’aspect financier du contrat. Et sur ce point, les enquêteurs suisses sont formels: «Il y a, dans notre dossier, beaucoup de réponses aux questions que se posent les Français.»

En tous cas, deux livres et une émission de Canal + sont en préparation, pour explorer d’hypothétiques connexions entre la vente des sous-marins et l’attentat qui a coûté la vie à 11 ingénieurs venus les assembler, en 2002 à Karachi.

mercredi 21 octobre 2009

L’affaire que Nicolas Sarkozy surveille de très, très près

L’affaire que Nicolas Sarkozy surveille de très, très près, veilleur.blog.lemonde.f, 20 octobre 2009
[veilleur.blog.lemonde.fr]

Il n’y a pas que Clearstream qui mobilise en ce moment l’attention du chef de l’Etat. Le journal Bakchich Hebdo daté du 7 octobre avait révélé le contenu des cahiers de Gérard-Philippe Menayas, ancien directeur financier de la direction des Constructions navales (DCN). La DCN est bien connue pour avoir fabriqué les frégates de Taïwan. Les carnets sont placés sous scellés au pôle financier. Et que disent ces fameux cahiers ? Ils évoquent des noms de personnalités politiques, de gauche comme de droite. D’Edouard Balladur à Elisabeth Guigou en passant par… Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua. Ceux-ci auraient perçu des commissions pour l’exécution des grands contrats de la DCN internationale et notamment au moment de la vente de frégates à Taïwan et de sous-marins au Pakistan.

Mediapart , le 16 octobre indiquaient que “selon une enquête interne à la DCN, menée en 2002 sous le nom de code «Nautilus» par un ancien agent de la Direction de la surveillance du territoire (DST), Claude Thévenet, les causes véritables de l’attentat, initialement imputé à la mouvance Al-Qaida, seraient en réalité liées au non-versement de commissions occultes dues par la France à des officiels pakistanais. (…) L’arrêt de ces paiements fut le fait, en juillet 1996, du nouveau président de la République, Jacques Chirac. Celui-ci aurait alors suspecté son rival de l’époque, Edouard Balladur, d’avoir financé illégalement sa campagne présidentielle de 1995 à la faveur de deux gros contrats d’armement signés sous son gouvernement.”

L’ancien directeur général délégué de DCN Alex Fabarez entendu le 2 octobre par les magistrats, affirme qu’une partie de ces commissions a continué d’être versée jusqu’en 2008, selon des sources proches du dossier, confirmant une information de Libération.

Dans un document interne de DCN non datée, que l’AFP a consulté et révélé par Médiapart, l’entreprise évoque les soupçons de rétrocommissions, illégales mais non prouvées à ce stade.”En juillet 1996, les paiements sont bloqués sur instruction des autorités françaises faisant état de retours illicites de tout ou partie des commissions en France”, est-il noté dans ce document intitulé “Concultancy agreement 12 juillet 1994 - Note sur le dossier”.

Nicolas Beau et Xavier Monnier, dans Bakchich, précisaient que “à la manœuvre de tout le système servant à alimenter les caisses noires des partis politiques, se trouvait un personnage forcément discret, Jean-Marie Boivin, alias Bacchus. Un monsieur au mieux avec l’ensemble du personnel politique tricolore. Sous Chirac, Bacchus avait ses entrées à l’Élysée. Et ce sont les confidences de cet homme de l’ombre, consignées par le scrupuleux Menayas, qui tourmentent un président de la République qui l’est déjà trop. L’encombrant « verbatim » signé Gérard Menayas est aujourd’hui dans les scellés d’une discrète instruction menée par les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin.”

Samedi dernier, Libération consacrait trois pages à cette affaire. Avec un article sur Bacchus : “C’est le fantôme de l’affaire DCN. Jean-Marie Boivin, en charge des commissions offshore, était convoqué jeudi [15 octobre] par les juges d’instruction. Il n’est pas venu : partie remise… Boivin, dit «Bacchus», a longtemps été membre de l’état-major du fabriquant de sous-marins avant de s’installer au Luxembourg pour prendre directement en main la structure chargée de répartir les flux financiers : Eurolux. Toujours inconnu de la justice française, Bacchus ne l’est pas de Sarkozy, qui surveille l’affaire DCN comme le lait sur le feu.”

Renaud Lecadre concluait cet article avec cette précision : “Heureusement pour Sarkozy, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, veille au grain. Dans une note au parquet général, remontant illico à la chancellerie et à l’Elysée, il écrivait en 2007 que «le périmètre le plus pertinent d’une éventuelle information exclut en l’état les faits relatifs à des structures écran». Hélas pour lui, les juges antiterroristes sont en train de faire exploser le périmètre.”

Dans l’article principal de Libération, Guillaume Dasquié et Renaud Lecadre constatent la “panique dans les palais nationaux” et cite Jean-Claude Marin : «Un document non daté et non signé laisse supposer des relations ambiguës avec les autorités politiques en faisant référence au financement de la campagne électorale de M. Balladur en 1995 […]. Le contentieux a été l’occasion de menaces proférées par les dirigeants des sociétés écrans de révéler la nature des missions qui leur avaient été confiées..».”

Le nouvelobs.com notait que “quelques lignes du cahier de Gérard-Philippe Menayas à propos du patron du parquet de Paris Jean-Claude Marin, sèment le trouble quant à l’avenir de l’information judiciaire : “JC Marin, petit frère, pilote l’instruction, dont il a sérieusement réduit le périmètre”. Et le site de se demander : “Bref, les éléments embarrassants vont-ils finir aux oubliettes ?”

Jean-Claude Marin… oui, c’est bien le même qui, aujourd’hui, livre ses réquisitions au tribunal correctionnel dans le procès Clearstream.

lundi 12 octobre 2009

"L'affaire de Karachi" libérée du secret défense

Par Eric Pelletier, lexpress.fr, le 12/10/2009

Comme le réclamaient les juges d'instruction français chargés de l'enquête, le ministre de la Défense déclasse 40 documents relatifs à l'attentat de Karachi.

Le ministre de la Défense va lever le secret défense dans l'affaire dite "de Karachi": en mai 2002, au Pakistan, un kamikaze jetait sa voiture bourrée d'explosif contre un bus transportant des salariés de la Direction des constructions navales (DCN), tuant 14 personnes, dont 11 Français.

Sans surprise, Hervé Morin a suivi l'avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), qui s'est prononcée pour la déclassification de 40 documents de la DGSE, le service de renseignement extérieur français.

L'enquête menée par les services pakistanais a d'abord conclu à l'implication d'islamistes locaux. Mais deux juges antiterroristes français, Yves Jannier et Marc Trévidic, cherchent à vérifier l'hypothèse d'un contentieux franco-pakistanais ayant pour origine le non-versement des commissions promises.