mercredi 29 septembre 2010

De la complaisance à l'égard de l'éthique publique

Le Monde, 29 septembre 2010

Jean-Marc Fedida, avocat

Nous étions jeunes et sans doute un peu idéalistes lorsque nous lancions dans les années 1995, avec l'Association des contribuables parisiens, les premières banderilles contre l'Etat RPR de la Ville de Paris. Et dénoncions l'attribution de logements abusifs à des amis politiques ou les travaux effectués par les Tibéri pour meubler en marbre de comblanchien les appartements de la ville pour leur fils.

Un parquet de complaisance refusait avec obstination d'ouvrir les enquêtes. Pourtant, lorsqu'il m'est advenu de défendre le directeur général adjoint de l'OPHLM de la Ville de Paris, celui-ci n'a eu de cesse de dévoiler à la face du magistrat désigné la façon dont la ville de Paris gérée par le RPR avait transformé ses missions en autant d'acte de campagne et de clientélisme. François Ciolina fut néanmoins condamné.

De même Didier Schuller, exilé pendant sept années avant de pouvoir se présenter devant ses juges, puis jeté en prison ; lui non plus ne cessait de clamer que les pratiques politiques de l'époque comportaient des collectes de fonds auprès des entreprises amies, récompensées par l'attribution de marchés publics. Il fut lourdement condamné en première instance, dans une atmosphère de lynchage.

Xavière Tiberi fut poursuivie par le département de l'Essonne pour avoir bénéficié d'un emploi fictif, le fameux rapport sur la francophonie, sans toutefois être condamnée ; la procédure fut annulée sur l'insistance de son conseil et surtout du procureur de la République puis du procureur général. Son mari, Jean Tiberi, président de l'Office d'HLM de Paris fut mis en examen et poursuivi pour avoir lui aussi fermé les yeux sur ses conditions de fonctionnement. Il entraîna la droite dans le discrédit et permit qu'advienne une nouvelle majorité dite de gauche, porteuse, alors, de la promesse d'une gestion moins clientéliste et plus transparente.

Et je ne parlerai pas de Michel Roussin, rude fantassin, poursuivi, mis en examen et incarcéré. Ni d'Alain Juppé, lui aussi poursuivi et condamné pour avoir employé fictivement des salariés, payés par la collectivité des contribuables et occupés à servir la machine RPR.

Pourquoi ne pas parler, alors, de Jacques Chirac, qui, au moins partiellement, a dû son élection aux moyens mis à sa disposition par le contribuable parisien ? Il était le chef de ce parti politique.

Le conseil municipal de Paris a décidé que l'affront fait à la démocratie et au contribuable, pouvait se monnayer, se rembourser... avec les fonds publics qui abondent l'UMP, dernière mue du RPR. L'UMP va donc dispenser un peu de sa manne publique pour régler les vieilles dettes de son chef... à l'égard du contribuable ! C'est la première mauvaise morale de l'histoire, le détournement de la démocratie et de l'éthique politique à donc un prix pour la coalition PS-UMP qui a voté le retrait de sa constitution de partie civile, contre un chèque tiré sur le contribuable. La seconde mauvaise morale de cette histoire est que l'honneur de la démocratie à un prix qui ne va pas au-delà de la créance de la collectivité publique, et tant pis pour l'honneur !

Belle leçon pour l'histoire, le parquet, rugissant contre les Schuller, les Juppé, les Roussin, les Ciolina et tant d'autres, donneur de leçons d'éthique, sera taisant au procès de celui qui était le chef du parti. La Ville de Paris encaissera son chèque et laissera pour l'histoire l'injure faite à l'institution.

Honte à ceux qui hier étaient dans la conspiration de l'aveuglement et qui ont, aujourd'hui, sombré dans la conjuration impardonnable de la complaisance à la compromission de l'éthique de la chose publique !
Jean-Marc Fedida, avocat

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