lundi 6 décembre 2010

Marseille: La chute du cadet des Guérini

lejdd.fr, 4 décembre 2010

En prison depuis mercredi dernier, le frère du président du conseil général des Bouches-du-Rhône a fait appel vendredi de son placement en détention. Il est soupçonné de détournement de fonds et de corruption.

Ce dimanche, Lord du Sud a été vendu à Deauville. Le propriétaire de cet étalon, Alexandre Guérini, n' a pas assisté à cette vente, ni à celle des foals et yearlings qu’il cède en même temps: il est incarcéré à la maison d’arrêt de Luynes, près d’Aix-en-Provence.

Interpellé lundi dernier, le frère cadet du patron du conseil général et du PS des Bouches-du-Rhône a été placé en détention provisoire mercredi soir. Il venait d’être mis en examen pour "abus de biens sociaux, détournement de fonds et de biens publics, recel, corruption active, trafic d’influence et détention de munitions".

En bloc, il "conteste toute implication dans les faits qui lui sont reprochés", indique Emmanuel Molina, un de ses avocats. Et parce qu’il juge son placement en détention provisoire "particulièrement injustifié", il a fait appel de cette mesure vendredi après-midi.

Dans le cadre de son enquête sur des fraudes présumées dans l’attribution et l’exploitation de marchés publics, le juge Charles Duchaine a entendu cette semaine 19 autres personnes, dont six ont été mises en examen: la compagne d’Alexandre Guérini, un de ses associés et des fonctionnaires des agglomérations d’Aubagne et de Marseille.

"Coup politique" ou "opération mains propres"?

Sur le Vieux Port, la gauche a dénoncé "un coup politique" et la droite a applaudi le début d’une "opération mains propres". Mais pour Me Florence Rault, autre conseil du patron de décharges, "le juge va avoir un mal fou à établir les infractions qu’il impute à mon client. En entretenant fantasmes et amalgames, il continue à faire fausse route".

Qu’est-il exactement reproché à Alexandre Guérini? Via ses sociétés SMA Environnement et SMA Vautubière, des tricheries sur les pesées de déchets; le traitement de "déchets privés" grâce à des fonds alloués pour traiter des "déchets publics"; des surfacturations et le recours à des sous-traitants proches du grand banditisme (d’où les suspicions de blanchiment).

Les enquêteurs le soupçonnent aussi d’avoir utilisé son influence acquise en tant que "frère de" pour procurer des logements HLM à des "amis"… et pour faciliter l’obtention de certains marchés publics – déchets, photocopieurs, peut-être aussi transports et maisons de retraite – organisés par des institutions où le poids politique de son frère est grand. A chaque fois, son nom aurait constitué un efficace sauf-conduit.

Son omniprésence à la communauté urbaine intrigue

Son omniprésence à la communauté urbaine de Marseille, enfin, intrigue. Il n’y dispose d’aucun mandat officiel, mais selon plusieurs témoignages, il aurait développé une certaine emprise sur des élus et des fonctionnaires, fondée sur un mélange d’intimidation, de charme et de contreparties.

Le président de cette institution, Eugène Caselli (un proche de Jean-Noël Guérini), a d’ailleurs reconnu cette semaine auprès de nos confrères de La Provence qu’Alexandre Guérini était "très présent" au sein de Marseille Provence Métropole (MPM), même si, précise-t-il mystérieusement, "cela ne se faisait pas dans nos locaux".

Témoin direct de diverses manœuvres, un membre de la commission d’appel d’offres de MPM, l’élu (UMP) Xavier Cachard décrit aujourd’hui au JDD les étranges conditions dans lesquelles se sont déroulées des attributions de marchés publics consacrés au nettoyage et à la collecte de déchets: "Il fallait retenir le candidat le plus cher et le moins performant", raconte-t-il, encore estomaqué. Au siège de la communauté urbaine, Alexandre Guérini pouvait compter sur un relais: Michel Karabadjakian.

Directeur de la propreté à MPM, il a été mis en examen pour "trafic d’influence" et "corruption passive" par le juge Duchaine. Devant les gendarmes de la cellule "Déchets 13", il avait expliqué qu’il n’avait pas été recruté par Eugène Caselli mais par le cadet des Guérini, avant de faire en sorte que les sociétés de son choix soient avantagées. "M. Karabadjakian était reconnaissant à Alexandre Guérini de l’avoir proposé à ce poste, avance son avocat, Michel Pezet; 7.200 euros par mois, c’était une position intéressante. Alors, c’est vrai, il s’est ensuite un peu laissé faire au niveau des sollicitations."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire