lejdd.fr, 4 décembre 2010
D’origine modeste, corses et autodidactes, les deux gamins du Panier disent avoir construit leurs carrières en parallèle. Politique et affaires jamais mêlées…
"Avez-vous lu Les Frères corses, d’Alexandre Dumas? Un livre magnifique, tout y est dit sur la fratrie et la corsitude." Un sourire, une allusion littéraire, et voilà une élégante façon de botter en touche. Prudence politique oblige, ne comptez pas sur Michel Pezet, conseiller général (PS) et éminent avocat marseillais, pour spéculer sur le degré d’intimité des frères Guérini. C’est vrai qu’elle est romanesque à souhait, l’histoire de Jean-Noël et Alexandre, les deux gamins du Panier, le fief corse de Marseille; l’histoire de cette formidable ascension politique de l’aîné, sénateur et président (PS) du conseil général des Bouches-du-Rhône, jusqu’à la retentissante chute du cadet, l’homme d’affaires spécialisé dans le traitement des déchets, aux comptes (trop?) florissants, qui dort depuis mercredi dans une cellule de la prison de Luynes.
"Mon frère est mon frère et le demeurera toujours. Mais lui c’est lui, et moi c’est moi." Jean-Noël, 59 ans, a beau proclamer ces jours-ci, la main sur le cœur, qu’il ne savait rien des affaires de son cadet, et protester contre ce qu’il dénonce être un "lynchage médiatique", beaucoup se demandent à Marseille jusqu’où allait la solidarité familiale chez les Guérini. "Alex était partout. On le surnommait 'Monsieur Frère'. Il était dans l’ombre de son aîné Jean-Noël au conseil général, au Parti socialiste, à la communauté urbaine de Marseille. Comment imaginer que l’un puisse ignorer les agissements de l’autre?" s’indigne Renaud Muselier, l’élu UMP qui avait été le premier à dénoncer un "système", en novembre 2009, alors que les ennuis judiciaires d’Alexandre commençaient.
"Biberonnés au système de l’entraide familiale et communautaire"
"Ils sont proches, bien sûr, mais simplement comme peuvent l’être deux frères qui n’ont plus d’autre famille que l’un et l’autre", les défend Samia Ghali, sénateur-maire (PS) des 15e et 16e arrondissements marseillais. L’élue ne fait pas mystère de son amitié pour les deux hommes. Autodidactes, ils ont dû, comme elle, encaisser le mépris d’une certaine bourgeoisie marseillaise, moquant volontiers les origines modestes et l’accent prononcé des deux petits-fils d’agriculteurs corses, originaires de Calenzana, un village de Balagne.
La famille est arrivée en 1956 sur le continent, sur la promesse d’un emploi à l’office d’HLM pour le père et d’un petit appartement à loyer modéré près de la plage des Catalans; tous deux assurés par l’oncle Jean-François Guérini, une figure marseillaise, ancien résistant déporté et élu SFIO du canton du Panier. "Biberonnés au système de l’entraide familiale et communautaire, note un compagnon de route de Jean-Noël, les deux frères se sont soutenus l’un l’autre au gré de leur parcours, une solidarité clanique fondamentale quand on veut comprendre une ville d’immigration comme Marseille."
Alexandre "était partout"
Même rompu au clientélisme communautaire, le Tout-Marseille n’a pas attendu l’incarcération d’Alexandre pour jaser sur son étrange "omniprésence". " Sans mandat politique, ni fonction officielle, il était partout. Il était installé dans les meubles, dans les murs et même dans le bureau de Jean-Noël", raconte un haut fonctionnaire de la mairie. Où l’on retrouve une société d’Alexandre en contrat avec l’office d’HLM, que Jean-Noël présidait à partir de 1987. Où l’on croise Alexandre président de la commission d’attribution des cartes de la fédération du PS au moment où Jean-Noël verrouille les sections, à partir de 2000. Où l’on voit aussi, en 2009, Alexandre recruter lui-même, sans mandat d’aucune sorte, le directeur général adjoint de la propreté à la communauté urbaine de Marseille que vient d’emporter la gauche.
Tous deux en couple depuis vingt ans (Jean-Noël est marié à une avocate d’origine parisienne, Alexandre vit et travaille avec sa compagne, Jeannie Peretti, également mise en examen par le juge Duchaine), les deux frères partagent une vague ressemblance physique, rendue ténue par leur différence de style. "Alexandre cultive le côté un peu 'cacou', comme on dit ici", sourit Michel Pezet. Jean et blouson de cuir, l’homme aurait aussi le verbe haut et l’insulte facile.
Toujours en costume cravate, Jean-Noël, lui, est décrit par tous comme "un homme qui a l’emphase spontanée", "un gros bosseur qui mange ses notes". Un élu socialiste glisse que "Jean-Noël est aussi capable de colères homériques, à tel point qu’il a toujours préféré laisser son frère jouer le rôle de serre-file au PS".
lundi 6 décembre 2010
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