Libération, 7 octobre 2010
Le financement de la campagne d’Edouard Balladur en 1995 et d’éventuelles rétrocommissions liées à la vente de sous-marins au Pakistan se retrouvent au coeur d’une nouvelle enquête du juge Renaud van Ruymbeke, en marge de celle sur l’attentat de Karachi en 2002.
Le juge d’instruction financier a décidé mercredi d’enquêter sur ces éventuelles rétrocommissions, qualifiées juridiquement d’abus de biens sociaux, a annoncé jeudi à l’AFP une source judiciaire.
En mai 2002, l’attentat de Karachi (sud du Pakistan) avait fait 15 morts, dont 11 salariés de la Direction des constructions navales (DCN) travaillant à la construction de sous-marins vendus au Pakistan en 1994.
Dans le cadre de leur enquête, des juges antiterroristes ont orienté leurs investigations vers la piste de représailles pakistanaises après l’arrêt des versements de commissions sur ce contrat.
Ces commissions pourraient avoir donné lieu à des rétrocommissions pour financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995, selon des témoignages et rapports versés au dossier. Elles ont été stoppées par Jacques Chirac une fois arrivé au pouvoir.
M. Balladur a démenti tout financement illicite de sa campagne.
Le développement de l’enquête antiterroriste a conduit en juin des familles de victimes à déposer plainte avec constitution de partie civile, notamment pour corruption à l’encontre du club politique de M. Balladur.
Le parquet a jugé irrecevable ce volet corruption, contrairement au juge van Ruymbeke qui veut donc enquêter.
Le parquet peut faire appel de la décision du juge. M. van Ruymbeke ne pourrait alors enquêter que si la cour d’appel lui donnait raison.
Pour justifier sa saisine, le magistrat s’est fait communiquer la copie de l’enquête préliminaire diligentée par le parquet sur d’éventuels abus de biens sociaux.
Or «l’enquête préliminaire s’est orientée vers le financement de la campagne présidentielle de M. Balladur», a relevé une source judiciaire.
Les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient ainsi «proposé le rejet des comptes de campagne» de M. Balladur, selon un extrait du rapport consulté par l’AFP. Les comptes avaient finalement été validés par le Conseil en octobre 1995.
Les rapporteurs avaient notamment noté «des dons en espèces sans justificatifs enregistrés comme des dons de personnes physiques», selon une source judiciaire.
«Ces versement se sont élevés à 13.229.504 francs, dont une remise unique de 10,15 millions de francs le 26 avril 1995», selon les rapporteurs. L’explication qui leur avait alors été fournie était que ces fonds provenaient de la vente de «gadgets et de T-shirts» et qu’ils avaient été déposés «globalement à la fin de la campagne pour éviter les transports de fonds», selon cette source.
Pour les rapporteurs, cette «allégation» était «à l’évidence démentie par le fonctionnement du compte».
Libération a révélé en avril l’existence de ce versement de 10 millions de francs. Un bordereau du Crédit du Nord précisait que la moitié était constituée de billets de 500 francs provenant de collectes effectuées lors de meetings électoraux.
Entendu le 28 avril par une mission d’information parlementaire, M. Balladur a affirmé que l’argent provenait «des militants, des sympathisants recueillis lors de centaines de meetings» et estimé faire face à «une opération politique».
L’avocat des parties civiles, Me Olivier Morice, voit lui «une victoire considérable» dans la décision du juge van Ruymbeke de se pencher sur d’éventuelles rétro-commissions.
«C’est la preuve que notre plainte est tout à fait fondée», a jugé l’avocat, réaffirmant son sentiment d’être face à une «affaire d’Etats».
(Source AFP)
jeudi 7 octobre 2010
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