jeudi 14 octobre 2010

M. Dumas n'a pas souvenir d'anomalies dans les comptes de campagne de M. Balladur

Le Monde, 14 octobre 2010

Le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, n'a manifestement pas l'intention de lever le voile sur l'étrange validation, en octobre 1995, des comptes de campagne d'Edouard Balladur, alors premier ministre, contre l'avis négatif des rapporteurs.

"Toutes les archives sont entreposées à Fontainebleau, indique-t-il au Monde, nous n'avons plus rien rue Montpensier, je ne sais évidemment pas ce qu'a saisi la justice. Je n'étais pas à cette place en 1995, je n'ai pas le droit d'interroger les anciens membres, il faudrait que j'ai une bonne raison pour rapatrier les archives. Donc, en l'état, je ne vois pas comment tirer les choses au clair, seule est valable la délibération du Conseil constitutionnel, en 1995..."

Interrogé, Roland Dumas, le président socialiste du Conseil constitutionnel en 1995, ne semble pas, quant à lui, se rappeler de cet épisode troublant : "Je n'ai pas le souvenir d'avoir infirmé le rapport des rapporteurs, assure-t-il au Monde. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu le moindre problème sur les comptes de campagne de M. Balladur, comme je ne me rappelle pas que leur rejet ait été préconisé. Pourtant, j'étais quand même dans l'opposition à cette époque..."

Cette affaire s'invite dans un climat politique tendu, en marge de l'enquête sur l'attentat de Karachi. La séance d'octobre 1995 du Conseil constitutionnel revêt une importance cruciale. En effet, l'une des hypothèses soulevées par l'instruction de M. Trévidic est que l'arrêt des versements des commissions promises au Pakistan par le gouvernement Balladur aurait enclenché un mécanisme conduisant à l'attentat de Karachi, dans lequel ont péri, en 2002, 14 personnes, dont 11 Français.

"UN RAPPORT ACCABLANT"

Le juge Van Ruymbeke estime, dans une ordonnance datée du 6 octobre, qu'un lien peut être établi entre d'éventuelles rétro-commissions opérées en France à l'occasion de ce marché, via plusieurs intermédiaires, et l'alimentation suspecte du compte de campagne de M. Balladur. D'où l'intérêt subit pour la séance houleuse d'octobre 1995 du Conseil constitutionnel.

En effet, les rapporteurs chargés d'inspecter les comptes de l'ancien premier ministre relèvent plusieurs anomalies de taille, dans leur rapport que Le Monde a pu consulter. Ils dénoncent le versement en espèces de 10 250 000 francs (1 562 602 euros), le 26 avril 1995, "dépourvu de tout justificatif (...) et dont l'origine n'est accompagnée d'aucun commencement de preuve". Et les rapporteurs de préciser : "Le candidat ne sait manifestement pas quelle argumentation opposer aux questions de vos rapporteurs."

Curieusement, le Conseil constitutionnel présidé par M. Dumas finira pourtant par valider les comptes de M. Balladur, au grand dam des rapporteurs.

"Ce rapport des enquêteurs du Conseil constitutionnel est accablant, déclare le député PS Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi. Nous souhaitons savoir pourquoi le Conseil constitutionnel est allé à l'encontre de l'avis de ses rapporteurs."

Gérard Davet et Patrick Roger

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