Le Monde, 3 février 2011
L'audition de l'ancien président Jacques Chirac est désormais réclamée par les familles des victimes, dans l'enquête sur l'attentat de Karachi. Dans un courrier adressé le 2 février au juge antiterroriste Marc Trévidic, chargé de l'enquête, Me Olivier Morice, le conseil de plusieurs parties civiles, estime que le témoignage de M. Chirac est aujourd'hui "indispensable à la manifestation de la vérité".
A l'appui de leur demande, les familles des victimes se fondent sur l'interrogatoire de l'ancien ministre de la défense (1993-1995) François Léotard, entendu en qualité de témoin le 31 janvier par le juge Trévidic. Dans cette audition dont Le Monde a eu connaissance, M. Léotard assure que l'arrêt des versements des commissions promises à plusieurs intermédiaires, en marge de contrats d'armements, peut être la cause de l'attentat de Karachi :"cette décision a été prise parce que Jacques Chirac voulait accréditer l'idée que l'argent avait servi au financement de la campagne de M. Balladur alors que c'est totalement faux. Il poursuivait une guerre commencée trente ans avant (...) c'est en cela que je parle de légèreté. Pour des rétrocommissions, s'il y en avait eu, il y a des policiers et des juges".
M. Léotard s'insurge devant le juge : " il [M. Chirac] n'aura jamais aucune preuve de l'existence de rétrocommissions, et quand j'entends M. de Villepin parler d'intime conviction qui est un terme judiciaire, et M. Millon parler de forts soupçons qui est un terme policier, je mets en doute leur intégrité intellectuelle". L'ancien ministre le "jure sur l'honneur" : le Parti républicain dont il était alors le président n'a jamais été financé par les commissions provenant du contrat Agosta.
Les magistrats doivent donc s'interroger : qui dit la vérité ? M. Léotard, ou le camp chiraquien ? L'issue de leur enquête dépend en effet de la réponse à cette question.
M. Léotard, lui, a ses certitudes : "en premier lieu, on ne respecte pas ses engagements sur les commissions. En second lieu, on ne respecte pas son engagement de ne pas vendre de sous-marins à l'Inde. C'est la conjonction de ces deux éléments qui a pu causer l'attentat". Pour explorer plus avant les arcanes de ces contrats d'armements, le juge Renaud Van Ruymbeke, chargé du volet financier, a demandé la déclassification de documents saisis le 12 janvier à Bercy, relatifs aux contrats signés en 1994.
Gérard Davet
jeudi 3 février 2011
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