Entre la France et la Libye, il est une vieille histoire... de ventes d'armes. Dans l'enquête très fouillée qu'il publie sur les contrats d'armement internationaux, le journaliste du Point Jean Guisnel consacre un chapitre édifiant à cette tumultueuse relation d'affaires. Une parmi de nombreuses autres, où politique et business font mauvais ménage.
Depuis la première vente de 82 Mirage, signée dès l'accès au pouvoir du colonel Kadhafi en 1969, les épisodes furent nombreux. L'actualité en porte les traces : les deux Mirage F1 libyens qui ont atterri à Malte le 21 février, leurs pilotes ayant refusé de tirer sur les manifestants opposés au régime, sont les survivants d'un marché conclu dans les années 1970.
C'est en 2006 que les affaires ont repris, après une vingtaine d'années de tensions, consécutives au conflit territorial avec le Tchad, puis aux attentats meurtriers dans lesquels la Libye fut impliquée - discothèque de Berlin en 1986, Boeing de la Pan Am au-dessus de Lockerbie en 1998, DC10 d'UTA au Sahara en 1989.
Nous sommes le 21 octobre 2006, raconte l'auteur, et Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense, rend visite au colonel Kadhafi. Le chef de l'Etat libyen accueille son hôte française en demandant des nouvelles de son compagnon, Patrick Ollier, député, président du groupe d'amitié France-Libye, un ami.
La ministre, alors, espère capitaliser une série de contacts et de discrets rapprochements qui ont eu lieu depuis plusieurs années. Car si l'embargo sur le commerce des armes, décidé en 1992 par l'ONU à l'encontre du pays, n'a été levé qu'à l'automne 2004, c'est dès le début des années 2000 que "lesmarchands d'armes français commencent à reprendre le chemin de Tripoli", écrit Jean Guisnel. Pour une raison simple : "Les contrats d'armement prennent tellement de temps que les entreprises s'estiment fondées à entamer les prospections."
Dès 2001, le gouvernement français a ainsi autorisé la reprise des contacts commerciaux pour Thalès, Eurocopter ou Dassault. La France n'est pas seule : en 2003, les Américains, avec les Britanniques, entament une démarche de normalisation avec l'ex-Etat voyou, tout en lui faisant renoncer à son arme nucléaire. Les Russes, fournisseurs traditionnels, mais aussi les Italiens sont aussi dans la course.
Dans celle-ci, "les industriels français n'obtiendront jamais que des lots de consolation", précise l'auteur. Malgré cela, la bagarre est rude, entre entreprises françaises même. En témoigne le contrat de rénovation des vieux Mirage F1.
Dans cette unique affaire, l'auteur a identifié sept intermédiaires différents qui prétendaient tous toucher des commissions. Parmi eux figurent le Franco-Libanais Ziad Takieddine, qui apparaît aussi dans la vente des sous-marins français au Pakistan en 1994, et Roger Tamraz, homme d'affaires libanais entré dans le dossier grâce à Jacques Boyon, ex-secrétaire d'Etat à la défense de 1986 à 1988.
En 2007, juste après la libération des infirmières bulgares pour laquelle le président Sarkozy a envoyé sa femme Cécilia à Tripoli, le fils Kadhafi Seif Al-Islam s'est félicité dans Le Monde d'un accord de 100 millions d'euros sur la fourniture de missiles. Là encore, les discussions ont commencé des années plus tôt. Depuis, la France espérait vendre pour près de 2 milliards d'euros d'armement à Tripoli, dont des Rafale. En vain. Car, explique encore l'auteur, "le cadre international des compétitions en matière de vente d'armes est défini aux Etats-Unis et nulle part ailleurs".
ARMES DE CORRUPTION MASSIVE : SECRETS ET COMBINES DES MARCHANDS DE CANONS de Jean Guisnel. La Découverte, 396 p., 22 €.
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