Le Monde, 14 février 2011
Une note confidentielle, versée au dossier d'instruction du juge Marc Trévidic, chargé de l'enquête sur l'attentat de Karachi, pourrait conduire le magistrat vers de nouvelles pistes.
En effet, ce document, récemment transmis par le ministère des affaires étrangères, à la demande du magistrat, et que Le Monde a pu consulter, pose la question du degré de connaissance qu'ont eu les socialistes, revenus au pouvoir en 1997, sur les conditions douteuses dans lesquelles la vente de sous-marins français au Pakistan – le contrat Agosta – avait eu lieu trois ans plus tôt, en 1994, sous le gouvernement Balladur.
Or, le juge Trévidic estime que l'arrêt du versement des commissions – 122 millions d'euros – promises à divers intermédiaires pour la vente des sous-marins, a pu enclencher le mécanisme de l'attentat, qui a fait onze victimes françaises en 2002.
"CONSÉQUENCES DÉLICATES"
La note, datée du 29 août 1997, est signée de Pierre Sellal, alors directeur de cabinet du ministre socialiste des affaires étrangères (1997-2002) Hubert Védrine. Cette note est adressée à son ministre. "Le gouvernement pakistanais aurait décidé de lancer une offensive politique 'mains propres' qui pourrait avoir des conséquences délicates pour nous, écrit M. Sellal. L'affaire de la vente de sous-marins Agosta qui ferait l'objet d'une enquête pourrait en effet impliquer d'anciens ministres de la défense (MM. Pierre Joxe et Léotard) et M. Nicolas Bazire."
Tant Nicolas Bazire, directeur de cabinet du premier ministre Edouard Balladur de 1993 à 1995, que François Léotard, ministre de la défense de ce même gouvernement Balladur, ont effectivement eu à connaître les détails de ce contrat Agosta. Pierre Joxe, ministre de la défense de François Mitterrand (1991 à 1993), a pour sa part engagé le processus de la vente, convenue lors de sa visite à Islamabad, le 24 septembre 1992.
QUEL RÔLE POUR LA GAUCHE AU POUVOIR ENTRE 1997 ET 2002 ?
Jusqu'ici, chiraquiens et balladuriens se renvoient la balle dans le dossier. François Léotard, ministre de la Défense à l'époque de la signature du contrat, ou Renaud Donnedieu de Vabres, alors membre de son cabinet, ont ainsi affirmé que Dominique de Villepin et Jacques Chirac, en interrompant brutalement les flux d'argent des commissions versées aux intermédiaires, car ils soupçonnaient qu'une partie de ces fonds revenait en France au bénéfice de leurs adversaires balladuriens, avaient pu déclencher la colère de certaines autorités pakistanaises.
La gauche avait jusqu'à présent été peu concernée par l'affaire. Le rapport parlementaire sur l'attentat indiquait qu'en 1998, suite à un rapport, Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'économie et des finances, et Alain Richard, ministre de la défense, ont pointé leurs inquiétudes quant au fait que la direction des constructions navales (DCN), opératrice de la vente, était déficitaire sur ce contrat.
Alain Richard aurait par ailleurs, en 2001, cherché à faire revenir les techniciens de l'entreprise qui travaillaient au Pakistan, ceux-là même qui seront visés par l'attentat, deux jours après le départ de M. Jospin de Matignon. L'ancien ministre de la défense a cependant assuré qu'il n'avait jamais eu vent de menaces directes sur ces personnels.
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