vendredi 18 juin 2010

Attentat de Karachi : le juge confirme l'existence de rétro-commissions illicites

Le Monde, 18 juin 2010

Le juge Marc Trévidic, chargé de l'enquête sur l'attentat de Karachi en 2002, a confirmé l'existence de "rétro-commissions illicites" en marge du contrat de vente de sous-marins au Pakistan, a indiqué vendredi 18 juin 2010 un avocat des parties civiles de l'attentat, Me Olivier Morice, à l'issue d'une réunion avec le juge.

Marc Trévidic a aussi annoncé qu'il demanderait en septembre 2010 la co-désignation d'un juge financier pour explorer cette piste, politico-financière, dans le cas où le parquet refuserait toujours d'ouvrir une procédure distincte.

L'avocat a suggéré que l'actuel chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy à l'époque ministre du budget de M. Balladur (1993-1995) puis directeur de campagne de l'ancien premier ministre, serait au fait des raisons ayant conduit à l'arrêt du versement de commissions.

"Il est clair qu'au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", a dit Me Morice, rapportant les propos du juge d'instruction.

Ces commissions versées sur ce contrat pourraient avoir donné lieu à des rétro-commissions pour financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, selon des témoignages et rapports versés au dossier.

La justice soupçonne que l'arrêt du versement des commissions au Pakistan ait été à l'origine de l'attentat le 8 mai 2001 à Karachi. Onze salariés de la Direction des constructions navales, qui travaillaient à la construction de ces sous-marins, avaient alors trouvé la mort.

"MANQUE DE MOYENS"

Les familles des victimes ont été reçues vendredi matin par le juge antiterroriste pour faire le point sur l'enquête.

L'an dernier, une première réunion avait marqué un tournant majeur dans l'affaire puisque les juges avaient annoncé aux parties civiles qu'ils réorientaient l'enquête vers la piste de représailles pakistanaises après l'arrêt du versement des commissions sur le contrat de vente de sous-marins Agosta au Pakistan. Le juge a confirmé que la seule piste "crédible" envisagée était "la piste financière", a rapporté Me Morice.

Le juge Trévidic, qui a réorienté son enquête vers un arrêt du versement de commissions sur un contrat de vente de sous-marins comme mobile de l'attentat, a par ailleurs "stigmatisé le fait qu'il était seul, qu'il manquait de moyens pour enquêter", selon Me Olivier Morice.

"Le juge a regretté l'absence de moyens donnés pour faire éclater la vérité et notamment un certain manque de coopération de la DCRI (la Direction centrale du renseignement intérieur, fusion de la DST et des Renseignements généraux)", a ajouté l'avocat.

Les familles de victimes de l'attentat de Karachi (Pakistan) ont saisi l'occasion de cette réunion pour critiquer Yves Jannier, le magistrat à la tête du pôle antiterroriste du tribunal de Paris, auquel elles reprochent de ne pas enquêter sur la piste d'un mobile financier à l'origine de l'attentat.

"Le juge Trévidic nous a expliqué qu'Yves Jannier ne croyait pas à la thèse d'un mobile financier pour expliquer l'attentat, et que par conséquent il avait décidé de ne pas travailler sur cette thèse", a déploré Magali Drouet, fille d'une des victimes de l'attentat.

"Il y a deux juges mais il y en a un dont on se demande ce qu'il fait là", a-t-elle ajouté, regrettant également l'absence du procureur de Paris, Jean-Claude Marin, qui a publié un communiqué cette semaine, estimant que selon lui les faits sont prescrits.

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