dimanche 6 juin 2010

Karachi : Sarkozy mis en cause par la police luxembourgeoise

Le parisien, 3 juin 2010

Selon les enquêteurs du grand-duché, le chef de l’Etat aurait participé à desmontages financiers occultes pour financer la campagne d’Edouard Balladur.

Si le chef de l’Etat n’est nullement visé par la justice, son nom revient à intervalles réguliers en marge de l’enquête sur l’attentat de Karachi. Hier, le site Mediapart.fr a ainsi révélé l’existence d’un rapport de la police judiciaire luxembourgeoise, mettant directement en cause le président de la République.

Selon ce document, Nicolas Sarkozy aurait supervisé la création d’une société luxembourgeoise par laquelle auraient transité les commissions et rétrocommissions dans le cadre d’un contrat de vente de sous-marins au Pakistan.

Que reproche la police luxembourgeoise à Nicolas Sarkozy? En 1994, au moment où est signé le contrat, Nicolas Sarkozy est ministre du Budget.

Pour faire circuler les commissions, une société offshore, baptisée Heine, est utilisée, ainsi qu’une autre structure, du nom d’Eurolux. Elles auraient vu passer au moins 100 millions de francs (15 M€).

« Les accords sur la création de ces sociétés semblaient venir directement de M. le Premier ministre, Edouard Balladur, et de M. le ministre des Finances, Nicolas Sarkozy », analysent les enquêteurs du grand-duché, qui notent, plus loin, qu'« une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises ». « Comme les commissions versées sont déclarées au fisc, le ministre des Finances est forcément au courant de tous ces flux financiers », nous confiait récemment un fin connaisseur des grands contrats d’armement.

D’où vient ce rapport? Fin 2008, le Luxembourg est saisi d’une demande d’enquête lancée par les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin, qui instruisent une affaire de corruption à la DCN (la Direction des constructions navales), le fabricant des sous-marins. Une synthèse est tout de même réalisée en janvier 2010. D’après une source luxembourgeoise, « elle a été transmise dès février au parquet général de Paris ». Mais ce n’est qu’en fin de semaine dernière qu’elle aurait été remise aux deux juges d’instruction concernés.

Quelles peuvent être les conséquences? De son côté, le juge Marc Trévidic enquête sur les causes de l’attentat. Le magistrat privilégie l’hypothèse d’un arrêt du versement des commissions qui aurait pu provoquer une mesure de rétorsion des Pakistanais, et la mort des onze salariés français de la DCN en 2002. Mais hier, il n’avait pas encore obtenu officiellement une copie de la synthèse.

Pour Me Olivier Morice, avocat de six familles de victimes, ce rapport de police « montre que Nicolas Sarkozy est au cœur de la corruption et qu’il a menti à ces familles ».

« Mais c’est bien la première fois qu’on donne du crédit au Luxembourg en matière de lutte contre la corruption, ironise Me Olivier Pardo, l’avocat de Ziad Takieddine, un intermédiaire supposé. Dans cette synthèse, il n’y a que des on croit que, il semblerait que…, bref absolument aucune preuve. »

De fait, les enquêteurs luxembourgeois reconnaissent que les documents saisis sont « entièrement vides de noms » et félicitent l’auteur de ce montage financier pour « son travail méticuleux, en avance sur son temps ».

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