AP, 6 mai 2010
L'ancien procureur général de la cour d'appel de Paris, Laurent Le Mesle, est convoqué début juin comme témoin assisté par les deux juges d'instruction parisiens qui enquêtent sur d'éventuelles pressions sur la justice dans le cadre de l'affaire Borrel, du nom de ce magistrat français mort en 1995 à Djibouti, a-t-on appris jeudi de sources judiciaires.
L'audition de ce haut magistrat a été rendue possible par son changement de poste en janvier dernier lorsqu'il a été nommé Premier avocat général à la Cour de cassation. Auparavant, les juges Fabienne Pous et Michèle Ganascia n'auraient pu procéder à une telle audition sans être dessaisies de ce dossier en raison des fonctions de M. Le Mesle au parquet général de la cour d'appel de Paris.
L'information judiciaire a été ouverte à la suite d'une plainte contre X en 2005 de la veuve du magistrat qui visait un communiqué du quai d'Orsay de janvier 2005. L'enquête concernant la mort du magistrat, dont le corps été retrouvé à moitié carbonisé en octobre 1995, est instruite par la juge Sophie Clément. Si la piste criminelle est désormais privilégiée par la justice française, elle est contestée par les autorités djiboutiennes.
Le statut de témoin assisté se situe entre celui de simple témoin et de mis en examen. Il permet à la personne entendue sous ce régime, contre laquelle il existe de simples indices qui rendent vraisemblable la commission d'un délit, d'avoir accès au dossier d'instruction. Joint par l'Associated Press, Laurent Le Mesle n'a pas souhaité s'exprimer sur cette convocation.
Dans un communiqué en janvier 2005, le ministère des Affaires étrangères, regrettant l'expulsion de coopérants français de Djibouti, avait annoncé qu'une copie du dossier instruit par la juge Clément serait "prochainement" transmise à la justice djiboutienne.
Elisabeth Borrel avait considéré que cette annonce, faite dix jours avant que la juge d'instruction française ne soit saisie officiellement de la demande d'entraide judiciaire djiboutienne, pouvait être interprétée comme des "pressions sur la justice". La juge Clément avait refusé par la suite de communiquer le dossier d'instruction à son homologue djiboutien.
Les investigations et auditions effectuées par les juges Pous et Ganascia ont montré que ce communiqué avait été élaboré par le directeur de cabinet du garde des Sceaux, à l'époque Laurent Le Mesle, et Michel de Bonnecorse, responsable de la cellule Afrique de l'Elysée.
En mai 2007, les juges Pous et Ganascia s'étaient vu refuser l'entrée du palais de l'Elysée, où elles souhaitaient perquisitionner les locaux de la cellule africaine. L'Elysée avait fait valoir l'article 67 de la Constitution pour s'opposer à cette perquisition. Cet article stipule que le chef de l'Etat ne peut, durant son mandat, "être requis de témoigner ou faire l'objet d'une action ou d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite".
La veuve du magistrat affirme que les plus hautes autorités de l'Etat de Djibouti sont les commanditaires de l'assassinat de son mari. Dans l'enquête de la juge Clément, un ancien lieutenant de la garde présidentielle, Mohamed Saleh Alhoumekani, dit avoir assisté, dans la nuit du 19 au 20 octobre 1995, dans les jardins du palais présidentiel, à une conversation sur l'élimination du "juge fouineur" entre plusieurs officiels, dont Ismaël Omar Guelleh, l'actuel chef d'Etat, et deux terroristes supposés être en prison. AP
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