mardi 4 mai 2010

Procès Pasqua, trois affaires, deux mesures

Libération, 4 mai 2010 Par KARL LASKE

Corruption . La Cour de justice de la République a rendu publiques hier les motivations de son verdict.



Condamner et relaxer par le même arrêt. C’était une vraie difficulté pour la Cour de justice de la République (CJR), qui a rendu publiques, hier seulement, les motivations de son verdict dans l’affaire Pasqua. L’ancien ministre de l’Intérieur a été condamné, vendredi, à un an de prison avec sursis dans l’affaire de la Sofremi, l’office de ventes d’armes du ministère de l’Intérieur, mais relaxé dans les affaires du casino d’Annemasse et du déménagement de GEC-Alsthom. Difficile de ne pas faire deux poids, deux mesures.

Alors que Charles Pasqua a soutenu avoir ignoré l’existence «d’un système de paiement de commissions indues et de rétrocommission à la Sofremi», la cour juge au contraire qu’il a «mis en place ce système», qu’il lui a «apporté sa caution et l’a sciemment laissé perduré». «Sa proximité» avec les principaux acteurs «ne laisse pas de doute» sur son implication, note la cour. En particulier son rôle joué dans la nomination des dirigeants de la Sofremi, de concert avec l’intermédiaire Etienne Leandri. Mieux : «Le fait que les principaux bénéficiaires de ces rétrocommissions soient des proches du ministre atteste de son intérêt à la pérennisation d’un tel système.» Le fils de l’ancien ministre, Pierre-Philippe Pasqua, a perçu une somme de 9,8 millions de francs, et le député (UMP) Jean-Jacques Guillet 12 millions de francs pour renflouer le Quotidien du maire, qu’il dirigeait. «Les sommes obtenues sont importantes, et même si elles n’ont pas profité personnellement au ministre, elles ont bénéficié à son fils et à un très proche collaborateur», relève la cour. Conclusion : «Les faits commis par Charles Pasqua présentent une gravité certaine car ils ont été commis par un ministre d’Etat dans l’exercice de ses fonctions.»

Les arguments utilisés précédemment contre Pasqua s’évaporent au sujet de GEC-Alsthom. Pas un mot sur le «bénéficiaire» principal de la rétrocommission, Pierre-Philippe Pasqua. «La cour considère qu’il ne résulte pas des éléments du dossier et des débats que Charles Pasqua a été complice du versement d’une telle commission.» Pour la CJR, «toute cette affaire a été montée» par des intermédiaires, notamment Etienne Leandri, qui «se sont concertés pour faire craindre à la société GEC-Alsthom un refus d’agrément».

Dans l’affaire du casino d’Annemasse, «l’existence d’un pacte de corruption» entre Charles Pasqua et le casinotier Michel Tomi «n’est pas établie», selon la cour. Même si le ministre «a voulu favoriser un ami de longue date», en accordant l’autorisation au casino, il n’est pas sûr que l’aide financière apportée à l’ex-ministre en 1999 résulte de cette faveur.

En conclusion, la CJR estime nécessaire de «stigmatiser le comportement du prévenu», dans l’affaire Sofremi en le condamnant à un an de prison, mais avec le sursis, compte tenu de son âge, 83 ans, et de «son passé au service de la France».

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