Le Figaro, 17 novembre 2010
L'ancien ministre de la Défense a assuré au juge Van Ruymbeke que des rétrocommissions ont été versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Il y aurait bien eu des rétrocommissions dans l'affaire Karachi. C'est l'ancien ministre de la Défense, Charles Millon, qui l'a lui-même affirmé.
Entendu lundi par le juge Renaud Van Ruymbeke - chargé d'une enquête pour faux témoignage et entrave à la justice dans l'affaire de l'attentat de Karachi en 2002 -, celui-ci a confirmé l'existence de rétrocommissions versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Selon une source proche du dossier, Charles Millon a confié au juge que «dans les quinze jours qui ont suivi» sa nomination au gouvernement en 1995, Jacques Chirac - alors tout juste élu président - lui «a demandé de procéder à la révision des contrats d'armement et de vérifier dans la mesure du possible s'il existait des indices sur l'existence de rétrocommissions».
«Pour le contrat pakistanais, au vu des rapports des services secrets et des analyses qui ont été effectuées par les services du ministère, on a eu une intime conviction qu'il y avait rétrocommissions», a rapporté l'ancien ministre, citant également le contrat Sawari II (vente de frégates à l'Arabie saoudite).
Au cours de cette audition, dont le Nouvel Observateur fait également état dans son édition de jeudi, Charles Millon précise avoir été «en lien direct» avec les collaborateurs de Jacques Chirac, «en particulier avec le secrétaire général, Dominique de Villepin, qu'(il tenait) régulièrement informé des investigations».
Debré oppose le secret du délibéré
Ce témoignage vient étayer une piste explorée depuis plus d'un an dans l'enquête sur l'attentat de Karachi - dans lequel quinze personnes, dont onze Français, avaient trouvé la mort - et donne plus que jamais au dossier l'allure d'une affaire d'État.
Alors que l'attentat avait dans un premier temps été attribué à al-Qaïda, l'enquête s'est par la suite réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt, en 1995, de versements de commissions sur un contrat d'armements.
Or, selon des témoignages et rapports versés au dossier, une partie de cet argent versé à des intermédiaires Pakistanais, pour faciliter la signature des contrats, aurait bénéficié en retour à des responsables français.
Ces rétrocommissions auraient notamment servi au financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1994. Ce que l'ancien premier ministre - dont le ministre du Budget et porte-parole de campagne n'était autre que Nicolas Sarkozy - dément formellement.
Reste qu'en 1995, les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient prôné un rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur. Un avis non suivi par le Conseil, alors présidé par Roland Dumas, qui les avait validés.
Pour quelle raison les rapporteurs avaient-ils rendu cet avis ? Étaient-ils au courant pour les rétrocommissions ?
Pour le savoir, le juge Van Ruymbeke a demandé l'accès au contenu des échanges entre les membres du Conseil. Mais mercredi, une source proche du dossier a indiqué que le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis, lui avait opposé un refus.
Dans un courrier daté du 9 novembre, Jean-Louis Debré argue du «secret qui s'attache aux délibérations», fixé selon lui à 5 ans par l'article 63 de la Constitution.
Pourtant le 20 octobre 2010, Michèle Alliot-Marie, qui était encore garde des Sceaux, avait assuré à l'Assemblée nationale que la justice pouvait avoir accès au contenu de ces débats internes.
Il y a une semaine, c'est le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui avait de la même manière refusé de communiquer au juge les comptes rendus des auditions réalisées par les députés dans cette affaire.
Nourrissant ainsi les soupçons des familles des victimes au sujet de prolongements politiques éventuels de l'affaire Karachi.
mercredi 17 novembre 2010
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