Pour comprendre cette affaire, il faut remonter à 1993. Edouard Balladur vient d'être nommé premier ministre par François Mitterrand et la Direction des constructions navales (DCN) cherche, via la Sofma, société chargée de l'export des produits militaires français, à vendre des sous-marins au Pakistan. La France est en concurrence avec l'Allemagne. Pour "motiver" la Sofma, qui doit bâtir un réseau d'intermédiaires au Pakistan, celle-ci doit percevoir, en cas de réussite, 6,25 % du montant de la commande. Une commission alors encore légale.
En 1994, alors que la vente de trois sous-marins est sur le point de se conclure, deux intermédiaires entrent en scène : Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir, deux hommes d'affaires libanais. Aujourd'hui, le premier nie toute implication dans ces ventes, malgré les preuves publiées par le site Bakchich. Les deux hommes seront également sollicités pour un autre contrat, cette fois pour trois frégates, à l'Arabie Saoudite. Un contrat à 19 milliards de francs, dont ils devaient toucher 18% du montant sous forme de commission.
Renaud Donnedieu de Vabres, chargé de mission auprès du ministre de la défense, François Léotard, les impose dans les négociations, alors même que, selon plusieurs sources, ils ne font que peu de choses concrètes pour cette vente. Selon des témoignages d'anciens responsables de la DCN, la consigne de les embaucher serait venue directement de Matignon, donc d'Edouard Balladur.
Libération révèle par ailleurs en octobre 2010 une note datée du début 1994 dans laquelle la direction du Trésor déconseille au premier ministre de conclure ce contrat, évoquant "la situation financière précaire du Pakistan". Surtout, le contrat est signé à perte, comme le constatera la Cour des comptes dans un audit de 1999.
Les avertissements ne sont pas entendus. Le 21 septembre 1994, un contrat, baptisé Agosta, est signé entre Paris et Karachi. Le Pakistan achète pour 5,41 milliards de francs (826 millions d'euros) de sous-marins. La Sofma va récupérer 6,25 % du total, soit 338 millions de francs. Quant à Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, il doivent percevoir, via leur société off-shore Mercor, 4 % de commission, soit 216 millions de francs.
Une partie de ces fonds doit servir à rémunérer les intermédiaires pakistanais. Fait inhabituel, les deux hommes exigent la somme dès janvier 1995, contrairement aux habitudes du secteur, où l'on attend parfois plusieurs années avant le versement des commissions.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle en France. La droite est engagée dans une lutte fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Celui-ci s'appuie avant tout sur deux fidèles : son directeur de cabinet, Nicolas Bazire, et Nicolas Sarkozy, ministre du budget et de la communication, qui copilote la campagne d'Edouard Balladur.
mercredi 17 novembre 2010
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