vendredi 19 novembre 2010

Karachi : un nouveau témoin confirme l'arrêt des paiements en 1995

Le Monde, 19 novembre 2010

Un témoin, entendu par le juge Van Ruymbeke jeudi 18 novembre, a confirmé que les versements de commissions (légales jusqu'en 2000) aux intermédiaires de la vente des trois sous-marins Agosta au Pakistan avaient été stoppés en 1995 par Jacques Chirac.

Les familles des victimes soupçonnent que l'arrêt de ses versements, qui auraient pu donner lieu à des rétrocommissions (voir encadré), pourrait être à l'origine de la mort des 11 Français employés par la direction des constructions navales à Karachi.

Le témoin, Michel Mazens, à l'époque haut fonctionnaire en charge de négocier les contrats d'armements, a confirmé ce que Charles Millon, alors ministre de la défense, avait déjà indiqué au juge : Jacques Chirac a bien fait cesser le versement des 84 millions d'euros de "commissions" versées aux intermédiaires de cette vente.

"Je me suis engagé à arrêter les paiements aux intermédiaires du réseau K, à savoir essentiellement M. Takieddine qui était en première ligne (...) et à détruire les documents qui pouvaient lier l'Etat français à ce réseau", a-t-il confié à Renaud Van Ruymbeke selon le compte-rendu de son audition, publiée par Mediapart.

"CESSER CES VERSEMENTS, C'ÉTAIT FAIRE COURIR DES RISQUES"

M. Mazens explique qu'il travaillait alors directement avec Dominique de Villepin, secrétaire général de l'Elysée, et avec le chef de l'Etat, Jacques Chirac. Il raconte également que les deux intermédiaires de la vente des sous-marins, Ziad Takkedine (présenté par Mediapart comme un proche de Nicolas Sarkozy, ce qu'il nie) et Abdul Raman al-Assir, ont également été privés d'une autre commission dans le cadre d'une vente de frégates à l'Arabie Saoudite (le contrat Sawari II). Le montant atteignait cette fois 200 millions d'euros.

Toujours selon ce témoignage, lorsque M. Mazens a annoncé a fin des commissions à Dominique Castellan, dirigeant de la branche commerciale de la direction des constructions navales, ce dernier lui aurait expliqué que cesser ces versements "c'était faire courir des risques à ses personnels".

C'est la première fois qu'un témoin fait le lien entre l'arrêt des commissions et l'attentat de 2002. Son témoignage signifie également que l'Etat était sans doute conscient que l'arrêt du versement de ces commissions pouvait avoir des répercussions sur la sécurité des personnels de la DCN.

Surtout, il implique deux nouveaux hommes politiques : Dominique de Villepin et Jacques Chirac.

L'avocat des familles de victimes, Me Olivier Morice, qui cherche à multiplier les procédures pour espérer percer le mur du secret défense, qui a été opposé à toutes les enquêtes menées sur cette affaires, a annoncé que ses clients allaient déposer plainte contre les deux hommes pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui et homicide involontaire".

Samuel Laurent

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