Dray épinglé par l'enquête préliminaire, Libération, 24 juillet 2009
D'après l’enquête préliminaire dont Médiapart et Le Monde publient vendredi des extraits, le député PS de l’Essonne a bénéficié d’un système de mouvements de fonds issus de plusieurs organisations, via ses proches collaborateurs.
Epilogue de sept mois d’enquête, le rapport de la Brigade financière, remis le 13 juillet au procureur de la République de Paris, et dévoilé ce matin par Médiapart et Le Monde, synthétise les principaux soupçons de la justice contre le député socialiste Julien Dray. Ce rapport pose plusieurs questions sur le fond du dossier. Deux exemples:
La passion des montres, des stylos et des tableaux, est-elle un alibi?
L’enquête de Tracfin a dévoilé la passion immodérée de Julien Dray pour les montres et les stylos – il en avait acheté pour 130 000 euros entre 2005 et 2008 –, le rapport d’enquête préliminaire, révélé par Mediapart et Le Monde, nous apprend que cette addiction est revendiquée aussi par ses collaborateurs. Nathalie Fortis, son attachée parlementaire, comme Thomas Persuy, permanent de SOS racisme, ont tous les deux expliqué à la Brigade financière qu’une partie de l’argent qu’ils avaient reversé à Julien Dray correspondait à des objets qu’ils avaient achetés au député de l’Essonne.
Jusqu’alors, les avocats de Julien Dray assuraient que des prêts réguliers avaient été conclus entre l’élu et ses collaborateurs et amis. En mars 2006, Nathalie Fortis, qui vient de recevoir 5500 euros du syndicat lycéen Fidl, reverse 4000 euros à Julien Dray. Elle déclare aux policiers qu’il s’agit du «paiement d’une partie d’une montre Rolex» achetée à son patron en 2004. Dray confirme en précisant qu’il s’agit d’une «Rolex Submariner, modèle James Bond datant de 1955» d’un montant de 35000 euros. Selon la Brigade financière, la montre vaudrait beaucoup moins.
En mai 2006, Thomas Persuy, qui vient de recevoir 9000 euros de la Fidl et de Stop le racisme Val d’Orge, reverse 8000 euros à Julien Dray. Il assure aux policiers que cette somme correspond à l’achat «de 5 ou 6 stylos Mont Blanc que Julien Dray était en train de liquider». En septembre 2008, c’est SOS Racisme qui achète pour 9000 euros «cinq tableaux» à l’association de la Xème circonscription de l’Essonne, qui gère la permanence électorale de Julien Dray. 7000 euros sont aussitôt reversés au député. La brigade financière (BF) relève que la vente de tableaux est «très éloigné» de l’objet social de l’association.
Des missions fictives sont-elles à l’origine des versements à Julien Dray?
74050 euros auraient été reversés à Julien Dray par Nathalie Fortis et Thomas Persuy. Les avocats ont jusqu’alors soutenu que cet argent ayant été régulièrement versé par les associations, Fortis et Persuy étaient libres d’en user à leur guise. La brigade financière a des doutes. La collaboratrice de Julien Dray a soutenu qu’elle avait perçu 23000 euros de la Fidl pour assurer «la gestion courante de l’association». «Aucune convention n’a été retrouvée ou apportée par l’intéressée pour attester ses déclarations», notent les policiers. «Nous pouvons donc nous poser la question de savoir comment avec un tel emploi du temps, Mme Fortis pouvait-elle encore travailler à d’autres tâches et pour les associations dont elle percevait les fonds?» s’interrogent-ils.
Un certain flou entoure aussi la rétribution de Thomas Persuy la Fidl - à hauteur de 78599 euros entre 2005 et 2008. «Il n’aurait pas été en mesure, selon la Brigade Financière, d’identifier les montants qui étaient liés aux remboursements de frais et ceux en rapport avec le paiement de ses indemnités, ni d’associer une action à un mouvement d’argent».
Le même type d’interrogation pèse sur le versement par la Fidl de 6000 euros à une collaboratrice de Julien Dray à la région Ile-de-France, Geneviève de K. En février 2008, dès réception, elle reverse intégralement cette somme à son patron. Ce n’est qu’après le début de l’enquête, courant 2009, qu’un rapport de 8 pages sur «la mutation de la Fidl» sera finalement trouvé. Elle assure, elle aussi, avoir simplement prêté cette somme à Julien Dray.
Dans la soirée, le procureur de la République de Paris a tenu à préciser dans un communiqué qu' «aucune décision» n'était prise concernant un éventuel renvoi devant un tribunal correctionnel de Julien Dray. Il n'en demeure pas moins que l'enquête policière menée sur les comptes de Julien Dray depuis plus de sept mois est accablante pour l'élu socialiste, suspecté d'avoir bénéficié durant plusieurs années de mouvements de fonds issus d'associations alors qu'il fait état de simples prêts qu'il a remboursés. Ces mouvements de fonds suspects sont évalués au total à environ 350 000 euros entre 2005 et 2008, le plus souvent sous forme de chèques.
vendredi 24 juillet 2009
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