Libération, 10 mars 2010
S’il était déjà appliqué, le projet de réforme pénale défendu par MAM aurait empêché que des affaires retentissantes soient jugées.
Le ministère de la Justice annonce une «modernisation» et une simple «sécurité juridique» offerte aux chefs d’entreprises, d’autres y voient une nouvelle forme d’«impunité».
mardi 9 mars 2010
Mic-mac à l'Elysée: Quand Alexandre Djouhri menaçait Patrick Ouart
L'Express, 9 mars 2010
En novembre 2009, Patrick Ouart, alors conseiller du président, se plaint des attaques de l'homme d'affaire Alexandre Djouhri, très en vue dans l'entourage de Sarkozy. Retour sur un étrange incident.
Son cas - unique dans l'histoire pourtant tumultueuse de l'Elysée - divise les hommes du président. Alexandre Djouhri, influent mais imprévisible aventurier du négoce international, provoque des turbulences au plus haut sommet de l'Etat. Certains, sous le charme, vantent les mérites de cet apporteur d'affaires, proche de Nicolas Sarkozy et ami de Dominique de Villepin, partie prenante des grands marchés signés par la France ces dernières années. D'autres s'inquiètent au contraire de ses méthodes musclées, et appellent à la prudence. Une affaire aux relents de thriller politique a récemment renforcé leurs soupçons...
En novembre dernier, le conseiller de Nicolas Sarkozy pour les affaires judiciaires, Patrick Ouart, se retrouve malgré lui au coeur d'un étrange imbroglio. Ce magistrat au physique imposant et à la carrière bien remplie occupe une place prépondérante dans le dispositif présidentiel. Fidèle de Sarkozy depuis dix-sept ans, il a son mot à dire sur les nominations de tous les hauts magistrats français. Chargé de suivre les dossiers sensibles traités par la justice, il s'est notoirement opposé à Rachida Dati quand elle était garde des Sceaux, au point de passer pour le "ministre bis" de la Justice.
"Une balle ne peut pas le rater!"
A la fin de 2009, ce personnage tout en rondeurs reçoit un signal inquiétant. Un intermédiaire vient le trouver, et lui confie qu'Alexandre Djouhri aurait récemment lâché à son sujet cette sentence dénuée de toute ambiguïté: "Avec son format, une balle ne peut pas le rater!" Patrick Ouart prend la menace très au sérieux.
Visiblement affecté par cet épisode, il l'évoque dès le lendemain, lors de la traditionnelle réunion du matin à l'Elysée. Et dans la foulée, il rédige un rapport destiné au président de la République. "Une note velue", selon un autre conseiller qui croitsavoir que l'affaire s'est conclue par une convocation d'Alexandre Djouhri devant Nicolas Sarkozy. En tout cas, un haut fonctionnaire rappelle l'homme d'affaires à plus de circonspection...
Sa rancune à l'égard de Patrick Ouart trouve en fait son origine dans les coulisses d'un procès retentissant: celui de l'Angolagate, jugé au palais de justice de Paris du 6 octobre 2008 au 4 mars 2009. Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, surveille alors avec attention les péripéties du dossier. Les débats portent sur des ventes d'armes à l'Angola et sur les commissions versées à cette occasion, évaluées à plus de 790 millions de dollars. Les faits les plus anciens remontent à 1993 mais ils ont une résonance très actuelle: le pays figure parmi les plus gros producteurs de pétrole brut du continent. Et les sociétés françaises y sont très implantées.
Le régime de Luanda suit tout aussi attentivement que Claude Guéant les démêlés judiciaires d'un acteur clef du dossier, Pierre Falcone. En 2003, cet intermédiaire français a été nommé ambassadeur de l'Angola auprès de l'Unesco. Une manoeuvre manifestement destinée à le protéger juridiquement.
De manière très prosaïque, l'Elysée envisage tous les scénarios, y compris celui qui permettrait de sauver la mise de Falcone, le "protégé" des Angolais, en retirant la plainte du gouvernement. Ne pourrait-il pas, par exemple, bénéficier de l'immunité diplomatique? Patrick Ouart fait valoir ses réserves sur ce point, et sur l'ensemble du dossier. Il prévient que les preuves recueillies contre Falcone conduiront vraisemblablement à sa condamnation. Selon lui, toute tentative d'intervention de l'exécutif sur le tribunal ajouterait la "défaite au déshonneur". De son côté, l'homme d'affaires Alexandre Djouhri se dépense sans compter pour relayer les exigences angolaises, en particulier auprès de Claude Guéant.
En octobre 2009, le marchand d'armes, confiant, quitte la Chine, où il réside désormais, pour assister à son jugement devant le tribunal correctionnel de Paris. De toute évidence, il a obtenu l'assurance de n'être pas incarcéré. Mais, coup de théâtre, le 27 octobre, le président Jean-Baptiste Parlos annonce à un Falcone sonné sa condamnation à six ans d'emprisonnement et son arrestation à l'audience... Dès le 3 décembre, le parquet général tente une dernière démarche pour sauver le soldat Falcone en soutenant la demande de remise en liberté du condamné. En vain.
Ces décisions de justice provoquent des remous jusqu'à l'Elysée, où Patrick Ouart, désormais en opposition ouverte à Claude Guéant, refuse de s'occuper plus avant du dossier Falcone. L'attitude du conseiller aurait provoqué la fureur d'Alexandre Djouhri. En plus des menaces physiques, il aurait traité le magistrat de "raciste" et d'"Afrikaner", en référence aux partisans de l'apartheid en Afrique du Sud.
"Du pur délire! Il n'y a jamais eu de menaces, assure à L'Express l'avocat d'Alexandre Djouhri, Me Pierre Cornut-Gentille. Ces rumeurs servent avant tout à régler des comptes. Alexandre Djouhri a toujours cherché à préserver des intérêts nationaux et non les intérêts particuliers." Malgré ce démenti et le départ de Patrick Ouart, revenu au groupe de luxe LVMH en janvier dernier, le malaise est loin d'être dissipé. Beaucoup s'interrogent sur la place grandissante prise par "M. Alexandre" à l'Elysée.
En novembre 2009, Patrick Ouart, alors conseiller du président, se plaint des attaques de l'homme d'affaire Alexandre Djouhri, très en vue dans l'entourage de Sarkozy. Retour sur un étrange incident.
Son cas - unique dans l'histoire pourtant tumultueuse de l'Elysée - divise les hommes du président. Alexandre Djouhri, influent mais imprévisible aventurier du négoce international, provoque des turbulences au plus haut sommet de l'Etat. Certains, sous le charme, vantent les mérites de cet apporteur d'affaires, proche de Nicolas Sarkozy et ami de Dominique de Villepin, partie prenante des grands marchés signés par la France ces dernières années. D'autres s'inquiètent au contraire de ses méthodes musclées, et appellent à la prudence. Une affaire aux relents de thriller politique a récemment renforcé leurs soupçons...
En novembre dernier, le conseiller de Nicolas Sarkozy pour les affaires judiciaires, Patrick Ouart, se retrouve malgré lui au coeur d'un étrange imbroglio. Ce magistrat au physique imposant et à la carrière bien remplie occupe une place prépondérante dans le dispositif présidentiel. Fidèle de Sarkozy depuis dix-sept ans, il a son mot à dire sur les nominations de tous les hauts magistrats français. Chargé de suivre les dossiers sensibles traités par la justice, il s'est notoirement opposé à Rachida Dati quand elle était garde des Sceaux, au point de passer pour le "ministre bis" de la Justice.
"Une balle ne peut pas le rater!"
A la fin de 2009, ce personnage tout en rondeurs reçoit un signal inquiétant. Un intermédiaire vient le trouver, et lui confie qu'Alexandre Djouhri aurait récemment lâché à son sujet cette sentence dénuée de toute ambiguïté: "Avec son format, une balle ne peut pas le rater!" Patrick Ouart prend la menace très au sérieux.
Visiblement affecté par cet épisode, il l'évoque dès le lendemain, lors de la traditionnelle réunion du matin à l'Elysée. Et dans la foulée, il rédige un rapport destiné au président de la République. "Une note velue", selon un autre conseiller qui croitsavoir que l'affaire s'est conclue par une convocation d'Alexandre Djouhri devant Nicolas Sarkozy. En tout cas, un haut fonctionnaire rappelle l'homme d'affaires à plus de circonspection...
Sa rancune à l'égard de Patrick Ouart trouve en fait son origine dans les coulisses d'un procès retentissant: celui de l'Angolagate, jugé au palais de justice de Paris du 6 octobre 2008 au 4 mars 2009. Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, surveille alors avec attention les péripéties du dossier. Les débats portent sur des ventes d'armes à l'Angola et sur les commissions versées à cette occasion, évaluées à plus de 790 millions de dollars. Les faits les plus anciens remontent à 1993 mais ils ont une résonance très actuelle: le pays figure parmi les plus gros producteurs de pétrole brut du continent. Et les sociétés françaises y sont très implantées.
Le régime de Luanda suit tout aussi attentivement que Claude Guéant les démêlés judiciaires d'un acteur clef du dossier, Pierre Falcone. En 2003, cet intermédiaire français a été nommé ambassadeur de l'Angola auprès de l'Unesco. Une manoeuvre manifestement destinée à le protéger juridiquement.
De manière très prosaïque, l'Elysée envisage tous les scénarios, y compris celui qui permettrait de sauver la mise de Falcone, le "protégé" des Angolais, en retirant la plainte du gouvernement. Ne pourrait-il pas, par exemple, bénéficier de l'immunité diplomatique? Patrick Ouart fait valoir ses réserves sur ce point, et sur l'ensemble du dossier. Il prévient que les preuves recueillies contre Falcone conduiront vraisemblablement à sa condamnation. Selon lui, toute tentative d'intervention de l'exécutif sur le tribunal ajouterait la "défaite au déshonneur". De son côté, l'homme d'affaires Alexandre Djouhri se dépense sans compter pour relayer les exigences angolaises, en particulier auprès de Claude Guéant.
En octobre 2009, le marchand d'armes, confiant, quitte la Chine, où il réside désormais, pour assister à son jugement devant le tribunal correctionnel de Paris. De toute évidence, il a obtenu l'assurance de n'être pas incarcéré. Mais, coup de théâtre, le 27 octobre, le président Jean-Baptiste Parlos annonce à un Falcone sonné sa condamnation à six ans d'emprisonnement et son arrestation à l'audience... Dès le 3 décembre, le parquet général tente une dernière démarche pour sauver le soldat Falcone en soutenant la demande de remise en liberté du condamné. En vain.
Ces décisions de justice provoquent des remous jusqu'à l'Elysée, où Patrick Ouart, désormais en opposition ouverte à Claude Guéant, refuse de s'occuper plus avant du dossier Falcone. L'attitude du conseiller aurait provoqué la fureur d'Alexandre Djouhri. En plus des menaces physiques, il aurait traité le magistrat de "raciste" et d'"Afrikaner", en référence aux partisans de l'apartheid en Afrique du Sud.
"Du pur délire! Il n'y a jamais eu de menaces, assure à L'Express l'avocat d'Alexandre Djouhri, Me Pierre Cornut-Gentille. Ces rumeurs servent avant tout à régler des comptes. Alexandre Djouhri a toujours cherché à préserver des intérêts nationaux et non les intérêts particuliers." Malgré ce démenti et le départ de Patrick Ouart, revenu au groupe de luxe LVMH en janvier dernier, le malaise est loin d'être dissipé. Beaucoup s'interrogent sur la place grandissante prise par "M. Alexandre" à l'Elysée.
jeudi 4 mars 2010
La prescription de l'abus de biens sociaux s'invite dans le débat sur la réforme judiciaire
Le Figaro, 3 mars 2010
L'avant-projet de réforme prévoit que les délais de prescription pour les affaires d'abus de biens sociaux ne démarrent plus au moment où l'infraction a été découverte, mais à la date où elle a été commise. Une «manière d'enterrer des affaires», dénonce le principal syndicat de magistrats.
La disposition se trouve au début des 225 pages qui constituent l'avant-projet de réforme de la justice présenté par la garde des Sceaux mardi. Quelques lignes, qui prévoient d'inclure une réforme du délai de prescription contestée dans la réforme de la procédure pénale.
Pour les délits, le délai de prescription, actuellement de trois ans, passerait à six ans. Pour les atteintes à la vie (meurtre, viol), il serait allongé de 10 à 15 ans. Mais ce qui pourrait passer, à première vue, pour une bonne nouvelle pour la justice, suscite pourtant l'opposition de l'Union syndicale des magistrats (USM), premier syndicat de magistrats. Car le projet de réforme précise que la prescription courrait à partir du jour où l'infraction a été commise, quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée. Or actuellement, la jurisprudence permet pour certains délits de la faire courir à partir du jour où l'infraction est découverte.
«C'est une manière d'enterrer à l'avenir un certain nombre d'affaires», accuse Laurent Bédouet, secrétaire général de l'USM, joint par lefigaro.fr. «Pour un certain nombre d'infractions dites ‘occultes', il était important de prendre en compte le jour du constat de l'infraction», précise-t-il. Par exemple, des manipulations financières sont souvent découvertes au moment du dépôt de bilan d'une entreprise ou du changement de majorité dans une municipalité, soit des années après que le délit a été commis. Laurent Bédouet cite l'exemple de l'Angolagate, qui selon lui n'aurait pas pu arriver en justice avec cette nouvelle disposition. Pour le Syndicat de la magistrature, «le gouvernement démontre une nouvelle fois sa bienveillance envers les milieux d'affaires».
« Simplification et clarification »
Du côté du ministère de la Justice, on réfute toute accusation de manipulation. «Il n'y aucune volonté d'étouffer des affaires», affirme au figaro.fr Guillaume Didier, porte-parole du ministère. Selon lui, «le doublement du délai de prescription (pour les délits, ndlr) permettra au contraire de juger plus de délits». Pour le gouvernement, cette réforme procède donc d'un souci de «simplification et de clarification», en fixant un point de départ précis au délai de prescription. Quant à ceux qui sous-entendent que la ministre a voulu faire passer cette disposition «en douce», noyée dans un texte très dense, son porte-parole leur rappelle que le débat sur la prescription est «très ancien» et qu'il est donc «normal de l'inclure dans une réforme de la procédure pénale». «Le texte est d'ailleurs soumis à concertation et chacun pourra faire valoir ses arguments », conclut-il.
Quoi qu'il en soit, cette disposition ajoute un point de crispation à une réforme qui n'en avait pas besoin. «C'est la démonstration de ce que nous affirmons depuis le début, à savoir que cette réforme part d'une volonté de reprise en main de l'autorité judiciaire», affirme Laurent Bédouet. Il promet donc de batailler sur ce point comme sur ceux de la suppression du juge d'instruction et de la réforme du statut de procureur.
L'avant-projet de réforme prévoit que les délais de prescription pour les affaires d'abus de biens sociaux ne démarrent plus au moment où l'infraction a été découverte, mais à la date où elle a été commise. Une «manière d'enterrer des affaires», dénonce le principal syndicat de magistrats.
La disposition se trouve au début des 225 pages qui constituent l'avant-projet de réforme de la justice présenté par la garde des Sceaux mardi. Quelques lignes, qui prévoient d'inclure une réforme du délai de prescription contestée dans la réforme de la procédure pénale.
Pour les délits, le délai de prescription, actuellement de trois ans, passerait à six ans. Pour les atteintes à la vie (meurtre, viol), il serait allongé de 10 à 15 ans. Mais ce qui pourrait passer, à première vue, pour une bonne nouvelle pour la justice, suscite pourtant l'opposition de l'Union syndicale des magistrats (USM), premier syndicat de magistrats. Car le projet de réforme précise que la prescription courrait à partir du jour où l'infraction a été commise, quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée. Or actuellement, la jurisprudence permet pour certains délits de la faire courir à partir du jour où l'infraction est découverte.
«C'est une manière d'enterrer à l'avenir un certain nombre d'affaires», accuse Laurent Bédouet, secrétaire général de l'USM, joint par lefigaro.fr. «Pour un certain nombre d'infractions dites ‘occultes', il était important de prendre en compte le jour du constat de l'infraction», précise-t-il. Par exemple, des manipulations financières sont souvent découvertes au moment du dépôt de bilan d'une entreprise ou du changement de majorité dans une municipalité, soit des années après que le délit a été commis. Laurent Bédouet cite l'exemple de l'Angolagate, qui selon lui n'aurait pas pu arriver en justice avec cette nouvelle disposition. Pour le Syndicat de la magistrature, «le gouvernement démontre une nouvelle fois sa bienveillance envers les milieux d'affaires».
« Simplification et clarification »
Du côté du ministère de la Justice, on réfute toute accusation de manipulation. «Il n'y aucune volonté d'étouffer des affaires», affirme au figaro.fr Guillaume Didier, porte-parole du ministère. Selon lui, «le doublement du délai de prescription (pour les délits, ndlr) permettra au contraire de juger plus de délits». Pour le gouvernement, cette réforme procède donc d'un souci de «simplification et de clarification», en fixant un point de départ précis au délai de prescription. Quant à ceux qui sous-entendent que la ministre a voulu faire passer cette disposition «en douce», noyée dans un texte très dense, son porte-parole leur rappelle que le débat sur la prescription est «très ancien» et qu'il est donc «normal de l'inclure dans une réforme de la procédure pénale». «Le texte est d'ailleurs soumis à concertation et chacun pourra faire valoir ses arguments », conclut-il.
Quoi qu'il en soit, cette disposition ajoute un point de crispation à une réforme qui n'en avait pas besoin. «C'est la démonstration de ce que nous affirmons depuis le début, à savoir que cette réforme part d'une volonté de reprise en main de l'autorité judiciaire», affirme Laurent Bédouet. Il promet donc de batailler sur ce point comme sur ceux de la suppression du juge d'instruction et de la réforme du statut de procureur.
mercredi 3 mars 2010
Le gouvernement soupçonné de vouloir étouffer les dossiers politico-financiers
Le Monde, 3 mars 2010
C'est un article qui jette un doute sérieux sur la communication de la chancellerie à propos de la réforme de la procédure pénale. Alors que la ministre de la justice et des libertés, Michèle Alliot-Marie, reçoit magistrats et avocats pour leur promettre qu'aucune affaire ne sera étouffée, l'avant-projet de loi ressort l'idée d'une réforme du régime de prescription des abus de biens sociaux, qui constitue un chiffon rouge depuis plusieurs années.
De l'affaire Elf à l'Angolagate, plusieurs dirigeants d'entreprises et des hommes politiques ont été condamnés ou sont mis en examen pour des abus de confiance, des abus de biens sociaux ou des recels d'abus de biens sociaux - soit des infractions qui répriment le détournement, à des fins personnelles, des crédits ou biens d'une société. Parmi des cas récents : Charles Pasqua, Jean-Charles Marchiani, Gaston Flosse ou des dirigeants de société comme Casino ou Vinci.
La particularité de ces affaires vient du fait qu'il s'agit de délits dissimulés, qui sont souvent portés à la connaissance de la justice à la fin du mandat d'un dirigeant de société ou d'un homme politique.
C'est pour cette raison que la Cour de cassation a imposé une jurisprudence qui fait partir les délais de prescription au moment où les faits ont été révélés. Le projet de loi, au contraire, fait partir la prescription "à compter du jour où l'infraction a été commise, quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée".
En contrepartie, la chancellerie propose d'allonger, de trois à six ans, les délais de prescription des délits passibles d'au moins cinq ans de prison.
"Nous proposons de doubler les délais de prescription pour les délits de banqueroute, corruption, escroquerie, faux et usage de faux. Nous ne cherchons pas à enterrer les affaires", explique Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la justice.
"Pour les abus de biens sociaux, nous inscrivons dans la loi des règles claires sur le point de départ de la prescription qui apporte une sécurité juridique, par rapport à la jurisprudence", poursuit-il.
De l'amendement de Pierre Mazeaud, en 1995, au rapport du magistrat Jean-Marie Coulon sur la dépénalisation des affaires, en 2008, la majorité a fait plusieurs tentatives pour modifier le régime de prescription. Le rapport Coulon fixait le délai de prescription à sept ans.
"Nous avions choisi ce délai parce que nos recherches montraient qu'il n'y avait pratiquement pas de cas qui allaient au-delà des sept ans", explique M. Coulon.
Le jour de la remise du rapport, la Cour de cassation examinait les pourvois de l'ancien préfet Jean-Charles Marchiani, condamné pour recel d'abus de biens sociaux pour des faits commis de 1991 à 1994, mais révélés en 2002.
L'avocat général avait relevé : "Si l'on avait appliqué les recommandations de la commission Coulon, on aurait dû jeter ce dossier à la poubelle judiciaire."
"Mettre un butoir n'est pas anormal en soi, explique le juge d'instruction financier, Renaud Van Ruymbeke, on ne peut pas faire de l'archéologie judiciaire. Mais six ans, c'est court, surtout pour des affaires qui nécessitent des vérifications à l'étranger."
Dans l'affaire des frégates de Taïwan, l'instruction a été ouverte en 2001, alors que ce marché d'armement a été conclu en 1991.
"Avec ce nouveau régime de prescription, on aurait pu poursuivre que les derniers paiements de rétrocommissions, sans pouvoir remonter à l'origine."
Le nouveau régime ne concerne pas que les délits importants. Juge d'instruction à Arras, Virginie Valton, membre de l'Union syndicale des magistrats, cite le cas d'un homme qui s'est constitué partie civile pour abus de confiance. Il avait découvert, des années après, que son tuteur ne lui avait jamais restitué l'argent de ses parents à sa majorité.
"La suppression du juge d'instruction nous inquiète car les affaires financières ont souvent une coloration politique, explique la présidente de l'Association des actionnaires minoritaires, Colette Neuville. On est en train de supprimer le juge indépendant sur la ligne d'arrivée. Voilà qu'on nous supprime le point de départ avec la réforme de la prescription !"
Alain Salles
C'est un article qui jette un doute sérieux sur la communication de la chancellerie à propos de la réforme de la procédure pénale. Alors que la ministre de la justice et des libertés, Michèle Alliot-Marie, reçoit magistrats et avocats pour leur promettre qu'aucune affaire ne sera étouffée, l'avant-projet de loi ressort l'idée d'une réforme du régime de prescription des abus de biens sociaux, qui constitue un chiffon rouge depuis plusieurs années.
De l'affaire Elf à l'Angolagate, plusieurs dirigeants d'entreprises et des hommes politiques ont été condamnés ou sont mis en examen pour des abus de confiance, des abus de biens sociaux ou des recels d'abus de biens sociaux - soit des infractions qui répriment le détournement, à des fins personnelles, des crédits ou biens d'une société. Parmi des cas récents : Charles Pasqua, Jean-Charles Marchiani, Gaston Flosse ou des dirigeants de société comme Casino ou Vinci.
La particularité de ces affaires vient du fait qu'il s'agit de délits dissimulés, qui sont souvent portés à la connaissance de la justice à la fin du mandat d'un dirigeant de société ou d'un homme politique.
C'est pour cette raison que la Cour de cassation a imposé une jurisprudence qui fait partir les délais de prescription au moment où les faits ont été révélés. Le projet de loi, au contraire, fait partir la prescription "à compter du jour où l'infraction a été commise, quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée".
En contrepartie, la chancellerie propose d'allonger, de trois à six ans, les délais de prescription des délits passibles d'au moins cinq ans de prison.
"Nous proposons de doubler les délais de prescription pour les délits de banqueroute, corruption, escroquerie, faux et usage de faux. Nous ne cherchons pas à enterrer les affaires", explique Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la justice.
"Pour les abus de biens sociaux, nous inscrivons dans la loi des règles claires sur le point de départ de la prescription qui apporte une sécurité juridique, par rapport à la jurisprudence", poursuit-il.
De l'amendement de Pierre Mazeaud, en 1995, au rapport du magistrat Jean-Marie Coulon sur la dépénalisation des affaires, en 2008, la majorité a fait plusieurs tentatives pour modifier le régime de prescription. Le rapport Coulon fixait le délai de prescription à sept ans.
"Nous avions choisi ce délai parce que nos recherches montraient qu'il n'y avait pratiquement pas de cas qui allaient au-delà des sept ans", explique M. Coulon.
Le jour de la remise du rapport, la Cour de cassation examinait les pourvois de l'ancien préfet Jean-Charles Marchiani, condamné pour recel d'abus de biens sociaux pour des faits commis de 1991 à 1994, mais révélés en 2002.
L'avocat général avait relevé : "Si l'on avait appliqué les recommandations de la commission Coulon, on aurait dû jeter ce dossier à la poubelle judiciaire."
"Mettre un butoir n'est pas anormal en soi, explique le juge d'instruction financier, Renaud Van Ruymbeke, on ne peut pas faire de l'archéologie judiciaire. Mais six ans, c'est court, surtout pour des affaires qui nécessitent des vérifications à l'étranger."
Dans l'affaire des frégates de Taïwan, l'instruction a été ouverte en 2001, alors que ce marché d'armement a été conclu en 1991.
"Avec ce nouveau régime de prescription, on aurait pu poursuivre que les derniers paiements de rétrocommissions, sans pouvoir remonter à l'origine."
Le nouveau régime ne concerne pas que les délits importants. Juge d'instruction à Arras, Virginie Valton, membre de l'Union syndicale des magistrats, cite le cas d'un homme qui s'est constitué partie civile pour abus de confiance. Il avait découvert, des années après, que son tuteur ne lui avait jamais restitué l'argent de ses parents à sa majorité.
"La suppression du juge d'instruction nous inquiète car les affaires financières ont souvent une coloration politique, explique la présidente de l'Association des actionnaires minoritaires, Colette Neuville. On est en train de supprimer le juge indépendant sur la ligne d'arrivée. Voilà qu'on nous supprime le point de départ avec la réforme de la prescription !"
Alain Salles
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