Gaston Flosse sort de garde à vue, Libération, 24 juillet 2009
La garde à vue du sénateur polynésien Gaston Flosse (DVD, ex-UMP), mis en cause dans le cadre d'une affaire de détournement de biens sociaux et de corruption ouverte par le parquet de Papeete (Polynésie Française), a été levée vendredi à 18h a-t-on appris de source proche du dossier à Nanterre.
Le sénateur polynésien Gaston Flosse (DVD, ex-UMP) avaity été placé en garde à vue vendredi matin à Nanterre dans le cadre d’une affaire de détournement de biens sociaux et de corruption. La mesure de garde à vue est intervienu après la levée partielle de l’immunité parlementaire de Gaston Flosse, autorisée mercredi par le Sénat, après une demande du juge d’instruction de Tahiti, Philippe Stelmach.
L’enquête porte sur une affaire de détournements et de corruption à l’Office des Postes et Télécommunications (OPT) de Polynésie.
Cinq personnes ont été mises en détention provisoire à Tahiti dans le cadre de cette affaire, dont Jeffrey Salmon, ancien directeur de l’OPT, Melba Ortas, secrétaire particulière de Gaston Flosse, Alphonse Teriierooiterai, ancien président du conseil d’administration de l’OPT, et Hubert Haddad, PDG de 2H, groupe chargé de la publicité pour l’annuaire officiel de la Polynésie.
(Source AFP)
dimanche 26 juillet 2009
Affaire Dray : dernières sommations !
Affaire Dray : dernières sommations !, 26 juillet 2009
Julien Dray ne marquera sans doute pas l’histoire de France, mais pour avoir « bénéficié » en avant-première de la réforme du Code de procédure pénale, il a gagné sa place dans les bouquins de droit. Pourquoi ce régime particulier? Petite tentative pour comprendre…
En 1990, sous le gouvernement de Michel Rocard, pour faire face à la mondialisation du trafic de stupéfiants, on décide de s’attaquer aux flux financiers internationaux générés par ce trafic en créant une cellule auprès du ministère des Finances : TRACFIN. Au fil des ans, les compétences de ce service s’étendent au crime organisé, à la corruption, aux intérêts financiers des Communautés européennes, puis à la lutte contre le terrorisme.
On en était à peu près là, l’année dernière lorsque l’affaire Dray a éclaté. TRACFIN n’est pas un service judiciaire et si lors de leurs recherches ses fonctionnaires découvrent des faits qui tombent sous le coup de la loi, leur devoir (c’est une obligation légale pour tous les fonctionnaires) est de les dénoncer au procureur de la République – et non pas de bâtir patiemment un dossier franco-français contre un homme, qu’il soit député de l’opposition ou non.
Or Dray est tellement saucissonné dans ce dossier que lorsque celui-ci échoit sur le bureau du procureur, ce dernier n’a plus qu’à saisir un juge d’instruction afin que l’affaire suive son cours. Ce qu’il ne fait pas. On peut donc supposer qu’il a reçu des instructions pour éviter qu’un petit juge ne mette le nez dans cette affaire. D’autant que ledit petit juge aurait probablement cru bon de prendre la déposition des gens de TRACFIN, voire d’effectuer une perquisition dans leurs bureaux, comme ce fut le cas dans l’enquête sur la caisse noire de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie).
On en arrive donc à cette situation ubuesque où un service administratif destiné à lutter contre le blanchiment d’argent, et qui bénéficie des mêmes prérogatives d’enquête que des policiers ou des gendarmes, monte un dossier contre un homme politique qui a longtemps été très proche de la prétendante à la présidence de la République (dans le dossier on trouve d’ailleurs un autre proche de Ségolène Royal). Et pour garder mainmise sur l’affaire le procureur décide d’utiliser les pouvoirs que devrait lui donner la nouvelle procédure pénale actuellement toujours dans les tuyaux.
Bon, on peut toujours se dire que Julien Dray l’a bien cherché et que son train de vie de nanti n’attire pas spécialement la sympathie.
Et que ces choses n’arrivent qu’aux autres…
Sauf que le décret du 16 juillet 2009 modifie sérieusement la donne. Car dorénavant, il ne s’agit plus seulement pour TRACFIN de lutter contre le blanchiment mais bel et bien de surveiller tous les habitants de l’Hexagone en mettant en place une obligation de « déclaration de soupçons ».
Qu’on le veuille ou non, on n’est pas loin de la délation organisée au niveau de l’État. Et nous sommes tous concernés. Pour paraphraser un slogan soixante-huitard, nous sommes tous des Julien Dray.
Le texte énumère les cas dans lesquels il devient obligatoire de faire une dénonciation, euh…, je voulais dire « une déclaration de soupçons ». Il y en a 16. Certains risquent de gâcher vos relations avec votre banquier. Ainsi vous déposez des fonds sur votre compte, il va vous demander d’où provient cet argent. Et si vous refusez de répondre, il vous dénonce. Et s’il n’ose pas vous poser la question mais qu’il estime que la somme que vous déposez ne correspond pas à votre train de vie, il vous dénonce aussi. Vous vendez votre maison à un prix trop bas, cette fois, c’est votre notaire qui vous dénonce, etc.
Et vous n’en saurez rien, car votre banquier ou votre notaire…, n’a pas le droit de vous informer qu’il vous a signalé à TRACFIN. S’il ne vous signale pas, il risque des poursuites pour complicité et s’il vous avise qu’il vous a signalé, il risque des poursuites pénales. Il faut avouer que la marge de manœuvre est restreinte…
Vous me direz, mon banquier, mon notaire, bof ! Oui mais si vous parcourez l’article 561-2 du Code monétaire et financier, vous allez être étonné de voir le nombre de gens que cela concerne, comme les galeries d’art, les antiquaires, les agences immobilières, les loueurs de biens, etc. On s’achemine nettement vers une généralisation pour toutes les transactions commerciales à partir du moment où il existe un soupçon de possibilité d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement d’un an. C’est-à-dire quasiment tous les délits. Attention aux transactions sur Internet ! Si vous achetez une voiture d’occasion nettement en-dessous de son cours, devez-vous penser que vous faites une bonne affaire ou qu’elle est volée ?
Dénoncer un crime ou un délit peut être un devoir civique, mais colporter un soupçon… « On ne bâtit pas une société démocratique sur des déclarations de soupçons » a déclaré Thierry Wickers, président du Conseil national des barreaux » (Le Monde du 7 juillet 2009).
Il faut dire que les avocats sont concernés au premier chef. Comment concilier cette obligation de dénonciation avec la confidentialité qui s’attache aux relations avec leurs clients ? Le Conseil d’État a estimé que les avocats ne pouvaient arguer du secret professionnel que dans leurs « activités juridictionnelles ». Dans tous les autres cas, ils doivent informer leur bâtonnier qui prendra la décision de faire ou non une « déclaration de soupçons ». Un truc à bousiller les vacances des avocats d’affaires, qui le plus souvent interviennent comme conseils, car leur clientèle, composée essentiellement d’entreprises, risque fort de s’adresser dorénavant à des cabinets étrangers. Sûr qu’ils doivent avoir une dent contre leur consœur, Christine Lagarde, qui a longtemps été à la tête de Baker & Mckenzie, l’un des plus grands cabinets d’avocats d’affaires du monde.
Certains rouspètent contre la méthode qui consiste à promulguer un décret d’application en plein été (la loi date du mois de janvier) et estiment que ce texte va bien au-delà de la 3° directive européenne, dite directive anti-blanchiment.
On jugera à l’usage.
Mais pour en revenir à Julien Dray, on peut s’étonner qu’il ait étrenné et le nouveau Code de procédure pénale et les nouveaux pouvoirs de TRACFIN – le tout avant parution. Un précurseur, quoi !
À se demander si toute cette publicité autour de son cas ne ressemble pas à un coup de semonce vis-à-vis de la classe politique et du monde des affaires. On en fait un épouvantail : Voyez ce qu’on a les moyens de faire…
Une arme de dissuasion massive en quelque sorte.
Julien Dray ne marquera sans doute pas l’histoire de France, mais pour avoir « bénéficié » en avant-première de la réforme du Code de procédure pénale, il a gagné sa place dans les bouquins de droit. Pourquoi ce régime particulier? Petite tentative pour comprendre…
En 1990, sous le gouvernement de Michel Rocard, pour faire face à la mondialisation du trafic de stupéfiants, on décide de s’attaquer aux flux financiers internationaux générés par ce trafic en créant une cellule auprès du ministère des Finances : TRACFIN. Au fil des ans, les compétences de ce service s’étendent au crime organisé, à la corruption, aux intérêts financiers des Communautés européennes, puis à la lutte contre le terrorisme.
On en était à peu près là, l’année dernière lorsque l’affaire Dray a éclaté. TRACFIN n’est pas un service judiciaire et si lors de leurs recherches ses fonctionnaires découvrent des faits qui tombent sous le coup de la loi, leur devoir (c’est une obligation légale pour tous les fonctionnaires) est de les dénoncer au procureur de la République – et non pas de bâtir patiemment un dossier franco-français contre un homme, qu’il soit député de l’opposition ou non.
Or Dray est tellement saucissonné dans ce dossier que lorsque celui-ci échoit sur le bureau du procureur, ce dernier n’a plus qu’à saisir un juge d’instruction afin que l’affaire suive son cours. Ce qu’il ne fait pas. On peut donc supposer qu’il a reçu des instructions pour éviter qu’un petit juge ne mette le nez dans cette affaire. D’autant que ledit petit juge aurait probablement cru bon de prendre la déposition des gens de TRACFIN, voire d’effectuer une perquisition dans leurs bureaux, comme ce fut le cas dans l’enquête sur la caisse noire de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie).
On en arrive donc à cette situation ubuesque où un service administratif destiné à lutter contre le blanchiment d’argent, et qui bénéficie des mêmes prérogatives d’enquête que des policiers ou des gendarmes, monte un dossier contre un homme politique qui a longtemps été très proche de la prétendante à la présidence de la République (dans le dossier on trouve d’ailleurs un autre proche de Ségolène Royal). Et pour garder mainmise sur l’affaire le procureur décide d’utiliser les pouvoirs que devrait lui donner la nouvelle procédure pénale actuellement toujours dans les tuyaux.
Bon, on peut toujours se dire que Julien Dray l’a bien cherché et que son train de vie de nanti n’attire pas spécialement la sympathie.
Et que ces choses n’arrivent qu’aux autres…
Sauf que le décret du 16 juillet 2009 modifie sérieusement la donne. Car dorénavant, il ne s’agit plus seulement pour TRACFIN de lutter contre le blanchiment mais bel et bien de surveiller tous les habitants de l’Hexagone en mettant en place une obligation de « déclaration de soupçons ».
Qu’on le veuille ou non, on n’est pas loin de la délation organisée au niveau de l’État. Et nous sommes tous concernés. Pour paraphraser un slogan soixante-huitard, nous sommes tous des Julien Dray.
Le texte énumère les cas dans lesquels il devient obligatoire de faire une dénonciation, euh…, je voulais dire « une déclaration de soupçons ». Il y en a 16. Certains risquent de gâcher vos relations avec votre banquier. Ainsi vous déposez des fonds sur votre compte, il va vous demander d’où provient cet argent. Et si vous refusez de répondre, il vous dénonce. Et s’il n’ose pas vous poser la question mais qu’il estime que la somme que vous déposez ne correspond pas à votre train de vie, il vous dénonce aussi. Vous vendez votre maison à un prix trop bas, cette fois, c’est votre notaire qui vous dénonce, etc.
Et vous n’en saurez rien, car votre banquier ou votre notaire…, n’a pas le droit de vous informer qu’il vous a signalé à TRACFIN. S’il ne vous signale pas, il risque des poursuites pour complicité et s’il vous avise qu’il vous a signalé, il risque des poursuites pénales. Il faut avouer que la marge de manœuvre est restreinte…
Vous me direz, mon banquier, mon notaire, bof ! Oui mais si vous parcourez l’article 561-2 du Code monétaire et financier, vous allez être étonné de voir le nombre de gens que cela concerne, comme les galeries d’art, les antiquaires, les agences immobilières, les loueurs de biens, etc. On s’achemine nettement vers une généralisation pour toutes les transactions commerciales à partir du moment où il existe un soupçon de possibilité d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement d’un an. C’est-à-dire quasiment tous les délits. Attention aux transactions sur Internet ! Si vous achetez une voiture d’occasion nettement en-dessous de son cours, devez-vous penser que vous faites une bonne affaire ou qu’elle est volée ?
Dénoncer un crime ou un délit peut être un devoir civique, mais colporter un soupçon… « On ne bâtit pas une société démocratique sur des déclarations de soupçons » a déclaré Thierry Wickers, président du Conseil national des barreaux » (Le Monde du 7 juillet 2009).
Il faut dire que les avocats sont concernés au premier chef. Comment concilier cette obligation de dénonciation avec la confidentialité qui s’attache aux relations avec leurs clients ? Le Conseil d’État a estimé que les avocats ne pouvaient arguer du secret professionnel que dans leurs « activités juridictionnelles ». Dans tous les autres cas, ils doivent informer leur bâtonnier qui prendra la décision de faire ou non une « déclaration de soupçons ». Un truc à bousiller les vacances des avocats d’affaires, qui le plus souvent interviennent comme conseils, car leur clientèle, composée essentiellement d’entreprises, risque fort de s’adresser dorénavant à des cabinets étrangers. Sûr qu’ils doivent avoir une dent contre leur consœur, Christine Lagarde, qui a longtemps été à la tête de Baker & Mckenzie, l’un des plus grands cabinets d’avocats d’affaires du monde.
Certains rouspètent contre la méthode qui consiste à promulguer un décret d’application en plein été (la loi date du mois de janvier) et estiment que ce texte va bien au-delà de la 3° directive européenne, dite directive anti-blanchiment.
On jugera à l’usage.
Mais pour en revenir à Julien Dray, on peut s’étonner qu’il ait étrenné et le nouveau Code de procédure pénale et les nouveaux pouvoirs de TRACFIN – le tout avant parution. Un précurseur, quoi !
À se demander si toute cette publicité autour de son cas ne ressemble pas à un coup de semonce vis-à-vis de la classe politique et du monde des affaires. On en fait un épouvantail : Voyez ce qu’on a les moyens de faire…
Une arme de dissuasion massive en quelque sorte.
samedi 25 juillet 2009
Les mauvais comptes de Julien Dray
Les mauvais comptes de Julien Dray, Le Monde, 24 juillet 2009
Les enquêteurs de la brigade financière ont mis fin, le 13 juillet, à leurs investigations concernant le train de vie du député socialiste de l'Essonne, Julien Dray. Des mouvements suspects sur ses comptes bancaires avaient été relevés en 2008 par l'organisme anti-blanchiment Tracfin, et une enquête préliminaire avait été ordonnée dans la foulée par le parquet de Paris. Dans un rapport de synthèse auquel Le Monde a eu accès – le site Mediapart en fait aussi état –, les policiers dressent un bilan de leur enquête. Avec ce constat de base : entre 2005 et 2008, M. Dray a perçu 1 631 417 euros, tous revenus confondus. Dans la même période, il a dépensé 2 087 678 euros. "Je ne suis pas un irresponsable dépensier, je ne suis en rien un homme qui vit dans la luxure", a certifié aux policiers M. Dray.
L'élu, lors de ses auditions, a longuement expliqué ses problèmes financiers : "A partir de janvier 2006, j'ai eu une charge supplémentaire de 2 000 euros [le remboursement d'un prêt accordé par Pierre Bergé]. A cela va s'ajouter quelques charges familiales supplémentaires…" D'où, selon lui, ce besoin de recourir à ses proches, en obtenant des prêts de leur part, et ce dans une période professionnelle très agitée. Depuis sa mise en cause, il a lancé un vaste processus de remboursement. Et devant les enquêteurs, il a protesté de son innocence : "Il n'y avait aucune suspicion possible (…), je ne me suis livré à aucun enrichissement et à aucune malversation." Les policiers ont pu établir que cinq associations, souvent en difficulté financière, ont contribué à alimenter les comptes de l'élu, huit particuliers lui ont consenti des prêts, sans pour autant rééquilibrer ses finances.
Outre des procédures incidentes (soupçons de fausses factures, fraudes au fisc…), le parquet va devoir déterminer si l'argent décaissé au profit de M. Dray, via des intermédiaires proches de l'élu et salariés par ces associations, est constitutif d'un abus de confiance. Le député pourrait alors faire l'objet d'une citation directe devant le tribunal correctionnel, de même qu'une demi-douzaine de personnes citées dans le dossier, dont Dominique Sopo, le président de SOS-Racisme. La piste d'un financement politique a en revanche été écartée.
DEUX INTERMÉDIAIRES PRINCIPAUX
Les policiers se sont intéressés aux associations suivantes, dont l'élu était très proche : la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), SOS-Racisme, Les Parrains de SOS-Racisme, Stop-Racisme Val d'Orge, et enfin l'Association de la 10e circonscription de l'Essonne. Toutes, à des degrés divers, ont décaissé des sommes importantes au profit de M. Dray. Deux personnes sont directement impliquées : Nathalie Fortis, chargée de mission au conseil régional d'Ile-de-France pour le compte de M. Dray, ex-salariée de la FIDL, comme Thomas Persuy, ancien permanent du syndicat lycéen.
La FIDL connaît de graves problèmes financiers, au point d'avoir été expulsée de ses locaux en 2006. En l'absence de toute comptabilité, les policiers ont suivi la trace des chèques. Entre 2006 et 2008, Mme Fortis perçoit 22 783 euros. Bon nombre de chèques encaissés par cette permanente sur son compte font immédiatement l'objet d'un versement du même montant sur les comptes de M. Dray. En guise d'explication, Mme Fortis a fait valoir qu'elle avait acquis auprès du député une montre de valeur, une Rolex James Bond, et qu'il s'agissait de le rembourser. "J'ai investi dans une montre comme certains investissent dans l'immobilier", a-t-elle indiqué aux policiers. M. Dray a confirmé l'achat de cette montre. Elle a également perçu 33 053 euros de l'association Les Parrains de SOS-Racisme, une structure proche de SOS-Racisme. De nombreux chèques, là aussi, ont été décaissés simultanément au profit de M. Dray. Les policiers s'interrogent sur la réalité des prestations fournies par Mme Fortis pour l'association Les Parrains de SOS-Racisme. "Cela correspond sans doute à des prestations réalisées pour SOS", a-t-elle indiqué.
M. Persuy, lui, a obtenu de la FIDL 78 599 euros sur trois ans, qu'il a en partie reversés à M. Dray. Des prêts, a-t-il expliqué, destinés à soutenir l'élu dans sa campagne pour prendre la tête du Parti socialiste. Même principe pour Les Parrains de SOS-Racisme, dont il a obtenu 12 750 euros en 2008, somme intégralement redistribuée à Julien Dray. M. Persuy, pour justifier ces chèques adressés à M. Dray, a également expliqué qu'il avait acheté des stylos Mont-Blanc appartenant au député, ce que ce dernier a confirmé.
Au total, Mme Fortis a versé 38 300 euros à M. Dray. M. Persuy, lui, a déboursé 35 750 euros. M. Dray s'est défendu, devant les policiers : "Je n'ai pas à connaître l'origine des fonds", dit-il, au sujet des versements d'argent sur ses comptes. Et il précise : "J'étais surchargé de travail (...). Je me suis donc beaucoup appuyé dans la gestion quotidienne sur l'ensemble de mes assistants." Il rappelle qu'en 2007, il a beaucoup œuvré pour la candidate socialiste Ségolène Royal, ce qui, lâche-t-il, "n'est peut-être pas la chose la plus intelligente que j'ai faite...".
DES CIRCUITS DE FINANCEMENT PARFOIS PLUS COMPLEXES
Cindy Fischer, autre permanente de de la FIDL pendant deux ans, a reçu du syndicat 6 500 euros, pour s'être occupée du mouvement lycéen en 2005 contre la réforme Fillon. Elle avait alors reversé 6 400 euros à Mme Fortis, qui, quatre jours plus tard, signait un chèque de 6 000 euros à Julien Dray. Commentaire de M. Fischer, l'époux de Cindy Fischer, lors de son audition : "Il y a un truc bizarre, c'est clair. Nathalie Fortis semble avoir collecté des fonds à cette époque pour les reverser à M. Dray."
Les enquêteurs ont aussi retrouvé la trace d'un vrai-faux rapport commandé en décembre 2008 par la FIDL à Geneviève de Kerautem, chargée de mission pour M. Dray au conseil régional d'Ile-de-France. Celle-ci perçoit 6 000 euros pour ce travail, somme reversée dans son intégralité à M. Dray parce que, a-t-elle relaté en garde à vue, ce dernier était "en galère financière". Lors d'une perquisition au bureau de Mme de Kerautem, les policiers ont bien mis la main sur un pré-rapport, mais ne comportant que huit pages, rédigées en mars 2009, alors que l'auteure se savait convoquée par les enquêteurs. "Nous pouvons nous poser la question sur la réalité de cette prestation…", ironise la brigade financière.
Autre cas suspect, la mission commandée à Odile Gaston, la belle-sœur de Julien Dray, par Dominique Sopo, président de SOS-Racisme. Mme Gaston perçoit, le 13 août 2008, 5 000 euros provenant des Parrains de SOS-Racisme. Elle reverse six jours plus tard 2 040 euros à Julien Dray. Sa mission, la mise en place de chantiers de solidarité au Mali, n'a jamais été réalisée. Concernant la somme versée à M. Dray, elle a expliqué avoir remboursé ainsi sa participation aux vacances organisées dans la maison du député, à Vallauris (Alpes-Maritimes).
M. Dray s'est défendu d'avoir donné des instructions aux associations concernées, mettant en exergue leur indépendance : "Je ne donne aucune instruction, ou alors cela veut dire encore une fois que c'est moi qui dirige ces associations et que les gens sont des pantins." Autre cas particulier, celui de Georges Sebag, un ami de M. Dray, distributeur de vêtements dégriffés Gérard Darel dans le sud de la France. Vingt-six chèques signés par les clients de M. Sebag ont été versés sur les comptes de M. Dray, pour un montant de 11 840 euros. Il s'agissait, selon M. Sebag, de prêter de l'argent à son ami pour sa campagne interne au PS. Il assurait avoir remis au total une quarantaine de chèques, dont il ne renseignait pas l'ordre, en laissant le soin à l'élu. Mme Fortis, comme M. Persuy, ont aussi reçu ces chèques.
UNE COMPTABILITÉ INEXISTANTE DANS LES ASSOCIATIONS
Le travail d'enquête n'a pas été facilité par les pratiques en vigueur dans les associations. A la FIDL, il n'y avait donc aucune comptabilité. Et les enquêteurs ont découvert, dans la galaxie SOS-Racisme, de curieux comportements. L'argent affluant sur les comptes de l'association Les Parrains de SOS-Racisme était utilisé en toute opacité : "Pour ces actions pour lesquelles nous ne pouvons avoir de justificatifs, nous utilisons les fonds privés des Parrains de SOS-Racisme", a reconnu Martine Guillaume, la directrice financière de SOS-Racisme. "Ces actions sont le ménage au black, les petites dépenses comme les billets de train et petits achats divers, des pots à des militants, des bombes de peinture." A la suite des investigations policières, elle a eu ce commentaire : "Nous allons faire en sorte de rentrer dans la légalité." Sur 280 849 euros collectés entre 2005 et 2008 par Les Parrains de SOS-Racisme, avec des donateurs tels que Pierre Bergé ou Arte, seuls 10 000 euros ont été officiellement versés sur les comptes de SOS-Racisme. L'ordre des chèques adressés à l'association principale était souvent retouché, et l'argent était ainsi versé sur le compte-support des Parrains. Une technique jugée "regrettable" par Pierre Bergé.
Par ailleurs, les enquêteurs trouveront d'autres irrégularités. Comme ces sept fausses factures imputées à la société Cdiscount, sans qu'il y ait jamais eu la moindre prestation en faveur de SOS-Racisme. Plusieurs factures vierges à l'en-ête de différentes sociétés ont même été découvertes dans le bureau de Mme Guillaume. Enfin, il y a le cas Assane Fall, compagnon de Nathalie Fortis. Licencié par SOS-Racisme, il touche 5 800 euros d'indemnités le 12 septembre 2008. Trois jours plus tard, Mme Fortis signe un chèque de 5 300 euros en faveur de Julien Dray.
TABLEAUX, MONTRES ET TEE-SHIRTS
Les policiers ont découvert d'autres étrangetés dans ce dossier. Comme l'affaire des tableaux. Le 16 septembre 2008, l'Association de la 10e circonscription de l'Essonne, créée pour faire connaître l'action politique de M. Dray, vend des tableaux à SOS-Racisme, pour une somme de 9 000 euros. 7 000 euros sont ensuite reversés à M. Dray. Celui-ci a indiqué qu'il avait besoin d'argent, et donc décidé de vendre ces tableaux, initialement destinés à égayer sa permanence. Une vente très éloignée de l'objet social de l'association, assurent les policiers, qui s'interrogent : pourquoi M. Dray n'a-t-il pas vendu directement ces œuvres d'art, en son nom ? "Il n'y avait pas de volonté de cacher quoi que ce soit, a déclaré M. Dray, mais pour Sopo et pour moi-même, c'était mieux comme ça."
L'Association de la 10e circonscription connaissait de sérieuses difficultés financières, au point de contraindre Pierre Bergé, proche de M. Dray et président des Parrains de SOS-Racisme, à effectuer en 2008 un don de 100 000 euros. Une situation délicate qui n'a pas empêché M. Dray de débiter 7 000 euros des comptes de cette association pour acheter une montre Rolex en or à sa suppléante, Fatima Ogbi, récompensée pour ses bons services électoraux. Le député a indiqué aux policiers qu'il avait reversé de l'argent à cette association pour compenser cette dépense.
Enfin, la brigade financière s'est penchée sur une étrange coïncidence. M. Sebag, l'ami de M. Dray, distributeur de Gérard Darel, avait reçu de SOS-Racisme la commande de 5 000 tee-shirts, pour une somme de 15 548 euros, via un chèque émis, selon la police, en mai 2008. Cette période correspond très exactement à la vague des premiers chèques "clients" adressés par M. Sebag à M. Dray, pour une somme de 15 000 euros. Il ne faut y voir aucun lien de cause à effet, a assuré le député.
DES AMIS FORTUNÉS ET GÉNÉREUX
Pas moins de huit particuliers, proches de l'élu socialiste, lui ont prêté de grosses sommes d'argent, en particulier en 2008. Les remboursements sont aujourd'hui en cours, et M. Dray envisage de vendre sa maison de Vallauris pour les honorer.
Pierre Bergé est le plus gros contributeur, avec près de 340 000 euros. Les policiers ont aussi enquêté sur les prêts accordés par François Malisan, architecte dans l'Essonne, ou ceux consentis par Robert Zarader, publicitaire. Selon les policiers, ils n'ont obtenu aucune contrepartie, telle que l'éventuel octroi de marchés publics dans le département.
Pour rembourser ses amis, M. Dray leur donnait, parfois, des montres, lampes, ou même une sculpture chinoise. Lors de ses auditions, Julien Dray a souhaité qu'il n'y ait pas d'"extrapolation" de la part des policiers, expliquant ceci : "Si j'avais besoin d'argent, j'aurais pu solliciter directement mes amis, et je n'ai pas besoin de passer par Les Parrains de SOS-Racisme ou autre montage."
Les enquêteurs de la brigade financière ont mis fin, le 13 juillet, à leurs investigations concernant le train de vie du député socialiste de l'Essonne, Julien Dray. Des mouvements suspects sur ses comptes bancaires avaient été relevés en 2008 par l'organisme anti-blanchiment Tracfin, et une enquête préliminaire avait été ordonnée dans la foulée par le parquet de Paris. Dans un rapport de synthèse auquel Le Monde a eu accès – le site Mediapart en fait aussi état –, les policiers dressent un bilan de leur enquête. Avec ce constat de base : entre 2005 et 2008, M. Dray a perçu 1 631 417 euros, tous revenus confondus. Dans la même période, il a dépensé 2 087 678 euros. "Je ne suis pas un irresponsable dépensier, je ne suis en rien un homme qui vit dans la luxure", a certifié aux policiers M. Dray.
L'élu, lors de ses auditions, a longuement expliqué ses problèmes financiers : "A partir de janvier 2006, j'ai eu une charge supplémentaire de 2 000 euros [le remboursement d'un prêt accordé par Pierre Bergé]. A cela va s'ajouter quelques charges familiales supplémentaires…" D'où, selon lui, ce besoin de recourir à ses proches, en obtenant des prêts de leur part, et ce dans une période professionnelle très agitée. Depuis sa mise en cause, il a lancé un vaste processus de remboursement. Et devant les enquêteurs, il a protesté de son innocence : "Il n'y avait aucune suspicion possible (…), je ne me suis livré à aucun enrichissement et à aucune malversation." Les policiers ont pu établir que cinq associations, souvent en difficulté financière, ont contribué à alimenter les comptes de l'élu, huit particuliers lui ont consenti des prêts, sans pour autant rééquilibrer ses finances.
Outre des procédures incidentes (soupçons de fausses factures, fraudes au fisc…), le parquet va devoir déterminer si l'argent décaissé au profit de M. Dray, via des intermédiaires proches de l'élu et salariés par ces associations, est constitutif d'un abus de confiance. Le député pourrait alors faire l'objet d'une citation directe devant le tribunal correctionnel, de même qu'une demi-douzaine de personnes citées dans le dossier, dont Dominique Sopo, le président de SOS-Racisme. La piste d'un financement politique a en revanche été écartée.
DEUX INTERMÉDIAIRES PRINCIPAUX
Les policiers se sont intéressés aux associations suivantes, dont l'élu était très proche : la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), SOS-Racisme, Les Parrains de SOS-Racisme, Stop-Racisme Val d'Orge, et enfin l'Association de la 10e circonscription de l'Essonne. Toutes, à des degrés divers, ont décaissé des sommes importantes au profit de M. Dray. Deux personnes sont directement impliquées : Nathalie Fortis, chargée de mission au conseil régional d'Ile-de-France pour le compte de M. Dray, ex-salariée de la FIDL, comme Thomas Persuy, ancien permanent du syndicat lycéen.
La FIDL connaît de graves problèmes financiers, au point d'avoir été expulsée de ses locaux en 2006. En l'absence de toute comptabilité, les policiers ont suivi la trace des chèques. Entre 2006 et 2008, Mme Fortis perçoit 22 783 euros. Bon nombre de chèques encaissés par cette permanente sur son compte font immédiatement l'objet d'un versement du même montant sur les comptes de M. Dray. En guise d'explication, Mme Fortis a fait valoir qu'elle avait acquis auprès du député une montre de valeur, une Rolex James Bond, et qu'il s'agissait de le rembourser. "J'ai investi dans une montre comme certains investissent dans l'immobilier", a-t-elle indiqué aux policiers. M. Dray a confirmé l'achat de cette montre. Elle a également perçu 33 053 euros de l'association Les Parrains de SOS-Racisme, une structure proche de SOS-Racisme. De nombreux chèques, là aussi, ont été décaissés simultanément au profit de M. Dray. Les policiers s'interrogent sur la réalité des prestations fournies par Mme Fortis pour l'association Les Parrains de SOS-Racisme. "Cela correspond sans doute à des prestations réalisées pour SOS", a-t-elle indiqué.
M. Persuy, lui, a obtenu de la FIDL 78 599 euros sur trois ans, qu'il a en partie reversés à M. Dray. Des prêts, a-t-il expliqué, destinés à soutenir l'élu dans sa campagne pour prendre la tête du Parti socialiste. Même principe pour Les Parrains de SOS-Racisme, dont il a obtenu 12 750 euros en 2008, somme intégralement redistribuée à Julien Dray. M. Persuy, pour justifier ces chèques adressés à M. Dray, a également expliqué qu'il avait acheté des stylos Mont-Blanc appartenant au député, ce que ce dernier a confirmé.
Au total, Mme Fortis a versé 38 300 euros à M. Dray. M. Persuy, lui, a déboursé 35 750 euros. M. Dray s'est défendu, devant les policiers : "Je n'ai pas à connaître l'origine des fonds", dit-il, au sujet des versements d'argent sur ses comptes. Et il précise : "J'étais surchargé de travail (...). Je me suis donc beaucoup appuyé dans la gestion quotidienne sur l'ensemble de mes assistants." Il rappelle qu'en 2007, il a beaucoup œuvré pour la candidate socialiste Ségolène Royal, ce qui, lâche-t-il, "n'est peut-être pas la chose la plus intelligente que j'ai faite...".
DES CIRCUITS DE FINANCEMENT PARFOIS PLUS COMPLEXES
Cindy Fischer, autre permanente de de la FIDL pendant deux ans, a reçu du syndicat 6 500 euros, pour s'être occupée du mouvement lycéen en 2005 contre la réforme Fillon. Elle avait alors reversé 6 400 euros à Mme Fortis, qui, quatre jours plus tard, signait un chèque de 6 000 euros à Julien Dray. Commentaire de M. Fischer, l'époux de Cindy Fischer, lors de son audition : "Il y a un truc bizarre, c'est clair. Nathalie Fortis semble avoir collecté des fonds à cette époque pour les reverser à M. Dray."
Les enquêteurs ont aussi retrouvé la trace d'un vrai-faux rapport commandé en décembre 2008 par la FIDL à Geneviève de Kerautem, chargée de mission pour M. Dray au conseil régional d'Ile-de-France. Celle-ci perçoit 6 000 euros pour ce travail, somme reversée dans son intégralité à M. Dray parce que, a-t-elle relaté en garde à vue, ce dernier était "en galère financière". Lors d'une perquisition au bureau de Mme de Kerautem, les policiers ont bien mis la main sur un pré-rapport, mais ne comportant que huit pages, rédigées en mars 2009, alors que l'auteure se savait convoquée par les enquêteurs. "Nous pouvons nous poser la question sur la réalité de cette prestation…", ironise la brigade financière.
Autre cas suspect, la mission commandée à Odile Gaston, la belle-sœur de Julien Dray, par Dominique Sopo, président de SOS-Racisme. Mme Gaston perçoit, le 13 août 2008, 5 000 euros provenant des Parrains de SOS-Racisme. Elle reverse six jours plus tard 2 040 euros à Julien Dray. Sa mission, la mise en place de chantiers de solidarité au Mali, n'a jamais été réalisée. Concernant la somme versée à M. Dray, elle a expliqué avoir remboursé ainsi sa participation aux vacances organisées dans la maison du député, à Vallauris (Alpes-Maritimes).
M. Dray s'est défendu d'avoir donné des instructions aux associations concernées, mettant en exergue leur indépendance : "Je ne donne aucune instruction, ou alors cela veut dire encore une fois que c'est moi qui dirige ces associations et que les gens sont des pantins." Autre cas particulier, celui de Georges Sebag, un ami de M. Dray, distributeur de vêtements dégriffés Gérard Darel dans le sud de la France. Vingt-six chèques signés par les clients de M. Sebag ont été versés sur les comptes de M. Dray, pour un montant de 11 840 euros. Il s'agissait, selon M. Sebag, de prêter de l'argent à son ami pour sa campagne interne au PS. Il assurait avoir remis au total une quarantaine de chèques, dont il ne renseignait pas l'ordre, en laissant le soin à l'élu. Mme Fortis, comme M. Persuy, ont aussi reçu ces chèques.
UNE COMPTABILITÉ INEXISTANTE DANS LES ASSOCIATIONS
Le travail d'enquête n'a pas été facilité par les pratiques en vigueur dans les associations. A la FIDL, il n'y avait donc aucune comptabilité. Et les enquêteurs ont découvert, dans la galaxie SOS-Racisme, de curieux comportements. L'argent affluant sur les comptes de l'association Les Parrains de SOS-Racisme était utilisé en toute opacité : "Pour ces actions pour lesquelles nous ne pouvons avoir de justificatifs, nous utilisons les fonds privés des Parrains de SOS-Racisme", a reconnu Martine Guillaume, la directrice financière de SOS-Racisme. "Ces actions sont le ménage au black, les petites dépenses comme les billets de train et petits achats divers, des pots à des militants, des bombes de peinture." A la suite des investigations policières, elle a eu ce commentaire : "Nous allons faire en sorte de rentrer dans la légalité." Sur 280 849 euros collectés entre 2005 et 2008 par Les Parrains de SOS-Racisme, avec des donateurs tels que Pierre Bergé ou Arte, seuls 10 000 euros ont été officiellement versés sur les comptes de SOS-Racisme. L'ordre des chèques adressés à l'association principale était souvent retouché, et l'argent était ainsi versé sur le compte-support des Parrains. Une technique jugée "regrettable" par Pierre Bergé.
Par ailleurs, les enquêteurs trouveront d'autres irrégularités. Comme ces sept fausses factures imputées à la société Cdiscount, sans qu'il y ait jamais eu la moindre prestation en faveur de SOS-Racisme. Plusieurs factures vierges à l'en-ête de différentes sociétés ont même été découvertes dans le bureau de Mme Guillaume. Enfin, il y a le cas Assane Fall, compagnon de Nathalie Fortis. Licencié par SOS-Racisme, il touche 5 800 euros d'indemnités le 12 septembre 2008. Trois jours plus tard, Mme Fortis signe un chèque de 5 300 euros en faveur de Julien Dray.
TABLEAUX, MONTRES ET TEE-SHIRTS
Les policiers ont découvert d'autres étrangetés dans ce dossier. Comme l'affaire des tableaux. Le 16 septembre 2008, l'Association de la 10e circonscription de l'Essonne, créée pour faire connaître l'action politique de M. Dray, vend des tableaux à SOS-Racisme, pour une somme de 9 000 euros. 7 000 euros sont ensuite reversés à M. Dray. Celui-ci a indiqué qu'il avait besoin d'argent, et donc décidé de vendre ces tableaux, initialement destinés à égayer sa permanence. Une vente très éloignée de l'objet social de l'association, assurent les policiers, qui s'interrogent : pourquoi M. Dray n'a-t-il pas vendu directement ces œuvres d'art, en son nom ? "Il n'y avait pas de volonté de cacher quoi que ce soit, a déclaré M. Dray, mais pour Sopo et pour moi-même, c'était mieux comme ça."
L'Association de la 10e circonscription connaissait de sérieuses difficultés financières, au point de contraindre Pierre Bergé, proche de M. Dray et président des Parrains de SOS-Racisme, à effectuer en 2008 un don de 100 000 euros. Une situation délicate qui n'a pas empêché M. Dray de débiter 7 000 euros des comptes de cette association pour acheter une montre Rolex en or à sa suppléante, Fatima Ogbi, récompensée pour ses bons services électoraux. Le député a indiqué aux policiers qu'il avait reversé de l'argent à cette association pour compenser cette dépense.
Enfin, la brigade financière s'est penchée sur une étrange coïncidence. M. Sebag, l'ami de M. Dray, distributeur de Gérard Darel, avait reçu de SOS-Racisme la commande de 5 000 tee-shirts, pour une somme de 15 548 euros, via un chèque émis, selon la police, en mai 2008. Cette période correspond très exactement à la vague des premiers chèques "clients" adressés par M. Sebag à M. Dray, pour une somme de 15 000 euros. Il ne faut y voir aucun lien de cause à effet, a assuré le député.
DES AMIS FORTUNÉS ET GÉNÉREUX
Pas moins de huit particuliers, proches de l'élu socialiste, lui ont prêté de grosses sommes d'argent, en particulier en 2008. Les remboursements sont aujourd'hui en cours, et M. Dray envisage de vendre sa maison de Vallauris pour les honorer.
Pierre Bergé est le plus gros contributeur, avec près de 340 000 euros. Les policiers ont aussi enquêté sur les prêts accordés par François Malisan, architecte dans l'Essonne, ou ceux consentis par Robert Zarader, publicitaire. Selon les policiers, ils n'ont obtenu aucune contrepartie, telle que l'éventuel octroi de marchés publics dans le département.
Pour rembourser ses amis, M. Dray leur donnait, parfois, des montres, lampes, ou même une sculpture chinoise. Lors de ses auditions, Julien Dray a souhaité qu'il n'y ait pas d'"extrapolation" de la part des policiers, expliquant ceci : "Si j'avais besoin d'argent, j'aurais pu solliciter directement mes amis, et je n'ai pas besoin de passer par Les Parrains de SOS-Racisme ou autre montage."
Un système de détournement au service de Julien Dray
Un système de détournement au service de Julien Dray, Le Figaro, 24 juillet 2009
L'enquête met à mal la défense du député socialiste qui a toujours dit avoir agi de bonne foi.
Le parfum de scandale qui entoure les comptes de Julien Dray est décidément loin d'être apaisé. Outre les conditions de divulgation du rapport final de la brigade financière, le contenu même du document se révèle accablant pour le député de l'Essonne.
Une nouveauté saute aux yeux dans la synthèse policière : outre l'inventaire à la Prévert des recettes et des dépenses, les enquêteurs de la Brigade financière ont choisi de mettre l'accent sur l'existence présumée d'un véritable système au bénéfice de Julien Dray. Leurs investigations soulignent qu'une série de circuits financiers auraient été institutionnalisés depuis plusieurs années.
Suivant le principe que les petits ruisseaux font les grandes rivières, ils mettraient en scène une douzaine de ses proches et une multitude de chèques, prêts et dons aux circuits parfois étonnamment complexes. Cette lecture du dossier est particulièrement cruelle pour les personnes et associations citées. Elle vient surtout se heurter de plein fouet au système de défense de Julien Dray qui, dans la presse et au cours de son audition devant les policiers fin juin, a toujours plaidé la bonne foi, assurant qu'il pourrait s'expliquer ligne par ligne.
442 871 euros gagnés en 2008
Plusieurs chiffres mis en avant par l'enquête policière sont de nature à renforcer singulièrement les soupçons. Ainsi, additionnant ses salaires, les espèces et chèques reçus ainsi que les prêts obtenus, le rapport de la Brigade financière souligne que le député a gagné en 2008 la somme de 442 871 euros mais qu'il a dépensé durant la même période 519 111 euros… La démonstration est reprise pour les années 2005, 2006 et 2007.
Sur ces quatre dernières années, ses dépenses moyennes seraient ainsi, selon les policiers, de 43 500 euros par mois pour des revenus de 34 000 euros par mois. Au total, entre 1,6 million aurait été perçu et plus de 2 millions dépensés.
Parmi les sources de financement, les policiers soulignent l'existence de prêts personnels, mais ils s'attardent surtout sur les associations créées par Dray lui-même et dont le désordre de comptabilité avait déjà été mis en avant.
Les mouvements financiers entre la Fidl (syndicat lycéen), Les Parrains de SOS-Racisme et deux des proches de Dray sont relevés et analysés d'une façon chronologique. Une somme d'environ 350 000 euros est concernée entre 2005 et 2008.
Là encore, le soupçon d'un système institutionnalisé est mis en avant. Dans leur rapport de synthèse, les policiers relèvent que «certaines sommes encaissées (par l'un des proches de Dray) ont été suivies d'un décaissement au profit» de l'élu PS.
Après avoir reçu, d'ici au 25 septembre, les «éventuelle observations» des mis en cause, le rapport de la brigade financière doit servir de base au procureur de la République de Paris pour décider des suites à donner au dossier : soit un hypothétique classement sans suite, soit une citation directe devant le tribunal correctionnel, selon des qualifications pénales qu'il devra déterminer. Le parquet précisait vendredi soir n'avoir encore pris aucune décision…
L'enquête met à mal la défense du député socialiste qui a toujours dit avoir agi de bonne foi.
Le parfum de scandale qui entoure les comptes de Julien Dray est décidément loin d'être apaisé. Outre les conditions de divulgation du rapport final de la brigade financière, le contenu même du document se révèle accablant pour le député de l'Essonne.
Une nouveauté saute aux yeux dans la synthèse policière : outre l'inventaire à la Prévert des recettes et des dépenses, les enquêteurs de la Brigade financière ont choisi de mettre l'accent sur l'existence présumée d'un véritable système au bénéfice de Julien Dray. Leurs investigations soulignent qu'une série de circuits financiers auraient été institutionnalisés depuis plusieurs années.
Suivant le principe que les petits ruisseaux font les grandes rivières, ils mettraient en scène une douzaine de ses proches et une multitude de chèques, prêts et dons aux circuits parfois étonnamment complexes. Cette lecture du dossier est particulièrement cruelle pour les personnes et associations citées. Elle vient surtout se heurter de plein fouet au système de défense de Julien Dray qui, dans la presse et au cours de son audition devant les policiers fin juin, a toujours plaidé la bonne foi, assurant qu'il pourrait s'expliquer ligne par ligne.
442 871 euros gagnés en 2008
Plusieurs chiffres mis en avant par l'enquête policière sont de nature à renforcer singulièrement les soupçons. Ainsi, additionnant ses salaires, les espèces et chèques reçus ainsi que les prêts obtenus, le rapport de la Brigade financière souligne que le député a gagné en 2008 la somme de 442 871 euros mais qu'il a dépensé durant la même période 519 111 euros… La démonstration est reprise pour les années 2005, 2006 et 2007.
Sur ces quatre dernières années, ses dépenses moyennes seraient ainsi, selon les policiers, de 43 500 euros par mois pour des revenus de 34 000 euros par mois. Au total, entre 1,6 million aurait été perçu et plus de 2 millions dépensés.
Parmi les sources de financement, les policiers soulignent l'existence de prêts personnels, mais ils s'attardent surtout sur les associations créées par Dray lui-même et dont le désordre de comptabilité avait déjà été mis en avant.
Les mouvements financiers entre la Fidl (syndicat lycéen), Les Parrains de SOS-Racisme et deux des proches de Dray sont relevés et analysés d'une façon chronologique. Une somme d'environ 350 000 euros est concernée entre 2005 et 2008.
Là encore, le soupçon d'un système institutionnalisé est mis en avant. Dans leur rapport de synthèse, les policiers relèvent que «certaines sommes encaissées (par l'un des proches de Dray) ont été suivies d'un décaissement au profit» de l'élu PS.
Après avoir reçu, d'ici au 25 septembre, les «éventuelle observations» des mis en cause, le rapport de la brigade financière doit servir de base au procureur de la République de Paris pour décider des suites à donner au dossier : soit un hypothétique classement sans suite, soit une citation directe devant le tribunal correctionnel, selon des qualifications pénales qu'il devra déterminer. Le parquet précisait vendredi soir n'avoir encore pris aucune décision…
Dray : l'accablant rapport de la brigade financière
Dray : l'accablant rapport de la brigade financière, Le Figaro, 24 juillet 2009
Le rapport de la police, établi après sept mois d'enquête, est très sévère pour le député. Au PS, on préfère ne pas prendre position sur cette affaire.
Changement de rubrique. Après avoir fait parler de lui en critiquant violemment la première secrétaire du PS Martine Aubry, Julien Dray est de nouveau dans l'actualité. Mais dans un registre différent : le feuilleton de ses ennuis judiciaires poursuit son cours. Les enquêteurs de la brigade financière ont terminé leur enquête, démarrée il y a plus de sept mois, et établi un rapport de synthèse, transmis par le parquet aux avocats.
Point clé de l'enquête : entre 2005 et 2008, Julien Dray a dépensé beaucoup plus d'argent qu'il en a perçu. Tous revenus confondus, le député de l'Essonne a perçu 1 631 417 euros. Sur la même période, il a dépensé 2 087 678 euros.
Les enquêteurs ont aussi relevé des mouvements financiers entre cinq associations et les comptes bancaires de Julien Dray. Des flux qui pourraient caractériser un système de ponction de ces associations via des tiers qui reversaient ensuite les sommes au député. Tels sont les forts soupçons qui émergent à la lecture du rapport et auront, le cas échéant, à être examinés par un tribunal correctionnel. Plusieurs proches du député sont aussi mis en cause. Pour Julien Dray, il ne s'agit que de simples prêts. Il soupçonne aussi une manœuvre politique contre lui. Vendredi, le procureur de Paris Jean-Claude Marin a précisé qu'«aucune décision» n'avait été prise concernant un éventuel renvoi de Dray devant une juridiction.
Face aux informations publiées par Le Monde et Mediapart, les avocats du député ont réagi en dénonçant ces nouvelles fuites. «Comment expliquer, alors que le rapport de synthèse des enquêteurs ne qualifie pas pénalement les faits, que certains journalistes se permettent de se substituer au ministère public pour claironner que les jeux sont faits ?» a ainsi déclaré Me Florence Gaudillière.
Son confrère, Me Patrick Klugman, avocat de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl), l'une des associations mises en cause, affirme que des plaintes ou des assignations en justice vont être lancées.
L'avenir politique de Julien Dray, à court et moyen termes au moins, semble compromis quoi qu'il en soit. Plus que les mouvements financiers suspects qui restent à vérifier, c'est la description d'un train de vie qui risque d'abîmer durablement l'image de Julien Dray. Même s'il s'en défend, le député est désormais associé aux montres de luxe et à la vie de palace. «Je n'ai jamais vu Julien avec des goûts de luxe», assure un responsable du parti, sans prendre plus de risques.
«Pouvoir de nuisance»
Entre le PS et le député de l'Essonne, les relations sont plus dégradées que jamais. «Il aurait voulu que le PS prenne sa défense, explique un proche de Martine Aubry. Mais personne ne sait ce qu'il y a dans ce dossier.» D'où la prudence des uns et des autres. Interrogée récemment sur le sujet, Ségolène Royal, dont Dray a été proche fut un temps, s'est contentée d'un «je n'ai pas de commentaire à faire».
D'où la colère de Dray, répartie équitablement entre le PS et l'ancienne candidate. La semaine dernière, il a mené une violente charge contre la direction de Martine Aubry dont il a dénoncé «l'impuissance et l'amateurisme». «Il fait cela pour montrer son pouvoir de nuisance», explique-t-on au sein de la direction du parti. Devant les enquêteurs il a aussi regretté le soutien qu'il avait apporté à Ségolène Royal : «Ce n'est peut-être pas la chose la plus intelligente que j'ai faite dans ma vie.»
Julien Dray n'a pas envie de faire une croix sur sa vie politique. Depuis qu'il est visé par l'enquête, il n'assiste plus aux réunions de groupe à l'Assemblée ni au bureau national du parti. Mais il continue de publier un point de vue, chaque mois, dans la lettre de son association «La tête à gauche».
Le rapport de la police, établi après sept mois d'enquête, est très sévère pour le député. Au PS, on préfère ne pas prendre position sur cette affaire.
Changement de rubrique. Après avoir fait parler de lui en critiquant violemment la première secrétaire du PS Martine Aubry, Julien Dray est de nouveau dans l'actualité. Mais dans un registre différent : le feuilleton de ses ennuis judiciaires poursuit son cours. Les enquêteurs de la brigade financière ont terminé leur enquête, démarrée il y a plus de sept mois, et établi un rapport de synthèse, transmis par le parquet aux avocats.
Point clé de l'enquête : entre 2005 et 2008, Julien Dray a dépensé beaucoup plus d'argent qu'il en a perçu. Tous revenus confondus, le député de l'Essonne a perçu 1 631 417 euros. Sur la même période, il a dépensé 2 087 678 euros.
Les enquêteurs ont aussi relevé des mouvements financiers entre cinq associations et les comptes bancaires de Julien Dray. Des flux qui pourraient caractériser un système de ponction de ces associations via des tiers qui reversaient ensuite les sommes au député. Tels sont les forts soupçons qui émergent à la lecture du rapport et auront, le cas échéant, à être examinés par un tribunal correctionnel. Plusieurs proches du député sont aussi mis en cause. Pour Julien Dray, il ne s'agit que de simples prêts. Il soupçonne aussi une manœuvre politique contre lui. Vendredi, le procureur de Paris Jean-Claude Marin a précisé qu'«aucune décision» n'avait été prise concernant un éventuel renvoi de Dray devant une juridiction.
Face aux informations publiées par Le Monde et Mediapart, les avocats du député ont réagi en dénonçant ces nouvelles fuites. «Comment expliquer, alors que le rapport de synthèse des enquêteurs ne qualifie pas pénalement les faits, que certains journalistes se permettent de se substituer au ministère public pour claironner que les jeux sont faits ?» a ainsi déclaré Me Florence Gaudillière.
Son confrère, Me Patrick Klugman, avocat de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl), l'une des associations mises en cause, affirme que des plaintes ou des assignations en justice vont être lancées.
L'avenir politique de Julien Dray, à court et moyen termes au moins, semble compromis quoi qu'il en soit. Plus que les mouvements financiers suspects qui restent à vérifier, c'est la description d'un train de vie qui risque d'abîmer durablement l'image de Julien Dray. Même s'il s'en défend, le député est désormais associé aux montres de luxe et à la vie de palace. «Je n'ai jamais vu Julien avec des goûts de luxe», assure un responsable du parti, sans prendre plus de risques.
«Pouvoir de nuisance»
Entre le PS et le député de l'Essonne, les relations sont plus dégradées que jamais. «Il aurait voulu que le PS prenne sa défense, explique un proche de Martine Aubry. Mais personne ne sait ce qu'il y a dans ce dossier.» D'où la prudence des uns et des autres. Interrogée récemment sur le sujet, Ségolène Royal, dont Dray a été proche fut un temps, s'est contentée d'un «je n'ai pas de commentaire à faire».
D'où la colère de Dray, répartie équitablement entre le PS et l'ancienne candidate. La semaine dernière, il a mené une violente charge contre la direction de Martine Aubry dont il a dénoncé «l'impuissance et l'amateurisme». «Il fait cela pour montrer son pouvoir de nuisance», explique-t-on au sein de la direction du parti. Devant les enquêteurs il a aussi regretté le soutien qu'il avait apporté à Ségolène Royal : «Ce n'est peut-être pas la chose la plus intelligente que j'ai faite dans ma vie.»
Julien Dray n'a pas envie de faire une croix sur sa vie politique. Depuis qu'il est visé par l'enquête, il n'assiste plus aux réunions de groupe à l'Assemblée ni au bureau national du parti. Mais il continue de publier un point de vue, chaque mois, dans la lettre de son association «La tête à gauche».
Julien Dray: Questions
Julien Dray: Questions, Libération, 25 juillet 2007
Les avocats de Julien Dray ont raison de souligner qu’aucun délit n’est reproché à ce jour à leur client. On peut également supputer avec raison que les «fuites» qui ont permis hier la publication, chez deux de nos confrères, d’extraits de l’enquête préliminaire sur les mouvements de fonds suspects dont aurait bénéficié le député socialiste ne sont pas tout à fait innocentes.
Depuis le début, Julien Dray maintient qu’il est visé par une campagne politique et a même pointé Bercy du doigt. Il n’empêche.
Il faut bien reconnaître que les éléments amassés par la brigade financière vont au-delà du rapport Tracfin et laissent de nombreuses questions sans réponses.
Concernant les quelque 350 000 euros litigieux qu’il a perçus entre 2005 et 2008, le député de l’Essonne s’est défendu en évoquant plusieurs prêts d’amis. Mais, à regarder dans le détail, l’explication est un peu courte.
Comment est-il possible qu’autant de chèques émanant de SOS Racisme ou de la Fidl se retrouvent sur les comptes de Julien Dray, en passant à chaque fois par des intermédiaires-associés ? Comment est-il possible que de l’argent rémunérant a priori des missions réalisées pour ces associations profite là encore au socialiste ?
Il ne s’agit pas d’épisodes isolés, mais d’une succession de versements qui posent problème. Sans compter les gestions comptables opaques des deux organisations proches de l’élu et subventionnées par l’Etat.
Pour un homme qui a su devenir, en plus de vingt ans, une figure attachante du Parti socialiste, l’intérêt est aussi que la vérité soit faite au plus tôt sur cette affaire. Pas dans la presse, mais devant la justice.
Les avocats de Julien Dray ont raison de souligner qu’aucun délit n’est reproché à ce jour à leur client. On peut également supputer avec raison que les «fuites» qui ont permis hier la publication, chez deux de nos confrères, d’extraits de l’enquête préliminaire sur les mouvements de fonds suspects dont aurait bénéficié le député socialiste ne sont pas tout à fait innocentes.
Depuis le début, Julien Dray maintient qu’il est visé par une campagne politique et a même pointé Bercy du doigt. Il n’empêche.
Il faut bien reconnaître que les éléments amassés par la brigade financière vont au-delà du rapport Tracfin et laissent de nombreuses questions sans réponses.
Concernant les quelque 350 000 euros litigieux qu’il a perçus entre 2005 et 2008, le député de l’Essonne s’est défendu en évoquant plusieurs prêts d’amis. Mais, à regarder dans le détail, l’explication est un peu courte.
Comment est-il possible qu’autant de chèques émanant de SOS Racisme ou de la Fidl se retrouvent sur les comptes de Julien Dray, en passant à chaque fois par des intermédiaires-associés ? Comment est-il possible que de l’argent rémunérant a priori des missions réalisées pour ces associations profite là encore au socialiste ?
Il ne s’agit pas d’épisodes isolés, mais d’une succession de versements qui posent problème. Sans compter les gestions comptables opaques des deux organisations proches de l’élu et subventionnées par l’Etat.
Pour un homme qui a su devenir, en plus de vingt ans, une figure attachante du Parti socialiste, l’intérêt est aussi que la vérité soit faite au plus tôt sur cette affaire. Pas dans la presse, mais devant la justice.
Affaire Julien Dray : des fuites embarrassantes
Affaire Julien Dray : des fuites embarrassantes, Libération, 25 juillet 2009
«Je trouve le procureur de la République est un peu aventureux tout de même», lâchait, vendredi, un avocat proche de SOS Racisme.
En décidant de communiquer, pour la première fois, un rapport d’enquête préliminaire aux avocats de Julien Dray et de SOS Racisme, Jean-Claude Marin, le procureur de la République de Paris, savait qu’il provoquerait des vagues. Des protestations de magistrats. Il n’ignorait pas non plus les risques d’évaporation et de fuites. Elles ont été rapides.
Le site d’information en ligne Mediapart et le Monde ont révélé ensemble, vendredi, de larges extraits du rapport sur les comptes de Julien Dray (lire page suivante).
Le député socialiste a réagi sur son blog, dans la soirée : «J’affirme aujourd’hui que tout ce qui a été écrit depuis ce matin, et qui concerne le rapport d’enquête de la brigade financière, est faux, que les chiffres avancés sont inventés, et que je poursuivrai en justice, dans les heures qui viennent, tous les organes de presse qui les ont relayés.»
Selon ces extraits, l’enquête préliminaire confirme une bonne partie des soupçons émis par Tracfin, l’organisme antiblanchiment de Bercy, fin 2008, sur les mouvements de fonds suspects, évalués à 350 000 euros, entre les associations de la mouvance SOS et les comptes personnels de Julien Dray.
Comptes. «La défense de Julien Dray ne pense pas que le procureur soit à l’origine des fuites, assure Me Léon-Lef Forster, l’un des avocats du député de l’Essonne. On assiste, depuis le début de l’enquête, à une volonté de déstabiliser M. Dray ; aujourd’hui, on tente de déstabiliser le procureur pour le contraindre à renvoyer M. Dray devant le tribunal.»
Le rapport de la brigade financière et près de 4 000 pages de procédure ont été communiqués mercredi sous la forme d’un CD-ROM aux avocats.
«M. Dray n’a même pas pu en prendre connaissance», déplore Me Forster.
Un autre avocat, Me Patrick Klugman, défenseur du syndicat lycéen Fidl, a annoncé qu’il préparait «de nouvelles actions en justice»,«des plaintes ou des assignations contre les deux médias qui ont violé le secret de l’enquête».
En signalant que «le procureur de la République n’a pas jugé nécessaire de désigner un juge d’instruction», Mediapart pronostiquait un renvoi de l’affaire par citation directe au tribunal correctionnel, en précisant que Jean-Claude Marin n’envisageait de renvoyer qu’«une demi-douzaine de personnes» sur quatorze citées dans la procédure.
Dans l’après-midi, le procureur a assuré dans un communiqué qu’«aucune décision» n’était prise «concernant un éventuel renvoi devant un tribunal correctionnel de Julien Dray».
Le procureur avait déjà laissé entendre qu’il n’envisageait pas d’ouvrir une information judiciaire sur les comptes du député. «Ce dossier paraît, a priori, simple et très circonscrit», avait-il déclaré au en mars à Libération.
Mardi, l’annonce de la communication de l’enquête préliminaire à Julien Dray a provoqué un déluge de critiques de la part des organisations professionnelles de magistrats, mécontentes de le voir ainsi «anticiper» la suppression du juge d’instruction.
«Aucune garantie, ni aucun recours ne sont prévus dans la procédure qu’il expérimente», dénonçait l’Union syndicale des magistrats (USM).
«On est en dehors de tout cadre légal», approuvait Me Forster. Vendredi, dénonçant la fuite dans la presse et «l’interprétation exclusivement à charge du travail policier» (1), Me Forster a indiqué qu’il pourrait cesser de cautionner l’expérience du procureur.
Divulgation. D’autres avocats soulignaient les limites de l’exercice. «Le procureur a distribué une copie du dossier à des avocats, mais comment les a-t-il choisis ? réagissait l’un d’eux. Je connais des personnes qui ont été placées en garde à vue dans l’affaire Dray et qui n’ont pas désigné d’avocat. Elles n’ont pas été destinataires d’une copie du dossier. Est-ce qu’on leur a précisé qu’elles perdaient le droit de voir le dossier et de faire des observations ? Je ne crois pas.»
L’autre problème, déjà souligné par les organisations de magistrats, tient à la divulgation des pièces de l’enquête préliminaire aux personnes entendues ou gardées à vue.
N’étant pas mises en examen, ni parties civiles ni parties tout court, elles sont «des tiers». Cela constitue donc, déjà, une fuite. «Certains pourraient se plaindre d’une violation de secret professionnel dont la source serait le procureur lui-même», estime un avocat.
(1) Libération a transmis, vendredi, une demande d’entretien à Julien Dray, via son avocat. Me Forster a indiqué qu’il ne «s’exprimerait pas sur le fond».
«Je trouve le procureur de la République est un peu aventureux tout de même», lâchait, vendredi, un avocat proche de SOS Racisme.
En décidant de communiquer, pour la première fois, un rapport d’enquête préliminaire aux avocats de Julien Dray et de SOS Racisme, Jean-Claude Marin, le procureur de la République de Paris, savait qu’il provoquerait des vagues. Des protestations de magistrats. Il n’ignorait pas non plus les risques d’évaporation et de fuites. Elles ont été rapides.
Le site d’information en ligne Mediapart et le Monde ont révélé ensemble, vendredi, de larges extraits du rapport sur les comptes de Julien Dray (lire page suivante).
Le député socialiste a réagi sur son blog, dans la soirée : «J’affirme aujourd’hui que tout ce qui a été écrit depuis ce matin, et qui concerne le rapport d’enquête de la brigade financière, est faux, que les chiffres avancés sont inventés, et que je poursuivrai en justice, dans les heures qui viennent, tous les organes de presse qui les ont relayés.»
Selon ces extraits, l’enquête préliminaire confirme une bonne partie des soupçons émis par Tracfin, l’organisme antiblanchiment de Bercy, fin 2008, sur les mouvements de fonds suspects, évalués à 350 000 euros, entre les associations de la mouvance SOS et les comptes personnels de Julien Dray.
Comptes. «La défense de Julien Dray ne pense pas que le procureur soit à l’origine des fuites, assure Me Léon-Lef Forster, l’un des avocats du député de l’Essonne. On assiste, depuis le début de l’enquête, à une volonté de déstabiliser M. Dray ; aujourd’hui, on tente de déstabiliser le procureur pour le contraindre à renvoyer M. Dray devant le tribunal.»
Le rapport de la brigade financière et près de 4 000 pages de procédure ont été communiqués mercredi sous la forme d’un CD-ROM aux avocats.
«M. Dray n’a même pas pu en prendre connaissance», déplore Me Forster.
Un autre avocat, Me Patrick Klugman, défenseur du syndicat lycéen Fidl, a annoncé qu’il préparait «de nouvelles actions en justice»,«des plaintes ou des assignations contre les deux médias qui ont violé le secret de l’enquête».
En signalant que «le procureur de la République n’a pas jugé nécessaire de désigner un juge d’instruction», Mediapart pronostiquait un renvoi de l’affaire par citation directe au tribunal correctionnel, en précisant que Jean-Claude Marin n’envisageait de renvoyer qu’«une demi-douzaine de personnes» sur quatorze citées dans la procédure.
Dans l’après-midi, le procureur a assuré dans un communiqué qu’«aucune décision» n’était prise «concernant un éventuel renvoi devant un tribunal correctionnel de Julien Dray».
Le procureur avait déjà laissé entendre qu’il n’envisageait pas d’ouvrir une information judiciaire sur les comptes du député. «Ce dossier paraît, a priori, simple et très circonscrit», avait-il déclaré au en mars à Libération.
Mardi, l’annonce de la communication de l’enquête préliminaire à Julien Dray a provoqué un déluge de critiques de la part des organisations professionnelles de magistrats, mécontentes de le voir ainsi «anticiper» la suppression du juge d’instruction.
«Aucune garantie, ni aucun recours ne sont prévus dans la procédure qu’il expérimente», dénonçait l’Union syndicale des magistrats (USM).
«On est en dehors de tout cadre légal», approuvait Me Forster. Vendredi, dénonçant la fuite dans la presse et «l’interprétation exclusivement à charge du travail policier» (1), Me Forster a indiqué qu’il pourrait cesser de cautionner l’expérience du procureur.
Divulgation. D’autres avocats soulignaient les limites de l’exercice. «Le procureur a distribué une copie du dossier à des avocats, mais comment les a-t-il choisis ? réagissait l’un d’eux. Je connais des personnes qui ont été placées en garde à vue dans l’affaire Dray et qui n’ont pas désigné d’avocat. Elles n’ont pas été destinataires d’une copie du dossier. Est-ce qu’on leur a précisé qu’elles perdaient le droit de voir le dossier et de faire des observations ? Je ne crois pas.»
L’autre problème, déjà souligné par les organisations de magistrats, tient à la divulgation des pièces de l’enquête préliminaire aux personnes entendues ou gardées à vue.
N’étant pas mises en examen, ni parties civiles ni parties tout court, elles sont «des tiers». Cela constitue donc, déjà, une fuite. «Certains pourraient se plaindre d’une violation de secret professionnel dont la source serait le procureur lui-même», estime un avocat.
(1) Libération a transmis, vendredi, une demande d’entretien à Julien Dray, via son avocat. Me Forster a indiqué qu’il ne «s’exprimerait pas sur le fond».
Julien Dray: Huit mois de procédure
Julien Dray: Huit mois de procédure, Libération, 25 juillet 2009
2008
- 28 novembre 2008: Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des Finances, signale au parquet de Paris des irrégularités dans les comptes de l’association les Parrains de SOS Racisme et de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl) : des opérations financières menées entre 2006 et 2008 auraient bénéficié au député socialiste de l’Essonne, Julien Dray.
- 10 décembre: Le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, ouvre une enquête préliminaire.
- 19 décembre: La brigade financière mène des perquisitions au domicile de Julien Dray, dans ses bureaux à l’Assemblée et au conseil régional d’Ile-de-France.
- Décembre 2008-janvier 2009: Julien Dray dépose une série de plaintes contre des journaux pour «violation du secret professionnel».
- 10 mai: Dans une interview au Parisien, Julien Dray demande à être entendu par la justice afin de rétablir «la vérité».
- 13 mai: Six personnes, des permanents socialistes ou de SOS Racisme en Essonne, sont placées en garde à vue.
- 9 juin: Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, est placé en garde à vue, tout comme plusieurs membres de l’association. La police perquisitionne le siège de SOS Racisme, à Paris.
- 23 juin: Julien Dray est entendu comme témoin à la brigade financière. «Il n’y a rien de suspect, tout est transparent», déclare-t-il peu après, lors du Grand Rendez-vous Europe 1-le Parisien.
- 8 juillet: Julien Dray demande à être entendu par le procureur.
2008
- 28 novembre 2008: Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des Finances, signale au parquet de Paris des irrégularités dans les comptes de l’association les Parrains de SOS Racisme et de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl) : des opérations financières menées entre 2006 et 2008 auraient bénéficié au député socialiste de l’Essonne, Julien Dray.
- 10 décembre: Le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, ouvre une enquête préliminaire.
- 19 décembre: La brigade financière mène des perquisitions au domicile de Julien Dray, dans ses bureaux à l’Assemblée et au conseil régional d’Ile-de-France.
- Décembre 2008-janvier 2009: Julien Dray dépose une série de plaintes contre des journaux pour «violation du secret professionnel».
- 10 mai: Dans une interview au Parisien, Julien Dray demande à être entendu par la justice afin de rétablir «la vérité».
- 13 mai: Six personnes, des permanents socialistes ou de SOS Racisme en Essonne, sont placées en garde à vue.
- 9 juin: Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, est placé en garde à vue, tout comme plusieurs membres de l’association. La police perquisitionne le siège de SOS Racisme, à Paris.
- 23 juin: Julien Dray est entendu comme témoin à la brigade financière. «Il n’y a rien de suspect, tout est transparent», déclare-t-il peu après, lors du Grand Rendez-vous Europe 1-le Parisien.
- 8 juillet: Julien Dray demande à être entendu par le procureur.
Julien Dray: Les fonds du problème
Julien Dray: Les fonds du problème, Libération, 25 juillet 2009
Le rapport de la brigade financière est une charge contre le député.
Epilogue de sept mois d’enquête, le rapport de la brigade financière, remis le 13 juillet au procureur de la République de Paris, synthétise les principaux soupçons de la justice contre le député socialiste Julien Dray.
La passion des montres, des stylos et des tableaux, est-elle un alibi ?
L’enquête de la cellule antiblanchiment Tracfin a dévoilé la passion immodérée de Julien Dray pour les montres et les stylos - il en avait acheté pour 130 000 euros entre 2005 et 2008 -, le rapport d’enquête préliminaire, révélé par Mediapart et le Monde, nous apprend que cette addiction est revendiquée aussi par ses collaborateurs. Nathalie Fortis, son attachée parlementaire, comme Thomas Persuy, permanent de SOS Racisme, ont tous les deux expliqué à la brigade financière qu’une partie de l’argent qu’ils avaient reversé à Julien Dray correspondait à des objets qu’ils avaient achetés au député de l’Essonne. Jusqu’alors, les avocats de Julien Dray assuraient que des prêts réguliers avaient été conclus entre l’élu et ses collaborateurs et amis.
En mars 2006, Nathalie Fortis, qui vient de recevoir 5 500 euros du syndicat lycéen Fidl, reverse 4 000 euros à Julien Dray. Elle déclare aux policiers qu’il s’agit du «paiement d’une partie d’une montre Rolex» achetée à son patron en 2004. Dray confirme en précisant qu’il s’agit d’une «Rolex Submariner, modèle James Bond datant de 1955» d’un montant de 35 000 euros. Selon la brigade financière, la montre vaudrait beaucoup moins.
En mai 2006, Thomas Persuy, qui vient de recevoir 9 000 euros de la Fidl et de l’association Stop Racisme Val d’Orge, reverse 8 000 euros à Julien Dray. Il assure aux policiers que cette somme correspond à l’achat «de 5 ou 6 stylos Montblanc que Julien Dray était en train de liquider».
En septembre 2008, c’est SOS Racisme qui achète pour 9 000 euros «cinq tableaux» à l’Association de la 10e circonscription de l’Essonne, qui gère la permanence électorale de Julien Dray ; 7 000 euros sont aussitôt reversés au député. La brigade financière relève que la vente de tableaux est «très éloignée» de l’objet social de l’association.
Des missions fictives sont-elles à l’origine des versements à Julien Dray ?
Nathalie Fortis et Thomas Persuy auraient reversé 74 050 euros à Julien Dray. Les avocats ont jusqu’alors soutenu que cet argent ayant été régulièrement versé par les associations, Fortis et Persuy étaient libres d’en user à leur guise. La brigade financière a des doutes. La collaboratrice de Julien Dray a soutenu qu’elle avait perçu 23 000 euros de la Fidl pour assurer «la gestion courante de l’association». «Aucune convention n’a été retrouvée ou apportée par l’intéressée pour attester ses déclarations», notent les policiers. «Nous pouvons donc nous poser la question de savoir comment, avec un tel emploi du temps, Mme Fortis pouvait-elle encore travailler à d’autres tâches et pour les associations dont elle percevait les fonds ?» s’interrogent-ils. Un certain flou entoure aussi la rétribution de Thomas Persuy par la Fidl - à hauteur de 78 599 euros entre 2005 et 2008. «Il n’aurait pas été en mesure, selon la brigade financière, d’identifier les montants qui étaient liés aux remboursements de frais et ceux en rapport avec le paiement de ses indemnités, ni d’associer une action à un mouvement d’argent.» Le même type d’interrogation pèse sur le versement par la Fidl de 6 000 euros à une collaboratrice de Julien Dray à la région Ile-de-France, Geneviève de K. En février 2008, dès réception, elle reverse intégralement cette somme à son patron. Courant 2009, ce n’est qu’après le début de l’enquête qu’un rapport de 8 pages sur «la mutation de la Fidl» sera finalement trouvé. Elle assure, elle aussi, avoir simplement prêté cette somme à Julien Dray.
Les fonds sortis des associations peuvent-ils constituer un détournement de fonds publics ?
C’est le point dur des soupçons. L’enquête de la police s’est orientée sur un «abus de confiance» présumé au détriment des associations, elle n’est pas remontée sur l’origine des fonds. Or une partie de cet argent est publique. SOS Racisme et ses satellites sont subventionnés par les pouvoirs publics à hauteur de 90 %. Or, selon les policiers, certains reversements à Julien Dray sont corrélés à des paiements de subventions. En mai 2006, c’est une subvention de 12 000 euros reçue par la Fidl qui permet à Thomas Persuy de décaisser 8 000 euros pour le député. En mai 2008, idem. Thomas Persuy fait un chèque de 6 000 euros qu’il vient de recevoir de la Fidl (en deux chèques de 2 700 euros et 3 300 euros). «Rappelons que la Fidl venait de recevoir 10 000 euros de subventions», notent les policiers. Selon les extraits de Mediapart et du Monde, la brigade financière ne fait pas état des subventions versées par le conseil régional à la galaxie SOS Racisme. Celles-ci sont pourtant substantielles. Ainsi, en 2008, la Fidl a ainsi reçu 50 000 euros. Les subventions versées à SOS Racisme s’élèvent à 100 000 euros en 2007. La Fédération nationale des maisons des potes (FNMP) était encore plus massivement subventionnée (600 000 euros environ). Les enquêteurs n’ont entrepris aucune vérification sur ce point, ni entendu aucun élu. Julien Dray est vice-président du conseil régional chargé de la politique de la ville et de la jeunesse, et ses collaborateurs ont naturellement participé aux financements du milieu associatif de la région.
L’affaire traduit-elle des dysfonctionnements au sein de SOS Racisme ?
La gestion de l’association est chaotique depuis son origine. Lors de son contrôle en 2002, la Cour des comptes avait signalé de «graves insuffisances de gestion et de rigueur». Des frais sans justificatifs (60 000 euros en 2000), des dettes (380 000 euros en 2002) avaient conduit SOS Racisme à se trouver placée sous le contrôle de l’Etat en 2003. La situation n’a guère été clarifiée si l’on en croit la brigade financière. Créée à la suite du contrôle de la Cour des comptes, l’association les Parrains de SOS Racisme a versé, elle aussi, des sommes à Nathalie Fortis, peu avant qu’elle ne les reverse à Julien Dray - en décembre 2007. Et à Thomas Persuy également, qui a fait de même, en juillet 2008. Cette association «réglait en espèces les dépenses pour SOS Racisme qu’on ne désirait pas faire apparaître au grand jour, expliquent les policiers, paiement des services d’ordre, colleurs d’affiches, ménages au black», ce qui expliquerait notamment l’importance des sorties en liquide - 129 250 euros entre 2005 et 2008. L’association les Parrains assurait aussi le paiement en direct de certains prestataires. Mais elle aurait également, selon Mediapart, versé des sommes «sans véritable justification» à une demi-douzaine de personnes. La situation de la Fidl est encore plus critique, puisqu’aucune comptabilité n’aurait été retrouvée par les enquêteurs, y compris chez l’expert-comptable du syndicat lycéen.
Le train de vie de Julien Dray est-il en cause ?
Oui et non. En dressant la liste des dépenses du député, la brigade financière s’est aperçue qu’elles s’élevaient à 521 919 euros en moyenne par an (sur les quatre dernières années). Et que ses revenus, estimés à 407 854 euros, n’y suffisaient pas. Il lui fallait donc faire appel à ses amis. Les seuls prêts accordés par Pierre Bergé s’élèveraient à 340 000 euros. Si Tracfin avait signalé les versements de «particuliers actifs dans la sphère socio-économique», et notamment de chefs d’entreprises attributaires de marchés publics dans l’Essonne ou au conseil régional, les policiers n’ont pas trouvé à redire sur ces prêts personnels, dont certains ont été, depuis, remboursés. Ils signalent quand même que Georges Sebag, petit commerçant des Alpes-Maritimes, qui avait remis à Julien Dray pour 21 000 euros de chèques de clients, avait reçu commande de 5 000 tee-shirts pour SOS Racisme.
Le rapport de la brigade financière est une charge contre le député.
Epilogue de sept mois d’enquête, le rapport de la brigade financière, remis le 13 juillet au procureur de la République de Paris, synthétise les principaux soupçons de la justice contre le député socialiste Julien Dray.
La passion des montres, des stylos et des tableaux, est-elle un alibi ?
L’enquête de la cellule antiblanchiment Tracfin a dévoilé la passion immodérée de Julien Dray pour les montres et les stylos - il en avait acheté pour 130 000 euros entre 2005 et 2008 -, le rapport d’enquête préliminaire, révélé par Mediapart et le Monde, nous apprend que cette addiction est revendiquée aussi par ses collaborateurs. Nathalie Fortis, son attachée parlementaire, comme Thomas Persuy, permanent de SOS Racisme, ont tous les deux expliqué à la brigade financière qu’une partie de l’argent qu’ils avaient reversé à Julien Dray correspondait à des objets qu’ils avaient achetés au député de l’Essonne. Jusqu’alors, les avocats de Julien Dray assuraient que des prêts réguliers avaient été conclus entre l’élu et ses collaborateurs et amis.
En mars 2006, Nathalie Fortis, qui vient de recevoir 5 500 euros du syndicat lycéen Fidl, reverse 4 000 euros à Julien Dray. Elle déclare aux policiers qu’il s’agit du «paiement d’une partie d’une montre Rolex» achetée à son patron en 2004. Dray confirme en précisant qu’il s’agit d’une «Rolex Submariner, modèle James Bond datant de 1955» d’un montant de 35 000 euros. Selon la brigade financière, la montre vaudrait beaucoup moins.
En mai 2006, Thomas Persuy, qui vient de recevoir 9 000 euros de la Fidl et de l’association Stop Racisme Val d’Orge, reverse 8 000 euros à Julien Dray. Il assure aux policiers que cette somme correspond à l’achat «de 5 ou 6 stylos Montblanc que Julien Dray était en train de liquider».
En septembre 2008, c’est SOS Racisme qui achète pour 9 000 euros «cinq tableaux» à l’Association de la 10e circonscription de l’Essonne, qui gère la permanence électorale de Julien Dray ; 7 000 euros sont aussitôt reversés au député. La brigade financière relève que la vente de tableaux est «très éloignée» de l’objet social de l’association.
Des missions fictives sont-elles à l’origine des versements à Julien Dray ?
Nathalie Fortis et Thomas Persuy auraient reversé 74 050 euros à Julien Dray. Les avocats ont jusqu’alors soutenu que cet argent ayant été régulièrement versé par les associations, Fortis et Persuy étaient libres d’en user à leur guise. La brigade financière a des doutes. La collaboratrice de Julien Dray a soutenu qu’elle avait perçu 23 000 euros de la Fidl pour assurer «la gestion courante de l’association». «Aucune convention n’a été retrouvée ou apportée par l’intéressée pour attester ses déclarations», notent les policiers. «Nous pouvons donc nous poser la question de savoir comment, avec un tel emploi du temps, Mme Fortis pouvait-elle encore travailler à d’autres tâches et pour les associations dont elle percevait les fonds ?» s’interrogent-ils. Un certain flou entoure aussi la rétribution de Thomas Persuy par la Fidl - à hauteur de 78 599 euros entre 2005 et 2008. «Il n’aurait pas été en mesure, selon la brigade financière, d’identifier les montants qui étaient liés aux remboursements de frais et ceux en rapport avec le paiement de ses indemnités, ni d’associer une action à un mouvement d’argent.» Le même type d’interrogation pèse sur le versement par la Fidl de 6 000 euros à une collaboratrice de Julien Dray à la région Ile-de-France, Geneviève de K. En février 2008, dès réception, elle reverse intégralement cette somme à son patron. Courant 2009, ce n’est qu’après le début de l’enquête qu’un rapport de 8 pages sur «la mutation de la Fidl» sera finalement trouvé. Elle assure, elle aussi, avoir simplement prêté cette somme à Julien Dray.
Les fonds sortis des associations peuvent-ils constituer un détournement de fonds publics ?
C’est le point dur des soupçons. L’enquête de la police s’est orientée sur un «abus de confiance» présumé au détriment des associations, elle n’est pas remontée sur l’origine des fonds. Or une partie de cet argent est publique. SOS Racisme et ses satellites sont subventionnés par les pouvoirs publics à hauteur de 90 %. Or, selon les policiers, certains reversements à Julien Dray sont corrélés à des paiements de subventions. En mai 2006, c’est une subvention de 12 000 euros reçue par la Fidl qui permet à Thomas Persuy de décaisser 8 000 euros pour le député. En mai 2008, idem. Thomas Persuy fait un chèque de 6 000 euros qu’il vient de recevoir de la Fidl (en deux chèques de 2 700 euros et 3 300 euros). «Rappelons que la Fidl venait de recevoir 10 000 euros de subventions», notent les policiers. Selon les extraits de Mediapart et du Monde, la brigade financière ne fait pas état des subventions versées par le conseil régional à la galaxie SOS Racisme. Celles-ci sont pourtant substantielles. Ainsi, en 2008, la Fidl a ainsi reçu 50 000 euros. Les subventions versées à SOS Racisme s’élèvent à 100 000 euros en 2007. La Fédération nationale des maisons des potes (FNMP) était encore plus massivement subventionnée (600 000 euros environ). Les enquêteurs n’ont entrepris aucune vérification sur ce point, ni entendu aucun élu. Julien Dray est vice-président du conseil régional chargé de la politique de la ville et de la jeunesse, et ses collaborateurs ont naturellement participé aux financements du milieu associatif de la région.
L’affaire traduit-elle des dysfonctionnements au sein de SOS Racisme ?
La gestion de l’association est chaotique depuis son origine. Lors de son contrôle en 2002, la Cour des comptes avait signalé de «graves insuffisances de gestion et de rigueur». Des frais sans justificatifs (60 000 euros en 2000), des dettes (380 000 euros en 2002) avaient conduit SOS Racisme à se trouver placée sous le contrôle de l’Etat en 2003. La situation n’a guère été clarifiée si l’on en croit la brigade financière. Créée à la suite du contrôle de la Cour des comptes, l’association les Parrains de SOS Racisme a versé, elle aussi, des sommes à Nathalie Fortis, peu avant qu’elle ne les reverse à Julien Dray - en décembre 2007. Et à Thomas Persuy également, qui a fait de même, en juillet 2008. Cette association «réglait en espèces les dépenses pour SOS Racisme qu’on ne désirait pas faire apparaître au grand jour, expliquent les policiers, paiement des services d’ordre, colleurs d’affiches, ménages au black», ce qui expliquerait notamment l’importance des sorties en liquide - 129 250 euros entre 2005 et 2008. L’association les Parrains assurait aussi le paiement en direct de certains prestataires. Mais elle aurait également, selon Mediapart, versé des sommes «sans véritable justification» à une demi-douzaine de personnes. La situation de la Fidl est encore plus critique, puisqu’aucune comptabilité n’aurait été retrouvée par les enquêteurs, y compris chez l’expert-comptable du syndicat lycéen.
Le train de vie de Julien Dray est-il en cause ?
Oui et non. En dressant la liste des dépenses du député, la brigade financière s’est aperçue qu’elles s’élevaient à 521 919 euros en moyenne par an (sur les quatre dernières années). Et que ses revenus, estimés à 407 854 euros, n’y suffisaient pas. Il lui fallait donc faire appel à ses amis. Les seuls prêts accordés par Pierre Bergé s’élèveraient à 340 000 euros. Si Tracfin avait signalé les versements de «particuliers actifs dans la sphère socio-économique», et notamment de chefs d’entreprises attributaires de marchés publics dans l’Essonne ou au conseil régional, les policiers n’ont pas trouvé à redire sur ces prêts personnels, dont certains ont été, depuis, remboursés. Ils signalent quand même que Georges Sebag, petit commerçant des Alpes-Maritimes, qui avait remis à Julien Dray pour 21 000 euros de chèques de clients, avait reçu commande de 5 000 tee-shirts pour SOS Racisme.
vendredi 24 juillet 2009
Dray épinglé par l'enquête préliminaire
Dray épinglé par l'enquête préliminaire, Libération, 24 juillet 2009
D'après l’enquête préliminaire dont Médiapart et Le Monde publient vendredi des extraits, le député PS de l’Essonne a bénéficié d’un système de mouvements de fonds issus de plusieurs organisations, via ses proches collaborateurs.
Epilogue de sept mois d’enquête, le rapport de la Brigade financière, remis le 13 juillet au procureur de la République de Paris, et dévoilé ce matin par Médiapart et Le Monde, synthétise les principaux soupçons de la justice contre le député socialiste Julien Dray. Ce rapport pose plusieurs questions sur le fond du dossier. Deux exemples:
La passion des montres, des stylos et des tableaux, est-elle un alibi?
L’enquête de Tracfin a dévoilé la passion immodérée de Julien Dray pour les montres et les stylos – il en avait acheté pour 130 000 euros entre 2005 et 2008 –, le rapport d’enquête préliminaire, révélé par Mediapart et Le Monde, nous apprend que cette addiction est revendiquée aussi par ses collaborateurs. Nathalie Fortis, son attachée parlementaire, comme Thomas Persuy, permanent de SOS racisme, ont tous les deux expliqué à la Brigade financière qu’une partie de l’argent qu’ils avaient reversé à Julien Dray correspondait à des objets qu’ils avaient achetés au député de l’Essonne.
Jusqu’alors, les avocats de Julien Dray assuraient que des prêts réguliers avaient été conclus entre l’élu et ses collaborateurs et amis. En mars 2006, Nathalie Fortis, qui vient de recevoir 5500 euros du syndicat lycéen Fidl, reverse 4000 euros à Julien Dray. Elle déclare aux policiers qu’il s’agit du «paiement d’une partie d’une montre Rolex» achetée à son patron en 2004. Dray confirme en précisant qu’il s’agit d’une «Rolex Submariner, modèle James Bond datant de 1955» d’un montant de 35000 euros. Selon la Brigade financière, la montre vaudrait beaucoup moins.
En mai 2006, Thomas Persuy, qui vient de recevoir 9000 euros de la Fidl et de Stop le racisme Val d’Orge, reverse 8000 euros à Julien Dray. Il assure aux policiers que cette somme correspond à l’achat «de 5 ou 6 stylos Mont Blanc que Julien Dray était en train de liquider». En septembre 2008, c’est SOS Racisme qui achète pour 9000 euros «cinq tableaux» à l’association de la Xème circonscription de l’Essonne, qui gère la permanence électorale de Julien Dray. 7000 euros sont aussitôt reversés au député. La brigade financière (BF) relève que la vente de tableaux est «très éloigné» de l’objet social de l’association.
Des missions fictives sont-elles à l’origine des versements à Julien Dray?
74050 euros auraient été reversés à Julien Dray par Nathalie Fortis et Thomas Persuy. Les avocats ont jusqu’alors soutenu que cet argent ayant été régulièrement versé par les associations, Fortis et Persuy étaient libres d’en user à leur guise. La brigade financière a des doutes. La collaboratrice de Julien Dray a soutenu qu’elle avait perçu 23000 euros de la Fidl pour assurer «la gestion courante de l’association». «Aucune convention n’a été retrouvée ou apportée par l’intéressée pour attester ses déclarations», notent les policiers. «Nous pouvons donc nous poser la question de savoir comment avec un tel emploi du temps, Mme Fortis pouvait-elle encore travailler à d’autres tâches et pour les associations dont elle percevait les fonds?» s’interrogent-ils.
Un certain flou entoure aussi la rétribution de Thomas Persuy la Fidl - à hauteur de 78599 euros entre 2005 et 2008. «Il n’aurait pas été en mesure, selon la Brigade Financière, d’identifier les montants qui étaient liés aux remboursements de frais et ceux en rapport avec le paiement de ses indemnités, ni d’associer une action à un mouvement d’argent».
Le même type d’interrogation pèse sur le versement par la Fidl de 6000 euros à une collaboratrice de Julien Dray à la région Ile-de-France, Geneviève de K. En février 2008, dès réception, elle reverse intégralement cette somme à son patron. Ce n’est qu’après le début de l’enquête, courant 2009, qu’un rapport de 8 pages sur «la mutation de la Fidl» sera finalement trouvé. Elle assure, elle aussi, avoir simplement prêté cette somme à Julien Dray.
Dans la soirée, le procureur de la République de Paris a tenu à préciser dans un communiqué qu' «aucune décision» n'était prise concernant un éventuel renvoi devant un tribunal correctionnel de Julien Dray. Il n'en demeure pas moins que l'enquête policière menée sur les comptes de Julien Dray depuis plus de sept mois est accablante pour l'élu socialiste, suspecté d'avoir bénéficié durant plusieurs années de mouvements de fonds issus d'associations alors qu'il fait état de simples prêts qu'il a remboursés. Ces mouvements de fonds suspects sont évalués au total à environ 350 000 euros entre 2005 et 2008, le plus souvent sous forme de chèques.
D'après l’enquête préliminaire dont Médiapart et Le Monde publient vendredi des extraits, le député PS de l’Essonne a bénéficié d’un système de mouvements de fonds issus de plusieurs organisations, via ses proches collaborateurs.
Epilogue de sept mois d’enquête, le rapport de la Brigade financière, remis le 13 juillet au procureur de la République de Paris, et dévoilé ce matin par Médiapart et Le Monde, synthétise les principaux soupçons de la justice contre le député socialiste Julien Dray. Ce rapport pose plusieurs questions sur le fond du dossier. Deux exemples:
La passion des montres, des stylos et des tableaux, est-elle un alibi?
L’enquête de Tracfin a dévoilé la passion immodérée de Julien Dray pour les montres et les stylos – il en avait acheté pour 130 000 euros entre 2005 et 2008 –, le rapport d’enquête préliminaire, révélé par Mediapart et Le Monde, nous apprend que cette addiction est revendiquée aussi par ses collaborateurs. Nathalie Fortis, son attachée parlementaire, comme Thomas Persuy, permanent de SOS racisme, ont tous les deux expliqué à la Brigade financière qu’une partie de l’argent qu’ils avaient reversé à Julien Dray correspondait à des objets qu’ils avaient achetés au député de l’Essonne.
Jusqu’alors, les avocats de Julien Dray assuraient que des prêts réguliers avaient été conclus entre l’élu et ses collaborateurs et amis. En mars 2006, Nathalie Fortis, qui vient de recevoir 5500 euros du syndicat lycéen Fidl, reverse 4000 euros à Julien Dray. Elle déclare aux policiers qu’il s’agit du «paiement d’une partie d’une montre Rolex» achetée à son patron en 2004. Dray confirme en précisant qu’il s’agit d’une «Rolex Submariner, modèle James Bond datant de 1955» d’un montant de 35000 euros. Selon la Brigade financière, la montre vaudrait beaucoup moins.
En mai 2006, Thomas Persuy, qui vient de recevoir 9000 euros de la Fidl et de Stop le racisme Val d’Orge, reverse 8000 euros à Julien Dray. Il assure aux policiers que cette somme correspond à l’achat «de 5 ou 6 stylos Mont Blanc que Julien Dray était en train de liquider». En septembre 2008, c’est SOS Racisme qui achète pour 9000 euros «cinq tableaux» à l’association de la Xème circonscription de l’Essonne, qui gère la permanence électorale de Julien Dray. 7000 euros sont aussitôt reversés au député. La brigade financière (BF) relève que la vente de tableaux est «très éloigné» de l’objet social de l’association.
Des missions fictives sont-elles à l’origine des versements à Julien Dray?
74050 euros auraient été reversés à Julien Dray par Nathalie Fortis et Thomas Persuy. Les avocats ont jusqu’alors soutenu que cet argent ayant été régulièrement versé par les associations, Fortis et Persuy étaient libres d’en user à leur guise. La brigade financière a des doutes. La collaboratrice de Julien Dray a soutenu qu’elle avait perçu 23000 euros de la Fidl pour assurer «la gestion courante de l’association». «Aucune convention n’a été retrouvée ou apportée par l’intéressée pour attester ses déclarations», notent les policiers. «Nous pouvons donc nous poser la question de savoir comment avec un tel emploi du temps, Mme Fortis pouvait-elle encore travailler à d’autres tâches et pour les associations dont elle percevait les fonds?» s’interrogent-ils.
Un certain flou entoure aussi la rétribution de Thomas Persuy la Fidl - à hauteur de 78599 euros entre 2005 et 2008. «Il n’aurait pas été en mesure, selon la Brigade Financière, d’identifier les montants qui étaient liés aux remboursements de frais et ceux en rapport avec le paiement de ses indemnités, ni d’associer une action à un mouvement d’argent».
Le même type d’interrogation pèse sur le versement par la Fidl de 6000 euros à une collaboratrice de Julien Dray à la région Ile-de-France, Geneviève de K. En février 2008, dès réception, elle reverse intégralement cette somme à son patron. Ce n’est qu’après le début de l’enquête, courant 2009, qu’un rapport de 8 pages sur «la mutation de la Fidl» sera finalement trouvé. Elle assure, elle aussi, avoir simplement prêté cette somme à Julien Dray.
Dans la soirée, le procureur de la République de Paris a tenu à préciser dans un communiqué qu' «aucune décision» n'était prise concernant un éventuel renvoi devant un tribunal correctionnel de Julien Dray. Il n'en demeure pas moins que l'enquête policière menée sur les comptes de Julien Dray depuis plus de sept mois est accablante pour l'élu socialiste, suspecté d'avoir bénéficié durant plusieurs années de mouvements de fonds issus d'associations alors qu'il fait état de simples prêts qu'il a remboursés. Ces mouvements de fonds suspects sont évalués au total à environ 350 000 euros entre 2005 et 2008, le plus souvent sous forme de chèques.
jeudi 23 juillet 2009
Un témoin raconte l'enlèvement de Guy-André Kieffer
Un témoin raconte l'enlèvement de Guy-André Kieffer, Libération, 22 juillet 2009
Le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu en 2004 à Abidjan, enquêtait sur les malversations financières du régime de Laurent Gbagbo.
C'est peut-être le premier vrai tournant dans l'enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien, Guy-André Kieffer, enlevé à Abidjan en avril 2004 et porté disparu depuis lors. Le journaliste de France 3, Joseph Tual, a recueilli et diffusé ce mercredi le témoignage d'un homme qui, se présentant avec le grade de «major», dit avoir vu Guy-André Kieffer après son enlèvement dans les sous-sols de la présidence ivoirienne.
Aujourd'hui réfugié à l'étranger, Alain Gossé raconte l'arrivée de "GAK" à la présidence, le 16 avril 2004, et ses interrogatoires à la présidence, puis dans une villa d'Abidjan, par trois officiers proches des époux Gbagbo: l'ancien chef de la sécurité présidentielle Patrice Baï, l'officier chargé de la sécurité de Simone Gbagbo, Seka Yapo Anselme, et le capitaine Jean-Tony Oulaï.
Ces officiers, qui auraient appréhendé Kieffer sur un parking du centre d'Abidjan, semblent avoir été persuadés que journaliste était un agent des services de renseignement français. Sous pseudonyme dans la presse ivoirienne, ou dans la publication spécialisée La Lettre du Continent, Kieffer multipliait les enquêtes et les révélations sur les malversations financières du régime de Laurent Gbagbo, notamment dans la filière cacao.
Simone Gbagbo entendue en avril
Le major Alain Gossé assure aussi que "GAK" aurait été tué, deux jours après son enlèvement. Afin de «lui faire peur» pour arracher ses aveux, Jean-Tony Oulaï aurait tiré en l'air. Placé derrière le journaliste, un soldat aurait à son tour tiré deux balles de kalachnikov dans le dos de Kieffer, «par erreur», selon le témoin. Le corps de Kieffer n'a pas été retrouvé à ce jour.
Le major Gossé tend, dans son témoignage, à disculper en partie les époux Gbagbo de la fin tragique de "GAK". Selon lui, en effet, le chef de l'Etat et son épouse auraient appris, après-coup, la mort de Kieffer. Quoi qu'il en soit, les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot devront déterminer si trois officiers aussi proches de la présidence ivoirienne ont pu agir de leur propre chef.
Simone Gbagbo a été entendue en avril dernier par les magistrats français. Tout comme l'ex-ministre ivoirien de l'Economie, Paul-Antoine Bohoun-Bouabré, régulièrement mis en cause par Kieffer. Par ailleurs, le major Alain Gossé devrait être rapidement confronté au capitaine Jean-Tony Oulaï, détenu en France depuis octobre 2007, dans le cadre de cette affaire.
Le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu en 2004 à Abidjan, enquêtait sur les malversations financières du régime de Laurent Gbagbo.
C'est peut-être le premier vrai tournant dans l'enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien, Guy-André Kieffer, enlevé à Abidjan en avril 2004 et porté disparu depuis lors. Le journaliste de France 3, Joseph Tual, a recueilli et diffusé ce mercredi le témoignage d'un homme qui, se présentant avec le grade de «major», dit avoir vu Guy-André Kieffer après son enlèvement dans les sous-sols de la présidence ivoirienne.
Aujourd'hui réfugié à l'étranger, Alain Gossé raconte l'arrivée de "GAK" à la présidence, le 16 avril 2004, et ses interrogatoires à la présidence, puis dans une villa d'Abidjan, par trois officiers proches des époux Gbagbo: l'ancien chef de la sécurité présidentielle Patrice Baï, l'officier chargé de la sécurité de Simone Gbagbo, Seka Yapo Anselme, et le capitaine Jean-Tony Oulaï.
Ces officiers, qui auraient appréhendé Kieffer sur un parking du centre d'Abidjan, semblent avoir été persuadés que journaliste était un agent des services de renseignement français. Sous pseudonyme dans la presse ivoirienne, ou dans la publication spécialisée La Lettre du Continent, Kieffer multipliait les enquêtes et les révélations sur les malversations financières du régime de Laurent Gbagbo, notamment dans la filière cacao.
Simone Gbagbo entendue en avril
Le major Alain Gossé assure aussi que "GAK" aurait été tué, deux jours après son enlèvement. Afin de «lui faire peur» pour arracher ses aveux, Jean-Tony Oulaï aurait tiré en l'air. Placé derrière le journaliste, un soldat aurait à son tour tiré deux balles de kalachnikov dans le dos de Kieffer, «par erreur», selon le témoin. Le corps de Kieffer n'a pas été retrouvé à ce jour.
Le major Gossé tend, dans son témoignage, à disculper en partie les époux Gbagbo de la fin tragique de "GAK". Selon lui, en effet, le chef de l'Etat et son épouse auraient appris, après-coup, la mort de Kieffer. Quoi qu'il en soit, les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot devront déterminer si trois officiers aussi proches de la présidence ivoirienne ont pu agir de leur propre chef.
Simone Gbagbo a été entendue en avril dernier par les magistrats français. Tout comme l'ex-ministre ivoirien de l'Economie, Paul-Antoine Bohoun-Bouabré, régulièrement mis en cause par Kieffer. Par ailleurs, le major Alain Gossé devrait être rapidement confronté au capitaine Jean-Tony Oulaï, détenu en France depuis octobre 2007, dans le cadre de cette affaire.
mercredi 22 juillet 2009
Le placement en garde à vue de Flosse autorisé par le bureau du Sénat
Le placement en garde à vue de Flosse autorisé par le bureau du Sénat, Libération, 22 juillet 2009
En vertu de son immunité parlementaire, le sénateur, plusieurs fois président polynésien, n'avait jamais été interrogé dans une affaire de détournement de biens sociaux et de corruption concernant l’Office des Postes et télécommunications de Polynésie.
Le bureau du Sénat a autorisé mercredi le placement en garde à vue du sénateur de Polynésie, Gaston Flosse (divers droite, ex-UMP), comme l’a annoncé un de ses membres, le vice-président du Sénat Jean-Léonce Dupont.
Lors d’une conférence de presse, celui-ci a précisé que cette garde à vue était «de 24 heures renouvelable une fois». Il a ajouté que toutes les autres requêtes coercitives à l’encontre du sénateur avaient été rejetées par le bureau du Sénat: «Toute éventuelle demande privative ou restrictive de liberté devra faire l’objet d’une nouvelle saisine du bureau.»
Le bureau du Sénat a décidé mercredi de lever partiellement l’immunité parlementaire de Gaston Flosse dans le cadre d’une affaire de détournement de biens sociaux et de corruption active.
Cette décision a été prise à «une très large» majorité, a affirmé le président du Sénat, Gérard Larcher.
La demande de levée émanait du juge d’instruction Philippe Stelmach. Transmise par le parquet général de Papeete à la Chancellerie, elle a été adressée au bureau du Sénat le 13 juillet.
L’affaire, qui concerne l’Office des Postes et Télécommunications de Polynésie (OPT), porte sur des faits de corruption dépassant 1,5 million d’euros. Sept personnes ont été mises en examen, dont l’ancien député Emile Vernaudon, plusieurs anciens hauts responsables de l’OPT, la secrétaire personnelle de Gaston Flosse et l’homme d’affaires Hubert Haddad.
En vertu de son immunité parlementaire, Gaston Flosse, ancien secrétaire d’Etat de Jacques Chirac, plusieurs fois président polynésien, n’a jamais été interrogé dans ce dossier.
En vertu de son immunité parlementaire, le sénateur, plusieurs fois président polynésien, n'avait jamais été interrogé dans une affaire de détournement de biens sociaux et de corruption concernant l’Office des Postes et télécommunications de Polynésie.
Le bureau du Sénat a autorisé mercredi le placement en garde à vue du sénateur de Polynésie, Gaston Flosse (divers droite, ex-UMP), comme l’a annoncé un de ses membres, le vice-président du Sénat Jean-Léonce Dupont.
Lors d’une conférence de presse, celui-ci a précisé que cette garde à vue était «de 24 heures renouvelable une fois». Il a ajouté que toutes les autres requêtes coercitives à l’encontre du sénateur avaient été rejetées par le bureau du Sénat: «Toute éventuelle demande privative ou restrictive de liberté devra faire l’objet d’une nouvelle saisine du bureau.»
Le bureau du Sénat a décidé mercredi de lever partiellement l’immunité parlementaire de Gaston Flosse dans le cadre d’une affaire de détournement de biens sociaux et de corruption active.
Cette décision a été prise à «une très large» majorité, a affirmé le président du Sénat, Gérard Larcher.
La demande de levée émanait du juge d’instruction Philippe Stelmach. Transmise par le parquet général de Papeete à la Chancellerie, elle a été adressée au bureau du Sénat le 13 juillet.
L’affaire, qui concerne l’Office des Postes et Télécommunications de Polynésie (OPT), porte sur des faits de corruption dépassant 1,5 million d’euros. Sept personnes ont été mises en examen, dont l’ancien député Emile Vernaudon, plusieurs anciens hauts responsables de l’OPT, la secrétaire personnelle de Gaston Flosse et l’homme d’affaires Hubert Haddad.
En vertu de son immunité parlementaire, Gaston Flosse, ancien secrétaire d’Etat de Jacques Chirac, plusieurs fois président polynésien, n’a jamais été interrogé dans ce dossier.
vendredi 17 juillet 2009
Charles Pasqua: renvoi devant la CJR confirmé en cassation
Charles Pasqua: renvoi devant la CJR confirmé en cassation, AFP, 17 juillet 2009
La Cour de cassation a rejeté vendredi les pourvois formés par Charles Pasqua, validant ainsi son renvoi devant la Cour de Justice de la République (CJR) dans le cadre de trois dossiers remontant à l'époque où il était ministre de l'Intérieur sous Edouard Balladur (1993-1995), a-t-on appris vendredi de source judiciaire.
M. Pasqua, 82 ans, sera le sixième ancien ministre à comparaître devant la CJR depuis sa création en 1993, après Laurent Fabius, Georgina Dufoix, Edmond Hervé, Ségolène Royal et Michel Gillibert. Son procès pourrait avoir lieu dans moins d'un an.
La CJR est la seule juridiction habilitée à instruire et à juger des affaires mettant en cause des ministres, pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions.
L'actuel sénateur UMP des Hauts-de-Seine a toujours contesté les faits qui lui sont reprochés dans ces dossiers du casino d'Annemasse (Haute-Savoie), de GEC-Alsthom et de la Sofremi.
En dépit de ces dénégations, le 9 avril, la commission d'instruction de la CJR avait renvoyé l'ancien ministre de l'devant la CJR, conformément aux réquisitions du parquet général.
Mais l'ancien ministre de l'Intérieur avait alors formé trois pourvois en cassation.
Vendredi, l'assemblée plénière de la Cour de cassation, seule habilitée à statuer en un tel cas, a rejeté ces pourvois.
"Aucun moyen n'est produit au soutien (des) pourvoi(s)", s'est-elle justifiée, ce qui signifie que les avocats de M. Pasqua se sont pourvus en cassation, mais ont omis de motiver leur demande.
Dans la première affaire, l'élu, renvoyé pour "corruption passive", est soupçonné d'avoir signé en 1994 l'autorisation d'exploitation du casino d'Annemasse par un proche, Robert Feliciaggi, en échange d'un financement politique ultérieur.
M. Feliciaggi, assassiné en 2006 à Ajaccio, avait revendu le casino dès 1995 en faisant une importante plus-value.
M. Pasqua a déjà été condamné en mars 2008 à 18 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris dans un autre volet de ce dossier, concernant le financement illégal de sa campagne européenne de 1999 pour son parti, le RPF, à un moment où il n'était plus au gouvernement.
La cour d'appel de Paris, qui a examiné l'affaire en mai, se prononcera sur le dossier le 18 septembre.
Le deuxième dossier concerne un agrément délivré pour le transfert du siège de la branche transport de GEC-Alsthom à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) qui avait généré en 1994 une commission de près de 800.000 euros versée à un proche de M. Pasqua, Etienne Leandri, aujourd'hui décédé.
Le renvoi de l'ancien ministre concerne cette fois des faits de complicité et recel d'abus de biens sociaux (ABS).
Pour cette affaire, plusieurs personnes ont déjà été condamnées, dont son fils unique, Pierre, qui a écopé en septembre 2008 d'un an de prison ferme.
Enfin, le troisième dossier a trait au versement entre 1993 et 1995 de commissions par la Sofremi, une société d'exportation d'armes qui dépendait du ministère de l'Intérieur, à des proches de M. Pasqua.
Certains ont déjà été jugés dans cette affaire par le tribunal correctionnel de Paris le 11 décembre 2007, parmi lesquels Pierre Pasqua, condamné à 18 mois ferme. En mai dernier, la cour d'appel a réduit sa peine à un an ferme.
M. Pasqua est cette fois poursuivi pour complicité et recel d'ABS.
La Cour de cassation a rejeté vendredi les pourvois formés par Charles Pasqua, validant ainsi son renvoi devant la Cour de Justice de la République (CJR) dans le cadre de trois dossiers remontant à l'époque où il était ministre de l'Intérieur sous Edouard Balladur (1993-1995), a-t-on appris vendredi de source judiciaire.
M. Pasqua, 82 ans, sera le sixième ancien ministre à comparaître devant la CJR depuis sa création en 1993, après Laurent Fabius, Georgina Dufoix, Edmond Hervé, Ségolène Royal et Michel Gillibert. Son procès pourrait avoir lieu dans moins d'un an.
La CJR est la seule juridiction habilitée à instruire et à juger des affaires mettant en cause des ministres, pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions.
L'actuel sénateur UMP des Hauts-de-Seine a toujours contesté les faits qui lui sont reprochés dans ces dossiers du casino d'Annemasse (Haute-Savoie), de GEC-Alsthom et de la Sofremi.
En dépit de ces dénégations, le 9 avril, la commission d'instruction de la CJR avait renvoyé l'ancien ministre de l'devant la CJR, conformément aux réquisitions du parquet général.
Mais l'ancien ministre de l'Intérieur avait alors formé trois pourvois en cassation.
Vendredi, l'assemblée plénière de la Cour de cassation, seule habilitée à statuer en un tel cas, a rejeté ces pourvois.
"Aucun moyen n'est produit au soutien (des) pourvoi(s)", s'est-elle justifiée, ce qui signifie que les avocats de M. Pasqua se sont pourvus en cassation, mais ont omis de motiver leur demande.
Dans la première affaire, l'élu, renvoyé pour "corruption passive", est soupçonné d'avoir signé en 1994 l'autorisation d'exploitation du casino d'Annemasse par un proche, Robert Feliciaggi, en échange d'un financement politique ultérieur.
M. Feliciaggi, assassiné en 2006 à Ajaccio, avait revendu le casino dès 1995 en faisant une importante plus-value.
M. Pasqua a déjà été condamné en mars 2008 à 18 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris dans un autre volet de ce dossier, concernant le financement illégal de sa campagne européenne de 1999 pour son parti, le RPF, à un moment où il n'était plus au gouvernement.
La cour d'appel de Paris, qui a examiné l'affaire en mai, se prononcera sur le dossier le 18 septembre.
Le deuxième dossier concerne un agrément délivré pour le transfert du siège de la branche transport de GEC-Alsthom à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) qui avait généré en 1994 une commission de près de 800.000 euros versée à un proche de M. Pasqua, Etienne Leandri, aujourd'hui décédé.
Le renvoi de l'ancien ministre concerne cette fois des faits de complicité et recel d'abus de biens sociaux (ABS).
Pour cette affaire, plusieurs personnes ont déjà été condamnées, dont son fils unique, Pierre, qui a écopé en septembre 2008 d'un an de prison ferme.
Enfin, le troisième dossier a trait au versement entre 1993 et 1995 de commissions par la Sofremi, une société d'exportation d'armes qui dépendait du ministère de l'Intérieur, à des proches de M. Pasqua.
Certains ont déjà été jugés dans cette affaire par le tribunal correctionnel de Paris le 11 décembre 2007, parmi lesquels Pierre Pasqua, condamné à 18 mois ferme. En mai dernier, la cour d'appel a réduit sa peine à un an ferme.
M. Pasqua est cette fois poursuivi pour complicité et recel d'ABS.
vendredi 10 juillet 2009
L'opacité des contrats d'armement est une nouvelle fois mise en cause
Le Monde, 10 juillet 2009
L'enquête pénale sur l'attentat de Karachi, le 8 mai 2002, contre des Français de la Direction des constructions navales (DCN) illustre l'opacité qui entoure les grands contrats d'armements : commissions, rétrocommissions, intermédiaires, sociétés écrans... Des éléments que l'on trouvait déjà dans l'affaire de la vente, à Taïwan, en 1991, de frégates, également construites par la DCN. Sans se confondre, les deux affaires se croisent, et pourraient rebondir.
C'est en enquêtant sur les liens entre Claude Thévenet - un ancien policier de la Direction de la surveillance du territoire (DST) reconverti dans la sécurité privée - et la DCN que les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin ont en effet relancé l'enquête sur Karachi et découvert de nouveaux éléments dans le cadre du dossier des frégates de Taïwan.
Instruisant, à Paris, le dossier Thévenet, les deux juges ont trouvé les notes de synthèse que l'ancien policier avait remises, en 2002, à la DCNI (Direction des constructions navales internationale). Elles faisaient le lien entre l'attentat de Karachi et les arrangements financiers liés à la vente au Pakistan, par la DCN, de trois sous-marins, en 1994. Cette version contredit la thèse officielle et la piste terroriste Al-Qaida.
Ouverte en 2005, l'instruction des deux juges portait initialement sur les liens entre les sociétés de M. Thévenet et Eurolux, émanation de la DCNI, au Luxembourg, chargée de régler les dépenses occultes. Cette affaire avait, dans un premier temps, mis au jour des pratiques d'espionnage industriel. Les policiers ont ainsi découvert que M. Thévenet avait notamment enquêté sur le magistrat français Renaud Van Ruymbeke et son collègue suisse Paul Perraudin. Les deux juges enquêtaient sur les frégates.
FRÉGATES DE TAÏWAN
Claude Thévenet a été mis en examen, le 25 juin 2008, pour "corruption active", "recel de violation de secret de l'instruction" et "recel d'abus de biens sociaux". Peu avant, son client, le directeur administratif et financier de la DCNI, Gérard-Philippe Menayas, était aussi mis en examen pour des faits similaires.
Dans cette même enquête, de nombreux documents ont été mis au jour sur la structure de la DCNI permettant le versement de commissions occultes. Il s'agit notamment d'un compte rendu d'une réunion interne à la DCNI sur le contrat des frégates, le 15 octobre 2004. Ce document détaille le circuit financier, via Eurolux et Heine, ainsi appelée avant 2000, suivi par les commissions versées par DCNI à un intermédiaire chinois de premier plan, Andrew Wang, réfugié à Londres.
On y apprend comment la DCNI, via ses structures luxembourgeoises, débite pour M. Wang un chèque de 83 millions de francs sur un compte de la Royal Bank of Scotland domiciliée sur l'île de Man. Un autre document retrace l'historique des montages de la DCNI créés pour le contrat des frégates afin, dit le rapport de synthèse des policiers du 5 mars 2007, "de permettre la remise des commissions voire des rétrocommissions". Selon les policiers, le chef d'orchestre de tout ce système à la DCN est Jean-Marie Boivin, dirigeant de Heine et Eurolux de 1994 à 2004.
Le directeur administratif et financier de la DCNI, M. Menayas, a confirmé aux juges, le 14 octobre 2008, que Heine a servi à verser "les commissions des frégates", notamment celles payées à Wang, a-t-on appris au parquet général à Paris. D'après M. Menayas, "M. Boivin doit toujours détenir ces documents, il y a tous les contrats de commissionnements signés entre la DCNI et M. Wang", et peut-être "d'autres pièces". D'après la source du Monde au parquet général, M. Boivin aurait placé les pièces les plus sensibles dans un coffre en Suisse. A ce jour M. Boivin n'a été entendu qu'en qualité de témoin par les policiers et seulement sur les relations entre Eurolux et les sociétés de M. Thévenet entre 2002 et 2004, comme l'imposent les limites de la saisine délivrée par le parquet aux juges.
PISTE PAKISTANAISE
Les éléments découverts dans l'enquête Eurolux pourraient éclairer des aspects du dossier des frégates restés dans l'ombre. Au fil de son instruction sur les frégates, le juge Van Ruymbeke avait acquis la conviction que M. Wang avait perçu 500 millions de dollars de commissions (359 millions d'euros). Une partie aurait été redistribuée à des décideurs français, taïwanais et chinois. Mais le magistrat n'avait pu le prouver, bloqué par le secret-défense.
Les premiers retours des commissions rogatoires internationales envoyées au Luxembourg montrent qu'Eurolux ne serait qu'une gare de triage des flux financiers de la DCN. D'autres structures offshore auraient permis à Eurolux de payer les intermédiaires. Parmi ces coquilles vides implantées dans des paradis fiscaux figurerait une société apparue dans une enquête menée en Suisse sur les comptes de l'actuel président pakistanais, Asif Ali Zardari.
En 1997, le Pakistan avait saisi la justice suisse. Islamabad soupçonnait M. Zardari, veuf de l'ex-premier ministre Benazir Bhutto, de corruption dans plusieurs contrats, dont celui des sous-marins de la DCN. Les policiers suisses avaient identifié une structure offshore liée à Heine. Les investigations suisses se sont depuis arrêtées, après l'élection de M. Zardari à la présidence en 2008. "Nous avons classé l'affaire le 25 août après le retrait de la plainte initiale des Pakistanais", a confirmé au Monde le procureur général de Genève, Daniel Zapelli.
Jacques Follorou
L'enquête pénale sur l'attentat de Karachi, le 8 mai 2002, contre des Français de la Direction des constructions navales (DCN) illustre l'opacité qui entoure les grands contrats d'armements : commissions, rétrocommissions, intermédiaires, sociétés écrans... Des éléments que l'on trouvait déjà dans l'affaire de la vente, à Taïwan, en 1991, de frégates, également construites par la DCN. Sans se confondre, les deux affaires se croisent, et pourraient rebondir.
C'est en enquêtant sur les liens entre Claude Thévenet - un ancien policier de la Direction de la surveillance du territoire (DST) reconverti dans la sécurité privée - et la DCN que les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin ont en effet relancé l'enquête sur Karachi et découvert de nouveaux éléments dans le cadre du dossier des frégates de Taïwan.
Instruisant, à Paris, le dossier Thévenet, les deux juges ont trouvé les notes de synthèse que l'ancien policier avait remises, en 2002, à la DCNI (Direction des constructions navales internationale). Elles faisaient le lien entre l'attentat de Karachi et les arrangements financiers liés à la vente au Pakistan, par la DCN, de trois sous-marins, en 1994. Cette version contredit la thèse officielle et la piste terroriste Al-Qaida.
Ouverte en 2005, l'instruction des deux juges portait initialement sur les liens entre les sociétés de M. Thévenet et Eurolux, émanation de la DCNI, au Luxembourg, chargée de régler les dépenses occultes. Cette affaire avait, dans un premier temps, mis au jour des pratiques d'espionnage industriel. Les policiers ont ainsi découvert que M. Thévenet avait notamment enquêté sur le magistrat français Renaud Van Ruymbeke et son collègue suisse Paul Perraudin. Les deux juges enquêtaient sur les frégates.
FRÉGATES DE TAÏWAN
Claude Thévenet a été mis en examen, le 25 juin 2008, pour "corruption active", "recel de violation de secret de l'instruction" et "recel d'abus de biens sociaux". Peu avant, son client, le directeur administratif et financier de la DCNI, Gérard-Philippe Menayas, était aussi mis en examen pour des faits similaires.
Dans cette même enquête, de nombreux documents ont été mis au jour sur la structure de la DCNI permettant le versement de commissions occultes. Il s'agit notamment d'un compte rendu d'une réunion interne à la DCNI sur le contrat des frégates, le 15 octobre 2004. Ce document détaille le circuit financier, via Eurolux et Heine, ainsi appelée avant 2000, suivi par les commissions versées par DCNI à un intermédiaire chinois de premier plan, Andrew Wang, réfugié à Londres.
On y apprend comment la DCNI, via ses structures luxembourgeoises, débite pour M. Wang un chèque de 83 millions de francs sur un compte de la Royal Bank of Scotland domiciliée sur l'île de Man. Un autre document retrace l'historique des montages de la DCNI créés pour le contrat des frégates afin, dit le rapport de synthèse des policiers du 5 mars 2007, "de permettre la remise des commissions voire des rétrocommissions". Selon les policiers, le chef d'orchestre de tout ce système à la DCN est Jean-Marie Boivin, dirigeant de Heine et Eurolux de 1994 à 2004.
Le directeur administratif et financier de la DCNI, M. Menayas, a confirmé aux juges, le 14 octobre 2008, que Heine a servi à verser "les commissions des frégates", notamment celles payées à Wang, a-t-on appris au parquet général à Paris. D'après M. Menayas, "M. Boivin doit toujours détenir ces documents, il y a tous les contrats de commissionnements signés entre la DCNI et M. Wang", et peut-être "d'autres pièces". D'après la source du Monde au parquet général, M. Boivin aurait placé les pièces les plus sensibles dans un coffre en Suisse. A ce jour M. Boivin n'a été entendu qu'en qualité de témoin par les policiers et seulement sur les relations entre Eurolux et les sociétés de M. Thévenet entre 2002 et 2004, comme l'imposent les limites de la saisine délivrée par le parquet aux juges.
PISTE PAKISTANAISE
Les éléments découverts dans l'enquête Eurolux pourraient éclairer des aspects du dossier des frégates restés dans l'ombre. Au fil de son instruction sur les frégates, le juge Van Ruymbeke avait acquis la conviction que M. Wang avait perçu 500 millions de dollars de commissions (359 millions d'euros). Une partie aurait été redistribuée à des décideurs français, taïwanais et chinois. Mais le magistrat n'avait pu le prouver, bloqué par le secret-défense.
Les premiers retours des commissions rogatoires internationales envoyées au Luxembourg montrent qu'Eurolux ne serait qu'une gare de triage des flux financiers de la DCN. D'autres structures offshore auraient permis à Eurolux de payer les intermédiaires. Parmi ces coquilles vides implantées dans des paradis fiscaux figurerait une société apparue dans une enquête menée en Suisse sur les comptes de l'actuel président pakistanais, Asif Ali Zardari.
En 1997, le Pakistan avait saisi la justice suisse. Islamabad soupçonnait M. Zardari, veuf de l'ex-premier ministre Benazir Bhutto, de corruption dans plusieurs contrats, dont celui des sous-marins de la DCN. Les policiers suisses avaient identifié une structure offshore liée à Heine. Les investigations suisses se sont depuis arrêtées, après l'élection de M. Zardari à la présidence en 2008. "Nous avons classé l'affaire le 25 août après le retrait de la plainte initiale des Pakistanais", a confirmé au Monde le procureur général de Genève, Daniel Zapelli.
Jacques Follorou
mercredi 8 juillet 2009
Julien Dray demande à "être entendu" par le procureur de la République
Julien Dray demande à "être entendu" par le procureur de la République, Le Point, 8 juillet 2009
Le député socialiste Julien Dray a demandé mercredi "à être entendu par le procureur" de la République de Paris Jean-Claude Marin, après l'annonce de la communication à ses avocats du rapport d'enquête sur des mouvements de fonds présumés suspects vers ses comptes bancaires.
"Je demande à être entendu par le procureur de la République sur la base du rapport d'enquête. Je suis en capacité de démontrer qu'il n'y a pas d'accusation qui soit fondée", a déclaré le député de l'Essonne, invité de "Questions d'Info" LCP/France Info/AFP.
Le rapport de synthèse que la Brigade financière doit rendre à la mi-juillet dans cette affaire sera communiqué aux avocats des personnes mises en cause, avait indiqué plus tôt mercredi une source judiciaire.
Dans le cadre d'une enquête préliminaire, le parquet n'est théoriquement pas tenu de communiquer d'éléments aux conseils des personnes mises en cause.
"Je ne suis pas forcément d'accord avec cette procédure. C'est pas ça une enquête préliminaire, une enquête préliminaire normalement, c'est une évaluation faite pour savoir s'il y a matière à poursuivre ou non. Là, on a changé la donne, on est en train d'inventer le droit heure par heure", s'est insurgé M. Dray. "J'ai pas envie de faire de la correspondance, je veux une confrontation directe", a-t-il ajouté.
La "justice a été instrumentalisée"
Le député et ses avocats s'étaient régulièrement plaints depuis le début de l'affaire, fin 2008, de ne pas avoir accès au dossier, en l'absence d'ouverture d'une information judiciaire par le parquet.
M. Dray dit être "victime d'une cabale, d'une opération de déstabilisation, d'un montage". Concernant l'origine de ce type de manoeuvre, il a déclaré que "quelque chose s'est produit entre Bercy et autre chose" A la suite d'un rapport de Tracfin (cellule antiblanchiment de Bercy) portant sur des mouvements de fonds présumés suspects sur les comptes de M. Dray, une enquête préliminaire a été ouverte en décembre dernier.
Les enquêteurs soupçonnent notamment deux proches de M. Dray d'avoir perçu des fonds des Parrains de SOS Racisme et de la Fédération indépendante démocratique et lycéenne (Fidl) avant d'en reverser la majeure partie au député socialiste depuis janvier 2006.
Pour M. Dray, "des gens se sont fait des illusions" pensant "à une grosse affaire de financement occulte du PS et d'une campagne électorale", en l'occurrence la campagne présidentielle de Ségolène Royal, dont il avait été le porte-parole.
Il a relevé une "concomitance" de déclarations en janvier du ministre du Budget Eric Woerth sur le financement des activités politiques de Mme Royal et la divulgation dans la presse du rapport Tracfin.
M. Dray a affirmé que M. Woerth était "au courant" du rapport Tracfin avant que celui-ci n'ait été transmis à la justice. "La discussion ne porte plus (à présent) que sur des prêts remboursés et la concomitance de dates (...) on a jeté le discrédit et on a essayé d'accréditer ce discrédit et un certain nombre de responsables politiques ont regardé ailleurs". Pour lui, dans cette affaire qui fait "pschitt", la "justice a été instrumentalisée".
Le député socialiste Julien Dray a demandé mercredi "à être entendu par le procureur" de la République de Paris Jean-Claude Marin, après l'annonce de la communication à ses avocats du rapport d'enquête sur des mouvements de fonds présumés suspects vers ses comptes bancaires.
"Je demande à être entendu par le procureur de la République sur la base du rapport d'enquête. Je suis en capacité de démontrer qu'il n'y a pas d'accusation qui soit fondée", a déclaré le député de l'Essonne, invité de "Questions d'Info" LCP/France Info/AFP.
Le rapport de synthèse que la Brigade financière doit rendre à la mi-juillet dans cette affaire sera communiqué aux avocats des personnes mises en cause, avait indiqué plus tôt mercredi une source judiciaire.
Dans le cadre d'une enquête préliminaire, le parquet n'est théoriquement pas tenu de communiquer d'éléments aux conseils des personnes mises en cause.
"Je ne suis pas forcément d'accord avec cette procédure. C'est pas ça une enquête préliminaire, une enquête préliminaire normalement, c'est une évaluation faite pour savoir s'il y a matière à poursuivre ou non. Là, on a changé la donne, on est en train d'inventer le droit heure par heure", s'est insurgé M. Dray. "J'ai pas envie de faire de la correspondance, je veux une confrontation directe", a-t-il ajouté.
La "justice a été instrumentalisée"
Le député et ses avocats s'étaient régulièrement plaints depuis le début de l'affaire, fin 2008, de ne pas avoir accès au dossier, en l'absence d'ouverture d'une information judiciaire par le parquet.
M. Dray dit être "victime d'une cabale, d'une opération de déstabilisation, d'un montage". Concernant l'origine de ce type de manoeuvre, il a déclaré que "quelque chose s'est produit entre Bercy et autre chose" A la suite d'un rapport de Tracfin (cellule antiblanchiment de Bercy) portant sur des mouvements de fonds présumés suspects sur les comptes de M. Dray, une enquête préliminaire a été ouverte en décembre dernier.
Les enquêteurs soupçonnent notamment deux proches de M. Dray d'avoir perçu des fonds des Parrains de SOS Racisme et de la Fédération indépendante démocratique et lycéenne (Fidl) avant d'en reverser la majeure partie au député socialiste depuis janvier 2006.
Pour M. Dray, "des gens se sont fait des illusions" pensant "à une grosse affaire de financement occulte du PS et d'une campagne électorale", en l'occurrence la campagne présidentielle de Ségolène Royal, dont il avait été le porte-parole.
Il a relevé une "concomitance" de déclarations en janvier du ministre du Budget Eric Woerth sur le financement des activités politiques de Mme Royal et la divulgation dans la presse du rapport Tracfin.
M. Dray a affirmé que M. Woerth était "au courant" du rapport Tracfin avant que celui-ci n'ait été transmis à la justice. "La discussion ne porte plus (à présent) que sur des prêts remboursés et la concomitance de dates (...) on a jeté le discrédit et on a essayé d'accréditer ce discrédit et un certain nombre de responsables politiques ont regardé ailleurs". Pour lui, dans cette affaire qui fait "pschitt", la "justice a été instrumentalisée".
Vers la fin de l'immunité parlementaire de Gaston Flosse ?
Vers la fin de l'immunité parlementaire de Gaston Flosse ?, NOUVELOBS.COM, 8 juillet 2009
C'est au bureau du Sénat de se prononcer sur la levée de son immunité parlementaire, demandée par le parquet. Le sénateur de Polynésie est poursuivi dans plusieurs affaires pour détournement de biens sociaux et corruption active.
Le parquet de Papeete a demandé, lundi 6 juillet, la levée de l'immunité parlementaire de Gaston Flosse, a-t-on appris de sources judiciaires. Le sénateur de Polynésie (ex-RPR et ex-UMP) est poursuivi pour détournement de biens sociaux et corruption active.
La demande a été transmise par le juge d'instruction Philippe Stelmach au procureur général de Papeete, qui doit ensuite l'adresser à la Garde des Sceaux. La ministre la transmettra ensuite au président du Sénat. C'est le bureau du Sénat qui se prononcera au final.
Proche de Jacques Chirac, Gaston Flosse a dirigé la Polynésie pendant plus de 20 années, de 1972 à 2005.
Les affaires se multiplient
Le Canard enchaîné revient dans son édition de mercredi sur la perquisition conduite par la Division nationale d'investigation financière, le 1er juillet dernier, au siège de son parti, Tahoeraa. La secrétaire particulière de Gaston Flosse, Melba Ortas, a été placée en détention provisoire. Selon le Canard, les juges la soupçonnent d'avoir "apporté, entre 1993 et 2005, la somme de 1,2 millions d'euros", provenant du publicitaire Hubert Haddad, qui aurait prélevé de l'argent destiné à l'Office des postes de Polynésie (OPT).
Tahiti presse écrit qu'une autre perquisition a eu lieu mardi au siège de 2H, la société d'Hubert Haddad.
Selon Le Canard enchaîné, la perquisition au siège de Tahoeraa a aussi permis aux enquêteurs de saisir des documents sur les Renseignements généraux du pays, une cellule de "barbouzes" baptisée "Service d'études et de documentation".
Gaston Flosse est inquiété par une troisième affaire, dite "des emplois fictifs de la présidence", dans laquelle il pourrait être renvoyé en correctionnelle à la fin du mois de juillet. Il est mis en examen dans cette affaire pour "prise illégale d'intérêt et détournement de fonds publics". Selon l'enquête, des employés payés par la présidence du gouvernement polynésien travaillaient pour le parti de Gaston Flosse.
Les juges Redonnet et Stelmach écrivent aussi dans leur ordonnance de renvoi que Gaston Flosse a payé des journalistes, des syndicalistes et des responsables sportifs avec l'argent de la collectivité territoriale, "au profit de son parti politique". (Nouvelobs.com)
C'est au bureau du Sénat de se prononcer sur la levée de son immunité parlementaire, demandée par le parquet. Le sénateur de Polynésie est poursuivi dans plusieurs affaires pour détournement de biens sociaux et corruption active.
Le parquet de Papeete a demandé, lundi 6 juillet, la levée de l'immunité parlementaire de Gaston Flosse, a-t-on appris de sources judiciaires. Le sénateur de Polynésie (ex-RPR et ex-UMP) est poursuivi pour détournement de biens sociaux et corruption active.
La demande a été transmise par le juge d'instruction Philippe Stelmach au procureur général de Papeete, qui doit ensuite l'adresser à la Garde des Sceaux. La ministre la transmettra ensuite au président du Sénat. C'est le bureau du Sénat qui se prononcera au final.
Proche de Jacques Chirac, Gaston Flosse a dirigé la Polynésie pendant plus de 20 années, de 1972 à 2005.
Les affaires se multiplient
Le Canard enchaîné revient dans son édition de mercredi sur la perquisition conduite par la Division nationale d'investigation financière, le 1er juillet dernier, au siège de son parti, Tahoeraa. La secrétaire particulière de Gaston Flosse, Melba Ortas, a été placée en détention provisoire. Selon le Canard, les juges la soupçonnent d'avoir "apporté, entre 1993 et 2005, la somme de 1,2 millions d'euros", provenant du publicitaire Hubert Haddad, qui aurait prélevé de l'argent destiné à l'Office des postes de Polynésie (OPT).
Tahiti presse écrit qu'une autre perquisition a eu lieu mardi au siège de 2H, la société d'Hubert Haddad.
Selon Le Canard enchaîné, la perquisition au siège de Tahoeraa a aussi permis aux enquêteurs de saisir des documents sur les Renseignements généraux du pays, une cellule de "barbouzes" baptisée "Service d'études et de documentation".
Gaston Flosse est inquiété par une troisième affaire, dite "des emplois fictifs de la présidence", dans laquelle il pourrait être renvoyé en correctionnelle à la fin du mois de juillet. Il est mis en examen dans cette affaire pour "prise illégale d'intérêt et détournement de fonds publics". Selon l'enquête, des employés payés par la présidence du gouvernement polynésien travaillaient pour le parti de Gaston Flosse.
Les juges Redonnet et Stelmach écrivent aussi dans leur ordonnance de renvoi que Gaston Flosse a payé des journalistes, des syndicalistes et des responsables sportifs avec l'argent de la collectivité territoriale, "au profit de son parti politique". (Nouvelobs.com)
vendredi 3 juillet 2009
Sur la guerre qui ravage la Corse
Sur la guerre qui ravage la Corse, Le Point, 1 juin 2009
Silence, on tue. C’est la région d’Europe où on assassine le plus. En toute impunité. Récit au coeur du milieu corse.
Jean-Micehl Décugis, Christophe Labbé, Armel Méhani et Olivia Recasens
Dans la nuit glacée, un coup de feu claque. L’homme s’effondre, tué net, sous la lumière crue des lampadaires. Pierre-Marie Santucci, 51 ans, un des piliers de la Brise de mer, vient d’être transpercé par une balle explosive tirée avec un fusil de précision. Posté à plus d’une centaine de mètres dans un terrain vague, le sniper a attendu que sa victime sorte du bar Chez Fanfan, en bordure de la route nationale 193, qui mène vers Bastia.
L’assassinat de Pierre-Marie Santucci en février dernier s’inscrit dans une longue série sanglante qui frappe la Corse. Depuis 2008, 22 caïds, élus et entrepreneurs ont été exécutés sur l’île de Beauté. Ce qui fait de la Corse la région d’Europe où l’on tue le plus. Plus encore qu’en Sicile, si l’on rapporte les meurtres au nombre d’habitants. Dernière affaire en date, le 15 mai : un entrepreneur abattu à bout portant dans un bar du centre de Sartène.
Cette guerre souterraine touche non seulement le milieu, mais aussi le monde politique et économique. A ce jour, aucun de ces assassinats n’a été résolu. Des symptômes meurtriers qui en disent long sur la dérive mafieuse de la Corse et l’impuissance de l’Etat à y faire face. La vendetta a souvent un coup d’avance sur la justice, qui doit, elle, réunir les preuves sur des exécutions toujours minutieusement préparées. Jamais d’ADN ou d’empreinte digitale. Les tueurs, qui opèrent toujours avec des gants et la plupart du temps grimés, utilisent des fusils de chasse pour gros gibier équipés de lunettes de visée. Quant aux véhicules des commandos, ce sont des motos ou des voitures volées, incendiées après usage. Reste les témoins, souvent muets, ou qui se rétractent très vite. « Ici, c’est l’omerta, comme en Sicile », déplore le procureur de la République d’Ajaccio, José Thorel. Un brin désabusé, le magistrat nous reçoit dans ce qui fait ici office de palais de justice : des préfabriqués relégués à la sortie de la ville, coincés entre la rocade et une grande surface. A l’intérieur, les armoires et les dossiers d’instruction portent les traces du dernier mitraillage. « La plupart des meurtres sont commis de jour, en pleine ville, mais personne ne voit jamais rien », précise le magistrat, qui, durant l’entretien, garde les yeux fixés sur une feuille blanche.
Une légende du milieu
Dans l’île, les voyous bénéficient depuis près d’un quart de siècle d’une forme d’impunité. Dans un rapport sur la criminalité organisée en Corse, le procureur Bernard Legras déplorait en 2000 que l’Etat, focalisé sur la lutte antiterroriste, ait « négligé d’autres combats, notamment ceux que l’on aurait dû mener contre le banditisme et certaines dérives financières graves ». Un manque de curiosité pour le milieu qui a culminé après la mort du préfet Erignac quand les services de police ont misé sur les voyous pour obtenir des tuyaux. Une stratégie payante, puisqu’elle a permis l’arrestation d’Yvan Colonna, le meurtrier présumé du préfet, mais avec un effet boomerang !
Si les plastiquages nationalistes ont bien fondu-on en comptait 89 l’an dernier, chiffre le plus bas depuis 1973-, le nombre de règlements de comptes a explosé. Certains terroristes désoeuvrés ont même été débauchés par le milieu. « Le mythe, ce n’est plus la cagoule de l’indépendantiste, mais l’Audi A3 vitres fumées du voyou », glisse un fin connaisseur de l’île. D’après les chiffres de la préfecture d’Ajaccio cités dans l’ouvrage « Les parrains corses » (1), on comptait, en 2000, 74 cartes grises de Ferrari et 700 de Porsche, majoritairement au nom de femmes et de personnes âgées...
Si, aujourd’hui, en Corse, les voyous tombent comme des mouches, c’est parce que les deux clans qui tenaient l’île ont du plomb dans l’aile. Tout comme s’effrite la toute-puissance des parrains jusque dans les prisons, ainsi que tente de le montrer le film de Jacques Audiard, « Un prophète », primé à Cannes. « C’est la fin d’un cycle qui a duré près de trente ans. Aujourd’hui, le milieu représente le premier pouvoir insulaire, et on s’entre-tue entre clans pour récupérer le sceptre », résume un grand flic. C’est la mort de Robert Feliciaggi qui a mis le feu aux poudres. Amateur de gros cigares et de grosses voitures, cet homme d’affaires, président du groupe divers droite à l’Assemblée de Corse, était en quelque sorte l’ambassadeur de celui que tous les rapports de police désignaient comme le parrain : Jean-Jé, une légende du milieu, qui, dans la seule interview qu’il ait donnée (2), reconnaissait avoir tué un à un les assassins de son père liquidé sous ses yeux alors qu’il avait 16 ans. Une quinzaine, selon la rumeur.
Il est minuit, ce vendredi 10 mars 2006. Le dernier vol pour Ajaccio vient de se poser sur la piste de Campo dell’Oro. « Robert », comme tout le monde l’appelle ici, traverse le hall de l’aéroport plein à craquer, salue quelques amis avant de se diriger vers sa BMW noire. Lorsqu’il ouvre le coffre pour y déposer son bagage à main, un tueur avec capuche lui tire à bout portant deux balles de 38 spécial dans la nuque et la tempe.
Gâchette facile
En Corse, c’est le choc. On vient de défier ouvertement Jean-Jé, le parrain. Trois jours plus tard, sous l’oeil attentif des RG, 2 000 personnes assistent à l’enterrement de Robert dans le petit village de Pila-Canale. Jean-Jé, lunettes noires et col roulé, se fait discret. Cet ancien de la French Connection a prudemment laissé son lieutenant Ange-Marie Michelosi porter le cercueil. A 67 ans, le parrain est en fin de carrière, il sait que ses propres lieutenants pensent à la succession. Ange-Marie Michelosi, 52 ans, à la tête de la redoutable bande du Petit Bar , du nom du café qu’il possède sur le cours Napoléon à Ajaccio, est un dur à cuire à la gâchette facile, qui a la passion des champs de courses et surtout des chevaux qu’il élève. La dizaine de jeunes voyous dont il est devenu le mentor fait dans le trafic de drogue. Le milieu corse se divise en deux : ceux qui font dans la drogue et les autres. Le trafic de stups est un moyen rapide d’enrichissement pour de nouvelles bandes. En juin 2008, deux membres du Petit Bar ont été interpellés dans l’Hérault aux côtés de Gilbert Casanova, l’ancien président de la chambre de commerce et d’industrie, alors qu’ils s’apprêtaient à convoyer plusieurs centaines de kilos de cannabis dans un hélicoptère. Cette bande, que l’on soupçonne de tuer à tout-va, n’hésite pas non plus à racketter des proches de Jean-Jé.
L’autre protégé du parrain est carrément passé à l’ennemi. Jean-Luc Codaccioni, un gros calibre originaire d’un village de la côte sud, a fait allégeance à Richard Casanova, l’électron libre de la Brise de mer. Hasard, sans doute, un motard lui a tiré dessus à l’été 2005 mais le pistolet s’est enrayé. Du côté du Petit Bar, on soupçonne Jean-Luc Codaccioni d’avoir liquidé Robert. Au point que, durant l’enterrement de ce dernier, il est pris à partie par son rival Ange-Marie Michelosi. L’engrenage infernal des règlements de comptes est déjà enclenché quand se produit l’impensable : le parrain meurt dans un accident de voiture. Le 1er novembre 2006, jour de la Toussaint, Jean-Jé roule dans une voiture prêtée par un ami quand son véhicule percute un parapet et s’enflamme. Personne en Corse ne veut croire à l’accident, la police va jusqu’à rapatrier la voiture sur le continent pour la faire expertiser. L’enquête conclut finalement à un banal accident provoqué par un malaise cardiaque. Prudent comme un Sioux, Jean-Jé se déplaçait souvent grimé et jamais seul. Ce jour-là, sa voiture était suivie par une escorte dont les membres se sont confiés aux policiers corses. Le parrain, qui pouvait se targuer d’un casier judiciaire vierge, logeait à Olmeto dans un modeste appartement au-dessus de la supérette d’Arlette, sa femme, dont il avait été un temps le salarié. Elle l’avait également embauché comme agent d’entretien au Miramar, l’hôtel quatre étoiles qu’elle possédait à Propriano avant de le revendre à Feliciaggi. Dix ans de cavale au Brésil avaient appris au parrain la discrétion. Coffré par la police en 1975 après s’être fait balancer dans une affaire de stups, Jean-Jé s’était fait la belle pour ne réapparaître qu’en 1985, une fois les faits prescrits grâce à une faute de procédure. Jamais plus la police ne le reprendra dans ses filets, hormis sur la fin, pour des abus de biens sociaux. Une affaire qui n’était pas encore définitivement jugée quand Jean-Jé a passé l’arme à gauche. Même s’il fuyait les feux de la rampe, Jean-Jé cultivait des relations avec des personnalités en vue, comme le prouve cette photo retrouvée par les policiers lors d’une perquisition chez son ami Feliciaggi. On y voit, trinquant avec Jean-Jé, José Rossi, alors président de l’Assemblée territoriale de Corse, Marc Marcangeli, ancien maire d’Ajaccio, et Emile Mocchi, ancien maire de Propriano. Egalement présent, Edouard Cuttoli, directeur du casino d’Ajaccio, un établissement que la police soupçonnait de reverser la moitié des gains à Jean-Jé Colonna. Une preuve de collusion entre voyous, élus et hommes d’affaires ? Comme l’observait dans son rapport Bernard Legras, « on sait que des hommes politiques de haut niveau ont eu ou ont dans leurs mains les meilleurs appuis du banditisme local et les ont parfois défendus ouvertement ».
Côté coeur, le parrain aurait entretenu une idylle avec une célèbre présentatrice météo qui, de temps en temps, pour lui faire plaisir, donnait les températures à Pila-Canale, le village dont il était originaire. Quelques jours avant sa mort accidentelle, Jean-Jé avait réuni les siens pour évoquer l’appétit grandissant de Richard Casanova dans le sud de la Corse. Une réunion très sécurisée, puisque les participants avaient été invités à retirer la batterie de leurs téléphones portables et à déposer le tout dans un autocuiseur dont le couvercle avait été soigneusement refermé. Jean-Jé, qui se plaisait à dire que « le plus dangereux pour un voyou, ce n’est pas le policier mais le voyou lui-même », s’est toujours méfié de la Brise.
23 avril 2008, Porto-Vecchio. Richard Casanova est fauché par une rafale d’arme automatique devant le garage Audi. A 49 ans, « Richard le Menteur »-son surnom dans le milieu-n’aura pas eu le temps de rafler la mise. Après trente ans d’efforts, l’électron libre de la Brise de mer, celui que l’on disait capable de demander amicalement des nouvelles d’un concurrent pour obtenir son adresse et le faire tuer, était en passe de devenir le boss.
Au début des années 80, une petite dizaine de voyous fréquentent le bar de la Brise de mer, quai de la Marine, à Bastia. La plupart sont des fils de bonne famille aux pères avocats, médecins, enseignants, militaires. Ils vont très vite former la bande la plus redoutée de Corse. Une structure collégiale où chaque membre se doit fidélité et solidarité. Plusieurs habitent le même village de La Porta, où l’un d’eux dispose d’un héliport, le pilote attitré étant aujourd’hui un ancien cadre d’Air France, maire d’un petit village. « Peut-être parce que la société corse s’est bloquée, parce que des espaces jusqu’alors disponibles se sont fermés, certains ont choisi une autre manière de s’exprimer, de faire fortune », écrivait le magistrat Bernard Legras dans son rapport, le dernier réalisé sur la criminalité organisée en Corse.
Le casse du siècle
Avant la Brise, les voyous de l’île s’expatriaient pour « travailler », la Corse était un sanctuaire. La Brise, elle, s’est affranchie des règles en perpétuant sur l’île des braquages et des assassinats. Pour une de leurs premières attaques de banque, les malfaiteurs décident d’agir le lundi de Pâques. Un pied de nez aux traditions religieuses en Corse. Entre 1984 et 1988, la police impute à la Brise pas moins de 36 attaques de fourgon blindé dans toute la France (3). Une ascension bâtie sur la peur, comme l’explique le fameux rapport Legras : « Le plus souvent remis en liberté faute de preuves et de témoignages, ils se sentent invulnérables et font, pour certains, régner la terreur dans toute la Haute-Corse, où ils volent, pillent, menacent, rackettent, sans que jamais une plainte soit déposée. »
« On a pris un peu d’argent à l’Etat, il nous en prend tellement », expliquait Francis Mariani, un des historiques de la Brise, jugé en 2008 pour l’assassinat d’un nationaliste. « On voulait un peu d’action, on était jeunes et on s’ennuyait, mais on n’a jamais fait dans le trafic de drogue », ajoutait ce passionné de rallye automobile avant de conclure : « La Brise n’a jamais existé, c’est de la pipette, un mythe. »
Un mythe pourtant bien réel, auquel on attribue les coups les plus audacieux. Comme ce hold-up en plein vol. En juillet 1991, la Banque de France se fait subtiliser 5,7 millions de francs sur un vol Air France Bastia-Paris. Caché dans la soute, un voyou remplace l’argent par de vieux journaux. A Orly, le butin, qui a été transféré dans des bagages à main, est récupéré par les complices en même temps que le voleur, caché dans une malle. Et puis il y a le casse du siècle à Genève. Le 25 mars 1990, quatre hommes soulagent le siège de l’Union de banques suisses (UBS) de 220 kilos de billets. Soit 31 millions de francs suisses (20 millions d’euros). Comme toujours avec la Brise de mer, le coup a été minutieusement préparé grâce à une complicité interne. Soupçonné d’être le cerveau du casse, Richard Casanova, qui a fait ses armes dans les commandos du FLNC, entame une cavale longue de seize ans. Une cavale dorée durant laquelle il voyage en Amérique du Sud ou en Afrique avec un passeport au nom de Rossi et fréquente le Tout-Paris, où il a investi dans les cercles de jeu. On le voit aussi beaucoup en Corse, notamment à Porto-Vecchio et Propriano, où il a blanchi son argent dans les discothèques, l’immobilier et le secteur du tourisme. Chaque fois que les policiers retrouvent sa trace, Richard, comme doté d’un cinquième sens, s’évapore mystérieusement. On le dit dans les petits papiers d’un grand flic et de certains élus UMP. En 2001, son nom sera retiré du fichier des personnes recherchées, comme celui de 17 autres voyous du fichier du grand banditisme.
Le 3 mars 2006, « le Menteur » est toutefois interpellé comme un petit voyou de cité par la brigade anti-criminalité. Une arrestation qui fait jaser, car elle précède de sept jours l’assassinat de Robert Feliciaggi. Pour le clan de Jean-Jé, convaincu que Casanova est derrière cette exécution, sa mise à l’ombre a été cousue main pour le disculper. Une piste explorée par la PJ, pour qui Robert Feliciaggi, l’argentier supposé de Jean-Jé Colonna, aurait été éliminé par Casanova, allié à l’homme d’affaires Michel Tomi. Cet ami de Charles Pasqua, mis en examen aux côtés de l’élu dans l’affaire du casino d’Annemasse, s’était associé en 1986 avec Robert Feliciaggi pour créer un empire des jeux en Afrique. Ces derniers temps, leurs relations avaient pris, disait-on, un coup de froid. La cause : le rapprochement entre Casanova et Tomi dans des affaires au Maroc et au Gabon. Un lien qui ressort dans des écoutes téléphoniques où Casanova appelle son nouvel ami « Tonton », tandis que ce dernier le présente comme son neveu. Rien, en tout cas, sur le meurtre de Robert durant ces dix mois de « zonzon » (écoutes).
Quelque temps après son incarcération, Richard Casanova retrouvait la liberté grâce au versement d’une caution de 150 000 euros. Un an et demi avant son exécution. La disparition du « Menteur », qui a été une surprise pour beaucoup, angoisse certains poids lourds de la politique et des affaires sur l’île. N’a-t-on pas retrouvé dans la voiture de Casanova des documents administratifs sur des projets immobiliers dans le sud de la Corse, ainsi que le plan du futur port de Porto-Vecchio ? L’embarras semble aussi palpable dans les hautes sphères de l’Etat, où l’on misait sur l’émergence d’un nouveau parrain capable de siffler la fin des règlements de comptes qui font tache dans le paysage.
Chien enragé
Beaucoup dans les services de police sont convaincus que la rafale qui a fauché Casanova a été tirée par son propre camp. Au premier rang des suspects, Francis Mariani. Cet historique de la Brise de mer au caractère sanguin était connu pour se déplacer toujours « enfouraillé ». Pour justifier la présence d’un pistolet dans son coffre de voiture, il avait répondu au juge : « Je le promène. » Il y a quelques années, pour sortir de prison, il avait fourni une promesse d’embauche comme grutier que lui avait faite un poids lourd de la politique locale, par ailleurs dans le BTP...
Fils d’agriculteur, Mariani n’a jamais pu vraiment sentir Richard Casanova, ce fils de bonne famille, charismatique et mondain, que l’on disait proche de certains flics. Chacun voulant mettre la main sur la Corse-du-Sud, ils ont rompu le pacte tacite de la Brise de mer qui imposait aux siens une solidarité quasi familiale et avait fait la force du gang. La rupture est consommée lorsque Mariani s’affiche aux obsèques de Jean-Jé Colonna avec la bande du Petit Bar, dont un membre est aujourd’hui aussi soupçonné d’avoir trempé dans l’assassinat de Casanova.
La série noire continue pour la Brise de mer. Deux mois après la mort de Richard le Menteur, c’est au tour de Daniel Vittini d’être liquidé. L’ancien compagnon de route de Mariani est abattu de deux balles dans le dos alors qu’il est à genoux, vêtu d’un short, avec des tongs aux pieds. Une fois encore, les regards se tournent vers Mariani. Celui que son propre camp qualifie désormais de chien enragé aurait soldé un contentieux avec son ami de trente ans. Mariani n’aurait pas digéré le verdict de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône qui les avait condamnés, son fils et lui, respectivement à 15 et 7 ans de prison pour leur implication dans le meurtre d’un jeune nationaliste, alors que tous les autres, dont le fils Vittini, avaient été acquittés. Mariani soupçonne ce dernier d’avoir donné en contrepartie les participants d’un casse de fourgon à Valence.
« Grande lessiveuse. »
Ce 12 janvier 2009, lorsque les pompiers pénètrent dans un hangar près d’Aléria, ils découvrent deux cadavres calcinés. L’un très abîmé, l’autre entièrement déchiqueté. Seul un examen génétique permettra d’identifier Francis Mariani, 60 ans, qui était en cavale depuis son procès et avait déjà échappé à trois tentatives d’assassinat. Les enquêteurs, qui s’appuient sur une série d’écoutes téléphoniques et de surveillances, sont convaincus que ce pilier de la Brise de mer a été attiré dans un guet-apens.
En un an, quatre membres historiques de la Brise ont donc été exécutés. Quasi la moitié du gang. Fin avril, c’est Maurice Costa, un autre baron de la bande, qui aurait échappé par miracle aux tueurs. Comme dans « Les sept boules de cristal », l’album d’Hergé, les survivants se terrent en attendant la fin de la malédiction. Une malédiction qui frappe désormais tous les voyous corses. Qui récupérera la mise dans cette loterie infernale ? « Sur l’île, les projets immobiliers se multiplient et tous les voyous veulent leur part de gâteau , constate, amer, un élu nationaliste. La Corse est devenue une grande lessiveuse. » Ces règlements de comptes sanglants changent-ils la donne pour autant ? Pour certains observateurs, l’île reste aux mains des héritiers des différents clans du Nord et du Sud, qui finiront par trouver une entente d’intérêts.
D’autres, au contraire, prédisent un deuxième été meurtrier. Un grand nettoyage dont les bénéficiaires seraient les « bergers braqueurs » de Venzolasca, un village de Haute-Corse. Un clan redouté qui, comme l’indiquent des écoutes, récupère les clés de tous les établissements tenus par Francis Mariani et Richard Casanova dans le nord de la Corse. Leur chef, Ange-Toussaint Federicci, 42 ans, est aujourd’hui écroué pour assassinat dans la tuerie du bar des Marronniers, à Marseille. C’est là qu’avait été exécuté en avril 2006, avec deux de ses lieutenants, Farid Berrhama, dit « le Rôtisseur ». En déroulant la pelote, les magistrats marseillais sont remontés sur des affaires de blanchiment jusqu’au cercle Concorde à Paris, une salle de jeux inaugurée en 2006 par tout le gratin de la capitale et aujourd’hui fermée, mais plus pour longtemps.
Demeure l’inconnue Alain Orsoni, l’homme de toutes les rumeurs. Belle gueule et verbe haut, l’ancien leader nationaliste du Mouvement pour l’autodétermination (MPA) est de retour. Il avait quitté la Corse en pleine guerre sanglante entre nationalistes. Certains de ses amis avaient trouvé la mort, lui craignait les coups de ses frères ennemis du Canal historique. Orsoni redoutait plus encore les foudres de Jean-Jé, le parrain qu’il avait défié à plusieurs reprises sur ses terres.
Voiture blindée
Aujourd’hui, l’ancien leader du MPA, rebaptisé par ses détracteurs Mouvement pour les affaires, le jure : il est revenu pour s’occuper du club de football local, l’Athlétic Club ajaccien (Aca), Et quand certains lui prêtent des ambitions moins avouables, comme celle de devenir le nouveau parrain de la Corse-du-Sud, il s’emporte « C’est du pur fantasme ! Ce à quoi j’aspire, c’est vivre tranquillement avec ma famille, ma petite-fille de 6 ans et mes deux enfants de 20 et 24 ans », déclarait-il au Point cet automne. Ce jour-là, c’est un jeune élu nationaliste qui avait joué les go-between pour nous guider jusqu’au bureau du président de l’Aca sur les hauteurs d’Ajaccio. Comme dans la bande dessinée de Pétillon, la voiture des journalistes suivait celle du nationaliste, qui était elle-même prise en chasse par un véhicule de police banalisé.
C’est dans ce climat très tendu que débarque Alain Orsoni. Plusieurs anciens militants du MPA ou liés au mouvement viennent d’être exécutés. Et certains de ses proches, comme Antoine Nivaggioni, le sulfureux patron de la Société méditerranéenne de sécurité (SMS), sont derrière les barreaux pour des affaires d’abus de biens sociaux et de marchés publics truqués. Ce qui n’a pas empêché la société de ce dernier, reprise par son fils, de voir son contrat renouvelé par l’aéroport d’Ajaccio... Orsoni lui-même a fait l’objet d’une tentative d’assassinat. Un dossier judiciaire qui, une fois n’est pas coutume, est sur le point d’être résolu. Plusieurs membres du Petit Bar ont été interpellés et ont avoué leur participation.
Certains expliquent avoir voulu tuer Alain Orsoni-qui roule désormais en voiture blindée-pour venger leur chef, Ange-Marie Michelosi. Ils reprochent au président du club ajaccien d’avoir « couvert » le meurtre. Ils ont surtout livré les noms des tueurs présumés qui seraient venus du nord et de l’extrême sud. De quoi donner enfin du grain à moudre aux enquêteurs, même si certains de ces auteurs présumés ont déjà été assassinés...
1. Jacques Follorou et Vincent Nouzille (Fayard).
2. Corsica, interview réalisée en août 2002 par Gabriel-Xavier Culioli.
3. « Les parrains corses », nouvelle édition augmentée (Fayard).
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Annexes
Le clan Colonna
Les proches
Jean-Jé Colonna,69 ans. Meurt le 1er novembre 2006 dans un accident de voiture en Corse-du-Sud.
Jean-Claude Colonna,47 ans, son cousin. Tué le 17 juin 2008 de trois tirs à la chevrotine à Pietrosella.
Robert Feliciaggi,64 ans, homme d'affaires et élu. Abattu le 10 mars 2006 à l'aéroport d'Ajaccio.
La bande du Petit Bar
Francis Castola, 60 ans. Exécuté de cinq balles sur le parking de son domicile à Ajaccio.
Ange-Marie Michelosi,son lieutenant,54 ans. Tué dans sa voiture le 9 juillet 2008 à Grossetto-Prugna.
Thierry Castola, 36 ans.Abattu le 4 janvier 2009 à la sortie d'un bar de Bastelicaccia, près d'Ajaccio.
Les affidés à la bande du Petit Bar
Sabri Brahimi, 30 ans. Fauché le 29 janvier 2009 sur son scooter d'une quinzaine de balles de gros calibre.
Nicolas Salini, 25 ans, et Jean-Noël Dettori,25 ans.Les deux hommes sont abattus le 12 avril 2009 à Baleone, près d'Ajaccio, à bord de leur voiture, par quatre hommes cagoulés munis de plusieurs armes de guerre.
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La brise de mer, une petite entreprise qui rapporte gros
400 comptes bancaires, dont des comptes épargne concentrés sur la Caisse régionale du Crédit agricole dirigée par des proches de la Brise.
124 acquisitions immobilières, dont 78 depuis 1990.
60 sociétés, dont une dizaine de sociétés civiles immobilières.
100 taxes professionnelles : bars, restaurants discothèques, entreprises de BTP, concessions automobiles, grande distribution de café, d'huile... grandes surfaces, casses automobiles, magasins de prêt-à-porter, location de bateaux, société de sécurité, centre de remise en forme...
Revenus déclarés au fisc par chacun des membres : environ 450 euros par mois.
Source : enquête effectuée en 1998 sur 16 membres de la Brise par la Brigade nationale des enquêtes économiques et financières et la PJ de Bastia.
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Le clan de la brise de mer
Clan Mariani
Francis Mariani 60 ans. Mort le 12 janvier 2009 dans l'explosion d'un hangar près d'Aléria alors qu'il était en cavale.
Daniel Vittini, 56 ans. Exécuté à genoux, le 3 juillet 2008, dans une clairière, de plusieurs balles dans le dos.
Pierre-Marie Santucci, 51 ans. Tué d'une balle explosive le 10 février 2009 sur un parking près de Bastia.
Charles Fraticelli,51 ans. Mort le 12 janvier 2009 aux côtés de Mariani, son ami d'enfance, près d'Aléria.
Clan Casanova
Richard Casanova, dit « Richard le Menteur », 49 ans. Tué le 23 avril 2008 à l'arme de guerre à Porto-Vecchio.
Jean-Luc Codaccioni, ex-lieutenant de Jean-Jé. Victime en 2005 d'une tentative d'assassinat. L'arme s'enraye.
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Les électrons libres
Roger Polverelli, 61 ans. Abattu le 25 août 2004 de trois balles dans le magasin de sa fille à Ajaccio.
Jacques de la Foata, 49 ans. Tué par un sniper le 8 août 2006 devant son magasin de motos à Ajaccio.
Paul Corticchiato, 49 ans. Assassiné le 19 mai 2006, au volant de sa voiture, près d'Ajaccio.
Paul Giacomoni,44 ans. Abattu par un sniper le 13 septembre 2006, sur un stand de ball-trap, à Ajaccio.
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« La guerre n'est pas terminée »
Le Point : Comment expliquez-vous cette vague d'assassinats ?
Christian Lothion : En Corse, malheureusement, on apprécie les armes. C'est à celui qui tirera le premier, c'est oeil pour oeil, dent pour dent. Plutôt que de négocier, on préfère éliminer physiquement son adversaire ou son ennemi.
Comment se fait-il qu'à ce jour aucun assassinat ne soit résolu ?
Les tueurs laissent très peu d'indices sur les lieux du crime. A mon arrivée, j'ai beaucoup insisté pour que les services centraux de la DGPJ travaillent en synergie avec la PJ en Corse et la PJ marseillaise. Il ne faut pas oublier que la capitale phocéenne est la première destination des voyous corses.
Récemment, trois membres ont été mis en examen et écroués pour « association de malfaiteurs en vue de commettre un assassinat en bande organisée » contre Alain Orsoni. Ces interpellations sont peut-être le début d'un apaisement sur l'île. Nous attendons dans les mois qui viennent des résultats.
Des rivalités en interne font partie des pistes que nous étudions. Dans le passé, certains avaient des intérêts en commun, ils se sont séparés pour se retrouver en compétition et font désormais parler les armes. Il y a eu des rivalités de territoire. La guerre n'est pas terminée.
Ces rivalités sont-elles liées au juteux marché immobilier dans le sud de l'île ?
Des plans et des projets immobiliers ont été retrouvés lors de perquisitions. L'immobilier est une façon de blanchir l'argent et d'en apporter plus.
Certains parlent d'une nouvelle équipe montante. Y croyez-vous ?
C'est trop tôt pour le dire. Mais la nature déteste le vide. Les histoires de voyous sont toujours les mêmes, seuls les noms changent.
Propos recueillis par Armel Méhani
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17 voyous corses exfiltrés des fichiers de police en 2001
En contrepartie de ce coup d'éponge, la police espérait obtenir des tuyaux pour retrouver Yvan Colonna, le tueur présumé du préfet Erignac.
Clan Jean-Jé Colonna : Ange-Marie Michelosi, condamné pour braquage, assassiné en 2008 ; Jean-Toussaint Michelosi ; Antoine Bozzi, connu pour des affaires de machines à sous, actuellement écroué pour détention d'arme ; Jean-Jé Colonna, le parrain présumé de Corse-du-Sud, mort dans un accident de voiture en 2006 ; Ange-Marie Orsoni.
Clan de la Brise de mer : Antoine Castelli, ancien propriétaire du bar La Brise de mer, à Bastia ; Joël Patacchini ; Jean-Louis Patacchini ; Jacques-François Pattachini ; François-Antoine Guazzelli ; Paul-Louis Guazzelli ; Jean-Angelo Guazzelli.
Electrons libres : Joseph Filippi ; Georges Mancini, dit « Nanni », condamné pour « association de malfaiteurs » ; Jules-René Orsoni ; Jean-Donat Sabiani ; Roger Polverelli, assassiné en 2004.
Silence, on tue. C’est la région d’Europe où on assassine le plus. En toute impunité. Récit au coeur du milieu corse.
Jean-Micehl Décugis, Christophe Labbé, Armel Méhani et Olivia Recasens
Dans la nuit glacée, un coup de feu claque. L’homme s’effondre, tué net, sous la lumière crue des lampadaires. Pierre-Marie Santucci, 51 ans, un des piliers de la Brise de mer, vient d’être transpercé par une balle explosive tirée avec un fusil de précision. Posté à plus d’une centaine de mètres dans un terrain vague, le sniper a attendu que sa victime sorte du bar Chez Fanfan, en bordure de la route nationale 193, qui mène vers Bastia.
L’assassinat de Pierre-Marie Santucci en février dernier s’inscrit dans une longue série sanglante qui frappe la Corse. Depuis 2008, 22 caïds, élus et entrepreneurs ont été exécutés sur l’île de Beauté. Ce qui fait de la Corse la région d’Europe où l’on tue le plus. Plus encore qu’en Sicile, si l’on rapporte les meurtres au nombre d’habitants. Dernière affaire en date, le 15 mai : un entrepreneur abattu à bout portant dans un bar du centre de Sartène.
Cette guerre souterraine touche non seulement le milieu, mais aussi le monde politique et économique. A ce jour, aucun de ces assassinats n’a été résolu. Des symptômes meurtriers qui en disent long sur la dérive mafieuse de la Corse et l’impuissance de l’Etat à y faire face. La vendetta a souvent un coup d’avance sur la justice, qui doit, elle, réunir les preuves sur des exécutions toujours minutieusement préparées. Jamais d’ADN ou d’empreinte digitale. Les tueurs, qui opèrent toujours avec des gants et la plupart du temps grimés, utilisent des fusils de chasse pour gros gibier équipés de lunettes de visée. Quant aux véhicules des commandos, ce sont des motos ou des voitures volées, incendiées après usage. Reste les témoins, souvent muets, ou qui se rétractent très vite. « Ici, c’est l’omerta, comme en Sicile », déplore le procureur de la République d’Ajaccio, José Thorel. Un brin désabusé, le magistrat nous reçoit dans ce qui fait ici office de palais de justice : des préfabriqués relégués à la sortie de la ville, coincés entre la rocade et une grande surface. A l’intérieur, les armoires et les dossiers d’instruction portent les traces du dernier mitraillage. « La plupart des meurtres sont commis de jour, en pleine ville, mais personne ne voit jamais rien », précise le magistrat, qui, durant l’entretien, garde les yeux fixés sur une feuille blanche.
Une légende du milieu
Dans l’île, les voyous bénéficient depuis près d’un quart de siècle d’une forme d’impunité. Dans un rapport sur la criminalité organisée en Corse, le procureur Bernard Legras déplorait en 2000 que l’Etat, focalisé sur la lutte antiterroriste, ait « négligé d’autres combats, notamment ceux que l’on aurait dû mener contre le banditisme et certaines dérives financières graves ». Un manque de curiosité pour le milieu qui a culminé après la mort du préfet Erignac quand les services de police ont misé sur les voyous pour obtenir des tuyaux. Une stratégie payante, puisqu’elle a permis l’arrestation d’Yvan Colonna, le meurtrier présumé du préfet, mais avec un effet boomerang !
Si les plastiquages nationalistes ont bien fondu-on en comptait 89 l’an dernier, chiffre le plus bas depuis 1973-, le nombre de règlements de comptes a explosé. Certains terroristes désoeuvrés ont même été débauchés par le milieu. « Le mythe, ce n’est plus la cagoule de l’indépendantiste, mais l’Audi A3 vitres fumées du voyou », glisse un fin connaisseur de l’île. D’après les chiffres de la préfecture d’Ajaccio cités dans l’ouvrage « Les parrains corses » (1), on comptait, en 2000, 74 cartes grises de Ferrari et 700 de Porsche, majoritairement au nom de femmes et de personnes âgées...
Si, aujourd’hui, en Corse, les voyous tombent comme des mouches, c’est parce que les deux clans qui tenaient l’île ont du plomb dans l’aile. Tout comme s’effrite la toute-puissance des parrains jusque dans les prisons, ainsi que tente de le montrer le film de Jacques Audiard, « Un prophète », primé à Cannes. « C’est la fin d’un cycle qui a duré près de trente ans. Aujourd’hui, le milieu représente le premier pouvoir insulaire, et on s’entre-tue entre clans pour récupérer le sceptre », résume un grand flic. C’est la mort de Robert Feliciaggi qui a mis le feu aux poudres. Amateur de gros cigares et de grosses voitures, cet homme d’affaires, président du groupe divers droite à l’Assemblée de Corse, était en quelque sorte l’ambassadeur de celui que tous les rapports de police désignaient comme le parrain : Jean-Jé, une légende du milieu, qui, dans la seule interview qu’il ait donnée (2), reconnaissait avoir tué un à un les assassins de son père liquidé sous ses yeux alors qu’il avait 16 ans. Une quinzaine, selon la rumeur.
Il est minuit, ce vendredi 10 mars 2006. Le dernier vol pour Ajaccio vient de se poser sur la piste de Campo dell’Oro. « Robert », comme tout le monde l’appelle ici, traverse le hall de l’aéroport plein à craquer, salue quelques amis avant de se diriger vers sa BMW noire. Lorsqu’il ouvre le coffre pour y déposer son bagage à main, un tueur avec capuche lui tire à bout portant deux balles de 38 spécial dans la nuque et la tempe.
Gâchette facile
En Corse, c’est le choc. On vient de défier ouvertement Jean-Jé, le parrain. Trois jours plus tard, sous l’oeil attentif des RG, 2 000 personnes assistent à l’enterrement de Robert dans le petit village de Pila-Canale. Jean-Jé, lunettes noires et col roulé, se fait discret. Cet ancien de la French Connection a prudemment laissé son lieutenant Ange-Marie Michelosi porter le cercueil. A 67 ans, le parrain est en fin de carrière, il sait que ses propres lieutenants pensent à la succession. Ange-Marie Michelosi, 52 ans, à la tête de la redoutable bande du Petit Bar , du nom du café qu’il possède sur le cours Napoléon à Ajaccio, est un dur à cuire à la gâchette facile, qui a la passion des champs de courses et surtout des chevaux qu’il élève. La dizaine de jeunes voyous dont il est devenu le mentor fait dans le trafic de drogue. Le milieu corse se divise en deux : ceux qui font dans la drogue et les autres. Le trafic de stups est un moyen rapide d’enrichissement pour de nouvelles bandes. En juin 2008, deux membres du Petit Bar ont été interpellés dans l’Hérault aux côtés de Gilbert Casanova, l’ancien président de la chambre de commerce et d’industrie, alors qu’ils s’apprêtaient à convoyer plusieurs centaines de kilos de cannabis dans un hélicoptère. Cette bande, que l’on soupçonne de tuer à tout-va, n’hésite pas non plus à racketter des proches de Jean-Jé.
L’autre protégé du parrain est carrément passé à l’ennemi. Jean-Luc Codaccioni, un gros calibre originaire d’un village de la côte sud, a fait allégeance à Richard Casanova, l’électron libre de la Brise de mer. Hasard, sans doute, un motard lui a tiré dessus à l’été 2005 mais le pistolet s’est enrayé. Du côté du Petit Bar, on soupçonne Jean-Luc Codaccioni d’avoir liquidé Robert. Au point que, durant l’enterrement de ce dernier, il est pris à partie par son rival Ange-Marie Michelosi. L’engrenage infernal des règlements de comptes est déjà enclenché quand se produit l’impensable : le parrain meurt dans un accident de voiture. Le 1er novembre 2006, jour de la Toussaint, Jean-Jé roule dans une voiture prêtée par un ami quand son véhicule percute un parapet et s’enflamme. Personne en Corse ne veut croire à l’accident, la police va jusqu’à rapatrier la voiture sur le continent pour la faire expertiser. L’enquête conclut finalement à un banal accident provoqué par un malaise cardiaque. Prudent comme un Sioux, Jean-Jé se déplaçait souvent grimé et jamais seul. Ce jour-là, sa voiture était suivie par une escorte dont les membres se sont confiés aux policiers corses. Le parrain, qui pouvait se targuer d’un casier judiciaire vierge, logeait à Olmeto dans un modeste appartement au-dessus de la supérette d’Arlette, sa femme, dont il avait été un temps le salarié. Elle l’avait également embauché comme agent d’entretien au Miramar, l’hôtel quatre étoiles qu’elle possédait à Propriano avant de le revendre à Feliciaggi. Dix ans de cavale au Brésil avaient appris au parrain la discrétion. Coffré par la police en 1975 après s’être fait balancer dans une affaire de stups, Jean-Jé s’était fait la belle pour ne réapparaître qu’en 1985, une fois les faits prescrits grâce à une faute de procédure. Jamais plus la police ne le reprendra dans ses filets, hormis sur la fin, pour des abus de biens sociaux. Une affaire qui n’était pas encore définitivement jugée quand Jean-Jé a passé l’arme à gauche. Même s’il fuyait les feux de la rampe, Jean-Jé cultivait des relations avec des personnalités en vue, comme le prouve cette photo retrouvée par les policiers lors d’une perquisition chez son ami Feliciaggi. On y voit, trinquant avec Jean-Jé, José Rossi, alors président de l’Assemblée territoriale de Corse, Marc Marcangeli, ancien maire d’Ajaccio, et Emile Mocchi, ancien maire de Propriano. Egalement présent, Edouard Cuttoli, directeur du casino d’Ajaccio, un établissement que la police soupçonnait de reverser la moitié des gains à Jean-Jé Colonna. Une preuve de collusion entre voyous, élus et hommes d’affaires ? Comme l’observait dans son rapport Bernard Legras, « on sait que des hommes politiques de haut niveau ont eu ou ont dans leurs mains les meilleurs appuis du banditisme local et les ont parfois défendus ouvertement ».
Côté coeur, le parrain aurait entretenu une idylle avec une célèbre présentatrice météo qui, de temps en temps, pour lui faire plaisir, donnait les températures à Pila-Canale, le village dont il était originaire. Quelques jours avant sa mort accidentelle, Jean-Jé avait réuni les siens pour évoquer l’appétit grandissant de Richard Casanova dans le sud de la Corse. Une réunion très sécurisée, puisque les participants avaient été invités à retirer la batterie de leurs téléphones portables et à déposer le tout dans un autocuiseur dont le couvercle avait été soigneusement refermé. Jean-Jé, qui se plaisait à dire que « le plus dangereux pour un voyou, ce n’est pas le policier mais le voyou lui-même », s’est toujours méfié de la Brise.
23 avril 2008, Porto-Vecchio. Richard Casanova est fauché par une rafale d’arme automatique devant le garage Audi. A 49 ans, « Richard le Menteur »-son surnom dans le milieu-n’aura pas eu le temps de rafler la mise. Après trente ans d’efforts, l’électron libre de la Brise de mer, celui que l’on disait capable de demander amicalement des nouvelles d’un concurrent pour obtenir son adresse et le faire tuer, était en passe de devenir le boss.
Au début des années 80, une petite dizaine de voyous fréquentent le bar de la Brise de mer, quai de la Marine, à Bastia. La plupart sont des fils de bonne famille aux pères avocats, médecins, enseignants, militaires. Ils vont très vite former la bande la plus redoutée de Corse. Une structure collégiale où chaque membre se doit fidélité et solidarité. Plusieurs habitent le même village de La Porta, où l’un d’eux dispose d’un héliport, le pilote attitré étant aujourd’hui un ancien cadre d’Air France, maire d’un petit village. « Peut-être parce que la société corse s’est bloquée, parce que des espaces jusqu’alors disponibles se sont fermés, certains ont choisi une autre manière de s’exprimer, de faire fortune », écrivait le magistrat Bernard Legras dans son rapport, le dernier réalisé sur la criminalité organisée en Corse.
Le casse du siècle
Avant la Brise, les voyous de l’île s’expatriaient pour « travailler », la Corse était un sanctuaire. La Brise, elle, s’est affranchie des règles en perpétuant sur l’île des braquages et des assassinats. Pour une de leurs premières attaques de banque, les malfaiteurs décident d’agir le lundi de Pâques. Un pied de nez aux traditions religieuses en Corse. Entre 1984 et 1988, la police impute à la Brise pas moins de 36 attaques de fourgon blindé dans toute la France (3). Une ascension bâtie sur la peur, comme l’explique le fameux rapport Legras : « Le plus souvent remis en liberté faute de preuves et de témoignages, ils se sentent invulnérables et font, pour certains, régner la terreur dans toute la Haute-Corse, où ils volent, pillent, menacent, rackettent, sans que jamais une plainte soit déposée. »
« On a pris un peu d’argent à l’Etat, il nous en prend tellement », expliquait Francis Mariani, un des historiques de la Brise, jugé en 2008 pour l’assassinat d’un nationaliste. « On voulait un peu d’action, on était jeunes et on s’ennuyait, mais on n’a jamais fait dans le trafic de drogue », ajoutait ce passionné de rallye automobile avant de conclure : « La Brise n’a jamais existé, c’est de la pipette, un mythe. »
Un mythe pourtant bien réel, auquel on attribue les coups les plus audacieux. Comme ce hold-up en plein vol. En juillet 1991, la Banque de France se fait subtiliser 5,7 millions de francs sur un vol Air France Bastia-Paris. Caché dans la soute, un voyou remplace l’argent par de vieux journaux. A Orly, le butin, qui a été transféré dans des bagages à main, est récupéré par les complices en même temps que le voleur, caché dans une malle. Et puis il y a le casse du siècle à Genève. Le 25 mars 1990, quatre hommes soulagent le siège de l’Union de banques suisses (UBS) de 220 kilos de billets. Soit 31 millions de francs suisses (20 millions d’euros). Comme toujours avec la Brise de mer, le coup a été minutieusement préparé grâce à une complicité interne. Soupçonné d’être le cerveau du casse, Richard Casanova, qui a fait ses armes dans les commandos du FLNC, entame une cavale longue de seize ans. Une cavale dorée durant laquelle il voyage en Amérique du Sud ou en Afrique avec un passeport au nom de Rossi et fréquente le Tout-Paris, où il a investi dans les cercles de jeu. On le voit aussi beaucoup en Corse, notamment à Porto-Vecchio et Propriano, où il a blanchi son argent dans les discothèques, l’immobilier et le secteur du tourisme. Chaque fois que les policiers retrouvent sa trace, Richard, comme doté d’un cinquième sens, s’évapore mystérieusement. On le dit dans les petits papiers d’un grand flic et de certains élus UMP. En 2001, son nom sera retiré du fichier des personnes recherchées, comme celui de 17 autres voyous du fichier du grand banditisme.
Le 3 mars 2006, « le Menteur » est toutefois interpellé comme un petit voyou de cité par la brigade anti-criminalité. Une arrestation qui fait jaser, car elle précède de sept jours l’assassinat de Robert Feliciaggi. Pour le clan de Jean-Jé, convaincu que Casanova est derrière cette exécution, sa mise à l’ombre a été cousue main pour le disculper. Une piste explorée par la PJ, pour qui Robert Feliciaggi, l’argentier supposé de Jean-Jé Colonna, aurait été éliminé par Casanova, allié à l’homme d’affaires Michel Tomi. Cet ami de Charles Pasqua, mis en examen aux côtés de l’élu dans l’affaire du casino d’Annemasse, s’était associé en 1986 avec Robert Feliciaggi pour créer un empire des jeux en Afrique. Ces derniers temps, leurs relations avaient pris, disait-on, un coup de froid. La cause : le rapprochement entre Casanova et Tomi dans des affaires au Maroc et au Gabon. Un lien qui ressort dans des écoutes téléphoniques où Casanova appelle son nouvel ami « Tonton », tandis que ce dernier le présente comme son neveu. Rien, en tout cas, sur le meurtre de Robert durant ces dix mois de « zonzon » (écoutes).
Quelque temps après son incarcération, Richard Casanova retrouvait la liberté grâce au versement d’une caution de 150 000 euros. Un an et demi avant son exécution. La disparition du « Menteur », qui a été une surprise pour beaucoup, angoisse certains poids lourds de la politique et des affaires sur l’île. N’a-t-on pas retrouvé dans la voiture de Casanova des documents administratifs sur des projets immobiliers dans le sud de la Corse, ainsi que le plan du futur port de Porto-Vecchio ? L’embarras semble aussi palpable dans les hautes sphères de l’Etat, où l’on misait sur l’émergence d’un nouveau parrain capable de siffler la fin des règlements de comptes qui font tache dans le paysage.
Chien enragé
Beaucoup dans les services de police sont convaincus que la rafale qui a fauché Casanova a été tirée par son propre camp. Au premier rang des suspects, Francis Mariani. Cet historique de la Brise de mer au caractère sanguin était connu pour se déplacer toujours « enfouraillé ». Pour justifier la présence d’un pistolet dans son coffre de voiture, il avait répondu au juge : « Je le promène. » Il y a quelques années, pour sortir de prison, il avait fourni une promesse d’embauche comme grutier que lui avait faite un poids lourd de la politique locale, par ailleurs dans le BTP...
Fils d’agriculteur, Mariani n’a jamais pu vraiment sentir Richard Casanova, ce fils de bonne famille, charismatique et mondain, que l’on disait proche de certains flics. Chacun voulant mettre la main sur la Corse-du-Sud, ils ont rompu le pacte tacite de la Brise de mer qui imposait aux siens une solidarité quasi familiale et avait fait la force du gang. La rupture est consommée lorsque Mariani s’affiche aux obsèques de Jean-Jé Colonna avec la bande du Petit Bar, dont un membre est aujourd’hui aussi soupçonné d’avoir trempé dans l’assassinat de Casanova.
La série noire continue pour la Brise de mer. Deux mois après la mort de Richard le Menteur, c’est au tour de Daniel Vittini d’être liquidé. L’ancien compagnon de route de Mariani est abattu de deux balles dans le dos alors qu’il est à genoux, vêtu d’un short, avec des tongs aux pieds. Une fois encore, les regards se tournent vers Mariani. Celui que son propre camp qualifie désormais de chien enragé aurait soldé un contentieux avec son ami de trente ans. Mariani n’aurait pas digéré le verdict de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône qui les avait condamnés, son fils et lui, respectivement à 15 et 7 ans de prison pour leur implication dans le meurtre d’un jeune nationaliste, alors que tous les autres, dont le fils Vittini, avaient été acquittés. Mariani soupçonne ce dernier d’avoir donné en contrepartie les participants d’un casse de fourgon à Valence.
« Grande lessiveuse. »
Ce 12 janvier 2009, lorsque les pompiers pénètrent dans un hangar près d’Aléria, ils découvrent deux cadavres calcinés. L’un très abîmé, l’autre entièrement déchiqueté. Seul un examen génétique permettra d’identifier Francis Mariani, 60 ans, qui était en cavale depuis son procès et avait déjà échappé à trois tentatives d’assassinat. Les enquêteurs, qui s’appuient sur une série d’écoutes téléphoniques et de surveillances, sont convaincus que ce pilier de la Brise de mer a été attiré dans un guet-apens.
En un an, quatre membres historiques de la Brise ont donc été exécutés. Quasi la moitié du gang. Fin avril, c’est Maurice Costa, un autre baron de la bande, qui aurait échappé par miracle aux tueurs. Comme dans « Les sept boules de cristal », l’album d’Hergé, les survivants se terrent en attendant la fin de la malédiction. Une malédiction qui frappe désormais tous les voyous corses. Qui récupérera la mise dans cette loterie infernale ? « Sur l’île, les projets immobiliers se multiplient et tous les voyous veulent leur part de gâteau , constate, amer, un élu nationaliste. La Corse est devenue une grande lessiveuse. » Ces règlements de comptes sanglants changent-ils la donne pour autant ? Pour certains observateurs, l’île reste aux mains des héritiers des différents clans du Nord et du Sud, qui finiront par trouver une entente d’intérêts.
D’autres, au contraire, prédisent un deuxième été meurtrier. Un grand nettoyage dont les bénéficiaires seraient les « bergers braqueurs » de Venzolasca, un village de Haute-Corse. Un clan redouté qui, comme l’indiquent des écoutes, récupère les clés de tous les établissements tenus par Francis Mariani et Richard Casanova dans le nord de la Corse. Leur chef, Ange-Toussaint Federicci, 42 ans, est aujourd’hui écroué pour assassinat dans la tuerie du bar des Marronniers, à Marseille. C’est là qu’avait été exécuté en avril 2006, avec deux de ses lieutenants, Farid Berrhama, dit « le Rôtisseur ». En déroulant la pelote, les magistrats marseillais sont remontés sur des affaires de blanchiment jusqu’au cercle Concorde à Paris, une salle de jeux inaugurée en 2006 par tout le gratin de la capitale et aujourd’hui fermée, mais plus pour longtemps.
Demeure l’inconnue Alain Orsoni, l’homme de toutes les rumeurs. Belle gueule et verbe haut, l’ancien leader nationaliste du Mouvement pour l’autodétermination (MPA) est de retour. Il avait quitté la Corse en pleine guerre sanglante entre nationalistes. Certains de ses amis avaient trouvé la mort, lui craignait les coups de ses frères ennemis du Canal historique. Orsoni redoutait plus encore les foudres de Jean-Jé, le parrain qu’il avait défié à plusieurs reprises sur ses terres.
Voiture blindée
Aujourd’hui, l’ancien leader du MPA, rebaptisé par ses détracteurs Mouvement pour les affaires, le jure : il est revenu pour s’occuper du club de football local, l’Athlétic Club ajaccien (Aca), Et quand certains lui prêtent des ambitions moins avouables, comme celle de devenir le nouveau parrain de la Corse-du-Sud, il s’emporte « C’est du pur fantasme ! Ce à quoi j’aspire, c’est vivre tranquillement avec ma famille, ma petite-fille de 6 ans et mes deux enfants de 20 et 24 ans », déclarait-il au Point cet automne. Ce jour-là, c’est un jeune élu nationaliste qui avait joué les go-between pour nous guider jusqu’au bureau du président de l’Aca sur les hauteurs d’Ajaccio. Comme dans la bande dessinée de Pétillon, la voiture des journalistes suivait celle du nationaliste, qui était elle-même prise en chasse par un véhicule de police banalisé.
C’est dans ce climat très tendu que débarque Alain Orsoni. Plusieurs anciens militants du MPA ou liés au mouvement viennent d’être exécutés. Et certains de ses proches, comme Antoine Nivaggioni, le sulfureux patron de la Société méditerranéenne de sécurité (SMS), sont derrière les barreaux pour des affaires d’abus de biens sociaux et de marchés publics truqués. Ce qui n’a pas empêché la société de ce dernier, reprise par son fils, de voir son contrat renouvelé par l’aéroport d’Ajaccio... Orsoni lui-même a fait l’objet d’une tentative d’assassinat. Un dossier judiciaire qui, une fois n’est pas coutume, est sur le point d’être résolu. Plusieurs membres du Petit Bar ont été interpellés et ont avoué leur participation.
Certains expliquent avoir voulu tuer Alain Orsoni-qui roule désormais en voiture blindée-pour venger leur chef, Ange-Marie Michelosi. Ils reprochent au président du club ajaccien d’avoir « couvert » le meurtre. Ils ont surtout livré les noms des tueurs présumés qui seraient venus du nord et de l’extrême sud. De quoi donner enfin du grain à moudre aux enquêteurs, même si certains de ces auteurs présumés ont déjà été assassinés...
1. Jacques Follorou et Vincent Nouzille (Fayard).
2. Corsica, interview réalisée en août 2002 par Gabriel-Xavier Culioli.
3. « Les parrains corses », nouvelle édition augmentée (Fayard).
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Annexes
Le clan Colonna
Les proches
Jean-Jé Colonna,69 ans. Meurt le 1er novembre 2006 dans un accident de voiture en Corse-du-Sud.
Jean-Claude Colonna,47 ans, son cousin. Tué le 17 juin 2008 de trois tirs à la chevrotine à Pietrosella.
Robert Feliciaggi,64 ans, homme d'affaires et élu. Abattu le 10 mars 2006 à l'aéroport d'Ajaccio.
La bande du Petit Bar
Francis Castola, 60 ans. Exécuté de cinq balles sur le parking de son domicile à Ajaccio.
Ange-Marie Michelosi,son lieutenant,54 ans. Tué dans sa voiture le 9 juillet 2008 à Grossetto-Prugna.
Thierry Castola, 36 ans.Abattu le 4 janvier 2009 à la sortie d'un bar de Bastelicaccia, près d'Ajaccio.
Les affidés à la bande du Petit Bar
Sabri Brahimi, 30 ans. Fauché le 29 janvier 2009 sur son scooter d'une quinzaine de balles de gros calibre.
Nicolas Salini, 25 ans, et Jean-Noël Dettori,25 ans.Les deux hommes sont abattus le 12 avril 2009 à Baleone, près d'Ajaccio, à bord de leur voiture, par quatre hommes cagoulés munis de plusieurs armes de guerre.
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La brise de mer, une petite entreprise qui rapporte gros
400 comptes bancaires, dont des comptes épargne concentrés sur la Caisse régionale du Crédit agricole dirigée par des proches de la Brise.
124 acquisitions immobilières, dont 78 depuis 1990.
60 sociétés, dont une dizaine de sociétés civiles immobilières.
100 taxes professionnelles : bars, restaurants discothèques, entreprises de BTP, concessions automobiles, grande distribution de café, d'huile... grandes surfaces, casses automobiles, magasins de prêt-à-porter, location de bateaux, société de sécurité, centre de remise en forme...
Revenus déclarés au fisc par chacun des membres : environ 450 euros par mois.
Source : enquête effectuée en 1998 sur 16 membres de la Brise par la Brigade nationale des enquêtes économiques et financières et la PJ de Bastia.
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Le clan de la brise de mer
Clan Mariani
Francis Mariani 60 ans. Mort le 12 janvier 2009 dans l'explosion d'un hangar près d'Aléria alors qu'il était en cavale.
Daniel Vittini, 56 ans. Exécuté à genoux, le 3 juillet 2008, dans une clairière, de plusieurs balles dans le dos.
Pierre-Marie Santucci, 51 ans. Tué d'une balle explosive le 10 février 2009 sur un parking près de Bastia.
Charles Fraticelli,51 ans. Mort le 12 janvier 2009 aux côtés de Mariani, son ami d'enfance, près d'Aléria.
Clan Casanova
Richard Casanova, dit « Richard le Menteur », 49 ans. Tué le 23 avril 2008 à l'arme de guerre à Porto-Vecchio.
Jean-Luc Codaccioni, ex-lieutenant de Jean-Jé. Victime en 2005 d'une tentative d'assassinat. L'arme s'enraye.
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Les électrons libres
Roger Polverelli, 61 ans. Abattu le 25 août 2004 de trois balles dans le magasin de sa fille à Ajaccio.
Jacques de la Foata, 49 ans. Tué par un sniper le 8 août 2006 devant son magasin de motos à Ajaccio.
Paul Corticchiato, 49 ans. Assassiné le 19 mai 2006, au volant de sa voiture, près d'Ajaccio.
Paul Giacomoni,44 ans. Abattu par un sniper le 13 septembre 2006, sur un stand de ball-trap, à Ajaccio.
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« La guerre n'est pas terminée »
Le Point : Comment expliquez-vous cette vague d'assassinats ?
Christian Lothion : En Corse, malheureusement, on apprécie les armes. C'est à celui qui tirera le premier, c'est oeil pour oeil, dent pour dent. Plutôt que de négocier, on préfère éliminer physiquement son adversaire ou son ennemi.
Comment se fait-il qu'à ce jour aucun assassinat ne soit résolu ?
Les tueurs laissent très peu d'indices sur les lieux du crime. A mon arrivée, j'ai beaucoup insisté pour que les services centraux de la DGPJ travaillent en synergie avec la PJ en Corse et la PJ marseillaise. Il ne faut pas oublier que la capitale phocéenne est la première destination des voyous corses.
Récemment, trois membres ont été mis en examen et écroués pour « association de malfaiteurs en vue de commettre un assassinat en bande organisée » contre Alain Orsoni. Ces interpellations sont peut-être le début d'un apaisement sur l'île. Nous attendons dans les mois qui viennent des résultats.
Des rivalités en interne font partie des pistes que nous étudions. Dans le passé, certains avaient des intérêts en commun, ils se sont séparés pour se retrouver en compétition et font désormais parler les armes. Il y a eu des rivalités de territoire. La guerre n'est pas terminée.
Ces rivalités sont-elles liées au juteux marché immobilier dans le sud de l'île ?
Des plans et des projets immobiliers ont été retrouvés lors de perquisitions. L'immobilier est une façon de blanchir l'argent et d'en apporter plus.
Certains parlent d'une nouvelle équipe montante. Y croyez-vous ?
C'est trop tôt pour le dire. Mais la nature déteste le vide. Les histoires de voyous sont toujours les mêmes, seuls les noms changent.
Propos recueillis par Armel Méhani
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17 voyous corses exfiltrés des fichiers de police en 2001
En contrepartie de ce coup d'éponge, la police espérait obtenir des tuyaux pour retrouver Yvan Colonna, le tueur présumé du préfet Erignac.
Clan Jean-Jé Colonna : Ange-Marie Michelosi, condamné pour braquage, assassiné en 2008 ; Jean-Toussaint Michelosi ; Antoine Bozzi, connu pour des affaires de machines à sous, actuellement écroué pour détention d'arme ; Jean-Jé Colonna, le parrain présumé de Corse-du-Sud, mort dans un accident de voiture en 2006 ; Ange-Marie Orsoni.
Clan de la Brise de mer : Antoine Castelli, ancien propriétaire du bar La Brise de mer, à Bastia ; Joël Patacchini ; Jean-Louis Patacchini ; Jacques-François Pattachini ; François-Antoine Guazzelli ; Paul-Louis Guazzelli ; Jean-Angelo Guazzelli.
Electrons libres : Joseph Filippi ; Georges Mancini, dit « Nanni », condamné pour « association de malfaiteurs » ; Jules-René Orsoni ; Jean-Donat Sabiani ; Roger Polverelli, assassiné en 2004.
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