lejdd.fr, 4 décembre 2010
D’origine modeste, corses et autodidactes, les deux gamins du Panier disent avoir construit leurs carrières en parallèle. Politique et affaires jamais mêlées…
"Avez-vous lu Les Frères corses, d’Alexandre Dumas? Un livre magnifique, tout y est dit sur la fratrie et la corsitude." Un sourire, une allusion littéraire, et voilà une élégante façon de botter en touche. Prudence politique oblige, ne comptez pas sur Michel Pezet, conseiller général (PS) et éminent avocat marseillais, pour spéculer sur le degré d’intimité des frères Guérini. C’est vrai qu’elle est romanesque à souhait, l’histoire de Jean-Noël et Alexandre, les deux gamins du Panier, le fief corse de Marseille; l’histoire de cette formidable ascension politique de l’aîné, sénateur et président (PS) du conseil général des Bouches-du-Rhône, jusqu’à la retentissante chute du cadet, l’homme d’affaires spécialisé dans le traitement des déchets, aux comptes (trop?) florissants, qui dort depuis mercredi dans une cellule de la prison de Luynes.
"Mon frère est mon frère et le demeurera toujours. Mais lui c’est lui, et moi c’est moi." Jean-Noël, 59 ans, a beau proclamer ces jours-ci, la main sur le cœur, qu’il ne savait rien des affaires de son cadet, et protester contre ce qu’il dénonce être un "lynchage médiatique", beaucoup se demandent à Marseille jusqu’où allait la solidarité familiale chez les Guérini. "Alex était partout. On le surnommait 'Monsieur Frère'. Il était dans l’ombre de son aîné Jean-Noël au conseil général, au Parti socialiste, à la communauté urbaine de Marseille. Comment imaginer que l’un puisse ignorer les agissements de l’autre?" s’indigne Renaud Muselier, l’élu UMP qui avait été le premier à dénoncer un "système", en novembre 2009, alors que les ennuis judiciaires d’Alexandre commençaient.
"Biberonnés au système de l’entraide familiale et communautaire"
"Ils sont proches, bien sûr, mais simplement comme peuvent l’être deux frères qui n’ont plus d’autre famille que l’un et l’autre", les défend Samia Ghali, sénateur-maire (PS) des 15e et 16e arrondissements marseillais. L’élue ne fait pas mystère de son amitié pour les deux hommes. Autodidactes, ils ont dû, comme elle, encaisser le mépris d’une certaine bourgeoisie marseillaise, moquant volontiers les origines modestes et l’accent prononcé des deux petits-fils d’agriculteurs corses, originaires de Calenzana, un village de Balagne.
La famille est arrivée en 1956 sur le continent, sur la promesse d’un emploi à l’office d’HLM pour le père et d’un petit appartement à loyer modéré près de la plage des Catalans; tous deux assurés par l’oncle Jean-François Guérini, une figure marseillaise, ancien résistant déporté et élu SFIO du canton du Panier. "Biberonnés au système de l’entraide familiale et communautaire, note un compagnon de route de Jean-Noël, les deux frères se sont soutenus l’un l’autre au gré de leur parcours, une solidarité clanique fondamentale quand on veut comprendre une ville d’immigration comme Marseille."
Alexandre "était partout"
Même rompu au clientélisme communautaire, le Tout-Marseille n’a pas attendu l’incarcération d’Alexandre pour jaser sur son étrange "omniprésence". " Sans mandat politique, ni fonction officielle, il était partout. Il était installé dans les meubles, dans les murs et même dans le bureau de Jean-Noël", raconte un haut fonctionnaire de la mairie. Où l’on retrouve une société d’Alexandre en contrat avec l’office d’HLM, que Jean-Noël présidait à partir de 1987. Où l’on croise Alexandre président de la commission d’attribution des cartes de la fédération du PS au moment où Jean-Noël verrouille les sections, à partir de 2000. Où l’on voit aussi, en 2009, Alexandre recruter lui-même, sans mandat d’aucune sorte, le directeur général adjoint de la propreté à la communauté urbaine de Marseille que vient d’emporter la gauche.
Tous deux en couple depuis vingt ans (Jean-Noël est marié à une avocate d’origine parisienne, Alexandre vit et travaille avec sa compagne, Jeannie Peretti, également mise en examen par le juge Duchaine), les deux frères partagent une vague ressemblance physique, rendue ténue par leur différence de style. "Alexandre cultive le côté un peu 'cacou', comme on dit ici", sourit Michel Pezet. Jean et blouson de cuir, l’homme aurait aussi le verbe haut et l’insulte facile.
Toujours en costume cravate, Jean-Noël, lui, est décrit par tous comme "un homme qui a l’emphase spontanée", "un gros bosseur qui mange ses notes". Un élu socialiste glisse que "Jean-Noël est aussi capable de colères homériques, à tel point qu’il a toujours préféré laisser son frère jouer le rôle de serre-file au PS".
lundi 6 décembre 2010
Marseille: La chute du cadet des Guérini
lejdd.fr, 4 décembre 2010
En prison depuis mercredi dernier, le frère du président du conseil général des Bouches-du-Rhône a fait appel vendredi de son placement en détention. Il est soupçonné de détournement de fonds et de corruption.
Ce dimanche, Lord du Sud a été vendu à Deauville. Le propriétaire de cet étalon, Alexandre Guérini, n' a pas assisté à cette vente, ni à celle des foals et yearlings qu’il cède en même temps: il est incarcéré à la maison d’arrêt de Luynes, près d’Aix-en-Provence.
Interpellé lundi dernier, le frère cadet du patron du conseil général et du PS des Bouches-du-Rhône a été placé en détention provisoire mercredi soir. Il venait d’être mis en examen pour "abus de biens sociaux, détournement de fonds et de biens publics, recel, corruption active, trafic d’influence et détention de munitions".
En bloc, il "conteste toute implication dans les faits qui lui sont reprochés", indique Emmanuel Molina, un de ses avocats. Et parce qu’il juge son placement en détention provisoire "particulièrement injustifié", il a fait appel de cette mesure vendredi après-midi.
Dans le cadre de son enquête sur des fraudes présumées dans l’attribution et l’exploitation de marchés publics, le juge Charles Duchaine a entendu cette semaine 19 autres personnes, dont six ont été mises en examen: la compagne d’Alexandre Guérini, un de ses associés et des fonctionnaires des agglomérations d’Aubagne et de Marseille.
"Coup politique" ou "opération mains propres"?
Sur le Vieux Port, la gauche a dénoncé "un coup politique" et la droite a applaudi le début d’une "opération mains propres". Mais pour Me Florence Rault, autre conseil du patron de décharges, "le juge va avoir un mal fou à établir les infractions qu’il impute à mon client. En entretenant fantasmes et amalgames, il continue à faire fausse route".
Qu’est-il exactement reproché à Alexandre Guérini? Via ses sociétés SMA Environnement et SMA Vautubière, des tricheries sur les pesées de déchets; le traitement de "déchets privés" grâce à des fonds alloués pour traiter des "déchets publics"; des surfacturations et le recours à des sous-traitants proches du grand banditisme (d’où les suspicions de blanchiment).
Les enquêteurs le soupçonnent aussi d’avoir utilisé son influence acquise en tant que "frère de" pour procurer des logements HLM à des "amis"… et pour faciliter l’obtention de certains marchés publics – déchets, photocopieurs, peut-être aussi transports et maisons de retraite – organisés par des institutions où le poids politique de son frère est grand. A chaque fois, son nom aurait constitué un efficace sauf-conduit.
Son omniprésence à la communauté urbaine intrigue
Son omniprésence à la communauté urbaine de Marseille, enfin, intrigue. Il n’y dispose d’aucun mandat officiel, mais selon plusieurs témoignages, il aurait développé une certaine emprise sur des élus et des fonctionnaires, fondée sur un mélange d’intimidation, de charme et de contreparties.
Le président de cette institution, Eugène Caselli (un proche de Jean-Noël Guérini), a d’ailleurs reconnu cette semaine auprès de nos confrères de La Provence qu’Alexandre Guérini était "très présent" au sein de Marseille Provence Métropole (MPM), même si, précise-t-il mystérieusement, "cela ne se faisait pas dans nos locaux".
Témoin direct de diverses manœuvres, un membre de la commission d’appel d’offres de MPM, l’élu (UMP) Xavier Cachard décrit aujourd’hui au JDD les étranges conditions dans lesquelles se sont déroulées des attributions de marchés publics consacrés au nettoyage et à la collecte de déchets: "Il fallait retenir le candidat le plus cher et le moins performant", raconte-t-il, encore estomaqué. Au siège de la communauté urbaine, Alexandre Guérini pouvait compter sur un relais: Michel Karabadjakian.
Directeur de la propreté à MPM, il a été mis en examen pour "trafic d’influence" et "corruption passive" par le juge Duchaine. Devant les gendarmes de la cellule "Déchets 13", il avait expliqué qu’il n’avait pas été recruté par Eugène Caselli mais par le cadet des Guérini, avant de faire en sorte que les sociétés de son choix soient avantagées. "M. Karabadjakian était reconnaissant à Alexandre Guérini de l’avoir proposé à ce poste, avance son avocat, Michel Pezet; 7.200 euros par mois, c’était une position intéressante. Alors, c’est vrai, il s’est ensuite un peu laissé faire au niveau des sollicitations."
En prison depuis mercredi dernier, le frère du président du conseil général des Bouches-du-Rhône a fait appel vendredi de son placement en détention. Il est soupçonné de détournement de fonds et de corruption.
Ce dimanche, Lord du Sud a été vendu à Deauville. Le propriétaire de cet étalon, Alexandre Guérini, n' a pas assisté à cette vente, ni à celle des foals et yearlings qu’il cède en même temps: il est incarcéré à la maison d’arrêt de Luynes, près d’Aix-en-Provence.
Interpellé lundi dernier, le frère cadet du patron du conseil général et du PS des Bouches-du-Rhône a été placé en détention provisoire mercredi soir. Il venait d’être mis en examen pour "abus de biens sociaux, détournement de fonds et de biens publics, recel, corruption active, trafic d’influence et détention de munitions".
En bloc, il "conteste toute implication dans les faits qui lui sont reprochés", indique Emmanuel Molina, un de ses avocats. Et parce qu’il juge son placement en détention provisoire "particulièrement injustifié", il a fait appel de cette mesure vendredi après-midi.
Dans le cadre de son enquête sur des fraudes présumées dans l’attribution et l’exploitation de marchés publics, le juge Charles Duchaine a entendu cette semaine 19 autres personnes, dont six ont été mises en examen: la compagne d’Alexandre Guérini, un de ses associés et des fonctionnaires des agglomérations d’Aubagne et de Marseille.
"Coup politique" ou "opération mains propres"?
Sur le Vieux Port, la gauche a dénoncé "un coup politique" et la droite a applaudi le début d’une "opération mains propres". Mais pour Me Florence Rault, autre conseil du patron de décharges, "le juge va avoir un mal fou à établir les infractions qu’il impute à mon client. En entretenant fantasmes et amalgames, il continue à faire fausse route".
Qu’est-il exactement reproché à Alexandre Guérini? Via ses sociétés SMA Environnement et SMA Vautubière, des tricheries sur les pesées de déchets; le traitement de "déchets privés" grâce à des fonds alloués pour traiter des "déchets publics"; des surfacturations et le recours à des sous-traitants proches du grand banditisme (d’où les suspicions de blanchiment).
Les enquêteurs le soupçonnent aussi d’avoir utilisé son influence acquise en tant que "frère de" pour procurer des logements HLM à des "amis"… et pour faciliter l’obtention de certains marchés publics – déchets, photocopieurs, peut-être aussi transports et maisons de retraite – organisés par des institutions où le poids politique de son frère est grand. A chaque fois, son nom aurait constitué un efficace sauf-conduit.
Son omniprésence à la communauté urbaine intrigue
Son omniprésence à la communauté urbaine de Marseille, enfin, intrigue. Il n’y dispose d’aucun mandat officiel, mais selon plusieurs témoignages, il aurait développé une certaine emprise sur des élus et des fonctionnaires, fondée sur un mélange d’intimidation, de charme et de contreparties.
Le président de cette institution, Eugène Caselli (un proche de Jean-Noël Guérini), a d’ailleurs reconnu cette semaine auprès de nos confrères de La Provence qu’Alexandre Guérini était "très présent" au sein de Marseille Provence Métropole (MPM), même si, précise-t-il mystérieusement, "cela ne se faisait pas dans nos locaux".
Témoin direct de diverses manœuvres, un membre de la commission d’appel d’offres de MPM, l’élu (UMP) Xavier Cachard décrit aujourd’hui au JDD les étranges conditions dans lesquelles se sont déroulées des attributions de marchés publics consacrés au nettoyage et à la collecte de déchets: "Il fallait retenir le candidat le plus cher et le moins performant", raconte-t-il, encore estomaqué. Au siège de la communauté urbaine, Alexandre Guérini pouvait compter sur un relais: Michel Karabadjakian.
Directeur de la propreté à MPM, il a été mis en examen pour "trafic d’influence" et "corruption passive" par le juge Duchaine. Devant les gendarmes de la cellule "Déchets 13", il avait expliqué qu’il n’avait pas été recruté par Eugène Caselli mais par le cadet des Guérini, avant de faire en sorte que les sociétés de son choix soient avantagées. "M. Karabadjakian était reconnaissant à Alexandre Guérini de l’avoir proposé à ce poste, avance son avocat, Michel Pezet; 7.200 euros par mois, c’était une position intéressante. Alors, c’est vrai, il s’est ensuite un peu laissé faire au niveau des sollicitations."
Chirac, un bakchich refait surface
Libération, 6 décembre 2010
L’intermédiaire Takieddine a été dédommagé secrètement en 1997 par Rafic Hariri, ami de l’ex-président, pour abandonner ses commissions dans la vente de frégates à l’Arabie Saoudite.
Partie de l’affaire Karachi, l’enquête sur les marchés d’armement des années 90 va-t-elle conduire à une nouvelle affaire Chirac ? Le juge Renaud Van Ruymbeke vient de demander au parquet d’étendre ses investigations à la vente des frégates Sawari 2 à l’Arabie Saoudite.
Libération, 6 décembre 2010
Voir aussi
- Karachi: Le mémorandum secret, lejdd.fr, 5 décembre 2010
- Karachi: Takieddine attaque Villepin et Millon, Europe 1, 5 décembre 2010
- Karachi : Qui faut-il croire Villepin, Takieddine ou Sarkozy…?, agoravox.fr
- Nouvelle information judiciaire sur le dossier Karachi, nouvelobs.com, 23 novembre 2010
- La contre-attaque de Ziad Takieddine, "l'intermédiaire", lexpress.fr, 30 mai 2010
L’intermédiaire Takieddine a été dédommagé secrètement en 1997 par Rafic Hariri, ami de l’ex-président, pour abandonner ses commissions dans la vente de frégates à l’Arabie Saoudite.
Partie de l’affaire Karachi, l’enquête sur les marchés d’armement des années 90 va-t-elle conduire à une nouvelle affaire Chirac ? Le juge Renaud Van Ruymbeke vient de demander au parquet d’étendre ses investigations à la vente des frégates Sawari 2 à l’Arabie Saoudite.
Libération, 6 décembre 2010
Voir aussi
- Karachi: Le mémorandum secret, lejdd.fr, 5 décembre 2010
- Karachi: Takieddine attaque Villepin et Millon, Europe 1, 5 décembre 2010
- Karachi : Qui faut-il croire Villepin, Takieddine ou Sarkozy…?, agoravox.fr
- Nouvelle information judiciaire sur le dossier Karachi, nouvelobs.com, 23 novembre 2010
- La contre-attaque de Ziad Takieddine, "l'intermédiaire", lexpress.fr, 30 mai 2010
mercredi 1 décembre 2010
Le trésor saoudien des balladuriens
Le Point, 1er décembre 2010 Par Hervé Gattegno
En 1997, Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont empêché deux intermédiaires de percevoir une faramineuse commission occulte de près de 2 milliards de francs parce qu'ils les soupçonnaient d'être liés au financement du camp balladurien.
Déjà apparus dans l'enquête sur l'affaire de l'attentat de Karachi, les deux hommes - le Libanais Ziad Takieddine et le Syrien Abdul Rahman el-Assir - devaient recevoir un pourcentage sur quatre contrats d'armement signés avec l'Arabie saoudite sous le gouvernement Édouard Balladur (1993-1995).
Parmi ces marchés figure le contrat Sawari 2, qui prévoyait la livraison de frégates armées au royaume saoudien, pour un montant d'environ 19 milliards de francs (2,9 milliards d'euros).
Les documents publiés par Le Point révèlent que les deux hommes d'affaires, déjà imposés par le cabinet de François Léotard sur le contrat de vente des sous-marins Agosta au Pakistan et désignés sous l'appellation "réseau K", ont finalement renoncé à leurs prétentions financières sur les contrats saoudiens.
Une lettre du P-DG de la Sofresa, la structure d'État chargée du suivi des grands contrats avec l'Arabie saoudite (aujourd'hui rebaptisée Odas), datée du 3 mars 1997 et adressée au prince Sultan bin Abdulaziz, ministre de la Défense de ce pays, livre le détail des commissions prévues. Le tableau joint à ce courrier atteste que, avant le feu rouge de l'Élysée, les intermédiaires avaient néanmoins déjà encaissé plus de 50 millions d'euros. L'enquête a déjà établi par ailleurs qu'ils avaient touché 33 millions d'euros sur la vente des sous-marins au Pakistan.
Les "très forts soupçons" de Villepin
Après l'élection présidentielle de 1995, les chiraquiens considéraient que cette somme pouvait être destinée à des financements politiques de leurs rivaux. Leurs soupçons visaient principalement l'entourage d'Édouard Balladur, l'ancien ministre de la Défense François Léotard et son principal conseiller, Renaud Donnedieu de Vabres.
Interrogé par le juge Renaud Van Ruymbeke, Dominique de Villepin, ancien secrétaire général de l'Élysée, a confirmé l'existence de "très forts soupçons de commissions illégitimes, voire de rétrocommissions" sur les contrats pakistanais et saoudiens, tout en affirmant que les enquêtes effectuées à l'époque par la DGSE n'avaient apporté "aucune preuve formelle".
Il a cependant indiqué que les écoutes téléphoniques de plusieurs proches de François Léotard avaient montré que des liens directs existaient entre les intermédiaires et des personnalités politiques.
"Dans les noms évoqués, il y avait à la fois des ministres et des membres de l'entourage des ministres", a-t-il déclaré, sans en citer aucun.
Le juge Van Ruymbeke, chargé de l'enquête financière sur les dessous de l'attentat de Karachi, a demandé au parquet de Paris, en fin de semaine dernière, d'élargir sa saisine à d'éventuelles infractions liées au contrat Sawari 2.
Dans une ordonnance de soit-communiqué datée du 26 novembre 2010 - dont le site Mediapart publie des extraits -, le magistrat évoque des "éléments nouveaux" issus des dépositions de l'ancien ministre Charles Millon, de l'ex-P-DG de la Sofresa, Michel Mazens, de Dominique de Villepin et de deux cadres dirigeants de DCN, le constructeur des navires.
En 1997, Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont empêché deux intermédiaires de percevoir une faramineuse commission occulte de près de 2 milliards de francs parce qu'ils les soupçonnaient d'être liés au financement du camp balladurien.
Déjà apparus dans l'enquête sur l'affaire de l'attentat de Karachi, les deux hommes - le Libanais Ziad Takieddine et le Syrien Abdul Rahman el-Assir - devaient recevoir un pourcentage sur quatre contrats d'armement signés avec l'Arabie saoudite sous le gouvernement Édouard Balladur (1993-1995).
Parmi ces marchés figure le contrat Sawari 2, qui prévoyait la livraison de frégates armées au royaume saoudien, pour un montant d'environ 19 milliards de francs (2,9 milliards d'euros).
Les documents publiés par Le Point révèlent que les deux hommes d'affaires, déjà imposés par le cabinet de François Léotard sur le contrat de vente des sous-marins Agosta au Pakistan et désignés sous l'appellation "réseau K", ont finalement renoncé à leurs prétentions financières sur les contrats saoudiens.
Une lettre du P-DG de la Sofresa, la structure d'État chargée du suivi des grands contrats avec l'Arabie saoudite (aujourd'hui rebaptisée Odas), datée du 3 mars 1997 et adressée au prince Sultan bin Abdulaziz, ministre de la Défense de ce pays, livre le détail des commissions prévues. Le tableau joint à ce courrier atteste que, avant le feu rouge de l'Élysée, les intermédiaires avaient néanmoins déjà encaissé plus de 50 millions d'euros. L'enquête a déjà établi par ailleurs qu'ils avaient touché 33 millions d'euros sur la vente des sous-marins au Pakistan.
Les "très forts soupçons" de Villepin
Après l'élection présidentielle de 1995, les chiraquiens considéraient que cette somme pouvait être destinée à des financements politiques de leurs rivaux. Leurs soupçons visaient principalement l'entourage d'Édouard Balladur, l'ancien ministre de la Défense François Léotard et son principal conseiller, Renaud Donnedieu de Vabres.
Interrogé par le juge Renaud Van Ruymbeke, Dominique de Villepin, ancien secrétaire général de l'Élysée, a confirmé l'existence de "très forts soupçons de commissions illégitimes, voire de rétrocommissions" sur les contrats pakistanais et saoudiens, tout en affirmant que les enquêtes effectuées à l'époque par la DGSE n'avaient apporté "aucune preuve formelle".
Il a cependant indiqué que les écoutes téléphoniques de plusieurs proches de François Léotard avaient montré que des liens directs existaient entre les intermédiaires et des personnalités politiques.
"Dans les noms évoqués, il y avait à la fois des ministres et des membres de l'entourage des ministres", a-t-il déclaré, sans en citer aucun.
Le juge Van Ruymbeke, chargé de l'enquête financière sur les dessous de l'attentat de Karachi, a demandé au parquet de Paris, en fin de semaine dernière, d'élargir sa saisine à d'éventuelles infractions liées au contrat Sawari 2.
Dans une ordonnance de soit-communiqué datée du 26 novembre 2010 - dont le site Mediapart publie des extraits -, le magistrat évoque des "éléments nouveaux" issus des dépositions de l'ancien ministre Charles Millon, de l'ex-P-DG de la Sofresa, Michel Mazens, de Dominique de Villepin et de deux cadres dirigeants de DCN, le constructeur des navires.
mardi 30 novembre 2010
Alexandre Guérini, frère de Jean-Noël Guérini, placé en garde à vue à Marseille
20 minutes, 30/11/2010
Vingt personnes ont été entendues hier par le juge Duchaine. L'enquête du juge Duchaine sur les marchés de déchets dans les Bouches-du-Rhône prend un nouveau tournant.
Alexandre Guérini, frère de Jean-Noël Guérini, sénateur PS et président de conseil général, a été entendu hier matin par les gendarmes et placé en garde à vue. Au total, vingt personnes ont été auditionnées dans les locaux de la gendarmerie de Marseille en présence du juge Duchaine, dont cinq ont été placées en garde à vue.
Parmi elles, figurerait Philippe Rapezzi, qui occupent diverses fonctions de direction dans plusieurs sociétés d'Alexandre Guérini. Trois fonctionnaires de la communauté urbaine (MPM) et de la communauté d'agglomération d'Aubagne ont aussi été placés en garde à vue. Il s'agit de Michel Karabadjakian, directeur adjoint de la communauté urbaine (MPM) en charge de la propreté depuis février 2010. Il était auparavant directeur de la propreté urbaine pour la ville de Marseille.
« Ils ont coopéré pleinement »
Au sein de la communauté d'agglomération d'Aubagne, Hervé Thérond, actuel directeur général des services et son prédécesseur Daniel Pinna, aujourd'hui à la retraite, ont été placés en garde à vue. Quinze autres personnes ont été entendues par le juge.
Rémy Barges, le directeur de cabinet du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, et Gilbert Gaudin, directeur de la communication ont été entendus en qualité de témoins.
«Ils ont coopéré pleinement et en toute transparence pour favoriser l'enquête en cours sur des marchés publics et ont repris leurs fonctions en milieu de journée au terme de leur audition», a indiqué le conseil général dans un communiqué.
Deux personnes seraient en fuite
Fait nouveau, les auditions du juge Duchaine ne se sont cantonnées à la question des déchets.
Jean-François Noyes, ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini et président de l'office HLM, Habitat 13, a été entendu. Tout comme le directeur général de l'office Bernard Escalle et sa chef de cabinet Antoinette Camigliari.
Selon le site bakchich.info, deux autres personnes, visées par le juge Duchaine, seraient en fuite: René Nostriano, président de la fédération du BTP des Bouches-du-Rhône, et Jean-Marc Nabitz, ex-patron de la société d'économie mixte, Treize Développement.
Dans son communiqué, le département estime qu'«il ne lui appartient pas de commenter l'instruction judiciaire en cours». «On est inattaquable au niveau de l'institution, commentait hier Robert Abad, directeur de cabinet du président de la communauté d'agglomération d'Aubagne. «Ici, aucun de nos agents n'a touché d'enveloppe», a-t-il affirmé. De sources policières, les gardes à vue pourraient se prolonger pendant 48 heures, soit jusqu'à demain matin.
Vingt personnes ont été entendues hier par le juge Duchaine. L'enquête du juge Duchaine sur les marchés de déchets dans les Bouches-du-Rhône prend un nouveau tournant.
Alexandre Guérini, frère de Jean-Noël Guérini, sénateur PS et président de conseil général, a été entendu hier matin par les gendarmes et placé en garde à vue. Au total, vingt personnes ont été auditionnées dans les locaux de la gendarmerie de Marseille en présence du juge Duchaine, dont cinq ont été placées en garde à vue.
Parmi elles, figurerait Philippe Rapezzi, qui occupent diverses fonctions de direction dans plusieurs sociétés d'Alexandre Guérini. Trois fonctionnaires de la communauté urbaine (MPM) et de la communauté d'agglomération d'Aubagne ont aussi été placés en garde à vue. Il s'agit de Michel Karabadjakian, directeur adjoint de la communauté urbaine (MPM) en charge de la propreté depuis février 2010. Il était auparavant directeur de la propreté urbaine pour la ville de Marseille.
« Ils ont coopéré pleinement »
Au sein de la communauté d'agglomération d'Aubagne, Hervé Thérond, actuel directeur général des services et son prédécesseur Daniel Pinna, aujourd'hui à la retraite, ont été placés en garde à vue. Quinze autres personnes ont été entendues par le juge.
Rémy Barges, le directeur de cabinet du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, et Gilbert Gaudin, directeur de la communication ont été entendus en qualité de témoins.
«Ils ont coopéré pleinement et en toute transparence pour favoriser l'enquête en cours sur des marchés publics et ont repris leurs fonctions en milieu de journée au terme de leur audition», a indiqué le conseil général dans un communiqué.
Deux personnes seraient en fuite
Fait nouveau, les auditions du juge Duchaine ne se sont cantonnées à la question des déchets.
Jean-François Noyes, ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini et président de l'office HLM, Habitat 13, a été entendu. Tout comme le directeur général de l'office Bernard Escalle et sa chef de cabinet Antoinette Camigliari.
Selon le site bakchich.info, deux autres personnes, visées par le juge Duchaine, seraient en fuite: René Nostriano, président de la fédération du BTP des Bouches-du-Rhône, et Jean-Marc Nabitz, ex-patron de la société d'économie mixte, Treize Développement.
Dans son communiqué, le département estime qu'«il ne lui appartient pas de commenter l'instruction judiciaire en cours». «On est inattaquable au niveau de l'institution, commentait hier Robert Abad, directeur de cabinet du président de la communauté d'agglomération d'Aubagne. «Ici, aucun de nos agents n'a touché d'enveloppe», a-t-il affirmé. De sources policières, les gardes à vue pourraient se prolonger pendant 48 heures, soit jusqu'à demain matin.
samedi 27 novembre 2010
Karachi : Donnedieu de Vabres mis en cause
Le Monde, 27 novembre 2010
Renaud Donnedieu de Vabres, ex-ministre de la culture, est à son tour mis en cause dans l'affaire des attentats de Karachi. Dans une enquête du Monde (à lire dans l'édition abonnés du site), un ancien membre du cabinet de François Léotard, ministre de la défense d'Edouard Balladur, affirme que M. Donnedieu de Vabres, alors conseiller spécial du ministre, était la cheville ouvrière de la mise en place des commissions sur les contrats Agosta et Sawari II.
Ces contrats ont donné lieu au versement d'argent en direction d'intermédiaires libanais et saoudiens, imposés à la dernière minute. En principe, ces commissions, susceptibles de favoriser la vente de sous-marins et de frégates, étaient légales jusqu'en 2000. Mais en l'espèce, la justice soupçonne qu'une partie de ces commissions, d'un montant plus élevé que l'usage, aient donné lieu à des rétrocommissions, un retour d'une partie de l'argent en France, où il aurait servi à financer certains partis de manière illicite.
Premier visé, le premier ministre de l'époque, Edouard Balladur, dont les comptes de campagne pour la présidentielle de 1995 ont été entachés d'irrégularités, mais validés tout de même par le conseil constitutionnel, comme l'a relaté Le Monde dans son édition du 25 novembre (à lire dans l'édition abonnés). Entendu sous le sceau du secret défense par une mission parlementaire au printemps, Edouard Balladur avait assuré, comme le révèle samedi 27 novembre le Journal du Dimanche, qu'il n'était pas au courant des commissions versées pour les ventes.
Plusieurs chiraquiens, dont Dominique de Villepin ou Charles Millon, ont raconté à la justice comment Jacques Chirac, à peine élu en 1995, avait ordonné une enquête sur ces ventes de matériel militaire. De manière illégale, plusieurs personnalités, dont le ministre de la défense d'Edouard Balladur, François Léotard, ont été mises sous écoute. L'enquête menée par la DGSE a permis aux chiraquiens d'avoir confirmation "de forts soupçons", selon les mots de Dominique de Villepin, de rétrocommissions illicites.
Jacques Chirac aurait alors, selon eux, ordonné de stopper le versement des commissions. Pour "assainir la vie politique", selon Dominique de Villepin, ou plus prosaïquement, selon d'autres sources, pour mettre fin à ce que M. Chirac voyait comme le "trésor de guerre de Balladur". Cet arrêt, qui n'aurait été total qu'en 2000, pourrait être à l'origine de l'attentat contre des Français à Karachi en 2002, qui avait tué 11 de nos compatriotes.
"RÉTROCOMMISSIONS"
Le Monde révèle samedi le témoignage de Patrice Molle, préfet et ancien membre de la DGSE (les services de renseignement extérieur français). L'homme travaillait au sein du cabinet de François Léotard à la défense. Une fois Jacques Chirac au pouvoir et François Léotard remplacé par Charles Millon, M. Molle faisait partie des hauts fonctionnaires mis sur écoutes par les services.
Il dit avoir eu vent de ces écoutes, mais précise : "je n'avais rien à cacher. Tout Paris sait qui a imposé les intermédiaires libanais dans le dossier Agosta, Renaud Donnedieu de Vabres traitait tout cela directement, il référait en personne au ministre. Les rétrocommissions, ça ne passe pas par le cabinet officiel, ça s'est joué dans les circuits parallèles."
L'accusation replace M. Donnedieu de Vabres au centre du jeu. Egalement questionné par Le Monde, il reconnaît avoir géré ces contrats, mais en toute légalité : "Evidemment, j'ai reçu des émissaires, j'ai organisé un dîner avec Benazir Bhutto, je suis allé en Arabie saoudite comme envoyé du ministre, j'ai rencontré des intermédiaires. Mais ce n'est pas nous qui imposions ces intermédiaires. Ils étaient imposés par les pays", promet-il.
Une version démentie par nombre de pièces et de témoignages, qui montrent que les deux intérmédiaires, Ziad Takkiendine et Abdulraman el-Assir ont été imposés à l'initiative de la France et même du ministère de la défense.
Les révélations du Monde remettent également en question les témoignages de Dominique de Villepin. Celui qui était alors secrétaire général de l'Elysée a nié, devant les juges, que MM. Leotard ou Donnedieu de Vabres aient été écoutés.
Renaud Donnedieu de Vabres, ex-ministre de la culture, est à son tour mis en cause dans l'affaire des attentats de Karachi. Dans une enquête du Monde (à lire dans l'édition abonnés du site), un ancien membre du cabinet de François Léotard, ministre de la défense d'Edouard Balladur, affirme que M. Donnedieu de Vabres, alors conseiller spécial du ministre, était la cheville ouvrière de la mise en place des commissions sur les contrats Agosta et Sawari II.
Ces contrats ont donné lieu au versement d'argent en direction d'intermédiaires libanais et saoudiens, imposés à la dernière minute. En principe, ces commissions, susceptibles de favoriser la vente de sous-marins et de frégates, étaient légales jusqu'en 2000. Mais en l'espèce, la justice soupçonne qu'une partie de ces commissions, d'un montant plus élevé que l'usage, aient donné lieu à des rétrocommissions, un retour d'une partie de l'argent en France, où il aurait servi à financer certains partis de manière illicite.
Premier visé, le premier ministre de l'époque, Edouard Balladur, dont les comptes de campagne pour la présidentielle de 1995 ont été entachés d'irrégularités, mais validés tout de même par le conseil constitutionnel, comme l'a relaté Le Monde dans son édition du 25 novembre (à lire dans l'édition abonnés). Entendu sous le sceau du secret défense par une mission parlementaire au printemps, Edouard Balladur avait assuré, comme le révèle samedi 27 novembre le Journal du Dimanche, qu'il n'était pas au courant des commissions versées pour les ventes.
Plusieurs chiraquiens, dont Dominique de Villepin ou Charles Millon, ont raconté à la justice comment Jacques Chirac, à peine élu en 1995, avait ordonné une enquête sur ces ventes de matériel militaire. De manière illégale, plusieurs personnalités, dont le ministre de la défense d'Edouard Balladur, François Léotard, ont été mises sous écoute. L'enquête menée par la DGSE a permis aux chiraquiens d'avoir confirmation "de forts soupçons", selon les mots de Dominique de Villepin, de rétrocommissions illicites.
Jacques Chirac aurait alors, selon eux, ordonné de stopper le versement des commissions. Pour "assainir la vie politique", selon Dominique de Villepin, ou plus prosaïquement, selon d'autres sources, pour mettre fin à ce que M. Chirac voyait comme le "trésor de guerre de Balladur". Cet arrêt, qui n'aurait été total qu'en 2000, pourrait être à l'origine de l'attentat contre des Français à Karachi en 2002, qui avait tué 11 de nos compatriotes.
"RÉTROCOMMISSIONS"
Le Monde révèle samedi le témoignage de Patrice Molle, préfet et ancien membre de la DGSE (les services de renseignement extérieur français). L'homme travaillait au sein du cabinet de François Léotard à la défense. Une fois Jacques Chirac au pouvoir et François Léotard remplacé par Charles Millon, M. Molle faisait partie des hauts fonctionnaires mis sur écoutes par les services.
Il dit avoir eu vent de ces écoutes, mais précise : "je n'avais rien à cacher. Tout Paris sait qui a imposé les intermédiaires libanais dans le dossier Agosta, Renaud Donnedieu de Vabres traitait tout cela directement, il référait en personne au ministre. Les rétrocommissions, ça ne passe pas par le cabinet officiel, ça s'est joué dans les circuits parallèles."
L'accusation replace M. Donnedieu de Vabres au centre du jeu. Egalement questionné par Le Monde, il reconnaît avoir géré ces contrats, mais en toute légalité : "Evidemment, j'ai reçu des émissaires, j'ai organisé un dîner avec Benazir Bhutto, je suis allé en Arabie saoudite comme envoyé du ministre, j'ai rencontré des intermédiaires. Mais ce n'est pas nous qui imposions ces intermédiaires. Ils étaient imposés par les pays", promet-il.
Une version démentie par nombre de pièces et de témoignages, qui montrent que les deux intérmédiaires, Ziad Takkiendine et Abdulraman el-Assir ont été imposés à l'initiative de la France et même du ministère de la défense.
Les révélations du Monde remettent également en question les témoignages de Dominique de Villepin. Celui qui était alors secrétaire général de l'Elysée a nié, devant les juges, que MM. Leotard ou Donnedieu de Vabres aient été écoutés.
lundi 22 novembre 2010
Karachi: des traces de "montages financiers opaques" à Bercy?
L'Express, 23/11/2010
Le Parisien de ce mardi révèle que le juge Renaud Van Ruymbeke a effectué une perquisition il y a une dizaine de jours au ministère du Budget.
Le juge Renaud Van Ruymbeke a perquisitionné récemment au ministère du Budget à Bercy où il aurait saisi des notes sur les "montages financiers opaques" mis en place autour du contrat de vente de sous-marins Agosta au Pakistan, affirme ce mardi Le Parisien/Aujourd'hui en France.
"Il y a une dizaine de jours, dans la plus grande discrétion, le juge Renaud Van Ruymbeke a perquisitionné la Direction générale des Impôts, au ministère du Budget à Bercy", affirme le quotidien.
La justice cherche notamment à établir s'il y a un lien entre l'arrêt à partir de 1995 du versement de commissions dans le cadre du contrat d'armement avec le Pakistan et l'attentat de Karachi en 2002 qui a coûté la vie à 15 personnes dont 11 Français.
Elle enquête également sur le versement de rétrocommissions qui auraient pu financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995.
"Lors de sa perquisition, le juge du pôle financier aurait mis la main sur des documents extrêmement intéressants", écrit Le Parisien qui précise qu'il "s'agirait de notes manuscrites, non signées, datées de fin 2006".
Ces notes "confirmeraient et détailleraient les montages financiers opaques mis en place autour du contrat Agosta notamment les circuits empruntés par l'argent à l'aller (vers le Pakistan) comme au retour (en direction de la France)", ajoute le quotidien.
Le contrat de la vente de trois sous-marins Agosta au Pakistan en septembre 1994 est au coeur d'une affaire de commissions et de possibles rétrocommissions qui secoue actuellement la vie politique française.
L'information "a tout d'une bombe à retardement"
Dans ces notes, il "serait question de plusieurs pays (...) dans lesquels les fonds transitent", ajoute Le Parisien.
Le journal cite une "source proche du dossier" selon laquelle "ces notes manuscrites (...) étaient adressées à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac et en pleine campagne pour l'élection présidentielle de 2007".
Cette information, assure le Parisien, "a tout d'une bombe à retardement".
Le Parisien de ce mardi révèle que le juge Renaud Van Ruymbeke a effectué une perquisition il y a une dizaine de jours au ministère du Budget.
Le juge Renaud Van Ruymbeke a perquisitionné récemment au ministère du Budget à Bercy où il aurait saisi des notes sur les "montages financiers opaques" mis en place autour du contrat de vente de sous-marins Agosta au Pakistan, affirme ce mardi Le Parisien/Aujourd'hui en France.
"Il y a une dizaine de jours, dans la plus grande discrétion, le juge Renaud Van Ruymbeke a perquisitionné la Direction générale des Impôts, au ministère du Budget à Bercy", affirme le quotidien.
La justice cherche notamment à établir s'il y a un lien entre l'arrêt à partir de 1995 du versement de commissions dans le cadre du contrat d'armement avec le Pakistan et l'attentat de Karachi en 2002 qui a coûté la vie à 15 personnes dont 11 Français.
Elle enquête également sur le versement de rétrocommissions qui auraient pu financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995.
"Lors de sa perquisition, le juge du pôle financier aurait mis la main sur des documents extrêmement intéressants", écrit Le Parisien qui précise qu'il "s'agirait de notes manuscrites, non signées, datées de fin 2006".
Ces notes "confirmeraient et détailleraient les montages financiers opaques mis en place autour du contrat Agosta notamment les circuits empruntés par l'argent à l'aller (vers le Pakistan) comme au retour (en direction de la France)", ajoute le quotidien.
Le contrat de la vente de trois sous-marins Agosta au Pakistan en septembre 1994 est au coeur d'une affaire de commissions et de possibles rétrocommissions qui secoue actuellement la vie politique française.
L'information "a tout d'une bombe à retardement"
Dans ces notes, il "serait question de plusieurs pays (...) dans lesquels les fonds transitent", ajoute Le Parisien.
Le journal cite une "source proche du dossier" selon laquelle "ces notes manuscrites (...) étaient adressées à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac et en pleine campagne pour l'élection présidentielle de 2007".
Cette information, assure le Parisien, "a tout d'une bombe à retardement".
dimanche 21 novembre 2010
Karachi: un cadre de l'armement admet des rétrocommissions
L'Express, 22 novembre 2010
Pour cet ancien PDG de la Sofresa interviewé par Libération, leur arrêt n'aurait pas de lien avec l'attentat de 2002.
L'ex-cadre supérieur de l'armement, Michel Mazens, témoin clé dans l'affaire de Karachi, admet l'arrêt des rétrocommissions mais sans "lien" avec l'attentat de 2002 dans une interview publiée par Libération lundi.
L'ancien président de la Société française d'exportation de systèmes avancés (Sofresa) estime qu'il y a eu une "exagération" et une "surinterprétation" de ses propos, selon Libération. "Sa mise au point diminue le bien-fondé d'une plainte visant Jacques Chirac, un peu vite accusé d'avoir, en stoppant les rétrocommissions, entraîné l'attentat sept ans plus tard", écrit aussi le quotidien.
"L'attentat s'est déroulé longtemps après cet épisode. A mon sens, il n'y a pas de lien entre les deux. Je n'ai jamais reçu la moindre information qui m'aurais permis de le penser" a déclaré M. Mazens au cours de l'interview.
Le site internet d'information Mediapart a affirmé vendredi que l'ancien PDG de la Sofresa, Michel Mazens, a expliqué jeudi au juge Van Ruymbeke qu'il avait été chargé en 1995 d'interrompre le versement de commissions sur le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie saoudite.
C'est quand M. Mazens a averti Dominique Castellan, ex-président de DCNI (la branche internationale et export de la DCN) que les commissions promises en marge d'un contrat de vente de sous-marins au Pakistan en 1994 ne seraient pas versées, que ce dernier lui aurait fait part des risques encourus par le personnel de DCN.
"Un soir je suis ainsi allé voir M. Castellan dans son bureau pour lui faire part de la directive de M. de Villepin. Il a réagi en disant que pour lui c'était compliqué car c'était faire courir des risques au personnel", a ajouté le responsable sans que le magistrat lui demande de préciser ces "risques". "J'ai senti Dominique Castellan soucieux, mais pas au point de craindre un acte criminel, ça ne se situait pas sur ce plan-là", a dit Michel Mazans à Libération.
Pour cet ancien PDG de la Sofresa interviewé par Libération, leur arrêt n'aurait pas de lien avec l'attentat de 2002.
L'ex-cadre supérieur de l'armement, Michel Mazens, témoin clé dans l'affaire de Karachi, admet l'arrêt des rétrocommissions mais sans "lien" avec l'attentat de 2002 dans une interview publiée par Libération lundi.
L'ancien président de la Société française d'exportation de systèmes avancés (Sofresa) estime qu'il y a eu une "exagération" et une "surinterprétation" de ses propos, selon Libération. "Sa mise au point diminue le bien-fondé d'une plainte visant Jacques Chirac, un peu vite accusé d'avoir, en stoppant les rétrocommissions, entraîné l'attentat sept ans plus tard", écrit aussi le quotidien.
"L'attentat s'est déroulé longtemps après cet épisode. A mon sens, il n'y a pas de lien entre les deux. Je n'ai jamais reçu la moindre information qui m'aurais permis de le penser" a déclaré M. Mazens au cours de l'interview.
Le site internet d'information Mediapart a affirmé vendredi que l'ancien PDG de la Sofresa, Michel Mazens, a expliqué jeudi au juge Van Ruymbeke qu'il avait été chargé en 1995 d'interrompre le versement de commissions sur le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie saoudite.
C'est quand M. Mazens a averti Dominique Castellan, ex-président de DCNI (la branche internationale et export de la DCN) que les commissions promises en marge d'un contrat de vente de sous-marins au Pakistan en 1994 ne seraient pas versées, que ce dernier lui aurait fait part des risques encourus par le personnel de DCN.
"Un soir je suis ainsi allé voir M. Castellan dans son bureau pour lui faire part de la directive de M. de Villepin. Il a réagi en disant que pour lui c'était compliqué car c'était faire courir des risques au personnel", a ajouté le responsable sans que le magistrat lui demande de préciser ces "risques". "J'ai senti Dominique Castellan soucieux, mais pas au point de craindre un acte criminel, ça ne se situait pas sur ce plan-là", a dit Michel Mazans à Libération.
vendredi 19 novembre 2010
Karachigate: Qu'est-ce qu'une rétrocommission ?
Le Monde, 19 novembre 2010
La question est au cœur de l'affaire. Dans le cas d'une vente d'armes à l'étranger, il était légal jusqu'en 2000 de rémunérer des intermédiaires chargés de faciliter la négociation avec le pays acheteur.
Ces "commissions" – le terme officiel, mais elles s'apparentent à des pots-de-vin légaux – peuvent représenter des sommes importantes.
Dans le cadre du contrat de vente des sous-marins Agosta, les deux intermédiaires, Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, ont récupéré 10,25 % du total de la vente, qui s'élevait à 5,4 milliards de francs (826 millions d'euros).
Les deux hommes devaient toucher encore plus sur un autre contrat, cette fois pour des frégates destinées à l'Arabie saoudite : on leur promettait 18 % du montant du contrat, qui portait sur 19 milliards de francs (environ 3 milliards d'euros).
Une rétrocommission, pratique illégale, consiste pour le vendeur à offrir plus de commission que nécessaire, pour ensuite récupérer à son profit de la part de l'intermédiaire une partie des sommes engagées par l'Etat.
Dans l'affaire de Karachi, on soupçonne que les commissions versées aux deux intermédiaires ont donné lieu à des rétrocommissions, qui auraient financé la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.
L'arrêt du versement des sommes promises aurait conduit à l'attentat contre des Français à Karachi en 2002.
Samuel Laurent
La question est au cœur de l'affaire. Dans le cas d'une vente d'armes à l'étranger, il était légal jusqu'en 2000 de rémunérer des intermédiaires chargés de faciliter la négociation avec le pays acheteur.
Ces "commissions" – le terme officiel, mais elles s'apparentent à des pots-de-vin légaux – peuvent représenter des sommes importantes.
Dans le cadre du contrat de vente des sous-marins Agosta, les deux intermédiaires, Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, ont récupéré 10,25 % du total de la vente, qui s'élevait à 5,4 milliards de francs (826 millions d'euros).
Les deux hommes devaient toucher encore plus sur un autre contrat, cette fois pour des frégates destinées à l'Arabie saoudite : on leur promettait 18 % du montant du contrat, qui portait sur 19 milliards de francs (environ 3 milliards d'euros).
Une rétrocommission, pratique illégale, consiste pour le vendeur à offrir plus de commission que nécessaire, pour ensuite récupérer à son profit de la part de l'intermédiaire une partie des sommes engagées par l'Etat.
Dans l'affaire de Karachi, on soupçonne que les commissions versées aux deux intermédiaires ont donné lieu à des rétrocommissions, qui auraient financé la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.
L'arrêt du versement des sommes promises aurait conduit à l'attentat contre des Français à Karachi en 2002.
Samuel Laurent
Karachi : plainte de familles de victimes contre Chirac et Villepin
Le Monde, 19 novembre 2010
Des familles de victimes de l'attentat de Karachi vont porter plainte contre Jacques Chirac et Dominique de Villepin pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "homicide involontaire", a annoncé vendredi 19 novembre leur avocat, Olivier Morice.
Les familles de victimes de cet attentat, qui avait coûté la vie à onze Français, avaient déjà insisté jeudi pour que le chef de l'Etat soit entendu par la justice comme témoin dans ce dossier.
"M. Sarkozy nous doit cette audition. Qu'il dise ce qu'il a à dire, lui qui a qualifié de 'fable' cette piste financière [en 2009]", a déclaré la fille d'une victime, Sandrine Leclerc, lors d'une conférence de presse.
L'enquête sur cet attentat, perpétré à Karachi le 8 mai 2002 contre la Direction des constructions navales (DCN), a longtemps été focalisée sur une responsabilité d'Al-Qaida.
Mais depuis plus d'un an, elle s'est réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt du versements de commissions promises par la France dans le cadre du contrat sur la vente de sous-marins Agosta au Pakistan, signé en 1994 pour environ 850 millions d'euros.
LA CAMPAGNE DE BALLADUR
Les commissions, légales jusqu'à leur interdiction par l'OCDE en 2000, étaient dans ce type de contrats versées aux intermédiaires facilitant leur signature. Il pouvait arriver qu'une rétrocommission, illégale, soit prélevée sur la commission au profit de responsables du pays ayant remporté le contrat.
Les commissions françaises auraient été distribuées au Pakistan par l'actuel chef de l'Etat Asif Ali Zardari, alors ministre dans un gouvernement dirigé par sa femme Benazir Bhutto (tuée dans un attentat fin 2007).
Les rétrocommissions pakistanaises auraient servi au financement de la campagne présidentielle en 1994 du premier ministre français d'alors, Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole et ministre du budget, selon des témoignages et rapports versés au dossier.
Dès son élection à la présidence française en 1995, Jacques Chirac a décidé de stopper le versement de commissions, asséchant d'éventuelles rentrées d'argent, via des rétrocommissions, au profit de son rival, qui a toujours démenti tout financement illicite de sa campagne.
Si les soupçons ne sont pas nouveaux, l'affaire a pris un tour nouveau après la confirmation de l'existence de rétrocommissions par l'ancien ministre de la défense Charles Millon (mai 1995 à juin 1997), révélée par une source proche du dossier.
L'ancien ministre a déclaré lundi au juge Renaud van Ruymbeke que des vérifications menées en 1995 par les services secrets après l'élection de M. Chirac avaient établi l'existence de rétrocommissions vers des décideurs français en marge de contrats de ventes de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie saoudite. "On a eu une intime conviction", a-t-il confié au juge.
Depuis, l'opposition et les familles de victimes demandent que la justice auditionne comme témoin M. Sarkozy, Jacques Chirac et son secrétaire général de l'Elysée de l'époque, Dominique de Villepin.
"Au sommet de l'Etat, on craint l'avancée de ce dossier car il implique Nicolas Sarkozy et ses proches", a commenté Me Olivier Morice. Le ministre de la justice Michel Mercier a affirmé pour sa part que la justice faisait "son travail" dans cette affaire.
Des familles de victimes de l'attentat de Karachi vont porter plainte contre Jacques Chirac et Dominique de Villepin pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "homicide involontaire", a annoncé vendredi 19 novembre leur avocat, Olivier Morice.
Les familles de victimes de cet attentat, qui avait coûté la vie à onze Français, avaient déjà insisté jeudi pour que le chef de l'Etat soit entendu par la justice comme témoin dans ce dossier.
"M. Sarkozy nous doit cette audition. Qu'il dise ce qu'il a à dire, lui qui a qualifié de 'fable' cette piste financière [en 2009]", a déclaré la fille d'une victime, Sandrine Leclerc, lors d'une conférence de presse.
L'enquête sur cet attentat, perpétré à Karachi le 8 mai 2002 contre la Direction des constructions navales (DCN), a longtemps été focalisée sur une responsabilité d'Al-Qaida.
Mais depuis plus d'un an, elle s'est réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt du versements de commissions promises par la France dans le cadre du contrat sur la vente de sous-marins Agosta au Pakistan, signé en 1994 pour environ 850 millions d'euros.
LA CAMPAGNE DE BALLADUR
Les commissions, légales jusqu'à leur interdiction par l'OCDE en 2000, étaient dans ce type de contrats versées aux intermédiaires facilitant leur signature. Il pouvait arriver qu'une rétrocommission, illégale, soit prélevée sur la commission au profit de responsables du pays ayant remporté le contrat.
Les commissions françaises auraient été distribuées au Pakistan par l'actuel chef de l'Etat Asif Ali Zardari, alors ministre dans un gouvernement dirigé par sa femme Benazir Bhutto (tuée dans un attentat fin 2007).
Les rétrocommissions pakistanaises auraient servi au financement de la campagne présidentielle en 1994 du premier ministre français d'alors, Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole et ministre du budget, selon des témoignages et rapports versés au dossier.
Dès son élection à la présidence française en 1995, Jacques Chirac a décidé de stopper le versement de commissions, asséchant d'éventuelles rentrées d'argent, via des rétrocommissions, au profit de son rival, qui a toujours démenti tout financement illicite de sa campagne.
Si les soupçons ne sont pas nouveaux, l'affaire a pris un tour nouveau après la confirmation de l'existence de rétrocommissions par l'ancien ministre de la défense Charles Millon (mai 1995 à juin 1997), révélée par une source proche du dossier.
L'ancien ministre a déclaré lundi au juge Renaud van Ruymbeke que des vérifications menées en 1995 par les services secrets après l'élection de M. Chirac avaient établi l'existence de rétrocommissions vers des décideurs français en marge de contrats de ventes de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie saoudite. "On a eu une intime conviction", a-t-il confié au juge.
Depuis, l'opposition et les familles de victimes demandent que la justice auditionne comme témoin M. Sarkozy, Jacques Chirac et son secrétaire général de l'Elysée de l'époque, Dominique de Villepin.
"Au sommet de l'Etat, on craint l'avancée de ce dossier car il implique Nicolas Sarkozy et ses proches", a commenté Me Olivier Morice. Le ministre de la justice Michel Mercier a affirmé pour sa part que la justice faisait "son travail" dans cette affaire.
Karachi : un nouveau témoin confirme l'arrêt des paiements en 1995
Le Monde, 19 novembre 2010
Un témoin, entendu par le juge Van Ruymbeke jeudi 18 novembre, a confirmé que les versements de commissions (légales jusqu'en 2000) aux intermédiaires de la vente des trois sous-marins Agosta au Pakistan avaient été stoppés en 1995 par Jacques Chirac.
Les familles des victimes soupçonnent que l'arrêt de ses versements, qui auraient pu donner lieu à des rétrocommissions (voir encadré), pourrait être à l'origine de la mort des 11 Français employés par la direction des constructions navales à Karachi.
Le témoin, Michel Mazens, à l'époque haut fonctionnaire en charge de négocier les contrats d'armements, a confirmé ce que Charles Millon, alors ministre de la défense, avait déjà indiqué au juge : Jacques Chirac a bien fait cesser le versement des 84 millions d'euros de "commissions" versées aux intermédiaires de cette vente.
"Je me suis engagé à arrêter les paiements aux intermédiaires du réseau K, à savoir essentiellement M. Takieddine qui était en première ligne (...) et à détruire les documents qui pouvaient lier l'Etat français à ce réseau", a-t-il confié à Renaud Van Ruymbeke selon le compte-rendu de son audition, publiée par Mediapart.
"CESSER CES VERSEMENTS, C'ÉTAIT FAIRE COURIR DES RISQUES"
M. Mazens explique qu'il travaillait alors directement avec Dominique de Villepin, secrétaire général de l'Elysée, et avec le chef de l'Etat, Jacques Chirac. Il raconte également que les deux intermédiaires de la vente des sous-marins, Ziad Takkedine (présenté par Mediapart comme un proche de Nicolas Sarkozy, ce qu'il nie) et Abdul Raman al-Assir, ont également été privés d'une autre commission dans le cadre d'une vente de frégates à l'Arabie Saoudite (le contrat Sawari II). Le montant atteignait cette fois 200 millions d'euros.
Toujours selon ce témoignage, lorsque M. Mazens a annoncé a fin des commissions à Dominique Castellan, dirigeant de la branche commerciale de la direction des constructions navales, ce dernier lui aurait expliqué que cesser ces versements "c'était faire courir des risques à ses personnels".
C'est la première fois qu'un témoin fait le lien entre l'arrêt des commissions et l'attentat de 2002. Son témoignage signifie également que l'Etat était sans doute conscient que l'arrêt du versement de ces commissions pouvait avoir des répercussions sur la sécurité des personnels de la DCN.
Surtout, il implique deux nouveaux hommes politiques : Dominique de Villepin et Jacques Chirac.
L'avocat des familles de victimes, Me Olivier Morice, qui cherche à multiplier les procédures pour espérer percer le mur du secret défense, qui a été opposé à toutes les enquêtes menées sur cette affaires, a annoncé que ses clients allaient déposer plainte contre les deux hommes pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui et homicide involontaire".
Samuel Laurent
Un témoin, entendu par le juge Van Ruymbeke jeudi 18 novembre, a confirmé que les versements de commissions (légales jusqu'en 2000) aux intermédiaires de la vente des trois sous-marins Agosta au Pakistan avaient été stoppés en 1995 par Jacques Chirac.
Les familles des victimes soupçonnent que l'arrêt de ses versements, qui auraient pu donner lieu à des rétrocommissions (voir encadré), pourrait être à l'origine de la mort des 11 Français employés par la direction des constructions navales à Karachi.
Le témoin, Michel Mazens, à l'époque haut fonctionnaire en charge de négocier les contrats d'armements, a confirmé ce que Charles Millon, alors ministre de la défense, avait déjà indiqué au juge : Jacques Chirac a bien fait cesser le versement des 84 millions d'euros de "commissions" versées aux intermédiaires de cette vente.
"Je me suis engagé à arrêter les paiements aux intermédiaires du réseau K, à savoir essentiellement M. Takieddine qui était en première ligne (...) et à détruire les documents qui pouvaient lier l'Etat français à ce réseau", a-t-il confié à Renaud Van Ruymbeke selon le compte-rendu de son audition, publiée par Mediapart.
"CESSER CES VERSEMENTS, C'ÉTAIT FAIRE COURIR DES RISQUES"
M. Mazens explique qu'il travaillait alors directement avec Dominique de Villepin, secrétaire général de l'Elysée, et avec le chef de l'Etat, Jacques Chirac. Il raconte également que les deux intermédiaires de la vente des sous-marins, Ziad Takkedine (présenté par Mediapart comme un proche de Nicolas Sarkozy, ce qu'il nie) et Abdul Raman al-Assir, ont également été privés d'une autre commission dans le cadre d'une vente de frégates à l'Arabie Saoudite (le contrat Sawari II). Le montant atteignait cette fois 200 millions d'euros.
Toujours selon ce témoignage, lorsque M. Mazens a annoncé a fin des commissions à Dominique Castellan, dirigeant de la branche commerciale de la direction des constructions navales, ce dernier lui aurait expliqué que cesser ces versements "c'était faire courir des risques à ses personnels".
C'est la première fois qu'un témoin fait le lien entre l'arrêt des commissions et l'attentat de 2002. Son témoignage signifie également que l'Etat était sans doute conscient que l'arrêt du versement de ces commissions pouvait avoir des répercussions sur la sécurité des personnels de la DCN.
Surtout, il implique deux nouveaux hommes politiques : Dominique de Villepin et Jacques Chirac.
L'avocat des familles de victimes, Me Olivier Morice, qui cherche à multiplier les procédures pour espérer percer le mur du secret défense, qui a été opposé à toutes les enquêtes menées sur cette affaires, a annoncé que ses clients allaient déposer plainte contre les deux hommes pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui et homicide involontaire".
Samuel Laurent
mercredi 17 novembre 2010
Karachi : Charles Millon confirme les rétrocommissions
Le Figaro, 17 novembre 2010
L'ancien ministre de la Défense a assuré au juge Van Ruymbeke que des rétrocommissions ont été versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Il y aurait bien eu des rétrocommissions dans l'affaire Karachi. C'est l'ancien ministre de la Défense, Charles Millon, qui l'a lui-même affirmé.
Entendu lundi par le juge Renaud Van Ruymbeke - chargé d'une enquête pour faux témoignage et entrave à la justice dans l'affaire de l'attentat de Karachi en 2002 -, celui-ci a confirmé l'existence de rétrocommissions versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Selon une source proche du dossier, Charles Millon a confié au juge que «dans les quinze jours qui ont suivi» sa nomination au gouvernement en 1995, Jacques Chirac - alors tout juste élu président - lui «a demandé de procéder à la révision des contrats d'armement et de vérifier dans la mesure du possible s'il existait des indices sur l'existence de rétrocommissions».
«Pour le contrat pakistanais, au vu des rapports des services secrets et des analyses qui ont été effectuées par les services du ministère, on a eu une intime conviction qu'il y avait rétrocommissions», a rapporté l'ancien ministre, citant également le contrat Sawari II (vente de frégates à l'Arabie saoudite).
Au cours de cette audition, dont le Nouvel Observateur fait également état dans son édition de jeudi, Charles Millon précise avoir été «en lien direct» avec les collaborateurs de Jacques Chirac, «en particulier avec le secrétaire général, Dominique de Villepin, qu'(il tenait) régulièrement informé des investigations».
Debré oppose le secret du délibéré
Ce témoignage vient étayer une piste explorée depuis plus d'un an dans l'enquête sur l'attentat de Karachi - dans lequel quinze personnes, dont onze Français, avaient trouvé la mort - et donne plus que jamais au dossier l'allure d'une affaire d'État.
Alors que l'attentat avait dans un premier temps été attribué à al-Qaïda, l'enquête s'est par la suite réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt, en 1995, de versements de commissions sur un contrat d'armements.
Or, selon des témoignages et rapports versés au dossier, une partie de cet argent versé à des intermédiaires Pakistanais, pour faciliter la signature des contrats, aurait bénéficié en retour à des responsables français.
Ces rétrocommissions auraient notamment servi au financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1994. Ce que l'ancien premier ministre - dont le ministre du Budget et porte-parole de campagne n'était autre que Nicolas Sarkozy - dément formellement.
Reste qu'en 1995, les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient prôné un rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur. Un avis non suivi par le Conseil, alors présidé par Roland Dumas, qui les avait validés.
Pour quelle raison les rapporteurs avaient-ils rendu cet avis ? Étaient-ils au courant pour les rétrocommissions ?
Pour le savoir, le juge Van Ruymbeke a demandé l'accès au contenu des échanges entre les membres du Conseil. Mais mercredi, une source proche du dossier a indiqué que le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis, lui avait opposé un refus.
Dans un courrier daté du 9 novembre, Jean-Louis Debré argue du «secret qui s'attache aux délibérations», fixé selon lui à 5 ans par l'article 63 de la Constitution.
Pourtant le 20 octobre 2010, Michèle Alliot-Marie, qui était encore garde des Sceaux, avait assuré à l'Assemblée nationale que la justice pouvait avoir accès au contenu de ces débats internes.
Il y a une semaine, c'est le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui avait de la même manière refusé de communiquer au juge les comptes rendus des auditions réalisées par les députés dans cette affaire.
Nourrissant ainsi les soupçons des familles des victimes au sujet de prolongements politiques éventuels de l'affaire Karachi.
L'ancien ministre de la Défense a assuré au juge Van Ruymbeke que des rétrocommissions ont été versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Il y aurait bien eu des rétrocommissions dans l'affaire Karachi. C'est l'ancien ministre de la Défense, Charles Millon, qui l'a lui-même affirmé.
Entendu lundi par le juge Renaud Van Ruymbeke - chargé d'une enquête pour faux témoignage et entrave à la justice dans l'affaire de l'attentat de Karachi en 2002 -, celui-ci a confirmé l'existence de rétrocommissions versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Selon une source proche du dossier, Charles Millon a confié au juge que «dans les quinze jours qui ont suivi» sa nomination au gouvernement en 1995, Jacques Chirac - alors tout juste élu président - lui «a demandé de procéder à la révision des contrats d'armement et de vérifier dans la mesure du possible s'il existait des indices sur l'existence de rétrocommissions».
«Pour le contrat pakistanais, au vu des rapports des services secrets et des analyses qui ont été effectuées par les services du ministère, on a eu une intime conviction qu'il y avait rétrocommissions», a rapporté l'ancien ministre, citant également le contrat Sawari II (vente de frégates à l'Arabie saoudite).
Au cours de cette audition, dont le Nouvel Observateur fait également état dans son édition de jeudi, Charles Millon précise avoir été «en lien direct» avec les collaborateurs de Jacques Chirac, «en particulier avec le secrétaire général, Dominique de Villepin, qu'(il tenait) régulièrement informé des investigations».
Debré oppose le secret du délibéré
Ce témoignage vient étayer une piste explorée depuis plus d'un an dans l'enquête sur l'attentat de Karachi - dans lequel quinze personnes, dont onze Français, avaient trouvé la mort - et donne plus que jamais au dossier l'allure d'une affaire d'État.
Alors que l'attentat avait dans un premier temps été attribué à al-Qaïda, l'enquête s'est par la suite réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt, en 1995, de versements de commissions sur un contrat d'armements.
Or, selon des témoignages et rapports versés au dossier, une partie de cet argent versé à des intermédiaires Pakistanais, pour faciliter la signature des contrats, aurait bénéficié en retour à des responsables français.
Ces rétrocommissions auraient notamment servi au financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1994. Ce que l'ancien premier ministre - dont le ministre du Budget et porte-parole de campagne n'était autre que Nicolas Sarkozy - dément formellement.
Reste qu'en 1995, les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient prôné un rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur. Un avis non suivi par le Conseil, alors présidé par Roland Dumas, qui les avait validés.
Pour quelle raison les rapporteurs avaient-ils rendu cet avis ? Étaient-ils au courant pour les rétrocommissions ?
Pour le savoir, le juge Van Ruymbeke a demandé l'accès au contenu des échanges entre les membres du Conseil. Mais mercredi, une source proche du dossier a indiqué que le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis, lui avait opposé un refus.
Dans un courrier daté du 9 novembre, Jean-Louis Debré argue du «secret qui s'attache aux délibérations», fixé selon lui à 5 ans par l'article 63 de la Constitution.
Pourtant le 20 octobre 2010, Michèle Alliot-Marie, qui était encore garde des Sceaux, avait assuré à l'Assemblée nationale que la justice pouvait avoir accès au contenu de ces débats internes.
Il y a une semaine, c'est le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui avait de la même manière refusé de communiquer au juge les comptes rendus des auditions réalisées par les députés dans cette affaire.
Nourrissant ainsi les soupçons des familles des victimes au sujet de prolongements politiques éventuels de l'affaire Karachi.
Affaire Karachi : Millon confirme l'existence de rétrocommissions
Le Monde, 17 novembre 2010
Nouveau rebondissement dans l'affaire de Karachi : l'ex-ministre de la défense de Jacques Chirac, Charles Millon, a confirmé lundi 15 novembre 2010, devant le juge Renaud Van Ruymbeke, l'existence de rétrocommissions, versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français, selon l'AFP et Le Nouvel Observateur.
En clair, une partie des commissions versées à des intermédiaires ayant aidé à obtenir le contrat revenait en France au bénéfice de certaines personnes.
Charles Millon avait déjà expliqué, en juin 2010 à Paris-Match, qu'il avait bloqué le versement de commissions "pouvant donner lieu à des rétrocommissions".
La justice soupçonne que l'attentat commis en 2002 à Karachi contre des personnels de la direction des constructions navales (DCN), qui avait fait 14 morts, puisse être lié à l'arrêt du versement de ces commissions aux intermédiaires saoudiens et pakistanais du contrat de vente des sous-marins.
Selon Le Nouvel Observateur, Charles Millon aurait cette fois déclaré, lors de son audition : "Le président de la République [Jacques Chirac] m'a dit […] qu'il souhaitait une moralisation de la vie publique et politique et qu'il y avait trop de bruit autour des contrats d'armement dû à l'existence de rétrocommissions. Il m'a donc demandé de faire procéder à une vérification sur tous les contrats."
JEAN-LOUIS DEBRÉ REFUSE DE DIVULGUER DES DOCUMENTS
L'information vient corroborer les conclusions d'un rapport effectué en 2002 par un ancien agent de la direction de la surveillance du territoire (DST), qui jugeait lui aussi que l'arrêt du versement de ces commissions avait conduit à l'attentat de Karachi. Or, les autorités françaises n'ont jamais divulgué les conclusions de ce rapport, avant qu'il ne soit révélé par Le Point en 2008. Durant toutes ces années, la piste suivie par les enquêteurs était celle d'un attentat commandité par Al-Qaida.
Un silence qui pourrait s'expliquer par l'autre volet, politique, de l'affaire : le soupçon selon lequel les intermédiaires aient reversé une partie de leurs commissions, notamment pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995, codirigée par Nicolas Sarkozy.
Un dépôt d'argent liquide de 10 millions de francs avait été effectué sur le compte de campagne du candidat à la présidentielle. Selon l'équipe d'Edouard Balladur, il s'agissait de sommes correspondant à la vente d'articles publicitaires en marge de la campagne. Une explication pour le moins vague.
Les comptes de campagne avaient pourtant été validés par le Conseil constitutionnel.
La justice réclame de pouvoir examiner les délibérations des "sages" à cette époque. Mercredi 17 novembre 2010, Jean-Louis Debré, actuel président du Conseil, a une nouvelle fois refusé de confier ces archives aux juges, arguant du "secret des délibérés".
UN CHANTAGE CONTRE NICOLAS SARKOZY EN 2007 ?
Mediapart révèle mercredi d'autres faits troublants : le versement des commissions aux deux intermédiaires lors de la vente des sous-marins avait donné lieu à la constitution par la DCN de sociétés-écran basées au Luxembourg.
L'une d'elles, Heine, aurait été, selon un rapport de la police luxembourgeoise, supervisée "directement" par Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget.
Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke aurait, selon Mediapart, recueilli plusieurs témoignages d'anciens cadres de la DCN, qui accréditent l'idée d'un montage opaque, permettant de dégager d'importantes sommes d'argent frais.
L'un des éléments de ce montage serait passé par Cedel, une société luxembourgeoise ensuite rebaptisée sous le nom de… Clearstream.
Toujours d'après le site d'information, l'ancien dirigeant de Heine, Jean-Marie Boivin, aurait tenté de faire pression sur des personnalités politiques. C'est du moins ce dont l'accuse, devant le juge, l'ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas.
En 2004, la DCN a décidé de se passer de ses services, lui octroyant une indemnité de 610 200 euros. La somme étant trop modeste aux yeux de l'intéressé, il aurait tenté de la gonfler.
Selon le témoignage de M. Menayas, cité par Mediapart, Jean-Marie Boivin "envoyait des courriers d'abord à l'entreprise, puis à des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président".
Il réclamait huit millions d'euros et menaçait "de faire des révélations" sur les rétrocommissions. Parmi les destinataires de ses courriers de menace, Jacques Chirac, Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy.
Jean-Marie Boivin aurait également raconté à Gérard-Philippe Menayas avoir reçu la visite, au Luxembourg en 2006, d'anciens agents de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure, les services de renseignement français). Ces hommes, qui l'auraient menacé physiquement, auraient été envoyés par l'actuel chef de l'Etat, aurait affirmé M. Boivin à M. Menayas.
Toujours selon ce dernier, Jean-Marie Boivin aurait fini par obtenir une compensation plus importante grâce à un protocole entre Heine, la DCN et l'Etat.
Pour Gérard-Philippe Menayas, cette somme pourrait être une manière d'acheter le silence de M. Boivin.
Nouveau rebondissement dans l'affaire de Karachi : l'ex-ministre de la défense de Jacques Chirac, Charles Millon, a confirmé lundi 15 novembre 2010, devant le juge Renaud Van Ruymbeke, l'existence de rétrocommissions, versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français, selon l'AFP et Le Nouvel Observateur.
En clair, une partie des commissions versées à des intermédiaires ayant aidé à obtenir le contrat revenait en France au bénéfice de certaines personnes.
Charles Millon avait déjà expliqué, en juin 2010 à Paris-Match, qu'il avait bloqué le versement de commissions "pouvant donner lieu à des rétrocommissions".
La justice soupçonne que l'attentat commis en 2002 à Karachi contre des personnels de la direction des constructions navales (DCN), qui avait fait 14 morts, puisse être lié à l'arrêt du versement de ces commissions aux intermédiaires saoudiens et pakistanais du contrat de vente des sous-marins.
Selon Le Nouvel Observateur, Charles Millon aurait cette fois déclaré, lors de son audition : "Le président de la République [Jacques Chirac] m'a dit […] qu'il souhaitait une moralisation de la vie publique et politique et qu'il y avait trop de bruit autour des contrats d'armement dû à l'existence de rétrocommissions. Il m'a donc demandé de faire procéder à une vérification sur tous les contrats."
JEAN-LOUIS DEBRÉ REFUSE DE DIVULGUER DES DOCUMENTS
L'information vient corroborer les conclusions d'un rapport effectué en 2002 par un ancien agent de la direction de la surveillance du territoire (DST), qui jugeait lui aussi que l'arrêt du versement de ces commissions avait conduit à l'attentat de Karachi. Or, les autorités françaises n'ont jamais divulgué les conclusions de ce rapport, avant qu'il ne soit révélé par Le Point en 2008. Durant toutes ces années, la piste suivie par les enquêteurs était celle d'un attentat commandité par Al-Qaida.
Un silence qui pourrait s'expliquer par l'autre volet, politique, de l'affaire : le soupçon selon lequel les intermédiaires aient reversé une partie de leurs commissions, notamment pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995, codirigée par Nicolas Sarkozy.
Un dépôt d'argent liquide de 10 millions de francs avait été effectué sur le compte de campagne du candidat à la présidentielle. Selon l'équipe d'Edouard Balladur, il s'agissait de sommes correspondant à la vente d'articles publicitaires en marge de la campagne. Une explication pour le moins vague.
Les comptes de campagne avaient pourtant été validés par le Conseil constitutionnel.
La justice réclame de pouvoir examiner les délibérations des "sages" à cette époque. Mercredi 17 novembre 2010, Jean-Louis Debré, actuel président du Conseil, a une nouvelle fois refusé de confier ces archives aux juges, arguant du "secret des délibérés".
UN CHANTAGE CONTRE NICOLAS SARKOZY EN 2007 ?
Mediapart révèle mercredi d'autres faits troublants : le versement des commissions aux deux intermédiaires lors de la vente des sous-marins avait donné lieu à la constitution par la DCN de sociétés-écran basées au Luxembourg.
L'une d'elles, Heine, aurait été, selon un rapport de la police luxembourgeoise, supervisée "directement" par Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget.
Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke aurait, selon Mediapart, recueilli plusieurs témoignages d'anciens cadres de la DCN, qui accréditent l'idée d'un montage opaque, permettant de dégager d'importantes sommes d'argent frais.
L'un des éléments de ce montage serait passé par Cedel, une société luxembourgeoise ensuite rebaptisée sous le nom de… Clearstream.
Toujours d'après le site d'information, l'ancien dirigeant de Heine, Jean-Marie Boivin, aurait tenté de faire pression sur des personnalités politiques. C'est du moins ce dont l'accuse, devant le juge, l'ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas.
En 2004, la DCN a décidé de se passer de ses services, lui octroyant une indemnité de 610 200 euros. La somme étant trop modeste aux yeux de l'intéressé, il aurait tenté de la gonfler.
Selon le témoignage de M. Menayas, cité par Mediapart, Jean-Marie Boivin "envoyait des courriers d'abord à l'entreprise, puis à des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président".
Il réclamait huit millions d'euros et menaçait "de faire des révélations" sur les rétrocommissions. Parmi les destinataires de ses courriers de menace, Jacques Chirac, Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy.
Jean-Marie Boivin aurait également raconté à Gérard-Philippe Menayas avoir reçu la visite, au Luxembourg en 2006, d'anciens agents de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure, les services de renseignement français). Ces hommes, qui l'auraient menacé physiquement, auraient été envoyés par l'actuel chef de l'Etat, aurait affirmé M. Boivin à M. Menayas.
Toujours selon ce dernier, Jean-Marie Boivin aurait fini par obtenir une compensation plus importante grâce à un protocole entre Heine, la DCN et l'Etat.
Pour Gérard-Philippe Menayas, cette somme pourrait être une manière d'acheter le silence de M. Boivin.
Episode 7 : Un chantage sur Sarkozy avant 2007 ?
Encore renforcé par ces refus répétés, le volet politique de l'affaire pourrait rebondir à nouveau. Mediapart révèle, le 17 novembre, le contenu de l'audition de Gérard-Philippe Menayas, ancien directeur financier de la DCN, par le juge Van Ruymbeke.
L'homme fait des révélations troublantes : d'une part, que le montage opaque entre Heine, la DCN et d'autres sociétés-écrans, supposé servir au versement des commissions aux deux intermédiaires, passait par Cedel, société luxembourgeoise qui sera plus tard connue sous le nom de Clearstream.
Surtout, Gérard-Philippe Menayas raconte comment, selon lui, Jean-Marie Boivin, Français naturalisé Luxembourgeois, proche du grand-duc et ancien dirigeant de Heine, l'une de ces sociétés-écrans, aurait tenté de faire chanter plusieurs hommes politiques. Estimant insuffisante l'indemnité qu'il avait reçue de la DCN, qui cessait ses activités avec lui, il aurait multiplié les courriers, adressés à "des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président". Il réclamait 8 millions d'euros et menaçait de "faire des révélations" sur les rétrocommissions.
Toujours selon M. Menayas, qui possède des traces écrites de ses conversations, Jean-Marie Boivin aurait évoqué devant lui la visite d'anciens agents de la DGSE qui l'auraient menacé pour qu'il cesse ces courriers. M. Boivin se disait persuadé que ces hommes étaient envoyés par Nicolas Sarkozy. Il aurait fini par toucher une plus grosse somme, qui aurait servi à "acheter" son silence.
Ces révélations en cascade poussent le PS à demander la levée du secret défense sur ce dossier
L'homme fait des révélations troublantes : d'une part, que le montage opaque entre Heine, la DCN et d'autres sociétés-écrans, supposé servir au versement des commissions aux deux intermédiaires, passait par Cedel, société luxembourgeoise qui sera plus tard connue sous le nom de Clearstream.
Surtout, Gérard-Philippe Menayas raconte comment, selon lui, Jean-Marie Boivin, Français naturalisé Luxembourgeois, proche du grand-duc et ancien dirigeant de Heine, l'une de ces sociétés-écrans, aurait tenté de faire chanter plusieurs hommes politiques. Estimant insuffisante l'indemnité qu'il avait reçue de la DCN, qui cessait ses activités avec lui, il aurait multiplié les courriers, adressés à "des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président". Il réclamait 8 millions d'euros et menaçait de "faire des révélations" sur les rétrocommissions.
Toujours selon M. Menayas, qui possède des traces écrites de ses conversations, Jean-Marie Boivin aurait évoqué devant lui la visite d'anciens agents de la DGSE qui l'auraient menacé pour qu'il cesse ces courriers. M. Boivin se disait persuadé que ces hommes étaient envoyés par Nicolas Sarkozy. Il aurait fini par toucher une plus grosse somme, qui aurait servi à "acheter" son silence.
Ces révélations en cascade poussent le PS à demander la levée du secret défense sur ce dossier
Episode 6 : Entraves à l'enquête
Le Monde, 17 novembre 2010
Une question demeure : pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il validé les comptes de campagne d'Edouard Balladur si ceux-ci étaient entachés d'irrégularités ? Le juge Trévidic demande à consulter les archives des délibérations. Mais Jean-Louis Debré, l'actuel président du Conseil constitutionnel, renâcle. A une première requête de l'avocat des victimes, Me Morice, qui souhaite organiser une rencontre entre elles et lui début octobre 2010, il répond par la négative. Il explique par ailleurs au Monde qu'il "faudrait [qu'il y ait] une bonne raison pour rapatrier les archives" des délibérations de 1995. "Donc, en l'état, je ne vois pas comment tirer les choses au clair", conclut M. Debré.
Début novembre 2010, Jean-Louis Debré refuse une nouvelle fois de divulguer le contenus des débats, cette fois au juge Van Ruymbeke. Dans un courrier, il lui oppose le "secret qui s'attache aux délibérations" du Conseil constitutionnel, s'appuyant sur l'article 63 de la Constitution pour estimer qu'il faut attendre vingt-cinq ans avant de rendre publics les débats entre les "sages". Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, a pourtant garanti, à l'Assemblée, que le juge pourrait consulter ces archives.
Interrogé par Le Monde, Roland Dumas, le président socialiste du Conseil constitutionnel en 1995, ne semble pas, quant à lui, se rappeler de cet épisode troublant : "Je n'ai pas le souvenir d'avoir infirmé le rapport des rapporteurs, assure-t-il au Monde. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu le moindre problème sur les comptes de campagne de M. Balladur, comme je ne me rappelle pas que leur rejet ait été préconisé. Pourtant, j'étais quand même dans l'opposition à cette époque..."
Même opacité du côté de l'Assemblée : Lorsque Marc Trévidic demande à consulter les auditions de la commission d'enquête de Bernard Cazeneuve, le président de la commission de la défense, l'UMP Guy Tessier, refuse sèchement. Le juge se tourne alors vers Bernard Accoyer. Mais le président de l'Assemblée nationale refuse à son tour, arguant de la "séparation des pouvoirs" et de la confidentialité de ces auditions. Une plainte a été déposée contre lui par les familles de victimes pour "entrave à la justice".
Par ailleurs, Mediapart affirme, début novembre 2010, que les deux journalistes qui travaillent sur le dossier Karachi ont été "géolocalisés" et mis sous surveillance par la Direction centrale du renseignement intérieur.
Face à cette opacité, les familles de victime adoptent une stratégie : engager des plaintes tous azimuts contre les responsables politique de l'époque pour faire éclater la vérité. Elles portent ainsi plainte, suite au témoignage de Michel Mazens (voir épisode 2), qui a confirmé le rôle de Jacques Chirac et Dominique de Villepin dans l'arrêt du versement des commissions, contre les deux hommes, pour "homicide involontaire" et "mise en danger de la vie d'autrui".
Enfin, François Fillon a refusé au juge Renaud Van Ruymbeke l'autorisation de perquisitionner les locaux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dans le cadre de cette enquête.
Une question demeure : pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il validé les comptes de campagne d'Edouard Balladur si ceux-ci étaient entachés d'irrégularités ? Le juge Trévidic demande à consulter les archives des délibérations. Mais Jean-Louis Debré, l'actuel président du Conseil constitutionnel, renâcle. A une première requête de l'avocat des victimes, Me Morice, qui souhaite organiser une rencontre entre elles et lui début octobre 2010, il répond par la négative. Il explique par ailleurs au Monde qu'il "faudrait [qu'il y ait] une bonne raison pour rapatrier les archives" des délibérations de 1995. "Donc, en l'état, je ne vois pas comment tirer les choses au clair", conclut M. Debré.
Début novembre 2010, Jean-Louis Debré refuse une nouvelle fois de divulguer le contenus des débats, cette fois au juge Van Ruymbeke. Dans un courrier, il lui oppose le "secret qui s'attache aux délibérations" du Conseil constitutionnel, s'appuyant sur l'article 63 de la Constitution pour estimer qu'il faut attendre vingt-cinq ans avant de rendre publics les débats entre les "sages". Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, a pourtant garanti, à l'Assemblée, que le juge pourrait consulter ces archives.
Interrogé par Le Monde, Roland Dumas, le président socialiste du Conseil constitutionnel en 1995, ne semble pas, quant à lui, se rappeler de cet épisode troublant : "Je n'ai pas le souvenir d'avoir infirmé le rapport des rapporteurs, assure-t-il au Monde. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu le moindre problème sur les comptes de campagne de M. Balladur, comme je ne me rappelle pas que leur rejet ait été préconisé. Pourtant, j'étais quand même dans l'opposition à cette époque..."
Même opacité du côté de l'Assemblée : Lorsque Marc Trévidic demande à consulter les auditions de la commission d'enquête de Bernard Cazeneuve, le président de la commission de la défense, l'UMP Guy Tessier, refuse sèchement. Le juge se tourne alors vers Bernard Accoyer. Mais le président de l'Assemblée nationale refuse à son tour, arguant de la "séparation des pouvoirs" et de la confidentialité de ces auditions. Une plainte a été déposée contre lui par les familles de victimes pour "entrave à la justice".
Par ailleurs, Mediapart affirme, début novembre 2010, que les deux journalistes qui travaillent sur le dossier Karachi ont été "géolocalisés" et mis sous surveillance par la Direction centrale du renseignement intérieur.
Face à cette opacité, les familles de victime adoptent une stratégie : engager des plaintes tous azimuts contre les responsables politique de l'époque pour faire éclater la vérité. Elles portent ainsi plainte, suite au témoignage de Michel Mazens (voir épisode 2), qui a confirmé le rôle de Jacques Chirac et Dominique de Villepin dans l'arrêt du versement des commissions, contre les deux hommes, pour "homicide involontaire" et "mise en danger de la vie d'autrui".
Enfin, François Fillon a refusé au juge Renaud Van Ruymbeke l'autorisation de perquisitionner les locaux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dans le cadre de cette enquête.
Karachi, Episode 5 : Bras de fer judiciaire
Fin 2009, le député PS Bernard Cazeneuve avait obtenu la création d'une mission d'information parlementaire sur l'attentat. Les députés ont auditionné des dizaines de personnes liées à l'enquête, dont François Léotard, qui confirme le rôle de M. Takkiedine comme intermédiaire. En avril 2010, M. Cazeneuve dénonce "les blocages absolus" qu'oppose l'exécutif à leur travail, en refusant notamment de déclassifier des documents.
Nouveau rebondissement fin août 2010 : les familles de victimes lancent une nouvelle plainte, pour faux témoignage, contre Jean-Marie Boivin, l'ancien administrateur de Heine, la société off-shore qui faisait transiter les commissions. La plainte conduit le parquet de Paris à ouvrir une information judiciaire, confiée au juge Renaud Van Ruymbeke.
Mais le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, accusé par les familles de victimes d'être proche de l'Elysée, refuse que l'enquête porte sur les accusations de corruption qui concernent les responsables politiques de l'époque, les estimant prescrites. Renaud Van Ruymbeke est donc supposé travailler uniquement sur les soupçons d'entrave à la justice envers la DCN, qui aurait dissimulé des preuves (notamment le rapport "Nautilus"), et sur les faux témoignages de Jean-Marie Boivin, ancien patron de Heine.
Le juge ne l'entend pas de cette oreille. Le 7 octobre, on apprend qu'il passe outre l'avis du procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Estimant que les faits ne sont pas prescrits, il compte enquêter sur les rétrocommissions et leur possible retour en France pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995.
Fin mai, la mission d'information rend son rapport (consultable ici en pdf). Si elle juge toujours la piste islamiste "plausible", elle n'écarte pas pour autant celle des rétrocommissions. "L'absence de preuve ne signifie pas que de telles rétrocommissions aient été absentes du contrat mais rien pour l'heure ne permet d'étayer cette thèse", conclut le rapport. En novembre 2010, Charles Millon confirmera pourtant au juge Van Ruymbeke qu'il y a bien eu des rétrocommissions.
Nouveau rebondissement fin août 2010 : les familles de victimes lancent une nouvelle plainte, pour faux témoignage, contre Jean-Marie Boivin, l'ancien administrateur de Heine, la société off-shore qui faisait transiter les commissions. La plainte conduit le parquet de Paris à ouvrir une information judiciaire, confiée au juge Renaud Van Ruymbeke.
Mais le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, accusé par les familles de victimes d'être proche de l'Elysée, refuse que l'enquête porte sur les accusations de corruption qui concernent les responsables politiques de l'époque, les estimant prescrites. Renaud Van Ruymbeke est donc supposé travailler uniquement sur les soupçons d'entrave à la justice envers la DCN, qui aurait dissimulé des preuves (notamment le rapport "Nautilus"), et sur les faux témoignages de Jean-Marie Boivin, ancien patron de Heine.
Le juge ne l'entend pas de cette oreille. Le 7 octobre, on apprend qu'il passe outre l'avis du procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Estimant que les faits ne sont pas prescrits, il compte enquêter sur les rétrocommissions et leur possible retour en France pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995.
Fin mai, la mission d'information rend son rapport (consultable ici en pdf). Si elle juge toujours la piste islamiste "plausible", elle n'écarte pas pour autant celle des rétrocommissions. "L'absence de preuve ne signifie pas que de telles rétrocommissions aient été absentes du contrat mais rien pour l'heure ne permet d'étayer cette thèse", conclut le rapport. En novembre 2010, Charles Millon confirmera pourtant au juge Van Ruymbeke qu'il y a bien eu des rétrocommissions.
Karachi, Episode 4 : Le nom de Nicolas Sarkozy cité
Le Monde, 17 novembre 2010
Début juin 2010, Mediapart révèle un nouvel élément troublant : selon la police luxembourgeoise, qui enquête elle aussi sur l'affaire, Nicolas Sarkozy serait soupçonné d'être impliqué. En 1994, il aurait donné, en tant que ministre du budget, son accord à la création dans le grand-duché d'une société off-shore, Heine, par laquelle auraient transité des fonds provenant des commissions.
Le document des policiers luxembourgeois explique qu'"une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" et, "en 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission [illégale] pour payer des campagnes politiques en France". "Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR, dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua", ajoutent les policiers du grand-Duché. En France, la droite est unanime à se "scandaliser" de ces "amalgames". La gauche observe un silence prudent, mais réclame une commission d'enquête.
Interrogé sur ces allégations, en mars 2009, en marge d'un sommet européen Nicolas Sarkozy avait nié catégoriquement ces rétrocommissions, évoquant des allégations "ridicules", "grotesques", une "fable". Il s'en amuse, avant de se reprendre : "Je ne ris pas du tout. Karachi, c'est la douleur des familles, des trucs comme ça".
Le 18 juin 2010, le juge Trévidic confirme l'existence de "rétrocommissions illicites" en marge des contrats de vente de sous-marins. Suffisamment pour que l'avocat des familles des victimes de l'attentat, Me Olivier Morice, accuse : "Au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", estime-t-il. Il dénonce par ailleurs l'attitude du parquet, qui, selon lui, refuse de donner au juge les moyens d'enquêter.
Début juin 2010, Mediapart révèle un nouvel élément troublant : selon la police luxembourgeoise, qui enquête elle aussi sur l'affaire, Nicolas Sarkozy serait soupçonné d'être impliqué. En 1994, il aurait donné, en tant que ministre du budget, son accord à la création dans le grand-duché d'une société off-shore, Heine, par laquelle auraient transité des fonds provenant des commissions.
Le document des policiers luxembourgeois explique qu'"une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" et, "en 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission [illégale] pour payer des campagnes politiques en France". "Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR, dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua", ajoutent les policiers du grand-Duché. En France, la droite est unanime à se "scandaliser" de ces "amalgames". La gauche observe un silence prudent, mais réclame une commission d'enquête.
Interrogé sur ces allégations, en mars 2009, en marge d'un sommet européen Nicolas Sarkozy avait nié catégoriquement ces rétrocommissions, évoquant des allégations "ridicules", "grotesques", une "fable". Il s'en amuse, avant de se reprendre : "Je ne ris pas du tout. Karachi, c'est la douleur des familles, des trucs comme ça".
Le 18 juin 2010, le juge Trévidic confirme l'existence de "rétrocommissions illicites" en marge des contrats de vente de sous-marins. Suffisamment pour que l'avocat des familles des victimes de l'attentat, Me Olivier Morice, accuse : "Au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", estime-t-il. Il dénonce par ailleurs l'attitude du parquet, qui, selon lui, refuse de donner au juge les moyens d'enquêter.
Karachi, Episode 3 : Un attentat meurtrier
Le Monde, 17 novembre 2010
Arrivé au pouvoir, Jacques Chirac découvre ces ventes et les commissions. Il demande à son ministre de la défense, Charles Millon, d'enquêter à leur sujet. Celui-ci fait appel à la DGSE, et aurait même demandé la mise sur écoutes de son prédecesseur, François Léotard. Les conclusions de son enquête lui permettent, selon ce qu'il a déclaré au juge Van Ruymbeke, de conclure à l'existence de rétrocommissions.
Fort de ce constat, Jacques Chirac décide en 1996 d'arrêter de verser les commissions dues aux intermédiaires. Il décide aussi de ne pas leur verser l'argent promis pour le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie Saoudite.
Un témoin du juge Van Ruymbeke, Michel Mazens, chargé à l'époque de négocier les contrats d'armement et en liaison constante avec le secrétaire général de l'Elysée, Dominique de Villepin, est envoyé auprès de la DCN pour annoncer la décision du chef de l'Etat. Son interlocuteur, Dominique Castellan, lui aurait alors déclaré que l'arrêt de ces paiements l'inquiétait, car il risquait de "faire courir des risques à ses personnels" à l'étranger. Mais Michel Mazans a ensuite nié, dans un entretien à Libération (lien payant), tout lien entre la fin des rétrocommissions et l'attentat.
Michel Mazens a également confirmé au juge que Jacques Chirac lui avait demandé de ne pas rémunérer Takkedine et al-Assir pour le contrat des frégates en Arabie Saoudite. Un mystère demeure : si les commissions ont été stoppées en 1996, pourquoi l'attentat n'est-il survenu qu'en 2002 ? Car, selon Libération, un flux d'argent aurait continué d'alimenter les comptes des deux intermédiaires, de manière officieuse jusqu'en 2001.
L'année suivante, le 8 mai 2002, un attentat frappe les chantiers de construction navale de Karachi. Un kamikaze jette sa voiture remplie d'explosifs contre un bus qui transporte des personnels français de la Direction des constructions navales (DCN), qui participent à la construction d'un sous-marin. Onze employés français et trois Pakistanais perdent la vie. L'attentat ne sera jamais revendiqué, même si Oussama Ben Laden y fera allusion quelques mois plus tard, dans un message vidéo où il cite une somme d'actions terroristes, dont la prise d'otage du théâtre de Moscou, qui n'avait rien à voir avec Al-Qaida.
Un an après le 11-Septembre, Paris soupçonne prioritairement le réseau terroriste de Ben Laden d'être à l'origine de l'opération, et oriente son enquête, menée par le juge antiterroriste Bruguière, sur les filières terroristes islamistes. Jean-Louis Bruguière, peu apprécié des familles de victimes, est remplacé en 2007 par deux juges (lui-même se présente aux élections législatives sous la bannière de l'UMP). L'un d'entre eux, Marc Trévidic, privilégie une autre piste : l'attentat serait la conséquence de l'arrêt du versement des commissions de la DCN.
Il n'est pas le seul : un ancien agent de la DST (Direction de la sûreté du territoire), employé par la DCN pour enquêter sur l'affaire, exprime les mêmes soupçons dans un rapport baptisé "Nautilus". On peut notamment y lire : " Les personnalités militaires ayant instrumentalisé le groupe islamiste qui a mené à bien l'action poursuivaient un but financier. Il s'agissait d'obtenir le versement de commissions non-honorées, et promises par le réseau [Abdulrahman] El Assir lors de la signature du contrat de septembre 1994. " Mais ce rapport, écrit en 2002, ne sera jamais transmis à la justice par la DCN et restera secret jusqu'à ce que Le Point en révèle l'existence, en 2008.
Arrivé au pouvoir, Jacques Chirac découvre ces ventes et les commissions. Il demande à son ministre de la défense, Charles Millon, d'enquêter à leur sujet. Celui-ci fait appel à la DGSE, et aurait même demandé la mise sur écoutes de son prédecesseur, François Léotard. Les conclusions de son enquête lui permettent, selon ce qu'il a déclaré au juge Van Ruymbeke, de conclure à l'existence de rétrocommissions.
Fort de ce constat, Jacques Chirac décide en 1996 d'arrêter de verser les commissions dues aux intermédiaires. Il décide aussi de ne pas leur verser l'argent promis pour le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie Saoudite.
Un témoin du juge Van Ruymbeke, Michel Mazens, chargé à l'époque de négocier les contrats d'armement et en liaison constante avec le secrétaire général de l'Elysée, Dominique de Villepin, est envoyé auprès de la DCN pour annoncer la décision du chef de l'Etat. Son interlocuteur, Dominique Castellan, lui aurait alors déclaré que l'arrêt de ces paiements l'inquiétait, car il risquait de "faire courir des risques à ses personnels" à l'étranger. Mais Michel Mazans a ensuite nié, dans un entretien à Libération (lien payant), tout lien entre la fin des rétrocommissions et l'attentat.
Michel Mazens a également confirmé au juge que Jacques Chirac lui avait demandé de ne pas rémunérer Takkedine et al-Assir pour le contrat des frégates en Arabie Saoudite. Un mystère demeure : si les commissions ont été stoppées en 1996, pourquoi l'attentat n'est-il survenu qu'en 2002 ? Car, selon Libération, un flux d'argent aurait continué d'alimenter les comptes des deux intermédiaires, de manière officieuse jusqu'en 2001.
L'année suivante, le 8 mai 2002, un attentat frappe les chantiers de construction navale de Karachi. Un kamikaze jette sa voiture remplie d'explosifs contre un bus qui transporte des personnels français de la Direction des constructions navales (DCN), qui participent à la construction d'un sous-marin. Onze employés français et trois Pakistanais perdent la vie. L'attentat ne sera jamais revendiqué, même si Oussama Ben Laden y fera allusion quelques mois plus tard, dans un message vidéo où il cite une somme d'actions terroristes, dont la prise d'otage du théâtre de Moscou, qui n'avait rien à voir avec Al-Qaida.
Un an après le 11-Septembre, Paris soupçonne prioritairement le réseau terroriste de Ben Laden d'être à l'origine de l'opération, et oriente son enquête, menée par le juge antiterroriste Bruguière, sur les filières terroristes islamistes. Jean-Louis Bruguière, peu apprécié des familles de victimes, est remplacé en 2007 par deux juges (lui-même se présente aux élections législatives sous la bannière de l'UMP). L'un d'entre eux, Marc Trévidic, privilégie une autre piste : l'attentat serait la conséquence de l'arrêt du versement des commissions de la DCN.
Il n'est pas le seul : un ancien agent de la DST (Direction de la sûreté du territoire), employé par la DCN pour enquêter sur l'affaire, exprime les mêmes soupçons dans un rapport baptisé "Nautilus". On peut notamment y lire : " Les personnalités militaires ayant instrumentalisé le groupe islamiste qui a mené à bien l'action poursuivaient un but financier. Il s'agissait d'obtenir le versement de commissions non-honorées, et promises par le réseau [Abdulrahman] El Assir lors de la signature du contrat de septembre 1994. " Mais ce rapport, écrit en 2002, ne sera jamais transmis à la justice par la DCN et restera secret jusqu'à ce que Le Point en révèle l'existence, en 2008.
Karachi, Episode 2 : 10 millions de francs en liquide
Le Monde, 17 novembre 2010
Des révélations de Libération fin avril 2010 soulignent une coïncidence troublante : Takkedine et El-Assir parviennent, le 2 juin 1995, à vendre à une banque espagnole leur contrat de commission. Ils empochent directement 54 millions de francs de l'établissement, qui doit se rembourser une fois la commission versée par la DCN.
Quelques jours plus tôt, le 26 avril 1995, 10 millions de francs ont été versés sur le compte de campagne du RPR. Officiellement, il s'agit du produit de collectes organisées durant les meetings. Mais près de la moitié de ces 10 millions (un cinquième du total des recettes de toute la campagne) est constituée de billets de 500 francs.
En avril 2010, le trésorier de la campagne de 1995, René Galy-Dejean, avoue son ignorance quant à cette somme, expliquant : "Cela ne me dit rien. Une telle somme, tout de même, je ne l'aurais pas oubliée."
Les juges soupçonnent que ces fonds proviennent des fameuses rétrocommissions. Une allégation démentie, le 10 novembre 2010 devant le juge Renaud Van Ruymbeke, par Renaud Donnedieu de Vabres.
L'ancien premier ministre publie une tribune dans Le Figaro pour clamer son innocence. Son principal point de défense : le Conseil constitutionnel a validé ses comptes de campagne en 1995. Roland Dumas, qui le présidait à l'époque, dit n'avoir "pas le souvenir" du "moindre problème sur les comptes de campagne".
Les rapporteurs du Conseil ont pourtant notifié par écrit, dans un rapport que Le Monde a pu consulter, plusieurs anomalies graves, dont le versement de ces 10 millions de francs en espèces. Une somme qui pourrait provenir de "rétrocommissions" : le reversement par les intermédiaires d'une partie de la commission qu'ils ont touchée sur la vente des trois sous-marins.
Des révélations de Libération fin avril 2010 soulignent une coïncidence troublante : Takkedine et El-Assir parviennent, le 2 juin 1995, à vendre à une banque espagnole leur contrat de commission. Ils empochent directement 54 millions de francs de l'établissement, qui doit se rembourser une fois la commission versée par la DCN.
Quelques jours plus tôt, le 26 avril 1995, 10 millions de francs ont été versés sur le compte de campagne du RPR. Officiellement, il s'agit du produit de collectes organisées durant les meetings. Mais près de la moitié de ces 10 millions (un cinquième du total des recettes de toute la campagne) est constituée de billets de 500 francs.
En avril 2010, le trésorier de la campagne de 1995, René Galy-Dejean, avoue son ignorance quant à cette somme, expliquant : "Cela ne me dit rien. Une telle somme, tout de même, je ne l'aurais pas oubliée."
Les juges soupçonnent que ces fonds proviennent des fameuses rétrocommissions. Une allégation démentie, le 10 novembre 2010 devant le juge Renaud Van Ruymbeke, par Renaud Donnedieu de Vabres.
L'ancien premier ministre publie une tribune dans Le Figaro pour clamer son innocence. Son principal point de défense : le Conseil constitutionnel a validé ses comptes de campagne en 1995. Roland Dumas, qui le présidait à l'époque, dit n'avoir "pas le souvenir" du "moindre problème sur les comptes de campagne".
Les rapporteurs du Conseil ont pourtant notifié par écrit, dans un rapport que Le Monde a pu consulter, plusieurs anomalies graves, dont le versement de ces 10 millions de francs en espèces. Une somme qui pourrait provenir de "rétrocommissions" : le reversement par les intermédiaires d'une partie de la commission qu'ils ont touchée sur la vente des trois sous-marins.
Karachi, Episode 1 : Une simple vente de sous-marins
Pour comprendre cette affaire, il faut remonter à 1993. Edouard Balladur vient d'être nommé premier ministre par François Mitterrand et la Direction des constructions navales (DCN) cherche, via la Sofma, société chargée de l'export des produits militaires français, à vendre des sous-marins au Pakistan. La France est en concurrence avec l'Allemagne. Pour "motiver" la Sofma, qui doit bâtir un réseau d'intermédiaires au Pakistan, celle-ci doit percevoir, en cas de réussite, 6,25 % du montant de la commande. Une commission alors encore légale.
En 1994, alors que la vente de trois sous-marins est sur le point de se conclure, deux intermédiaires entrent en scène : Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir, deux hommes d'affaires libanais. Aujourd'hui, le premier nie toute implication dans ces ventes, malgré les preuves publiées par le site Bakchich. Les deux hommes seront également sollicités pour un autre contrat, cette fois pour trois frégates, à l'Arabie Saoudite. Un contrat à 19 milliards de francs, dont ils devaient toucher 18% du montant sous forme de commission.
Renaud Donnedieu de Vabres, chargé de mission auprès du ministre de la défense, François Léotard, les impose dans les négociations, alors même que, selon plusieurs sources, ils ne font que peu de choses concrètes pour cette vente. Selon des témoignages d'anciens responsables de la DCN, la consigne de les embaucher serait venue directement de Matignon, donc d'Edouard Balladur.
Libération révèle par ailleurs en octobre 2010 une note datée du début 1994 dans laquelle la direction du Trésor déconseille au premier ministre de conclure ce contrat, évoquant "la situation financière précaire du Pakistan". Surtout, le contrat est signé à perte, comme le constatera la Cour des comptes dans un audit de 1999.
Les avertissements ne sont pas entendus. Le 21 septembre 1994, un contrat, baptisé Agosta, est signé entre Paris et Karachi. Le Pakistan achète pour 5,41 milliards de francs (826 millions d'euros) de sous-marins. La Sofma va récupérer 6,25 % du total, soit 338 millions de francs. Quant à Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, il doivent percevoir, via leur société off-shore Mercor, 4 % de commission, soit 216 millions de francs.
Une partie de ces fonds doit servir à rémunérer les intermédiaires pakistanais. Fait inhabituel, les deux hommes exigent la somme dès janvier 1995, contrairement aux habitudes du secteur, où l'on attend parfois plusieurs années avant le versement des commissions.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle en France. La droite est engagée dans une lutte fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Celui-ci s'appuie avant tout sur deux fidèles : son directeur de cabinet, Nicolas Bazire, et Nicolas Sarkozy, ministre du budget et de la communication, qui copilote la campagne d'Edouard Balladur.
En 1994, alors que la vente de trois sous-marins est sur le point de se conclure, deux intermédiaires entrent en scène : Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir, deux hommes d'affaires libanais. Aujourd'hui, le premier nie toute implication dans ces ventes, malgré les preuves publiées par le site Bakchich. Les deux hommes seront également sollicités pour un autre contrat, cette fois pour trois frégates, à l'Arabie Saoudite. Un contrat à 19 milliards de francs, dont ils devaient toucher 18% du montant sous forme de commission.
Renaud Donnedieu de Vabres, chargé de mission auprès du ministre de la défense, François Léotard, les impose dans les négociations, alors même que, selon plusieurs sources, ils ne font que peu de choses concrètes pour cette vente. Selon des témoignages d'anciens responsables de la DCN, la consigne de les embaucher serait venue directement de Matignon, donc d'Edouard Balladur.
Libération révèle par ailleurs en octobre 2010 une note datée du début 1994 dans laquelle la direction du Trésor déconseille au premier ministre de conclure ce contrat, évoquant "la situation financière précaire du Pakistan". Surtout, le contrat est signé à perte, comme le constatera la Cour des comptes dans un audit de 1999.
Les avertissements ne sont pas entendus. Le 21 septembre 1994, un contrat, baptisé Agosta, est signé entre Paris et Karachi. Le Pakistan achète pour 5,41 milliards de francs (826 millions d'euros) de sous-marins. La Sofma va récupérer 6,25 % du total, soit 338 millions de francs. Quant à Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, il doivent percevoir, via leur société off-shore Mercor, 4 % de commission, soit 216 millions de francs.
Une partie de ces fonds doit servir à rémunérer les intermédiaires pakistanais. Fait inhabituel, les deux hommes exigent la somme dès janvier 1995, contrairement aux habitudes du secteur, où l'on attend parfois plusieurs années avant le versement des commissions.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle en France. La droite est engagée dans une lutte fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Celui-ci s'appuie avant tout sur deux fidèles : son directeur de cabinet, Nicolas Bazire, et Nicolas Sarkozy, ministre du budget et de la communication, qui copilote la campagne d'Edouard Balladur.
lundi 25 octobre 2010
Pétrole contre nourriture : non-lieu requis pour Charles Pasqua et Total
Le Monde, 25 octobre 2010
Le parquet de Paris a requis un non-lieu pour l'ancien ministre français Charles Pasqua et l'entreprise Total dans l'enquête sur des malversations présumées au sein du programme onusien en Irak "Pétrole contre nourriture", selon des sources proches du dossier.
Une enquête avait été ouverte en 2002 autour de plusieurs personnalités françaises soupçonnées d'avoir perçu des commissions occultes, sous forme d'allocations de barils de pétrole, de la part du régime irakien de Saddam Hussein, en violation du programme de l'ONU "Pétrole contre nourriture", au début des années 2000. Au total, vingt personnes physiques, dont l'une est depuis morte, et deux entreprises, Total et Vitol, ont été mises en examen dans ce dossier.
Le parquet de Paris avait déjà pris des réquisitions en septembre 2009, mais en février 2010 un nouveau juge chargé de l'enquête, Serge Tournaire, avait finalement mis en examen le groupe Total en tant que personne morale pour corruption d'agent étranger, complicité et recel de trafic d'influence.
Cette décision a relancé l'enquête et amené le parquet à prendre de nouvelles réquisitions.
PAS DE PREUVES SUFFISANTES
Le parquet a notamment considéré que l'enquête n'avait pas permis de démontrer que le patron de Total, Christophe de Margerie, s'était rendu complice d'abus de biens sociaux et que M. Pasqua s'était livré à du trafic d'influence.
Il a requis en milieu de semaine dernière un non-lieu en leur faveur, de même que pour Total en tant que personne morale, selon ces sources. Il revient désormais au juge Tournaire de décider de leur éventuel renvoi devant le tribunal correctionnel.
Au cœur de cette investigation se trouve la politique de pots-de-vin et de surfacturation imposée par le régime de Saddam Hussein pour contourner le programme onusien permettant à Bagdad de vendre du pétrole en échange d'aide humanitaire et de produits alimentaires.
L'enquête s'est orientée vers des personnalités françaises susceptibles d'en avoir bénéficié, dont M. Pasqua, son conseiller diplomatique, Bernard Guillet, ou encore l'homme d'affaires proches des anciens dirigeants irakiens, Claude Kaspereit.
Le parquet de Paris a requis un non-lieu pour l'ancien ministre français Charles Pasqua et l'entreprise Total dans l'enquête sur des malversations présumées au sein du programme onusien en Irak "Pétrole contre nourriture", selon des sources proches du dossier.
Une enquête avait été ouverte en 2002 autour de plusieurs personnalités françaises soupçonnées d'avoir perçu des commissions occultes, sous forme d'allocations de barils de pétrole, de la part du régime irakien de Saddam Hussein, en violation du programme de l'ONU "Pétrole contre nourriture", au début des années 2000. Au total, vingt personnes physiques, dont l'une est depuis morte, et deux entreprises, Total et Vitol, ont été mises en examen dans ce dossier.
Le parquet de Paris avait déjà pris des réquisitions en septembre 2009, mais en février 2010 un nouveau juge chargé de l'enquête, Serge Tournaire, avait finalement mis en examen le groupe Total en tant que personne morale pour corruption d'agent étranger, complicité et recel de trafic d'influence.
Cette décision a relancé l'enquête et amené le parquet à prendre de nouvelles réquisitions.
PAS DE PREUVES SUFFISANTES
Le parquet a notamment considéré que l'enquête n'avait pas permis de démontrer que le patron de Total, Christophe de Margerie, s'était rendu complice d'abus de biens sociaux et que M. Pasqua s'était livré à du trafic d'influence.
Il a requis en milieu de semaine dernière un non-lieu en leur faveur, de même que pour Total en tant que personne morale, selon ces sources. Il revient désormais au juge Tournaire de décider de leur éventuel renvoi devant le tribunal correctionnel.
Au cœur de cette investigation se trouve la politique de pots-de-vin et de surfacturation imposée par le régime de Saddam Hussein pour contourner le programme onusien permettant à Bagdad de vendre du pétrole en échange d'aide humanitaire et de produits alimentaires.
L'enquête s'est orientée vers des personnalités françaises susceptibles d'en avoir bénéficié, dont M. Pasqua, son conseiller diplomatique, Bernard Guillet, ou encore l'homme d'affaires proches des anciens dirigeants irakiens, Claude Kaspereit.
vendredi 15 octobre 2010
Attentats de Karachi : une note secrète de Bercy sème le doute
Le Monde, 15 octobre 2010
Selon des informations diffusées par Mediapart, une note classée "confidentiel défense" datant de 1993 et adressée à Matignon "montre que le contrat des sous-marins Agosta au cœur de l'affaire de Karachi était considéré par un haut fonctionnaire de Bercy, alors au service du ministre des finances Michel Sapin (PS), comme 'risqué' et 'déraisonnable' pour l'Etat".
Or, explique le site, le contrat sera quand même signé "en hâte" en septembre 1994 par le gouvernement d'Edouard Balladur, avec l'aval de François Léotard, alors ministre de la défense, et de Nicolas Sarkozy, ministre du budget.
"ARRIÈRE-PENSÉES POLITIQUES"
Quinze personnes, dont onze employés français de la direction des constructions navales (DCN), qui travaillaient à l'exécution du contrat Agosta au Pakistan, ont été tuées le 8 mai 2002 dans un attentat à Karachi.
Une "vengeance" qui pourrait être liée au non-versement de rétrocommissions illégales à des intermédiaires pakistanais chargés de faciliter l'exécution du contrat, d'une valeur de 826 millions d'euros. La justice soupçonne le RPR d'avoir récupéré ces rétrocommissions pour alimenter son compte de campagne.
Selon Mediapart, "la découverte de ce document confidentiel vient renforcer, une fois de plus, les soupçons sur les arrière-pensées politiques qui ont présidé à la conclusion de ce marché d'armement".
Au mois de juin, Mediapart avait rendu public des éléments d'un rapport de synthèse de la police luxembourgeoise, daté du 19 janvier 2010, qui met en cause Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, pour avoir "directement supervisé et validé depuis Bercy la constitution au Luxembourg d'une obscure société offshore, baptisée Heine, par laquelle ont transité les commissions".
Selon des informations diffusées par Mediapart, une note classée "confidentiel défense" datant de 1993 et adressée à Matignon "montre que le contrat des sous-marins Agosta au cœur de l'affaire de Karachi était considéré par un haut fonctionnaire de Bercy, alors au service du ministre des finances Michel Sapin (PS), comme 'risqué' et 'déraisonnable' pour l'Etat".
Or, explique le site, le contrat sera quand même signé "en hâte" en septembre 1994 par le gouvernement d'Edouard Balladur, avec l'aval de François Léotard, alors ministre de la défense, et de Nicolas Sarkozy, ministre du budget.
"ARRIÈRE-PENSÉES POLITIQUES"
Quinze personnes, dont onze employés français de la direction des constructions navales (DCN), qui travaillaient à l'exécution du contrat Agosta au Pakistan, ont été tuées le 8 mai 2002 dans un attentat à Karachi.
Une "vengeance" qui pourrait être liée au non-versement de rétrocommissions illégales à des intermédiaires pakistanais chargés de faciliter l'exécution du contrat, d'une valeur de 826 millions d'euros. La justice soupçonne le RPR d'avoir récupéré ces rétrocommissions pour alimenter son compte de campagne.
Selon Mediapart, "la découverte de ce document confidentiel vient renforcer, une fois de plus, les soupçons sur les arrière-pensées politiques qui ont présidé à la conclusion de ce marché d'armement".
Au mois de juin, Mediapart avait rendu public des éléments d'un rapport de synthèse de la police luxembourgeoise, daté du 19 janvier 2010, qui met en cause Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, pour avoir "directement supervisé et validé depuis Bercy la constitution au Luxembourg d'une obscure société offshore, baptisée Heine, par laquelle ont transité les commissions".
jeudi 14 octobre 2010
M. Dumas n'a pas souvenir d'anomalies dans les comptes de campagne de M. Balladur
Le Monde, 14 octobre 2010
Le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, n'a manifestement pas l'intention de lever le voile sur l'étrange validation, en octobre 1995, des comptes de campagne d'Edouard Balladur, alors premier ministre, contre l'avis négatif des rapporteurs.
"Toutes les archives sont entreposées à Fontainebleau, indique-t-il au Monde, nous n'avons plus rien rue Montpensier, je ne sais évidemment pas ce qu'a saisi la justice. Je n'étais pas à cette place en 1995, je n'ai pas le droit d'interroger les anciens membres, il faudrait que j'ai une bonne raison pour rapatrier les archives. Donc, en l'état, je ne vois pas comment tirer les choses au clair, seule est valable la délibération du Conseil constitutionnel, en 1995..."
Interrogé, Roland Dumas, le président socialiste du Conseil constitutionnel en 1995, ne semble pas, quant à lui, se rappeler de cet épisode troublant : "Je n'ai pas le souvenir d'avoir infirmé le rapport des rapporteurs, assure-t-il au Monde. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu le moindre problème sur les comptes de campagne de M. Balladur, comme je ne me rappelle pas que leur rejet ait été préconisé. Pourtant, j'étais quand même dans l'opposition à cette époque..."
Cette affaire s'invite dans un climat politique tendu, en marge de l'enquête sur l'attentat de Karachi. La séance d'octobre 1995 du Conseil constitutionnel revêt une importance cruciale. En effet, l'une des hypothèses soulevées par l'instruction de M. Trévidic est que l'arrêt des versements des commissions promises au Pakistan par le gouvernement Balladur aurait enclenché un mécanisme conduisant à l'attentat de Karachi, dans lequel ont péri, en 2002, 14 personnes, dont 11 Français.
"UN RAPPORT ACCABLANT"
Le juge Van Ruymbeke estime, dans une ordonnance datée du 6 octobre, qu'un lien peut être établi entre d'éventuelles rétro-commissions opérées en France à l'occasion de ce marché, via plusieurs intermédiaires, et l'alimentation suspecte du compte de campagne de M. Balladur. D'où l'intérêt subit pour la séance houleuse d'octobre 1995 du Conseil constitutionnel.
En effet, les rapporteurs chargés d'inspecter les comptes de l'ancien premier ministre relèvent plusieurs anomalies de taille, dans leur rapport que Le Monde a pu consulter. Ils dénoncent le versement en espèces de 10 250 000 francs (1 562 602 euros), le 26 avril 1995, "dépourvu de tout justificatif (...) et dont l'origine n'est accompagnée d'aucun commencement de preuve". Et les rapporteurs de préciser : "Le candidat ne sait manifestement pas quelle argumentation opposer aux questions de vos rapporteurs."
Curieusement, le Conseil constitutionnel présidé par M. Dumas finira pourtant par valider les comptes de M. Balladur, au grand dam des rapporteurs.
"Ce rapport des enquêteurs du Conseil constitutionnel est accablant, déclare le député PS Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi. Nous souhaitons savoir pourquoi le Conseil constitutionnel est allé à l'encontre de l'avis de ses rapporteurs."
Gérard Davet et Patrick Roger
Le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, n'a manifestement pas l'intention de lever le voile sur l'étrange validation, en octobre 1995, des comptes de campagne d'Edouard Balladur, alors premier ministre, contre l'avis négatif des rapporteurs.
"Toutes les archives sont entreposées à Fontainebleau, indique-t-il au Monde, nous n'avons plus rien rue Montpensier, je ne sais évidemment pas ce qu'a saisi la justice. Je n'étais pas à cette place en 1995, je n'ai pas le droit d'interroger les anciens membres, il faudrait que j'ai une bonne raison pour rapatrier les archives. Donc, en l'état, je ne vois pas comment tirer les choses au clair, seule est valable la délibération du Conseil constitutionnel, en 1995..."
Interrogé, Roland Dumas, le président socialiste du Conseil constitutionnel en 1995, ne semble pas, quant à lui, se rappeler de cet épisode troublant : "Je n'ai pas le souvenir d'avoir infirmé le rapport des rapporteurs, assure-t-il au Monde. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu le moindre problème sur les comptes de campagne de M. Balladur, comme je ne me rappelle pas que leur rejet ait été préconisé. Pourtant, j'étais quand même dans l'opposition à cette époque..."
Cette affaire s'invite dans un climat politique tendu, en marge de l'enquête sur l'attentat de Karachi. La séance d'octobre 1995 du Conseil constitutionnel revêt une importance cruciale. En effet, l'une des hypothèses soulevées par l'instruction de M. Trévidic est que l'arrêt des versements des commissions promises au Pakistan par le gouvernement Balladur aurait enclenché un mécanisme conduisant à l'attentat de Karachi, dans lequel ont péri, en 2002, 14 personnes, dont 11 Français.
"UN RAPPORT ACCABLANT"
Le juge Van Ruymbeke estime, dans une ordonnance datée du 6 octobre, qu'un lien peut être établi entre d'éventuelles rétro-commissions opérées en France à l'occasion de ce marché, via plusieurs intermédiaires, et l'alimentation suspecte du compte de campagne de M. Balladur. D'où l'intérêt subit pour la séance houleuse d'octobre 1995 du Conseil constitutionnel.
En effet, les rapporteurs chargés d'inspecter les comptes de l'ancien premier ministre relèvent plusieurs anomalies de taille, dans leur rapport que Le Monde a pu consulter. Ils dénoncent le versement en espèces de 10 250 000 francs (1 562 602 euros), le 26 avril 1995, "dépourvu de tout justificatif (...) et dont l'origine n'est accompagnée d'aucun commencement de preuve". Et les rapporteurs de préciser : "Le candidat ne sait manifestement pas quelle argumentation opposer aux questions de vos rapporteurs."
Curieusement, le Conseil constitutionnel présidé par M. Dumas finira pourtant par valider les comptes de M. Balladur, au grand dam des rapporteurs.
"Ce rapport des enquêteurs du Conseil constitutionnel est accablant, déclare le député PS Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi. Nous souhaitons savoir pourquoi le Conseil constitutionnel est allé à l'encontre de l'avis de ses rapporteurs."
Gérard Davet et Patrick Roger
samedi 9 octobre 2010
Les dix patates chaudes d’Edouard Balladur
Libération, 8 octobre 2010, Par GUILLAUME DASQUIÉ
Affaire de Karachi . Le juge Van Ruymbecke veut enquêter sur les 10 millions de francs versés sur les comptes du candidat en 1995.
Le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke a annoncé hier son intention d’enquêter sur le financement de la campagne électorale du candidat Edouard Balladur en 1995. Dans une ordonnance de sept pages, dont nous avons eu copie, le juge révèle notamment qu’à l’époque les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient préconisé «le rejet des comptes».
Ils ont été finalement validés. Pourtant, les rapporteurs s’interrogeaient sur dix millions de francs versés en liquide, dont Libération avait révélé l’existence en avril. Selon Renaud Van Ruymbeke, les rapporteurs estimaient que «l’allégation du candidat» sur l’origine de ces 10 millions était «à l’évidence démentie par le fonctionnement du compte».
Sous-marins. Renaud Van Ruymbeke a donc l’intention d’enquêter sur d’éventuels «faits de corruption active et passive». Mais le parquet s’y oppose, et va faire appel de l’ordonnance du juge. La chambre de l’instruction de la cour d’appel tranchera ce différend dans les trois mois.
Ce nouveau développement fait suite aux découvertes de nature financière réalisées dans l’enquête sur l’attaque terroriste du 8 mai 2002, ayant tué 11 salariés français à Karachi, tous expatriés sur place pour livrer trois sous-marins à la marine pakistanaise. L’arrêt du versement de commissions sur la vente de ces sous-marins pourrait être à l’origine de l’attentat. Ces commissions ont été stoppées par Jacques Chirac après son arrivée au pouvoir en 1995. Elles pourraient avoir donné lieu à des rétrocommissions pour financer la campagne d’Edouard Balladur. A ce jour, le lien de causalité n’est pas démontré entre l’attentat et les éventuels versements.
Mais la mise en évidence de mouvements bancaires susceptibles d’avoir rempli les caisses du candidat a entraîné un premier dépôt de plainte de la part des familles des victimes, au mois de décembre 2009, notamment pour corruption. Et déclenché une enquête préliminaire.
Celle-ci, confiée à la brigade centrale de lutte contre la corruption basée à Nanterre (Hauts-de-Seine), a profité, selon nos informations, des explications que lui a apportées Emmanuel Aris, le coordonnateur des commissions versées par le fabricant des sous-marins. Mais aussi des éclaircissements d’Amir Lodhi, principal intermédiaire pakistanais, installé à Monaco, dont l’appartement de l’avenue Foch à Paris a été perquisitionné. La brigade a placé sous scellés plusieurs pièces comptables archivées au Conseil constitutionnel et relatives au financement de la campagne Balladur.
Dans ces documents, les enquêteurs se sont intéressés à une série de chèques importants enregistrés sur son compte de campagne, mais aussi au fameux dépôt de 10 millions. «Le candidat ne sait manifestement pas quelle argumentation opposer» aux questions sur ces 10 millions, relevaient les rapporteurs du Conseil constitutionnel, selon un extrait de leur rapport lu hier par l’avocat des familles des victimes, Me Olivier Morice. «L’origine» de cette somme «n’est accompagnée d’aucun commencement de preuve», ajoutaient-ils.
Audit. Sans les procédures pénales en cours, rien n’aurait permis de connaître les conclusions de cet audit. Les sages du Conseil constitutionnel n’étaient pas tenus de s’y conformer. Comme nous l’a confirmé Noëlle Lenoir, l’une des neuf membres du Conseil qui a validé le 11 octobre 1995 les comptes de campagnes d’Edouard Balladur.
Quant à son trésorier de l’époque, René Galy-Dejean, il se montre pour l’heure avare d’explications. «Je ne savais pas tout ce qui se passait. Cependant, je ne connais pas de zone d’ombre dans ce que j’ai vécu. Mais peut-être faisais-je partie des naïfs», nous confiait-il le 6 septembre, un rien ironique, à propos de ces divers encaissements.
Affaire de Karachi . Le juge Van Ruymbecke veut enquêter sur les 10 millions de francs versés sur les comptes du candidat en 1995.
Le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke a annoncé hier son intention d’enquêter sur le financement de la campagne électorale du candidat Edouard Balladur en 1995. Dans une ordonnance de sept pages, dont nous avons eu copie, le juge révèle notamment qu’à l’époque les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient préconisé «le rejet des comptes».
Ils ont été finalement validés. Pourtant, les rapporteurs s’interrogeaient sur dix millions de francs versés en liquide, dont Libération avait révélé l’existence en avril. Selon Renaud Van Ruymbeke, les rapporteurs estimaient que «l’allégation du candidat» sur l’origine de ces 10 millions était «à l’évidence démentie par le fonctionnement du compte».
Sous-marins. Renaud Van Ruymbeke a donc l’intention d’enquêter sur d’éventuels «faits de corruption active et passive». Mais le parquet s’y oppose, et va faire appel de l’ordonnance du juge. La chambre de l’instruction de la cour d’appel tranchera ce différend dans les trois mois.
Ce nouveau développement fait suite aux découvertes de nature financière réalisées dans l’enquête sur l’attaque terroriste du 8 mai 2002, ayant tué 11 salariés français à Karachi, tous expatriés sur place pour livrer trois sous-marins à la marine pakistanaise. L’arrêt du versement de commissions sur la vente de ces sous-marins pourrait être à l’origine de l’attentat. Ces commissions ont été stoppées par Jacques Chirac après son arrivée au pouvoir en 1995. Elles pourraient avoir donné lieu à des rétrocommissions pour financer la campagne d’Edouard Balladur. A ce jour, le lien de causalité n’est pas démontré entre l’attentat et les éventuels versements.
Mais la mise en évidence de mouvements bancaires susceptibles d’avoir rempli les caisses du candidat a entraîné un premier dépôt de plainte de la part des familles des victimes, au mois de décembre 2009, notamment pour corruption. Et déclenché une enquête préliminaire.
Celle-ci, confiée à la brigade centrale de lutte contre la corruption basée à Nanterre (Hauts-de-Seine), a profité, selon nos informations, des explications que lui a apportées Emmanuel Aris, le coordonnateur des commissions versées par le fabricant des sous-marins. Mais aussi des éclaircissements d’Amir Lodhi, principal intermédiaire pakistanais, installé à Monaco, dont l’appartement de l’avenue Foch à Paris a été perquisitionné. La brigade a placé sous scellés plusieurs pièces comptables archivées au Conseil constitutionnel et relatives au financement de la campagne Balladur.
Dans ces documents, les enquêteurs se sont intéressés à une série de chèques importants enregistrés sur son compte de campagne, mais aussi au fameux dépôt de 10 millions. «Le candidat ne sait manifestement pas quelle argumentation opposer» aux questions sur ces 10 millions, relevaient les rapporteurs du Conseil constitutionnel, selon un extrait de leur rapport lu hier par l’avocat des familles des victimes, Me Olivier Morice. «L’origine» de cette somme «n’est accompagnée d’aucun commencement de preuve», ajoutaient-ils.
Audit. Sans les procédures pénales en cours, rien n’aurait permis de connaître les conclusions de cet audit. Les sages du Conseil constitutionnel n’étaient pas tenus de s’y conformer. Comme nous l’a confirmé Noëlle Lenoir, l’une des neuf membres du Conseil qui a validé le 11 octobre 1995 les comptes de campagnes d’Edouard Balladur.
Quant à son trésorier de l’époque, René Galy-Dejean, il se montre pour l’heure avare d’explications. «Je ne savais pas tout ce qui se passait. Cependant, je ne connais pas de zone d’ombre dans ce que j’ai vécu. Mais peut-être faisais-je partie des naïfs», nous confiait-il le 6 septembre, un rien ironique, à propos de ces divers encaissements.
Campagne de 1995: les documents qui accablent Balladur
Libération, 8 octobre 2010 Par GUILLAUME DASQUIÉ
Depuis hier, les archives confidentielles du Conseil Constitutionnel affolent les Balladuriens. Libération publie les extraits les plus sulfureux de ces archives, dans le fichier à télécharger ici.
Ils montrent qu’en 1995 de graves irrégularités ont entaché le financement de la candidature d’Édouard Balladur à la présidentielle, dont Nicolas Sarkozy était alors le porte-parole.
Dans le cadre d’un nouveau prolongement du dossier sur l’attentat de Karachi, la Brigade centrale de lutte contre la corruption, à Nanterre, a fouillé au printemps dernier les délibérations et les audits des comptes de campagnes d’Édouard Balladur pour l’élection présidentielle de 1995.
Les liasses de factures et de comptes en banque, archivés au Conseil Constitutionnel, sont d’ordinaire soumises au secret pour une période de 25 ans.
En les explorant, les enquêteurs ont trouvé une perle. Les trois experts financiers chargés d’examiner cette comptabilité, auprès du Conseil Constitutionnel, proposaient ni plus ni moins « le rejet du compte de campagne » de Balladur. Motif : trop de versements en espèce injustifiés.
Le document que nous mettons en ligne aujourd’hui synthétise l’intégralité des découvertes des policiers sur ces dysfonctionnements. Elles portent en particulier sur un versement en espèce de 10 millions de francs, dont Libération avait révélé l’existence au mois d’avril 2010.
Et sur les relevés bancaires relatifs à cette opération émanant d’une agence du Crédit Nord chargée du compte de Balladur, située boulevard Haussmann à Paris.
Ces révélations sont répertoriées dans la décision d’hier du juge financier Renaud Van Ruymbeke d’ouvrir une information judiciaire sur les commissions occultes entourant la vente de trois sous-marins au Pakistan, conclue le 21 septembre 1994 par le gouvernement Balladur.
Deux intermédiaires libanais imposés par le pouvoir de l’époque ont reçu d’importantes commissions sur ce contrat, qu’ils auraient pu rétrocéder à des dirigeants politiques, selon divers témoignages versés au dossier.
Ce rebondissement répond aux découvertes de nature financière réalisées dans l’enquête sur l’attaque terroriste du 8 mai 2002, ayant tué onze salariés Français, tous expatriés sur place pour livrer les trois sous-marins promis à la marine pakistanaise.
L’instruction antiterroriste, ouverte depuis près de huit ans, est aujourd'hui confiée au juge Marc Trévidic. À ce jour aucun lien de causalité n’est formellement démontré entre l’attentat lui-même et les malversations constatées sur ce contrat d’armement.
Selon deux représentantes des familles des victimes, Sandrine Leclerc et Magali Drouet «le juge estime qu’un différend financier à l’origine de l’attentat doit être retenu comme une hypothèse très sérieuse», comme il le leur avait confié lors d’une audience des parties civiles, organisée le 18 juin 2010.
Depuis hier, les archives confidentielles du Conseil Constitutionnel affolent les Balladuriens. Libération publie les extraits les plus sulfureux de ces archives, dans le fichier à télécharger ici.
Ils montrent qu’en 1995 de graves irrégularités ont entaché le financement de la candidature d’Édouard Balladur à la présidentielle, dont Nicolas Sarkozy était alors le porte-parole.
Dans le cadre d’un nouveau prolongement du dossier sur l’attentat de Karachi, la Brigade centrale de lutte contre la corruption, à Nanterre, a fouillé au printemps dernier les délibérations et les audits des comptes de campagnes d’Édouard Balladur pour l’élection présidentielle de 1995.
Les liasses de factures et de comptes en banque, archivés au Conseil Constitutionnel, sont d’ordinaire soumises au secret pour une période de 25 ans.
En les explorant, les enquêteurs ont trouvé une perle. Les trois experts financiers chargés d’examiner cette comptabilité, auprès du Conseil Constitutionnel, proposaient ni plus ni moins « le rejet du compte de campagne » de Balladur. Motif : trop de versements en espèce injustifiés.
Le document que nous mettons en ligne aujourd’hui synthétise l’intégralité des découvertes des policiers sur ces dysfonctionnements. Elles portent en particulier sur un versement en espèce de 10 millions de francs, dont Libération avait révélé l’existence au mois d’avril 2010.
Et sur les relevés bancaires relatifs à cette opération émanant d’une agence du Crédit Nord chargée du compte de Balladur, située boulevard Haussmann à Paris.
Ces révélations sont répertoriées dans la décision d’hier du juge financier Renaud Van Ruymbeke d’ouvrir une information judiciaire sur les commissions occultes entourant la vente de trois sous-marins au Pakistan, conclue le 21 septembre 1994 par le gouvernement Balladur.
Deux intermédiaires libanais imposés par le pouvoir de l’époque ont reçu d’importantes commissions sur ce contrat, qu’ils auraient pu rétrocéder à des dirigeants politiques, selon divers témoignages versés au dossier.
Ce rebondissement répond aux découvertes de nature financière réalisées dans l’enquête sur l’attaque terroriste du 8 mai 2002, ayant tué onze salariés Français, tous expatriés sur place pour livrer les trois sous-marins promis à la marine pakistanaise.
L’instruction antiterroriste, ouverte depuis près de huit ans, est aujourd'hui confiée au juge Marc Trévidic. À ce jour aucun lien de causalité n’est formellement démontré entre l’attentat lui-même et les malversations constatées sur ce contrat d’armement.
Selon deux représentantes des familles des victimes, Sandrine Leclerc et Magali Drouet «le juge estime qu’un différend financier à l’origine de l’attentat doit être retenu comme une hypothèse très sérieuse», comme il le leur avait confié lors d’une audience des parties civiles, organisée le 18 juin 2010.
vendredi 8 octobre 2010
Karachi : le juge Van Ruymbeke veut enquêter largement
Le Monde, 8 octobre 2010
Le juge du pôle financier, Renaud Van Ruymbeke, a affirmé sa volonté d'enquêter sur des faits de corruption et d'abus de biens sociaux dans l'enquête sur l'attentat de Karachi, qui fit 14 morts dont 11 Français en 2002. Dans une ordonnance datée du 6 octobre, et dont Mediapart a révélé la teneur, il estime "impossible d'affirmer à ce stade des investigations que les faits sont prescrits, dès lors que les commissions ont emprunté des circuits offshore".
Le parquet de Paris ne partage pas cette analyse et a fait savoir, jeudi 7 octobre, qu'il ferait appel de cette décision. Le procureur Jean-Claude Marin juge totalement prescrits les faits de corruption et d'abus de biens sociaux et n'établit pas de lien entre l'attentat et d'éventuelles rétro-commissions à des décideurs politiques français. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris devra trancher le débat et préciser l'étendue de la saisine de M. Van Ruymbeke, déjà chargé, dans la même affaire, d'une enquête pour entrave à la justice.
L'enquête sur l'attentat de Karachi prend un tour politique, puisque le nom de Nicolas Sarkozy, mais aussi celui d'Edouard Balladur, premier ministre entre 1993 et 1995, est cité à plusieurs reprises dans ce dossier. M. Sarkozy avait pourtant qualifié de "fable" la piste politique, alors que les investigations initiales, confiées au juge antiterroriste Marc Trévidic, s'étaient réorientées vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt de versements de commissions françaises dans le contrat des sous-marins français Agosta vendus en 1994 par la France au Pakistan. Du coup, les familles des victimes avaient décidé de se constituer partie civile en déposant plainte en juin 2010.
Au vu de l'enquête préliminaire diligentée depuis par le parquet de Paris, le juge Renaud Van Ruymbeke estime qu'il est fondé à enquêter sur d'éventuelles rétro-commissions, qualifiées juridiquement d'abus de biens sociaux, ainsi que sur le versement des commissions sur un contrat d'armement avec le Pakistan, susceptibles d'être qualifiées de corruption d'agent public étranger.
VERSEMENT EN ESPÈCES
Pour M. Van Ruymbeke, "l'enquête préliminaire confirme l'existence des commissions". Deux réseaux auraient été identifiés, dont l'un mettrait potentiellement en cause les autorités politiques françaises de l'époque, M. Sarkozy, alors ministre du budget, et M. Balladur, premier ministre. Selon un rapport de synthèse de la police luxembourgeoise du 19 janvier, M. Sarkozy aurait ainsi "directement" supervisé et validé depuis Bercy, où il a été en poste de 1993 à 1995, la constitution au Luxembourg d'une obscure société offshore, baptisée Heine, par laquelle ont transité les commissions suspectes.
D'après l'ordonnance du juge, l'enquête préliminaire "s'est orientée vers le financement de la campagne présidentielle de M. Balladur". Le magistrat souligne le versement en espèces de 10 150 000 francs, le 26 avril 1995, sur le compte de campagne de M. Balladur. Il cite à cet égard un rapport du Conseil constitutionnel qui met l'accent sur l'étrangeté de cet apport d'argent. Les rapporteurs avaient ainsi assuré que l'allégation du candidat - expliquant qu'il avait accumulé les espèces dans un coffre-fort - était "à l'évidence démentie par le fonctionnement du compte".
Gérard Davet
Le juge du pôle financier, Renaud Van Ruymbeke, a affirmé sa volonté d'enquêter sur des faits de corruption et d'abus de biens sociaux dans l'enquête sur l'attentat de Karachi, qui fit 14 morts dont 11 Français en 2002. Dans une ordonnance datée du 6 octobre, et dont Mediapart a révélé la teneur, il estime "impossible d'affirmer à ce stade des investigations que les faits sont prescrits, dès lors que les commissions ont emprunté des circuits offshore".
Le parquet de Paris ne partage pas cette analyse et a fait savoir, jeudi 7 octobre, qu'il ferait appel de cette décision. Le procureur Jean-Claude Marin juge totalement prescrits les faits de corruption et d'abus de biens sociaux et n'établit pas de lien entre l'attentat et d'éventuelles rétro-commissions à des décideurs politiques français. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris devra trancher le débat et préciser l'étendue de la saisine de M. Van Ruymbeke, déjà chargé, dans la même affaire, d'une enquête pour entrave à la justice.
L'enquête sur l'attentat de Karachi prend un tour politique, puisque le nom de Nicolas Sarkozy, mais aussi celui d'Edouard Balladur, premier ministre entre 1993 et 1995, est cité à plusieurs reprises dans ce dossier. M. Sarkozy avait pourtant qualifié de "fable" la piste politique, alors que les investigations initiales, confiées au juge antiterroriste Marc Trévidic, s'étaient réorientées vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt de versements de commissions françaises dans le contrat des sous-marins français Agosta vendus en 1994 par la France au Pakistan. Du coup, les familles des victimes avaient décidé de se constituer partie civile en déposant plainte en juin 2010.
Au vu de l'enquête préliminaire diligentée depuis par le parquet de Paris, le juge Renaud Van Ruymbeke estime qu'il est fondé à enquêter sur d'éventuelles rétro-commissions, qualifiées juridiquement d'abus de biens sociaux, ainsi que sur le versement des commissions sur un contrat d'armement avec le Pakistan, susceptibles d'être qualifiées de corruption d'agent public étranger.
VERSEMENT EN ESPÈCES
Pour M. Van Ruymbeke, "l'enquête préliminaire confirme l'existence des commissions". Deux réseaux auraient été identifiés, dont l'un mettrait potentiellement en cause les autorités politiques françaises de l'époque, M. Sarkozy, alors ministre du budget, et M. Balladur, premier ministre. Selon un rapport de synthèse de la police luxembourgeoise du 19 janvier, M. Sarkozy aurait ainsi "directement" supervisé et validé depuis Bercy, où il a été en poste de 1993 à 1995, la constitution au Luxembourg d'une obscure société offshore, baptisée Heine, par laquelle ont transité les commissions suspectes.
D'après l'ordonnance du juge, l'enquête préliminaire "s'est orientée vers le financement de la campagne présidentielle de M. Balladur". Le magistrat souligne le versement en espèces de 10 150 000 francs, le 26 avril 1995, sur le compte de campagne de M. Balladur. Il cite à cet égard un rapport du Conseil constitutionnel qui met l'accent sur l'étrangeté de cet apport d'argent. Les rapporteurs avaient ainsi assuré que l'allégation du candidat - expliquant qu'il avait accumulé les espèces dans un coffre-fort - était "à l'évidence démentie par le fonctionnement du compte".
Gérard Davet
jeudi 7 octobre 2010
Enquête pour «corruption» sur l'affaire de Karachi
Le Figaro, 7 octobre 2010
Le juge Renaud Van Ruymbeke va enquêter sur d'éventuelles rétro-commissions en marge d'une vente de sous-marins français au Pakistan.
Renaud van Ruymbeke va contre l'avis du procureur, qui jugeait les faits prescrits. Selon une source judiciaire, le juge d'instruction financier a décidé jeudi de se saisir des investigations sur le versement de quelque 84 millions d'euros de commissions destinées à des officiels pakistanais.
Cet argent pourrait être revenu pour partie en France et avoir servi à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, selon les éléments recueillis lors d'une enquête préliminaire de police.
Le nom du trésorier de cette campagne, Nicolas Sarkozy, ministre du Budget du gouvernement Edouard Balladur entre 1993 et 1995, figure dans des documents saisis par des policiers luxembourgeois lors de leur enquête au Grand-Duché avant l'été.
Les policiers français ont, eux, saisi des pièces au Conseil constitutionnel montrant que des rapporteurs avaient recommandé le rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur, en raison de paiements en espèces sans justificatifs de 2 millions d'euros, a indiqué la même source judiciaire, jeudi. Edouard Balladur prétend que l'argent provenait de dons de militants dans les meetings.
«Fable»
Selon les documents saisis au Luxembourg, Nicolas Sarkozy serait à l'origine de la création de deux sociétés créées pour recevoir les commissions litigieuses. Le président français a contesté toute implication dans l'affaire et a parlé publiquement de «fable» «ridicule» et «grotesque».
Tout est parti de l'enquête menée par le juge antiterroriste Marc Trévidic, sur l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi, où furent tuées 15 personnes, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la DCN travaillant à la construction des sous-marins Agosta. La piste islamiste évoquée initialement a été abandonnée, les suspects ayant été blanchis au Pakistan. Divers renseignements, mais aucune preuve, laissent penser que l'armée pakistanaise aurait commandité l'attentat en représailles du non versement de ces pots-de-vin.
C'est en tout cas la conviction de plusieurs familles de victimes. Jeudi, par la voix de leur avocat, celles-ci ont qualifié l'ouverture de l'enquête de «victoire considérable». «C'est la preuve que notre plainte est tout à fait fondée», a ajouté leur défenseur.
Le juge Renaud Van Ruymbeke va enquêter sur d'éventuelles rétro-commissions en marge d'une vente de sous-marins français au Pakistan.
Renaud van Ruymbeke va contre l'avis du procureur, qui jugeait les faits prescrits. Selon une source judiciaire, le juge d'instruction financier a décidé jeudi de se saisir des investigations sur le versement de quelque 84 millions d'euros de commissions destinées à des officiels pakistanais.
Cet argent pourrait être revenu pour partie en France et avoir servi à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, selon les éléments recueillis lors d'une enquête préliminaire de police.
Le nom du trésorier de cette campagne, Nicolas Sarkozy, ministre du Budget du gouvernement Edouard Balladur entre 1993 et 1995, figure dans des documents saisis par des policiers luxembourgeois lors de leur enquête au Grand-Duché avant l'été.
Les policiers français ont, eux, saisi des pièces au Conseil constitutionnel montrant que des rapporteurs avaient recommandé le rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur, en raison de paiements en espèces sans justificatifs de 2 millions d'euros, a indiqué la même source judiciaire, jeudi. Edouard Balladur prétend que l'argent provenait de dons de militants dans les meetings.
«Fable»
Selon les documents saisis au Luxembourg, Nicolas Sarkozy serait à l'origine de la création de deux sociétés créées pour recevoir les commissions litigieuses. Le président français a contesté toute implication dans l'affaire et a parlé publiquement de «fable» «ridicule» et «grotesque».
Tout est parti de l'enquête menée par le juge antiterroriste Marc Trévidic, sur l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi, où furent tuées 15 personnes, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la DCN travaillant à la construction des sous-marins Agosta. La piste islamiste évoquée initialement a été abandonnée, les suspects ayant été blanchis au Pakistan. Divers renseignements, mais aucune preuve, laissent penser que l'armée pakistanaise aurait commandité l'attentat en représailles du non versement de ces pots-de-vin.
C'est en tout cas la conviction de plusieurs familles de victimes. Jeudi, par la voix de leur avocat, celles-ci ont qualifié l'ouverture de l'enquête de «victoire considérable». «C'est la preuve que notre plainte est tout à fait fondée», a ajouté leur défenseur.
Karachi: le juge van Ruymbeke va enquêter sur la campagne de Balladur
Libération, 7 octobre 2010
Le financement de la campagne d’Edouard Balladur en 1995 et d’éventuelles rétrocommissions liées à la vente de sous-marins au Pakistan se retrouvent au coeur d’une nouvelle enquête du juge Renaud van Ruymbeke, en marge de celle sur l’attentat de Karachi en 2002.
Le juge d’instruction financier a décidé mercredi d’enquêter sur ces éventuelles rétrocommissions, qualifiées juridiquement d’abus de biens sociaux, a annoncé jeudi à l’AFP une source judiciaire.
En mai 2002, l’attentat de Karachi (sud du Pakistan) avait fait 15 morts, dont 11 salariés de la Direction des constructions navales (DCN) travaillant à la construction de sous-marins vendus au Pakistan en 1994.
Dans le cadre de leur enquête, des juges antiterroristes ont orienté leurs investigations vers la piste de représailles pakistanaises après l’arrêt des versements de commissions sur ce contrat.
Ces commissions pourraient avoir donné lieu à des rétrocommissions pour financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995, selon des témoignages et rapports versés au dossier. Elles ont été stoppées par Jacques Chirac une fois arrivé au pouvoir.
M. Balladur a démenti tout financement illicite de sa campagne.
Le développement de l’enquête antiterroriste a conduit en juin des familles de victimes à déposer plainte avec constitution de partie civile, notamment pour corruption à l’encontre du club politique de M. Balladur.
Le parquet a jugé irrecevable ce volet corruption, contrairement au juge van Ruymbeke qui veut donc enquêter.
Le parquet peut faire appel de la décision du juge. M. van Ruymbeke ne pourrait alors enquêter que si la cour d’appel lui donnait raison.
Pour justifier sa saisine, le magistrat s’est fait communiquer la copie de l’enquête préliminaire diligentée par le parquet sur d’éventuels abus de biens sociaux.
Or «l’enquête préliminaire s’est orientée vers le financement de la campagne présidentielle de M. Balladur», a relevé une source judiciaire.
Les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient ainsi «proposé le rejet des comptes de campagne» de M. Balladur, selon un extrait du rapport consulté par l’AFP. Les comptes avaient finalement été validés par le Conseil en octobre 1995.
Les rapporteurs avaient notamment noté «des dons en espèces sans justificatifs enregistrés comme des dons de personnes physiques», selon une source judiciaire.
«Ces versement se sont élevés à 13.229.504 francs, dont une remise unique de 10,15 millions de francs le 26 avril 1995», selon les rapporteurs. L’explication qui leur avait alors été fournie était que ces fonds provenaient de la vente de «gadgets et de T-shirts» et qu’ils avaient été déposés «globalement à la fin de la campagne pour éviter les transports de fonds», selon cette source.
Pour les rapporteurs, cette «allégation» était «à l’évidence démentie par le fonctionnement du compte».
Libération a révélé en avril l’existence de ce versement de 10 millions de francs. Un bordereau du Crédit du Nord précisait que la moitié était constituée de billets de 500 francs provenant de collectes effectuées lors de meetings électoraux.
Entendu le 28 avril par une mission d’information parlementaire, M. Balladur a affirmé que l’argent provenait «des militants, des sympathisants recueillis lors de centaines de meetings» et estimé faire face à «une opération politique».
L’avocat des parties civiles, Me Olivier Morice, voit lui «une victoire considérable» dans la décision du juge van Ruymbeke de se pencher sur d’éventuelles rétro-commissions.
«C’est la preuve que notre plainte est tout à fait fondée», a jugé l’avocat, réaffirmant son sentiment d’être face à une «affaire d’Etats».
(Source AFP)
Le financement de la campagne d’Edouard Balladur en 1995 et d’éventuelles rétrocommissions liées à la vente de sous-marins au Pakistan se retrouvent au coeur d’une nouvelle enquête du juge Renaud van Ruymbeke, en marge de celle sur l’attentat de Karachi en 2002.
Le juge d’instruction financier a décidé mercredi d’enquêter sur ces éventuelles rétrocommissions, qualifiées juridiquement d’abus de biens sociaux, a annoncé jeudi à l’AFP une source judiciaire.
En mai 2002, l’attentat de Karachi (sud du Pakistan) avait fait 15 morts, dont 11 salariés de la Direction des constructions navales (DCN) travaillant à la construction de sous-marins vendus au Pakistan en 1994.
Dans le cadre de leur enquête, des juges antiterroristes ont orienté leurs investigations vers la piste de représailles pakistanaises après l’arrêt des versements de commissions sur ce contrat.
Ces commissions pourraient avoir donné lieu à des rétrocommissions pour financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995, selon des témoignages et rapports versés au dossier. Elles ont été stoppées par Jacques Chirac une fois arrivé au pouvoir.
M. Balladur a démenti tout financement illicite de sa campagne.
Le développement de l’enquête antiterroriste a conduit en juin des familles de victimes à déposer plainte avec constitution de partie civile, notamment pour corruption à l’encontre du club politique de M. Balladur.
Le parquet a jugé irrecevable ce volet corruption, contrairement au juge van Ruymbeke qui veut donc enquêter.
Le parquet peut faire appel de la décision du juge. M. van Ruymbeke ne pourrait alors enquêter que si la cour d’appel lui donnait raison.
Pour justifier sa saisine, le magistrat s’est fait communiquer la copie de l’enquête préliminaire diligentée par le parquet sur d’éventuels abus de biens sociaux.
Or «l’enquête préliminaire s’est orientée vers le financement de la campagne présidentielle de M. Balladur», a relevé une source judiciaire.
Les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient ainsi «proposé le rejet des comptes de campagne» de M. Balladur, selon un extrait du rapport consulté par l’AFP. Les comptes avaient finalement été validés par le Conseil en octobre 1995.
Les rapporteurs avaient notamment noté «des dons en espèces sans justificatifs enregistrés comme des dons de personnes physiques», selon une source judiciaire.
«Ces versement se sont élevés à 13.229.504 francs, dont une remise unique de 10,15 millions de francs le 26 avril 1995», selon les rapporteurs. L’explication qui leur avait alors été fournie était que ces fonds provenaient de la vente de «gadgets et de T-shirts» et qu’ils avaient été déposés «globalement à la fin de la campagne pour éviter les transports de fonds», selon cette source.
Pour les rapporteurs, cette «allégation» était «à l’évidence démentie par le fonctionnement du compte».
Libération a révélé en avril l’existence de ce versement de 10 millions de francs. Un bordereau du Crédit du Nord précisait que la moitié était constituée de billets de 500 francs provenant de collectes effectuées lors de meetings électoraux.
Entendu le 28 avril par une mission d’information parlementaire, M. Balladur a affirmé que l’argent provenait «des militants, des sympathisants recueillis lors de centaines de meetings» et estimé faire face à «une opération politique».
L’avocat des parties civiles, Me Olivier Morice, voit lui «une victoire considérable» dans la décision du juge van Ruymbeke de se pencher sur d’éventuelles rétro-commissions.
«C’est la preuve que notre plainte est tout à fait fondée», a jugé l’avocat, réaffirmant son sentiment d’être face à une «affaire d’Etats».
(Source AFP)
lundi 4 octobre 2010
Le parquet de Nanterre requiert un non-lieu dans le procès de Jacques Chirac
Le Monde, 4 octobre 2010
Le parquet de Nanterre a requis un non-lieu en faveur de l'ancien président de la République Jacques Chirac dans l'enquête sur des emplois présumés de complaisance à la Ville de Paris au bénéfice du RPR, a annoncé, lundi 4 octobre, le procureur de la République Philippe Courroye. Le parquet "considère qu'il n'existait pas un système connu de M. Chirac destiné à financer de façon occulte le RPR", a expliqué Philippe Courroye. "Après avoir examiné les sept emplois pour lesquels M. Chirac a été mis en examen pour prise illégale d'intérêt [en décembre 2009], le parquet constate qu'il n'y a pas d'éléments suffisants pour remettre en cause la bonne foi de M. Chirac", a-t-il ajouté.
Jacques Chirac est accusé d'avoir mis en place un système d'emplois fictifs lorsqu'il était maire de Paris (1977-1995), avant son élection à la présidence de la République. Certains de ses proches étaient rémunérés par la mairie sans y avoir de fonction réelle. Certains aussi travaillaient en réalité pour le RPR, le parti gaulliste qui s'était fondu par la suite dans l'UMP. C'est désormais au juge d'instruction de Nanterre Jacques Gazeaux qu'appartient la décision de renvoyer ou non l'ancien président de la République devant un tribunal correctionnel.
Pour cinq personnes (Nourdine Cherkaoui, Farida Cherkaoui, Jérôme Grand d'Esnon, Patrick Stefanini et André Rouge), "aucun élément ne démontre l'intervention personnelle de Jacques Chirac, que ce soit dans l'embauche, le paiement et le déroulé de carrière", a expliqué M. Courroye. Concernant Philippe Martel, chef du cabinet au RPR d'Alain Juppé de janvier 1991 à 1993 et inspecteur général à la Ville de Paris, le parquet estime qu'il était "vraisemblable" que M. Chirac ait rédigé une note du 25 mai 1990 (mentionnant qu'il ne fallait pas "pénaliser cet excellent garçon" dans sa demande d'avancement) à la demande de M. Juppé et en lui faisant une totale confiance, selon le réquisitoire.
PROCÈS EN MARS DANS LE VOLET PARISIEN
Dans le cas de Madeleine Farard, le salaire (environ 600 000 francs) qu'elle a perçu au regard de la masse salariale de la Mairie de Paris (32 milliards de francs entre octobre 1990 et novembre 1994) ou du RPR (95 millions de francs sur la même période) ne "permet pas de remettre en cause la bonne foi de Jacques Chirac lorsqu'il indique qu'elle a été la secrétaire de Jean-Claude Pasty, son conseiller agriculture, quelles que soient ses responsabilités et qu'il s'est peu intéressé à la structure finançant" son travail.
Dans cette affaire, plusieurs condamnations avaient été prononcées en 2004, notamment à l'encontre de l'ancien premier ministre Alain Juppé, qui cumulait les fonctions de secrétaire général du RPR et adjoint aux finances lorsque M. Chirac était maire de Paris. Le cas de M. Chirac avait été disjoint dans l'attente de la fin de son mandat présidentiel.
Dans le volet parisien, le procès de l'ancien maire de Paris pour "détournement de fonds publics" et "abus de confiance", visant vingt et un emplois présumés fictifs, se tiendra du 7 mars au 8 avril 2011. Le tribunal correctionnel de Paris a accepté de repousser le procès, initialement prévu en novembre, à l'année prochaine, afin de permettre la jonction avec l'affaire instruite à Nanterre, visant sept autres emplois présumés fictifs.
La semaine dernière, le conseil municipal de Paris, désormais dirigé par les socialistes, a formellement entériné un accord indemnisant la Ville à hauteur de 2,2 millions d'euros, dont 1,65 million versé par l'UMP, et 550 000 euros par Jacques Chirac lui-même. En échange, la Ville a informé le tribunal qu'elle retirait sa constitution de partie civile, ce qui mettra Jacques Chirac dans une position plus favorable. Au cours de son procès, il fera face à un banc des victimes déserté, en plus d'une accusation passive, le parquet ayant aussi requis un non-lieu dans cette procédure.
Le parquet de Nanterre a requis un non-lieu en faveur de l'ancien président de la République Jacques Chirac dans l'enquête sur des emplois présumés de complaisance à la Ville de Paris au bénéfice du RPR, a annoncé, lundi 4 octobre, le procureur de la République Philippe Courroye. Le parquet "considère qu'il n'existait pas un système connu de M. Chirac destiné à financer de façon occulte le RPR", a expliqué Philippe Courroye. "Après avoir examiné les sept emplois pour lesquels M. Chirac a été mis en examen pour prise illégale d'intérêt [en décembre 2009], le parquet constate qu'il n'y a pas d'éléments suffisants pour remettre en cause la bonne foi de M. Chirac", a-t-il ajouté.
Jacques Chirac est accusé d'avoir mis en place un système d'emplois fictifs lorsqu'il était maire de Paris (1977-1995), avant son élection à la présidence de la République. Certains de ses proches étaient rémunérés par la mairie sans y avoir de fonction réelle. Certains aussi travaillaient en réalité pour le RPR, le parti gaulliste qui s'était fondu par la suite dans l'UMP. C'est désormais au juge d'instruction de Nanterre Jacques Gazeaux qu'appartient la décision de renvoyer ou non l'ancien président de la République devant un tribunal correctionnel.
Pour cinq personnes (Nourdine Cherkaoui, Farida Cherkaoui, Jérôme Grand d'Esnon, Patrick Stefanini et André Rouge), "aucun élément ne démontre l'intervention personnelle de Jacques Chirac, que ce soit dans l'embauche, le paiement et le déroulé de carrière", a expliqué M. Courroye. Concernant Philippe Martel, chef du cabinet au RPR d'Alain Juppé de janvier 1991 à 1993 et inspecteur général à la Ville de Paris, le parquet estime qu'il était "vraisemblable" que M. Chirac ait rédigé une note du 25 mai 1990 (mentionnant qu'il ne fallait pas "pénaliser cet excellent garçon" dans sa demande d'avancement) à la demande de M. Juppé et en lui faisant une totale confiance, selon le réquisitoire.
PROCÈS EN MARS DANS LE VOLET PARISIEN
Dans le cas de Madeleine Farard, le salaire (environ 600 000 francs) qu'elle a perçu au regard de la masse salariale de la Mairie de Paris (32 milliards de francs entre octobre 1990 et novembre 1994) ou du RPR (95 millions de francs sur la même période) ne "permet pas de remettre en cause la bonne foi de Jacques Chirac lorsqu'il indique qu'elle a été la secrétaire de Jean-Claude Pasty, son conseiller agriculture, quelles que soient ses responsabilités et qu'il s'est peu intéressé à la structure finançant" son travail.
Dans cette affaire, plusieurs condamnations avaient été prononcées en 2004, notamment à l'encontre de l'ancien premier ministre Alain Juppé, qui cumulait les fonctions de secrétaire général du RPR et adjoint aux finances lorsque M. Chirac était maire de Paris. Le cas de M. Chirac avait été disjoint dans l'attente de la fin de son mandat présidentiel.
Dans le volet parisien, le procès de l'ancien maire de Paris pour "détournement de fonds publics" et "abus de confiance", visant vingt et un emplois présumés fictifs, se tiendra du 7 mars au 8 avril 2011. Le tribunal correctionnel de Paris a accepté de repousser le procès, initialement prévu en novembre, à l'année prochaine, afin de permettre la jonction avec l'affaire instruite à Nanterre, visant sept autres emplois présumés fictifs.
La semaine dernière, le conseil municipal de Paris, désormais dirigé par les socialistes, a formellement entériné un accord indemnisant la Ville à hauteur de 2,2 millions d'euros, dont 1,65 million versé par l'UMP, et 550 000 euros par Jacques Chirac lui-même. En échange, la Ville a informé le tribunal qu'elle retirait sa constitution de partie civile, ce qui mettra Jacques Chirac dans une position plus favorable. Au cours de son procès, il fera face à un banc des victimes déserté, en plus d'une accusation passive, le parquet ayant aussi requis un non-lieu dans cette procédure.
vendredi 1 octobre 2010
Emplois fictifs : Jacques Chirac sera jugé à partir du 7 mars
Le Monde, 1 octobre 2010
Le procès de Jacques Chirac pour "détournement de fonds publics" et "abus de confiance" visant vingt et un emplois présumés fictifs à son cabinet de maire de Paris entre 1992 et 1995 se tiendra du 7 mars au 8 avril 2011, a annoncé vendredi 1er octobre le tribunal correctionnel de Paris.
Renvoyé en correctionnelle en octobre 2009, après douze ans d'immunité pénale due à sa fonction de chef d'Etat, Jacques Chirac, 77 ans, encourt en théorie dans ce dossier jusqu'à dix ans de prison et 150 000 euros d'amende.
Neuf autres personnes, dont ses ex-directeurs de cabinet Michel Roussin et Rémy Chardon, ainsi que le petit-fils du fondateur de la Ve République, Jean de Gaulle, seront jugées avec lui.
PROCÉDURE SIMILAIRE À NANTERRE
Le tribunal correctionnel a accepté de repousser le procès, initialement prévu en novembre, à l'année prochaine, afin de permettre la jonction d'une autre affaire instruite à Nanterre (Hauts-de-Seine), visant sept autres emplois présumés fictifs. Jacques Chirac y est mis en examen pour "prise illégale d'intérêts".
La fixation des dates du procès intervient quatre jours après le vote par le Conseil de Paris d'un accord indemnisant la Ville à hauteur de 2,2 millions d'euros, dont 1,65 million versé par le parti de droite UMP (Union pour un mouvement populaire) et 550 000 euros par Jacques Chirac lui-même.
En échange, la Ville a informé le tribunal qu'elle retirait sa constitution de partie civile, ce qui mettra Jacques Chirac dans une position plus favorable. Au cours de son procès, il fera face à un banc des victimes déserté, en plus d'une accusation passive, le parquet ayant requis un non-lieu dans la procédure.
Lorsqu'il était maire de Paris (1977-1995), avant son élection à la présidence française, Jacques Chirac est accusé d'avoir mis en place un système d'emplois fictifs.
Certains de ses proches étaient rémunérés par la mairie sans y avoir de fonction réelle. Certains aussi travaillaient en réalité pour le RPR, le parti gaulliste qui s'était fondu par la suite dans l'UMP.
Le procès de Jacques Chirac pour "détournement de fonds publics" et "abus de confiance" visant vingt et un emplois présumés fictifs à son cabinet de maire de Paris entre 1992 et 1995 se tiendra du 7 mars au 8 avril 2011, a annoncé vendredi 1er octobre le tribunal correctionnel de Paris.
Renvoyé en correctionnelle en octobre 2009, après douze ans d'immunité pénale due à sa fonction de chef d'Etat, Jacques Chirac, 77 ans, encourt en théorie dans ce dossier jusqu'à dix ans de prison et 150 000 euros d'amende.
Neuf autres personnes, dont ses ex-directeurs de cabinet Michel Roussin et Rémy Chardon, ainsi que le petit-fils du fondateur de la Ve République, Jean de Gaulle, seront jugées avec lui.
PROCÉDURE SIMILAIRE À NANTERRE
Le tribunal correctionnel a accepté de repousser le procès, initialement prévu en novembre, à l'année prochaine, afin de permettre la jonction d'une autre affaire instruite à Nanterre (Hauts-de-Seine), visant sept autres emplois présumés fictifs. Jacques Chirac y est mis en examen pour "prise illégale d'intérêts".
La fixation des dates du procès intervient quatre jours après le vote par le Conseil de Paris d'un accord indemnisant la Ville à hauteur de 2,2 millions d'euros, dont 1,65 million versé par le parti de droite UMP (Union pour un mouvement populaire) et 550 000 euros par Jacques Chirac lui-même.
En échange, la Ville a informé le tribunal qu'elle retirait sa constitution de partie civile, ce qui mettra Jacques Chirac dans une position plus favorable. Au cours de son procès, il fera face à un banc des victimes déserté, en plus d'une accusation passive, le parquet ayant requis un non-lieu dans la procédure.
Lorsqu'il était maire de Paris (1977-1995), avant son élection à la présidence française, Jacques Chirac est accusé d'avoir mis en place un système d'emplois fictifs.
Certains de ses proches étaient rémunérés par la mairie sans y avoir de fonction réelle. Certains aussi travaillaient en réalité pour le RPR, le parti gaulliste qui s'était fondu par la suite dans l'UMP.
mercredi 29 septembre 2010
De la complaisance à l'égard de l'éthique publique
Le Monde, 29 septembre 2010
Jean-Marc Fedida, avocat
Nous étions jeunes et sans doute un peu idéalistes lorsque nous lancions dans les années 1995, avec l'Association des contribuables parisiens, les premières banderilles contre l'Etat RPR de la Ville de Paris. Et dénoncions l'attribution de logements abusifs à des amis politiques ou les travaux effectués par les Tibéri pour meubler en marbre de comblanchien les appartements de la ville pour leur fils.
Un parquet de complaisance refusait avec obstination d'ouvrir les enquêtes. Pourtant, lorsqu'il m'est advenu de défendre le directeur général adjoint de l'OPHLM de la Ville de Paris, celui-ci n'a eu de cesse de dévoiler à la face du magistrat désigné la façon dont la ville de Paris gérée par le RPR avait transformé ses missions en autant d'acte de campagne et de clientélisme. François Ciolina fut néanmoins condamné.
De même Didier Schuller, exilé pendant sept années avant de pouvoir se présenter devant ses juges, puis jeté en prison ; lui non plus ne cessait de clamer que les pratiques politiques de l'époque comportaient des collectes de fonds auprès des entreprises amies, récompensées par l'attribution de marchés publics. Il fut lourdement condamné en première instance, dans une atmosphère de lynchage.
Xavière Tiberi fut poursuivie par le département de l'Essonne pour avoir bénéficié d'un emploi fictif, le fameux rapport sur la francophonie, sans toutefois être condamnée ; la procédure fut annulée sur l'insistance de son conseil et surtout du procureur de la République puis du procureur général. Son mari, Jean Tiberi, président de l'Office d'HLM de Paris fut mis en examen et poursuivi pour avoir lui aussi fermé les yeux sur ses conditions de fonctionnement. Il entraîna la droite dans le discrédit et permit qu'advienne une nouvelle majorité dite de gauche, porteuse, alors, de la promesse d'une gestion moins clientéliste et plus transparente.
Et je ne parlerai pas de Michel Roussin, rude fantassin, poursuivi, mis en examen et incarcéré. Ni d'Alain Juppé, lui aussi poursuivi et condamné pour avoir employé fictivement des salariés, payés par la collectivité des contribuables et occupés à servir la machine RPR.
Pourquoi ne pas parler, alors, de Jacques Chirac, qui, au moins partiellement, a dû son élection aux moyens mis à sa disposition par le contribuable parisien ? Il était le chef de ce parti politique.
Le conseil municipal de Paris a décidé que l'affront fait à la démocratie et au contribuable, pouvait se monnayer, se rembourser... avec les fonds publics qui abondent l'UMP, dernière mue du RPR. L'UMP va donc dispenser un peu de sa manne publique pour régler les vieilles dettes de son chef... à l'égard du contribuable ! C'est la première mauvaise morale de l'histoire, le détournement de la démocratie et de l'éthique politique à donc un prix pour la coalition PS-UMP qui a voté le retrait de sa constitution de partie civile, contre un chèque tiré sur le contribuable. La seconde mauvaise morale de cette histoire est que l'honneur de la démocratie à un prix qui ne va pas au-delà de la créance de la collectivité publique, et tant pis pour l'honneur !
Belle leçon pour l'histoire, le parquet, rugissant contre les Schuller, les Juppé, les Roussin, les Ciolina et tant d'autres, donneur de leçons d'éthique, sera taisant au procès de celui qui était le chef du parti. La Ville de Paris encaissera son chèque et laissera pour l'histoire l'injure faite à l'institution.
Honte à ceux qui hier étaient dans la conspiration de l'aveuglement et qui ont, aujourd'hui, sombré dans la conjuration impardonnable de la complaisance à la compromission de l'éthique de la chose publique !
Jean-Marc Fedida, avocat
Jean-Marc Fedida, avocat
Nous étions jeunes et sans doute un peu idéalistes lorsque nous lancions dans les années 1995, avec l'Association des contribuables parisiens, les premières banderilles contre l'Etat RPR de la Ville de Paris. Et dénoncions l'attribution de logements abusifs à des amis politiques ou les travaux effectués par les Tibéri pour meubler en marbre de comblanchien les appartements de la ville pour leur fils.
Un parquet de complaisance refusait avec obstination d'ouvrir les enquêtes. Pourtant, lorsqu'il m'est advenu de défendre le directeur général adjoint de l'OPHLM de la Ville de Paris, celui-ci n'a eu de cesse de dévoiler à la face du magistrat désigné la façon dont la ville de Paris gérée par le RPR avait transformé ses missions en autant d'acte de campagne et de clientélisme. François Ciolina fut néanmoins condamné.
De même Didier Schuller, exilé pendant sept années avant de pouvoir se présenter devant ses juges, puis jeté en prison ; lui non plus ne cessait de clamer que les pratiques politiques de l'époque comportaient des collectes de fonds auprès des entreprises amies, récompensées par l'attribution de marchés publics. Il fut lourdement condamné en première instance, dans une atmosphère de lynchage.
Xavière Tiberi fut poursuivie par le département de l'Essonne pour avoir bénéficié d'un emploi fictif, le fameux rapport sur la francophonie, sans toutefois être condamnée ; la procédure fut annulée sur l'insistance de son conseil et surtout du procureur de la République puis du procureur général. Son mari, Jean Tiberi, président de l'Office d'HLM de Paris fut mis en examen et poursuivi pour avoir lui aussi fermé les yeux sur ses conditions de fonctionnement. Il entraîna la droite dans le discrédit et permit qu'advienne une nouvelle majorité dite de gauche, porteuse, alors, de la promesse d'une gestion moins clientéliste et plus transparente.
Et je ne parlerai pas de Michel Roussin, rude fantassin, poursuivi, mis en examen et incarcéré. Ni d'Alain Juppé, lui aussi poursuivi et condamné pour avoir employé fictivement des salariés, payés par la collectivité des contribuables et occupés à servir la machine RPR.
Pourquoi ne pas parler, alors, de Jacques Chirac, qui, au moins partiellement, a dû son élection aux moyens mis à sa disposition par le contribuable parisien ? Il était le chef de ce parti politique.
Le conseil municipal de Paris a décidé que l'affront fait à la démocratie et au contribuable, pouvait se monnayer, se rembourser... avec les fonds publics qui abondent l'UMP, dernière mue du RPR. L'UMP va donc dispenser un peu de sa manne publique pour régler les vieilles dettes de son chef... à l'égard du contribuable ! C'est la première mauvaise morale de l'histoire, le détournement de la démocratie et de l'éthique politique à donc un prix pour la coalition PS-UMP qui a voté le retrait de sa constitution de partie civile, contre un chèque tiré sur le contribuable. La seconde mauvaise morale de cette histoire est que l'honneur de la démocratie à un prix qui ne va pas au-delà de la créance de la collectivité publique, et tant pis pour l'honneur !
Belle leçon pour l'histoire, le parquet, rugissant contre les Schuller, les Juppé, les Roussin, les Ciolina et tant d'autres, donneur de leçons d'éthique, sera taisant au procès de celui qui était le chef du parti. La Ville de Paris encaissera son chèque et laissera pour l'histoire l'injure faite à l'institution.
Honte à ceux qui hier étaient dans la conspiration de l'aveuglement et qui ont, aujourd'hui, sombré dans la conjuration impardonnable de la complaisance à la compromission de l'éthique de la chose publique !
Jean-Marc Fedida, avocat
lundi 27 septembre 2010
Emplois fictifs : le Conseil de Paris valide l'accord d'indemnisation conclu avec Chirac
Le Monde, 27 septembre 2010
Le Conseil de Paris a adopté, lundi 27 septembre à une large majorité, l'accord amiable passé entre la mairie, l'UMP et l'ancien président de la République Jacques Chirac, soldant l'affaire des présumés emplois fictifs à la mairie de la capitale.
La ville récupérera exactement 2 218 072,46 euros et renoncera du même coup à être partie civile au procès, ce qui mettra Jacques Chirac dans une position plus favorable. Lors de son procès, fin 2010 ou début 2011, il fera face à un banc des victimes déserté, en plus d'une accusation vraisemblablement passive puisque le parquet était opposé au renvoi devant le tribunal. Sur ces 2,2 millions, 1,65 million devraient être versés par l'UMP, qui a succédé au RPR de Jacques Chirac, et 550 000 euros par l'ancien président, en guise de dédommagement pour vingt et un emplois présumés de complaisance rétribués sur fonds publics du temps où il officiait à l'Hôtel de Ville.
Le conseil a approuvé l'accord par 147 voix contre treize, et une abstention. Les neuf élus Verts ont voté contre, de même que deux élus du Parti de gauche, un élu MoDem et un élu "non inscrit". Avant le vote, le conseiller Verts du 13e arrondissement Yves Contassot a justifié l'attitude de son groupe au nom de l'"éthique" et de la "morale" en politique.
DELANOË : "LES PARISIENS, QUI AVAIENT ÉTÉ LÉSÉS, VONT ÊTRE REMBOURSÉS"
Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, estime quant à lui avoir "défendu les intérêts" de ses administrés, ce qui n'est pas l'avis d'autres élus de la capitale, notamment des Verts. La Ville de Paris "obtient aujourd'hui la réparation à laquelle aspiraient légitimement les Parisiens", a déclaré M. Delanoë lors de son intervention devant le Conseil, préalablement au vote. Dans un tribune au Monde, M. Delanoë avait plus longuement exposé le "triple objectif" défendu par la mairie : "Vérité, reconnaissance des faits, réparation. (...) Vérité, car les faits sont établis ; reconnaissance, car s'il y a restitution c'est bien qu'il y a eu préjudice ; réparation, enfin, puisque les Parisiens, qui avaient été lésés, vont être remboursés."
Le président du groupe UMP au conseil de Paris, Jean-François Lamour, a de son côté estimé que "refuser une telle solution serait apparu comme une attitude purement politicienne, comme une sorte de volonté de vengeance politique". Selon l'ancien ministre, qui a rendu hommage au "choix juste" "défendu courageusement" par M. Delanoë, "il y a des moments dans la vie politique où il faut savoir dépasser les clivages et regarder le passé avec sérénité".
"Le protocole garantit la réparation d'éventuelles erreurs matérielles et le remboursement de tous les frais liés aux emplois litigieux", a souligné M. Lamour. "Les intérêts des Parisiens seront donc totalement préservés quelle que soit la qualification ultérieure des actes concernés, c'est pourquoi la Ville à juste titre renonce à se constituer partie civile", a-t-il ajouté. Le député du 15e arrondissement a rappelé que "ce protocole ne met pas fin à l'action judiciaire". "Le procès aura bien lieu et la date en sera fixée prochainement."
Une quinzaine de militants du collectif Sauvons les riches s'étaient rassemblés devant la mairie, pendant le vote. "Aujourd'hui est envoyé un signal important qui est que, si on est riche, on peut s'arranger. Pour 2 millions d'euros on peut s'en sortir sans répondre de ses actes", a dénoncé devant la presse Manuel Domergue, membre du collectif. "La priorité de Delanoë était d'obtenir réparation. Réparation a été obtenue au prix d'un aveu de l'UMP qu'il y a eu emplois fictifs", s'est félicité de son côté Benoît Hamon, porte-parole du PS, lors de son point de presse hebdomadaire.
Le Conseil de Paris a adopté, lundi 27 septembre à une large majorité, l'accord amiable passé entre la mairie, l'UMP et l'ancien président de la République Jacques Chirac, soldant l'affaire des présumés emplois fictifs à la mairie de la capitale.
La ville récupérera exactement 2 218 072,46 euros et renoncera du même coup à être partie civile au procès, ce qui mettra Jacques Chirac dans une position plus favorable. Lors de son procès, fin 2010 ou début 2011, il fera face à un banc des victimes déserté, en plus d'une accusation vraisemblablement passive puisque le parquet était opposé au renvoi devant le tribunal. Sur ces 2,2 millions, 1,65 million devraient être versés par l'UMP, qui a succédé au RPR de Jacques Chirac, et 550 000 euros par l'ancien président, en guise de dédommagement pour vingt et un emplois présumés de complaisance rétribués sur fonds publics du temps où il officiait à l'Hôtel de Ville.
Le conseil a approuvé l'accord par 147 voix contre treize, et une abstention. Les neuf élus Verts ont voté contre, de même que deux élus du Parti de gauche, un élu MoDem et un élu "non inscrit". Avant le vote, le conseiller Verts du 13e arrondissement Yves Contassot a justifié l'attitude de son groupe au nom de l'"éthique" et de la "morale" en politique.
DELANOË : "LES PARISIENS, QUI AVAIENT ÉTÉ LÉSÉS, VONT ÊTRE REMBOURSÉS"
Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, estime quant à lui avoir "défendu les intérêts" de ses administrés, ce qui n'est pas l'avis d'autres élus de la capitale, notamment des Verts. La Ville de Paris "obtient aujourd'hui la réparation à laquelle aspiraient légitimement les Parisiens", a déclaré M. Delanoë lors de son intervention devant le Conseil, préalablement au vote. Dans un tribune au Monde, M. Delanoë avait plus longuement exposé le "triple objectif" défendu par la mairie : "Vérité, reconnaissance des faits, réparation. (...) Vérité, car les faits sont établis ; reconnaissance, car s'il y a restitution c'est bien qu'il y a eu préjudice ; réparation, enfin, puisque les Parisiens, qui avaient été lésés, vont être remboursés."
Le président du groupe UMP au conseil de Paris, Jean-François Lamour, a de son côté estimé que "refuser une telle solution serait apparu comme une attitude purement politicienne, comme une sorte de volonté de vengeance politique". Selon l'ancien ministre, qui a rendu hommage au "choix juste" "défendu courageusement" par M. Delanoë, "il y a des moments dans la vie politique où il faut savoir dépasser les clivages et regarder le passé avec sérénité".
"Le protocole garantit la réparation d'éventuelles erreurs matérielles et le remboursement de tous les frais liés aux emplois litigieux", a souligné M. Lamour. "Les intérêts des Parisiens seront donc totalement préservés quelle que soit la qualification ultérieure des actes concernés, c'est pourquoi la Ville à juste titre renonce à se constituer partie civile", a-t-il ajouté. Le député du 15e arrondissement a rappelé que "ce protocole ne met pas fin à l'action judiciaire". "Le procès aura bien lieu et la date en sera fixée prochainement."
Une quinzaine de militants du collectif Sauvons les riches s'étaient rassemblés devant la mairie, pendant le vote. "Aujourd'hui est envoyé un signal important qui est que, si on est riche, on peut s'arranger. Pour 2 millions d'euros on peut s'en sortir sans répondre de ses actes", a dénoncé devant la presse Manuel Domergue, membre du collectif. "La priorité de Delanoë était d'obtenir réparation. Réparation a été obtenue au prix d'un aveu de l'UMP qu'il y a eu emplois fictifs", s'est félicité de son côté Benoît Hamon, porte-parole du PS, lors de son point de presse hebdomadaire.
lundi 2 août 2010
Affaire de Karachi : où en est l'enquête ?
Le Monde, 2 août 2010
Pour certains observateurs de la vie politique, la séquence sécuritaire lancée par Nicolas Sarkzoy à Grenoble est avant tout destinée à détourner l'attention de l'opinion de l'affaire Woerth. Mais celle-ci avait déjà poussé quelque peu dans l'ombre une autre affaire, d'une ampleur aussi grande sinon plus encore : celle de Karachi.
Début juin, Mediapart publiait un rapport de la police luxembourgeoise dans lequel était cité le nom de Nicolas Sarkozy. Mais pour comprendre l'affaire de Karachi, il faut remonter à 1992.
Edouard Balladur vient d'être nommé premier ministre de cohabitation, et la direction des constructions navales (DCN) cherche, via la Sofma, société chargée de l'export des produits militaires français, à vendre des sous-marins au Pakistan. La France est en concurrence avec l'Allemagne. Pour "motiver" la Sofma, qui doit bâtir un réseau d'intermédiaires au Pakistan, celle-ci doit percevoir, en cas de réussite, 6,25 % du montant de la commande. Une commission alors encore légale.
DES INTERMÉDIAIRES IMPOSÉS PAR MATIGNON
En 1994, alors que la vente est sur le point de se conclure, deux intermédiaires entrent en scène : Ziad Takieddine et Abdulrahman El-Assir, deux hommes d'affaires d'origine libanaise. Renaud Donnedieu de Vabres, membre du cabinet du ministre de la défense, François Léotard, les impose dans les négociations. Une consigne, selon des responsables de la DCN, venue directement de Matignon, et donc d'Edouard Balladur.
Le 21 septembre de la même année, un contrat est signé entre Paris et Karachi. Le Pakistan achète pour 5,41 milliards de francs de sous-marins. La Sofma va récupérer 6,25 % du total, soit 338 millions de francs. Quant à Ziad Takkedine et Abulrahman El-Assir, il doivent percevoir 4 % de commission, soit 216 millions de francs. Une partie de ces fonds doit rémunérer les intermédiaires pakistanais. Fait inhabituel, les deux hommes exigent la somme dès janvier 1995, contrairement aux habitudes du secteur, où l'on attend parfois plusieurs années avant le versement des commissions.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle en France. La droite est engagée dans une lutte fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Celui-ci s'appuie avant tout sur deux fidèles : son directeur de cabinet, Nicolas Bazire, et Nicolas Sarkozy, ministre du budget et de la communication, et trésorier de la campagne d'Edouard Balladur à la présidence de la République.
DIX MILLIONS DE FRANCS POUR LA CAMPAGNE DE BALLADUR
Selon des révélations de Libération fin avril 2010, il existe une coïncidence troublante : Takkedine et El-Assir parviennent, le 2 juin 1995, à vendre à une banque espagnole leur contrat de rétrocommission. Ils empochent directement 54 millions de francs de l'établissement, qui doit se rembourser une fois la commission versée.
Et quelques jours plus tôt, le 26 avril 1995, 10 millions de francs ont été versés sur le compte de campagne du RPR. Officiellement, il s'agit du produit de collectes organisées durant les meetings. Mais près de la moitié de ces 10 millions (un cinquième du total des recettes de toute la campagne) est constituée de billets de 500 francs. Les juges soupçonnent ces fonds de provenir des fameuses rétro-commissions.
Arrivé au pouvoir, Jacques Chirac décide en 1996 d'arrêter de verser les commissions dues aux Pakistanais qui ont aidé la France à obtenir le contrat. Selon Libération, un flux d'argent continue cependant de les alimenter officieusement jusqu'en 2001. L'année suivante, en 2002, un attentat frappe les chantiers de construction navals français de Karachi, tuant onze employés français. Paris accuse d'abord Al-Qaida d'être à l'origine de cet attentat. Mais un juge d'instruction, Marc Trévidic, privilégie une autre piste : l'attentat serait la conséquence de l'arrêt du versement des commissions.
SARKOZY CITÉ
Début juin, Mediapart révèle un nouvel élément troublant : selon la police luxembourgeoise, qui enquête elle aussi sur l'affaire, Nicolas Sarkozy serait soupçonné d'être impliqué. En 1994, il aurait donné son accord à la création d'une société offshore, Heine, par lequel auraient transité des fonds provenant des commissions.
Le document des policiers luxembourgeois explique : "une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" et "en 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission [illégale] pour payer des campagnes politiques en France".
"Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR, dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua", ajoutent les policiers du Grand-Duché. En France, la droite est unanime à se "scandaliser" de ces "amalgames". La gauche observe un silence prudent, mais réclame une commission d'enquête.
Le 18 juin, le juge Trévidic confirme l'existence de "rétrocommissions illicites" en marge des contrats de vente de sous-marins. Suffisamment pour que l'avocat des familles des victimes de l'attentat, Me Olivier Morice, accuse : "Au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", estime-t-il. Il dénonce par ailleurs l'attitude du parquet qui, selon lui, refuse de donner au juge les moyens d'enquêter.
BRAS DE FER JUDICIAIRE
Nouveau rebondissement fin août : les familles de victimes lancent une nouvelle plainte, pour faux témoignage contre l'ancien administrateur de Heine, la société offshore qui faisait transiter les commissions. La plainte conduit le parquet de Paris à ouvrir une information judiciaire, confiée au juge Renaud Van Ruymbeke.
Mais le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, accusé par les familles de victime d'être proche de l'Elysée, refuse que l'enquête porte sur les faits de corruption, qui concernent les reponsables politiques de l'époque, les estimant prescrits. Renaud Van Ruymbeke est donc supposé travailler uniquement sur les soupçons d'entrave à la justice envers la DCN, qui aurait dissimulée des preuves, et sur les faux témoignages de Jean-Marie Boivin, ancien patron de Heine.
Mais le juge ne l'entend pas de cette oreille. Le 7 octobre, on apprend qu'il passe outre l'avis du procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Estimant que les faits ne sont pas prescrits, il compte enquêter sur les rétrocommissions et leur possible retour en France pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le trésorier.
Le même jour, on apprend que la police a saisi des pièces au Conseil constitutionnel, qui prouvent que les rapporteurs avaient recommandé le rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur. Principale raison : le versement de 2 millions d'euros (13 millions de francs de l'époque) en espèces.
Samuel Laurent
Pour certains observateurs de la vie politique, la séquence sécuritaire lancée par Nicolas Sarkzoy à Grenoble est avant tout destinée à détourner l'attention de l'opinion de l'affaire Woerth. Mais celle-ci avait déjà poussé quelque peu dans l'ombre une autre affaire, d'une ampleur aussi grande sinon plus encore : celle de Karachi.
Début juin, Mediapart publiait un rapport de la police luxembourgeoise dans lequel était cité le nom de Nicolas Sarkozy. Mais pour comprendre l'affaire de Karachi, il faut remonter à 1992.
Edouard Balladur vient d'être nommé premier ministre de cohabitation, et la direction des constructions navales (DCN) cherche, via la Sofma, société chargée de l'export des produits militaires français, à vendre des sous-marins au Pakistan. La France est en concurrence avec l'Allemagne. Pour "motiver" la Sofma, qui doit bâtir un réseau d'intermédiaires au Pakistan, celle-ci doit percevoir, en cas de réussite, 6,25 % du montant de la commande. Une commission alors encore légale.
DES INTERMÉDIAIRES IMPOSÉS PAR MATIGNON
En 1994, alors que la vente est sur le point de se conclure, deux intermédiaires entrent en scène : Ziad Takieddine et Abdulrahman El-Assir, deux hommes d'affaires d'origine libanaise. Renaud Donnedieu de Vabres, membre du cabinet du ministre de la défense, François Léotard, les impose dans les négociations. Une consigne, selon des responsables de la DCN, venue directement de Matignon, et donc d'Edouard Balladur.
Le 21 septembre de la même année, un contrat est signé entre Paris et Karachi. Le Pakistan achète pour 5,41 milliards de francs de sous-marins. La Sofma va récupérer 6,25 % du total, soit 338 millions de francs. Quant à Ziad Takkedine et Abulrahman El-Assir, il doivent percevoir 4 % de commission, soit 216 millions de francs. Une partie de ces fonds doit rémunérer les intermédiaires pakistanais. Fait inhabituel, les deux hommes exigent la somme dès janvier 1995, contrairement aux habitudes du secteur, où l'on attend parfois plusieurs années avant le versement des commissions.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle en France. La droite est engagée dans une lutte fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Celui-ci s'appuie avant tout sur deux fidèles : son directeur de cabinet, Nicolas Bazire, et Nicolas Sarkozy, ministre du budget et de la communication, et trésorier de la campagne d'Edouard Balladur à la présidence de la République.
DIX MILLIONS DE FRANCS POUR LA CAMPAGNE DE BALLADUR
Selon des révélations de Libération fin avril 2010, il existe une coïncidence troublante : Takkedine et El-Assir parviennent, le 2 juin 1995, à vendre à une banque espagnole leur contrat de rétrocommission. Ils empochent directement 54 millions de francs de l'établissement, qui doit se rembourser une fois la commission versée.
Et quelques jours plus tôt, le 26 avril 1995, 10 millions de francs ont été versés sur le compte de campagne du RPR. Officiellement, il s'agit du produit de collectes organisées durant les meetings. Mais près de la moitié de ces 10 millions (un cinquième du total des recettes de toute la campagne) est constituée de billets de 500 francs. Les juges soupçonnent ces fonds de provenir des fameuses rétro-commissions.
Arrivé au pouvoir, Jacques Chirac décide en 1996 d'arrêter de verser les commissions dues aux Pakistanais qui ont aidé la France à obtenir le contrat. Selon Libération, un flux d'argent continue cependant de les alimenter officieusement jusqu'en 2001. L'année suivante, en 2002, un attentat frappe les chantiers de construction navals français de Karachi, tuant onze employés français. Paris accuse d'abord Al-Qaida d'être à l'origine de cet attentat. Mais un juge d'instruction, Marc Trévidic, privilégie une autre piste : l'attentat serait la conséquence de l'arrêt du versement des commissions.
SARKOZY CITÉ
Début juin, Mediapart révèle un nouvel élément troublant : selon la police luxembourgeoise, qui enquête elle aussi sur l'affaire, Nicolas Sarkozy serait soupçonné d'être impliqué. En 1994, il aurait donné son accord à la création d'une société offshore, Heine, par lequel auraient transité des fonds provenant des commissions.
Le document des policiers luxembourgeois explique : "une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" et "en 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission [illégale] pour payer des campagnes politiques en France".
"Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR, dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua", ajoutent les policiers du Grand-Duché. En France, la droite est unanime à se "scandaliser" de ces "amalgames". La gauche observe un silence prudent, mais réclame une commission d'enquête.
Le 18 juin, le juge Trévidic confirme l'existence de "rétrocommissions illicites" en marge des contrats de vente de sous-marins. Suffisamment pour que l'avocat des familles des victimes de l'attentat, Me Olivier Morice, accuse : "Au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", estime-t-il. Il dénonce par ailleurs l'attitude du parquet qui, selon lui, refuse de donner au juge les moyens d'enquêter.
BRAS DE FER JUDICIAIRE
Nouveau rebondissement fin août : les familles de victimes lancent une nouvelle plainte, pour faux témoignage contre l'ancien administrateur de Heine, la société offshore qui faisait transiter les commissions. La plainte conduit le parquet de Paris à ouvrir une information judiciaire, confiée au juge Renaud Van Ruymbeke.
Mais le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, accusé par les familles de victime d'être proche de l'Elysée, refuse que l'enquête porte sur les faits de corruption, qui concernent les reponsables politiques de l'époque, les estimant prescrits. Renaud Van Ruymbeke est donc supposé travailler uniquement sur les soupçons d'entrave à la justice envers la DCN, qui aurait dissimulée des preuves, et sur les faux témoignages de Jean-Marie Boivin, ancien patron de Heine.
Mais le juge ne l'entend pas de cette oreille. Le 7 octobre, on apprend qu'il passe outre l'avis du procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Estimant que les faits ne sont pas prescrits, il compte enquêter sur les rétrocommissions et leur possible retour en France pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le trésorier.
Le même jour, on apprend que la police a saisi des pièces au Conseil constitutionnel, qui prouvent que les rapporteurs avaient recommandé le rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur. Principale raison : le versement de 2 millions d'euros (13 millions de francs de l'époque) en espèces.
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