vendredi 30 avril 2010

Côté accusation ou côté défense, le procès Pasqua laisse un goût d'inachevé

Après avoir condamné Charles Pasqua à un an de prison avec sursis, vendredi 30 avril 2010, sans doute faudra-t-il que les douze juges parlementaires qui, aux côtés de trois magistrats professionnels composant la Cour de justice de la République, s'interrogent sur l'utilité de cette procédure particulière qui les fait juges d'un de leurs pairs.

Le procès de l'ancien ministre de l'intérieur laisse en effet un curieux sentiment d'inachevé. Comme si, devant cette juridiction d'exception, tout avait été très - trop - ordinaire. Cela tient paradoxalement à Charles Pasqua lui-même.

L'ancien résistant, le gaulliste historique, le combattant souverainiste, l'homme qui a incarné presque jusqu'à la caricature la fonction de ministre de l'intérieur avec sa puissance et ses secrets, a choisi de faire porter par ses collaborateurs le poids de tous les maux dont on l'accuse - des "faisans", a-t-il dit, qui ont "trahi (sa) confiance" et "se sont servis de (son) nom".

Il a ainsi privilégié la seule ligne de défense susceptible de lui valoir une relaxe puisqu'il ne se reconnaît ni coupable ni responsable. "Je ne regrette rien de ce que j'ai fait et si c'était à refaire, je le referais", a-t-il assuré. Mais il a pris un risque : celui de brouiller son image de grand personnage de la vie politique française en cherchant à se métamorphoser en "gogo" pour les besoins de sa cause judiciaire.

Il a du même coup fermé la porte à l'autre débat qui aurait pu interpeller ses pairs : celui d'un ministre qui, tout en protestant de son innocence, assume sa part de responsabilité dans les comportements défaillants de collaborateurs qu'il a choisis et nommés à des places stratégiques. Là était le seul enjeu qui pouvait justifier de confier son sort à des juges majoritairement politiques. Ce rôle, Charles Pasqua le leur a refusé, en leur présentant des arguments dont on aurait pu entendre l'écho en poussant la porte de n'importe quelle chambre de tribunal correctionnel.

Il a dès lors ouvert un boulevard inespéré à l'accusation. L'avocat général Yves Charpenel ne s'y est pas trompé. Avant de requérir contre lui, jeudi 29 avril, quatre ans d'emprisonnement dont deux ferme, 200 000 euros d'amende et la suppression de ses droits électifs, il a interpellé les juges : "Si vous pouvez croire que Charles Pasqua, ministre de l'intérieur pour la seconde fois, entouré de collaborateurs fidèles et éprouvés, a pu à ce point ignorer ce qui se passait dans son ministère et ce que faisaient, en son nom, ses proches, alors naturellement vous pourrez vous convaincre que le seul délit commis est celui de la naïveté ou de l'incompétence, et vous le relaxerez".

"GUET-APENS JUDICIAIRE"

Mais, a-t-il poursuivi, "personne ne peut raisonnablement croire à l'extrême naïveté de cet homme face à la cupidité de ses proches, à son extrême indifférence aux devenirs de son fils et de ses amis, à son extrême éloignement du fonctionnement de son propre cabinet, des services de son ministère, enfin à son extrême incapacité à s'intéresser au financement de ses activités politiques".

L'accusation a donc soutenu la thèse selon laquelle, pendant ces deux années, de 1993 à 1995, où l'homme fort de la Place Beauvau, gagné "par le désir de mener une action publique sous sa seule maîtrise et à la recherche d'une autonomie financière" n'a pas su "résister aux opportunités que ses fonctions lui offraient de favoriser ceux qui lui étaient chers" et a "perdu de vue les limites de la probité publique", quand bien même les affaires qui lui sont reprochées "ne montrent aucune âpreté personnelle au gain, aucune volonté d'enrichissement crapuleux".

En présentant aux juges de la Cour de justice de la République cette seule alternative – croire à la naïveté et à l'incompétence de Charles Pasqua ou le reconnaître responsable de corruption et de recel d'abus de biens sociaux, l'avocat général a masqué les faiblesses du dossier d'accusation qui, comme il l'a reconnu, ne comporte pas de preuve absolue de la culpabilité de l'ancien ministre, mais repose sur un "faisceau d'indices".

Ce piège, la défense de M. Pasqua s'est efforcée d'en écarter les griffes. Tour à tour, Mes Jacqueline Laffont, Pierre Haïk et Léon-Lev Forster ont souligné que Charles Pasqua était tombé dans un véritable "guet-apens judiciaire" destiné à l'abattre. Mais en exhortant les juges à "se débarrasser des rumeurs et des a priori", ils ont surtout plaidé le doute qui doit bénéficier à un prévenu, au fond, très ordinaire.

Pascale Robert-Diard

Procès Pasqua, morceaux choisis de réquisitoire

prdchroniques.blog.lemonde.fr, par Pascale Robert-Diard. 29 avril 2010

L’avocat général Yves Charpenel a requis, jeudi 29 avril, une peine de quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis, l’interdiction des droits électifs et 200.000 euros d’amende contre Charles Pasqua.

Extraits de ses réquisitions à l’audience.

“Ces trois dossiers, c’est mon sentiment après ce long parcours judiciaire, ne montrent aucune âpreté personnelle au gain, aucune volonté d’enrichissement crapuleux qu’une forme d’ivresse du pouvoir aurait pu déclencher.

J’y vois essentiellement deux faiblesses qui ont fini par devenir des fautes:

- Celle de la passion politique qui, à un moment clé où le désir une mener une action politique sous sa seule maîtrise, lui a fait perdre de vue les limites pourtant évidentes de la probité publique, que ne pouvait ni ignorer ni sous estimer un homme de cette stature et de cette expérience.

- Celle de la passion familiale et amicale qui va le conduire à mettre au service de son fils unique et d’un ami politique fidèle les circuits illicites nés au coeur même du ministère qu’il dirigeait et connaissait mieux que personne.

Il est vrai que si vous pouvez croire que Charles Pasqua, ministre de l’intérieur pour la seconde fois, entouré de collaborateurs fidèles et éprouvés, a pu à ce point ignorer ce qui se passait dans son ministère et ce que faisaient, en son nom, ses proches, alors naturellement vous pourrez vous convaincre que le seul délit commis est celui de la naïveté ou de l’incompétence et vous le relaxerez.

Telle n’est pas ma conviction. Et vous retiendrez la mise en place entre 1993 et 1995, entre des personnes se connaissant par coeur et connaissant par coeur le ministère de l’intérieur, d’un système atterrant mais bien réel d’utilisation à des fins personnelles de certaines fonctions attachées aux misions mêmes de ce grand ministère.

Au fond, et avec le recul de ces quinze années d’enquête, voici que se dessine cette période où tout paraissait possible, où les repères s’estompent, où un ministre puissant, un grand ministre, n’a pas su résister aux opportunités que ses fonctions lui offraient de favoriser ceux qui lui étaient chers, à titre familial ou politique.

Personne ne peut raisonnablement croire à l’extrême naïveté de cet homme face à la cupidité de ses proches, à son extrême indifférence aux devenir de son fils et de ses amis, à son extrême éloignement du fonctionnement de son propre cabinet, des services de son ministère, enfin à l’extrême incapacité de Charles Pasqua à s’intéresser au financement de ses activités politiques.

Rappelant les peines encourues, dix ans d’emprisonnement, l’avocat général Yves Charpenel a poursuivi:

“Il s’agit autant de punir, que de signifier à tous que cette violation de la loi n’est pas restée sans réponse. Je vous demande de prononcer une peine d’emprisonnement dont la portée symbolique forte et l’exemplarité doivent marquer l’importance de cette violation et qui tienne compte de la personnalité complexe du prévenu. Parce que, au-delà du destin personnel de Charles Pasqua, l’arrêt de la cour sera à la mesure de l’importance du tort qui a été fait à la République.

Il cite une phrase de Benjamin Constant, qui avait été évoquée dans les débats au moment de la création de la Cour de justice de la République: “les ministres sont souvent dénoncés, accusés quelques fois, condamnés rarement, punis presque jamais”.

En reconnaissant Charles Pasqua coupable des faits qui lui sont reprochés et en le condamnant, dit-il aux juges de la Cour, “vous montrerez que l’application de la loi seule doit et peut répondre efficacement à ceux qui ne l’ont pas respectée, ceux qui ont usé de leurs hautes responsabilités pour servir d’autres intérêts que ceux de la République”.

Charles Pasqua partiellement coupable

prdchroniques.blog.lemonde.fr, par Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde.

“Monsieur Pasqua, veuillez vous lever”, a demandé le président de Cour, Henri Le Gall.

Puis, tout s’est passé très vite.

L’ancien ministre a été déclaré non coupable sur les dossiers du casinon d’Annemasse et de GEC Alsthom. Il échappe donc à une condamnation pour corruption. Il a en revanche été reconnu coupable de recel d’abus de biens sociaux dans l’affaire de la SOFREMI.

La cour a prononcé la confusion des peines avec sa condamnation dans le dossier d’Annemasse devant le tribunal correctionnel.

“Ma parole retouvée, je me ferai entendre au service des Français”, a assuré l’ancien ministre à la sortie de la Cour.

Debout, face à une forêt de micros et de caméras, Charles Pasqua a aussitôt appliqué ce principe en demandant une commission d’enquête sur les gardes à vue, l’augmentation des moyens de la justice afin d’améliorer les conditions de détention. Les défenseurs des droits de l’homme viennent de gagner une nouvelle recrue.

jeudi 29 avril 2010

Les conséquences du verdict pour Charles Pasqua

Le Figaro, 29 avril 2010

L'article 7 du Code électoral prévoit que tout élu condamné pour corruption ou trafic d'influence est écarté des listes électorales à compter de sa condamnation définitive.

Le verdict que rendront les 3 juges et les 12 parlementaires qui composent la cour sera connu ce vendredi à la mi-journée. En jeu: la liberté et le siège de parlementaire de l'ancien ministre.

La menace de la prison

Charles Pasqua a été condamné en octobre dernier à un an de prison ferme dans le dossier de l'Angolagate. Il a formé un appel suspensif. Sa condamnation du mois dernier dans le volet non ministériel de l'affaire du casino d'Annemasse est en revanche définitive. L'ancien ministre a écopé de dix-huit mois avec sursis pour financement illégal de sa campagne électorale des européennes de 1999.

Si la Cour de justice de la République, suivant en tout ou en partie les réquisitions, prononce une peine de prison ferme vendredi, Charles Pasqua, 83 ans, pourrait toutefois réclamer un aménagement de peine. Et le bureau du Sénat sera, auparavant, saisi pour donner son autorisation.

La menace de la déchéance

Charles Pasqua, sénateur des Hauts-de-Seine, pourrait, en cas de condamnation, être contraint d'abandonner son siège. Deux mécanismes peuvent jouer sur cet aspect des choses. D'abord par le choix des magistrats et des parlementaires de la Cour de justice de la République.

Mais aussi par l'effet d'une sanction automatique: l'article 7 du Code électoral prévoit que tout élu condamné pour corruption ou trafic d'influence est écarté des listes électorales à compter de sa condamnation définitive. Or, Charles Pasqua est poursuivi pour corruption passive dans le dossier du casino d'Annemasse…

L'appel

La décision de la Cour de justice de la République n'est pas susceptible d'appel. Charles Pasqua disposera toutefois de cinq jours pour former un pourvoi devant la chambre plénière de la Cour de cassation. Le recours serait alors formé sur la forme et non sur le fond.

Procès Pasqua : quatre ans requis, dont deux ferme

Le Monde, 29 avril 2010

L'avocat général de la Cour de justice de la République (CJR) a requis, jeudi 29 avril, quatre ans de prison, dont deux ferme, à l'encontre de l'ancien ministre de l'intérieur Charles Pasqua, jugé pour trois affaires de corruption présumée entre 1993 et 1995. L'avocat général Yves Charpenel a, en outre, demandé 200 000 euros d'amende et une interdiction de mandats électifs.

“Ces trois dossiers (...) ne montrent aucune âpreté personnelle au gain, aucune volonté d'enrichissement crapuleux, qu'une forme d'ivresse du pouvoir aurait pu déclencher" a déclaré l'avocat général dans son réquisitoire, relevant cependant deux "faiblesses", "qui ont fini par devenir des fautes" : "la passion politique qui (...) lui a fait perdre de vue les limites pourtant évidentes de la probité publique (...) ; et la passion familiale et amicale qui va le conduire à mettre au service de son fils unique et d’un ami politique fidèle les circuits illicites nés au coeur même du ministère qu’il dirigeait et connaissait mieux que personne".

La défense de M. Pasqua doit prononcer ses plaidoiries dans l'après-midi. "Il sera montré combien cette peine est inadaptée à la réalité humaine et politique de M. Pasqua", a déclaré l'un des avocats de Charles Pasqua, Me Léon Lev Forster, à l'issue des réquisitions. Evoquant "l'intégrité qui a été la sienne pendant toute son existence", le fait "qu'il a toujours privilégié ses convictions et pas ses intérêts personnels", l'avocat affirme : "D'une certaine façon, on essaie de faire de ce procès un exorcisme, et pas du tout la recherche authentique de la vérité."

M. Pasqua est jugé par la CJR, une juridiction d'exception, pour des faits de corruption passive dans l'autorisation d'exploitation du casino d'Annemasse (Haute-Savoie), qui aurait permis de financer plus tard son parti, le Rassemblement pour la France (RPF).

Il est aussi accusé de complicité et de recel d'abus de bien sociaux dans les affaires des contrats de la Sofremi, société de matériel de police liée à l'intérieur, et de l'autorisation du déplacement du siège de GEC-Altsthom. Le verdict doit être rendu vendredi à la mi-journée.

L'avocat général remet Pasqua au centre du jeu

Le Figaro, 29 avril 2010

Pour l'avocat général de la cour de Justice Yves Charpenel, qui a requis quatre ans de prisons dont deux fermes, le pari était de renverser l'impression générale que le procès a souvent donné.

Charles Pasqua avait ironisé mercredi après-midi en se demandant si ce procès était réellement le sien. L'avocat général de la cour de Justice Yves Charpenel s'est chargé pendant près de deux heures ce jeudi matin de le remettre au centre du jeu.

Pour ce faire, le magistrat se lance dans l'exercice habituel de l'énumération patiente des charges mais son urgence est ailleurs : le ministère public doit renverser l'impression générale que le procès avait souvent donnée. Yves Charpenel a donc choisi de railler le spectacle offert par le prévenu et par les témoins acquis à sa cause.

«Personne ne peut croire à l'extrême naïveté de cet homme face à la cupidité de ses proches», se désole l'avocat général, presque chagriné d'un tel discours de la part «d'un homme d'Etat» , «combattant inlassable» qui deux fois fut ministre d'Etat place Beauvau.

Pour l'avocat général, «ce parcours ne peut occulter les ombres judiciaires» : «Ces trois dossiers ne montrent aucune âpreté personnelle au gain, ni aucune volonté d'enrichissement crapuleux». Ils seraient en revanche la manifestation de «deux faiblesses» : «la passion politique qui fait perdre de vue les limites de la probité publique».

Pour la culture politique, l'accusateur cite l'une des biographies politiques de Charles Pasqua dans laquelle il disait son amertume vis-à-vis de la famille gaulliste du RPR et sa volonté de trouver des moyens pour mener seul le combat politique.

Pour le détail des charges, Yves Charpenel souligne «l'étroite relation entre les ministres et les receleurs». C'est au terme de leur défilé, pourtant, que Charles Pasqua avait dénoncé les indélicatesses menées par un entourage qui aurait odieusement abusé de son nom.

Dans sa globalité, le réquisitoire est construit en six parties aussi ordonnées que destructrices.

L'une des flèches de l'avocat général est ainsi dérochée en nom collectif à la plupart des 57 témoins que la cour de justice de la République avait convoqué dans la perspective déçue de les entendre réitérer leurs déclarations accablantes.

Au lieu de ça, la cour eut «l'indécent retournement homogène des témoins qui ont fait l'effort d'oublier, laissant à tous l'impression de malaise sur le poids des charges».

Sous des dehors policés et cultivés, on entend même Yves Charpenel glisser quelques ironies souriantes comme celle-ci : Charles Pasqua aurait été «corrompu à l'insu de son plein gré».

Au terme de ses réquisitions, le magistrat réclame quatre ans de prison dont deux fermes contre l'ancien ministre, 200.000 euros d'amende et une interdiction d'exercer ses droits électifs.

Dans le cumul des dossiers du casino d'Annemasse, de Gec-Alsthom et de la Sofremi, la peine maximale encourue était de dix ans de prison.

Les délits reprochés, de trois ordres : corruption passive, complicité d'abus de biens sociaux et complicité de recel d'abus de biens sociaux.

Dans cet univers de la délinquance financière, rappelle le magistrat, les tribunaux ne recherchent «ni aveu ni preuve scientifique» car «ce sont des infractions où la dissimulation domine et où l'aveu est rare».

Sa mission est donc d'énumérer «les séries d'indices concordant qui fondent un faisceaux de culpabilité». Au fur et à mesure, le faisceau de culpabilité est détaillé point par point. «A moins de croire que le seul délit est la naïveté ou l'incompétence», «les faits sont parfaitement établis», dira par exemple le magistrat à l'occasion du dossier du casino d'Annemasse.

Même s'il avait tenté de s'en démarquer, Charles Pasqua est plus que jamais au centre de son procès.

Le verdict de la cour de justice de la République doit être rendu vendredi à la mi-journée après, ce jeudi, la plaidoirie des avocats de l'ancien ministre, Jacqueline Laffond, Pierre Haïk et Léon Lef Forster.

Procès Pasqua : quatre ans requis, dont deux ferme

Le Monde, 29 avril 2010

L'avocat général de la Cour de justice de la République (CJR) a requis, jeudi 29 avril 2010, quatre ans de prison, dont deux ferme, à l'encontre de l'ancien ministre de l'intérieur Charles Pasqua, jugé pour trois affaires de corruption présumée entre 1993 et 1995. L'avocat général Yves Charpenel a, en outre, demandé 200 000 euros d'amende et une interdiction de mandats électifs.

“Ces trois dossiers (...) ne montrent aucune âpreté personnelle au gain, aucune volonté d'enrichissement crapuleux, qu'une forme d'ivresse du pouvoir aurait pu déclencher" a déclaré l'avocat général dans son réquisitoire, relevant cependant deux "faiblesses", "qui ont fini par devenir des fautes" : "la passion politique qui (...) lui a fait perdre de vue les limites pourtant évidentes de la probité publique (...) ; et la passion familiale et amicale qui va le conduire à mettre au service de son fils unique et d’un ami politique fidèle les circuits illicites nés au coeur même du ministère qu’il dirigeait et connaissait mieux que personne".

M. Pasqua est jugé par la CJR, une juridiction d'exception, pour des faits de corruption passive dans l'autorisation d'exploitation du casino d'Annemasse (Haute-Savoie), qui aurait permis de financer plus tard son parti, le Rassemblement pour la France (RPF).

Il est aussi accusé de complicité et de recel d'abus de bien sociaux dans les affaires des contrats de la Sofremi, société de matériel de police liée à l'intérieur, et de l'autorisation du déplacement du siège de GEC-Altsthom. Le verdict doit être rendu vendredi à la mi-journée.

Pierre-Philippe Pasqua refuse d'être "le trait avec lequel on veut abattre" son père

Le Monde, 28 avril 2010

Pierre-Philippe Pasqua se savait très attendu devant la Cour de justice de la République, mardi 27 avril. "Je suis le trait avec lequel on veut abattre Charles Pasqua depuis des années", a observé, dans sa déclaration liminaire, le fils unique de l'ancien ministre de l'intérieur.

Dans ces dossiers construits en cercles plus ou moins étroits, qui enserrent Charles Pasqua sans le toucher personnellement, Pierre-Philippe Pasqua constitue en effet une prise de choix pour l'accusation. Le fait qu'il a bénéficié en 1994, sur un compte ouvert à l'étranger, de deux virements de 700 000 et 1 835 000 dollars de la part du sulfureux intermédiaire Etienne Leandri, lui a valu une double condamnation définitive à une peine d'un an de prison ferme.

"J'ai été condamné, je ne suis responsable de rien, coupable de rien, et Charles Pasqua encore moins", a-t-il assuré. Solidement campé à la barre, jetant un regard noir au public quand celui-ci s'avisait de réagir à ses propos, il a expliqué avoir toujours eu des activités différentes de celles de son père : "Je ne me suis jamais engagé en politique. Un Pasqua, ça suffisait."

"VOUS NE SAVEZ RIEN"

A son célèbre géniteur, qui a effectué une partie de sa carrière chez Ricard, Pierre-Philippe Pasqua doit tout de même d'avoir "baigné depuis l'enfance dans le monde de l'anisette, de la vodka et des spiritueux", notamment au gré des "colonies de vacances de chez Ricard" dont il a évoqué le souvenir ému devant la Cour. Tout ceci pour dire qu'il était parfaitement qualifié pour servir, via l'intermédiaire d'Etienne Leandri, de "conseiller spécial du président d'un groupe coréen de taille mondiale dans les spiritueux", et justifier ainsi les émoluments qu'il avait perçus. "2 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent, mais il faut remettre en perspective", a indiqué Pierre-Philippe Pasqua.

Le fils de l'ancien ministre de l'intérieur a ensuite tenté d'expliquer comment il s'était retrouvé, presque à son insu, ayant-droit d'un compte à l'étranger alimenté par Etienne Leandri et sur lequel celui-ci bénéficiait d'une procuration. Il a démenti tout lien entre le virement de ces fonds et les très confortables commissions que percevait à cette même période Etienne Leandri de la part de la Sofremi, la société de vente de matériel de sécurité placée sous la tutelle du ministère de l'intérieur. "Je n'ai jamais travaillé avec GEC-Alsthom, ni avec la Sofremi. Jamais Charles Pasqua ne s'est entretenu avec moi de ces sujets. Jamais Etienne Leandri ne m'a sollicité pour demander quelque service à Charles Pasqua", a-t-il dit.

L'un des juges parlementaires s'est alors tourné vers M. Pasqua : "Avez-vous eu connaissance des activités de votre fils ?

- Non.

- En votre qualité de ministre de ministre de l'intérieur, ces activités pouvaient-elles rester ignorées de vous, alors que votre fils détenait des comptes à l'étranger ?

- Je n'ai eu aucune information venant du ministère de l'intérieur ou des finances."

Quelques minutes plus tôt, la Cour avait entendu le témoignage de Gilbert Grilhault des Fontaines, un ami très proche d'Etienne Leandri. Pendant l'enquête, il avait expliqué que celui-ci vouait une immense admiration à Charles Pasqua - qu'il appelait "le grand" - et que les liens entre les deux hommes s'étaient "consolidés" quand le ministre lui avait demandé de "veiller sur son fils." A la barre, le témoin met ces propos sur le compte des conditions épuisantes de sa garde à vue. Le président de la Cour, Henri-Claude Le Gall, lui en a rappelé d'autres, tenus devant le juge d'instruction : "Etienne Leandri m'avait dit, au cas où l'on viendrait à m'interroger sur le fils Pasqua : "vous ne savez rien"." "Ce moment est donc arrivé", a observé en souriant le président.

Pascale Robert-Diard

L'étrange épisode du parkingLundi 26 avril, une ancienne secrétaire de Pierre Falcone avait raconté qu'un soir de décembre 1996, restée tard dans les locaux de la société Brenco, elle avait aperçu Charles Pasqua dans le bureau de son patron. Ce témoignage est fâcheux pour l'ancien ministre de l'intérieur, qui a toujours nié avoir eu un quelconque contact avec Pierre Falcone.

A l'une des juges qui lui demandait si, "solennellement", il maintenait sa position, M. Pasqua avait répondu : "Solennellement, je vous confirme que je ne suis jamais allé dans les établissements de M. Falcone." A la reprise de l'audience, mardi matin, l'avocat général Yves Charpenel a informé la cour d'un étrange épisode.

Le témoin lui a signalé qu'après sa déposition, alors qu'elle regagnait son véhicule dans le parking devant le palais de justice, elle avait été abordée par un homme, âgé d'une cinquantaine d'années, qui lui avait demandé si "elle était fière de son témoignage". Le parquet général a demandé une enquête.

Le testament du prévenu Charles Pasqua

prdchroniques.blog.lemonde.fr
par Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde.

Les débats devant la Cour de justice de la République sont clos. Jeudi matin, l’avocat général Yves Charpenel prononcera son réquisitoire et après les plaidoiries de la défense, la Cour entrera en délibéré. Elle rendra public son verdict vendredi midi.

Cet après-midi, Charles Pasqua a pris la parole et répondu aux ultimes questions de la Cour.

“Est-ce le procès de Charles Pasqua? a-t-il demandé. Car pour l’instant, c’est celui de l’environnement et de la rumeur. Je ne suis pas un homme d’acier. Evidemment, j’ai l’air solide et je le suis mais le fait que je comparais devant la Cour de justice de la République me touche. Je suis humilié en tant qu’homme public qui a toujours servi son pays et continue de le faire. Je suis blessé, je suis meurtri. Des collaborateurs auxquels j’avais donné ma confiance se sont servis de mon nom, se sont compromis pour de l’argent, des gens qui appartiennent à des grands corps de l’Etat!”

Charles Pasqua s’en est alors pris un à un à ses collaborateurs. Pierre-Henri Paillet, qu’il avait nommé à la tête de la DATAR: “il a porté atteinte à l’honorabilité du ministère de l’intérieur et à la mienne”; Bernard Guillet, son ancien conseiller diplomatique: “j’ai écouté ses vaticinations. Il est atteint de délire permanent”. Tous deux ont eu droit à un autre qualificatif: “ce sont des faisans”, a déclaré M. Pasqua. Son fils? “Laissons mon fils à part”.

L’ancien ministre de l’intérieur a alors entraîné la Cour dans le récit de sa longue biographie, de son engagement dans la Résistance, à son rôle au sein du mouvement gaulliste.

“Alors, soutenir qu’après avoir fait tout ce que j’ai fait pour le mouvement gaulliste, j’aurais entamé quelque chose pour mon propre intérêt, ça ne tient pas une seconde!”.

Se tournant vers les juges, il a déclaré:

- Vous aurez à vous déterminer. Les choses ne sont pas faciles. Si vous considérez que je suis un pourri, condamnez-moi, faites-le! Et je vous regarde, les yeux dans les yeux, tous. Ce n’est pas pour vous menacer! Mais j’ai la faiblesse de penser que vous me connaissez et j’espère que vous avez de moi une autre perception que celle qui vous a été donnée.”

mercredi 28 avril 2010

Attentat de Karachi : entre soupçons et zones d'ombre

Le Monde, 28 avril 2010

Edouard Balladur a été entendu, mercredi 28 avril 2010, par la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi de 2002. Il en a fait lui-même la demande à la suite d'un article de Libération l'accusant d'avoir financé sa campagne électorale de 1995 grâce à des rétro-commissions occultes perçues dans le cadre de la vente de sous-marins au Pakistan. Le juge d'instruction chargé de l'enquête sur l'attentat soupçonne ces pots-de-vin d'être à l'origine de l'attaque qui a coûté la vie à onze Français.

Rien n'a filtré de l'audition de l'ancien premier ministre, mais le rapporteur de la mission d'information parlementaire, le député PS Bernard Cazeneuve, a peu après affirmé n'avoir "jamais" rencontré "autant de difficultés" pour mener à bien son travail, en raison des "relations avec l'exécutif".

"Un très grand nombre de documents qui ont été demandés n'ont pas été communiqués", a-t-il déploré. La liste de ces documents figurera dans le rapport de la mission, dont la publication est prévue le 12 mai.

Si aucune preuve ne permet pour l'heure d'affirmer que le financement de la campagne de M. Balladur et l'attentat de 2002 sont liés, c'est aujourd'hui la piste que privilégie le juge d'instruction chargé de l'enquête, qui parle d'une "affaire d'Etat".

Rappel des faits :

L'attentat

Le 8 mai 2002, un attentat contre un bus de la Direction des constructions navals (DCN) à Karachi fait quatorze morts, dont onze ingénieurs français qui travaillaient sur place à la construction d'un sous-marin. La piste d'un attentat islamiste anti-occidental est tout d'abord privilégiée. Deux Pakistanais soupçonnés d'être liés à Al-Qaida sont condamnés à mort en 2003, avant d'être acquittés en appel en mai 2009. La justice pakistanaise estime que le seul témoignage produit a été monté de toutes pièces. En juin, les juges français chargés de l'enquête indiquent qu'ils privilégient désormais une autre piste : l'attentat aurait été commis par des militaires pakistanais en représailles contre le non-versement de commissions par la France lors de la vente de trois sous-marins de type Agosta. Une piste que le juge d'instruction antiterroriste, Marc Trévidic, qualifie de "cruellement logique".

Un contrat ruineux

En septembre 1994, François Léotard, ministre de la défense du gouvernement Balladur (1993-1995), signe avec son homologue pakistanais la commande de trois sous-marins Agosta 90-B pour la somme de 5,4 milliards de francs (près de 820 millions d'euros).

Selon l'instruction, ce contrat a donné lieu au versement d'importantes commissions (près de 10 % du marché) à des militaires pakistanais, en partie réglées par la DCN, placée sous la tutelle directe du ministère de la défense.

Des voix s'étaient élevées à l'époque pour critiquer ce contrat ruineux : la DCN aurait vendu à perte ses sous-marins pour préserver le plan de charge des arsenaux. Pour la Cour des comptes, elle a tout simplement mal négocié son contrat.

Commissions et rétro-commissions

Le versement de commissions en marge de contrats internationaux était légal à l'époque des faits (elles sont théoriquement interdites depuis 2000 par une convention de l'OCDE). Ce qui l'est moins, c'est qu'elles auraient donné lieu au versement d'importantes rétro-commissions à des responsables français.

Selon Libération, une enquête préliminaire aurait mis au jour un circuit financier de commissions et de rétro-commissions d'un montant de 184 millions de francs (environ 28 millions d'euros) ayant profité à deux intermédiaires imposées par M. Balladur lors des négociations.

Les enquêteurs disposeraient de documents attestant que l'ancien premier ministre aurait bénéficié d'un versement en une fois de plus de 10 millions de francs (environ 1,5 million d'euros), essentiellement en billets de 500 francs, pour financer ses activités politiques, et notamment la campagne présidentielle de 1995.

Au lendemain de sa victoire à la présidentielle de 1995, Jacques Chirac met fin au versement des commissions.

Selon son ancien ministre de la défense, Charles Millon, il demande explicitement de bloquer "le versement des commissions pouvant donner lieu à des rétro-commissions".

Dès 1996, la France interrompt le paiement des sommes promises à des militaires pakistanais ainsi qu'aux deux intermédiaires imposés par Edouard Balladur, adversaire malheureux de Jacques Chirac à la présidentielle. C'est cette décision qui aurait, selon le juge d'instruction, incité une partie des services secrets militaires pakistanais à actionner un groupe fondamentaliste par mesure de rétorsion.

Les trois enquêtes

Lundi, l'avocat des familles des victimes, Me Olivier Morice, a accusé le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, de tenter "par tous les moyens d'éteindre l'incendie au mépris de la recherche de la vérité". Ce dernier a rétorqué en rappelant que trois enquêtes étaient ouvertes sur "divers aspects de l'affaire" de Karachi.

Premièrement, l'enquête antiterroriste sur l'attentat confiée au juge Marc Trévidic, qui privilégie la thèse des représailles contre le non-versement des commissions. Outre cette enquête, une autre information judiciaire a été confiée à des juges financiers. Elle examine des faits d'espionnage présumés en lien avec la DCN (aujourd'hui DCNS).

Une enquête préliminaire a par ailleurs été ouverte à la suite d'une plainte déposée en décembre 2009 par six familles de victimes de l'attentat. Elle a été confiée aux policiers de la Division nationale des investigations financières.

Cette plainte vise le club politique d'Edouard Balladur pour "corruption" et les dirigeants de la DCN pour "entrave à la justice". Les parties civiles reprochent à ces derniers de n'avoir pas communiqué aux enquêteurs un rapport interne évoquant dès la fin 2002 la piste des commissions.

Qui est visé ?

Me Olivier Morice accuse Edouard Balladur de mentir et a indiqué qu'il allait demander "dans les prochains jours" son audition par les magistrats instructeurs.

Il estime que les anciens ministres François Léotard et Renaud Donnedieu de Vabres, qui faisaient partie de l'entourage du candidat à la présidentielle, devraient eux aussi être convoqués par les magistrats.

Dans une tribune au Figaro, l'ancien premier ministre répond aux accusations portées par Libération : il dénonce "un tissu d'invraisemblances et d'absurdités" et souligne que les comptes de sa campagne ont été "validés" par le Conseil constitutionnel. Il met aussi en avant le "délai" de six ans entre le blocage des commissions et l'attentat.

Selon l'avocat, l'enquête est également susceptible de concerner Nicolas Sarkozy, ministre du budget de M. Balladur (1993-1995) puis directeur de campagne de l'ancien premier ministre.

Il accuse le président d'être "au cœur de la corruption" dans ce dossier. Des allégations qualifiées de "grotesques" par le chef de l'Etat. "C'est ridicule (...). Respectons la douleur des victimes. Qui peut croire une fable pareille ?", avait-il déclaré en juin.

Soren Seelow

Balladur entendu mercredi par la mission parlementaire

Edouard Balladur sera entendu mercredi par la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi en 2002 après avoir demandé à l'être suite aux révélations de Libération sur un financement présumé illégal de sa campagne présidentielle de 1995, a-t-on appris mardi auprès du président de la mission, Yves Fromion (UMP). Cette audition se déroulera mercredi à huis clos, a-t-il précisé, confirmant une information de France 2. Mardi, Yves Fromion avait déclaré que l'ancien Premier ministre (1993-1995) avait "lui-même demandé à être entendu". Il s'était refusé néanmoins alors à donner des indications sur la date de cette audition.


Le Point, 28 avril 2010

Mardi, l'avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice, avait accusé Edouard Balladur de mentir et annoncé qu'il demanderait aussi son audition, mais devant le juge d'instruction antiterroriste chargé de l'enquête, Marc Trévidic. Selon Libération , la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995 aurait reçu 10 millions de francs (1,5 million d'euros) en espèces provenant de rétrocommissions occultes liées à la vente de sous-marins français au Pakistan.

La justice antiterroriste française enquête sur un attentat qui avait causé en 2002 à Karachi la mort de 11 Français travaillant pour la Direction de la construction navale (DCN) qui avait vendu ces sous-marins. L'hypothèse d'une vengeance liée au non-versement de commissions promises dans le cadre du contrat signé par la DCN a été évoquée.

Le sénateur UMP René Vestri mis en examen pour blanchiment et trafic d'influence

Libé-Marseille, 27 avril 2010

Le sénateur-maire de Saint-Jean Cap Ferrat (Alpes-Maritimes) a été mis en examen mardi à Marseille. « L'affaire se dégonfle », assure-t-il. Lire la suite

Le Sénat avait autorisé une levée partielle de son immunité parlementaire le 20 janvier.

Dans cette affaire instruite par le juge Duchaine, de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, René Vestri doit notamment s'expliquer sur les 400 000 euros en liquide retrouvés dans son coffre bancaire à Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes).

Il assure qu'il n'était pas au courant.

« Je savais que ma femme avait un coffre, j'ignorais totalement ce qu'il y avait dedans », nous expliquait-il, le 3 décembre.

Les 400 000 euros ont été saisis, la mairie et le domicile du maire ont été perquisitionnés.

Sa femme et ses deux filles ont été placées fin novembre en garde-à-vue puis relâchées.

René Vestri, 71 ans, s'offusquait alors: « Ce que l'on veut absolument, c'est que mes filles et ma femme avouent que cet argent est à moi. »

Les enquêteurs se demandent en effet si l'argent entassé sur des comptes offshore détenus par les filles Vestri n'appartient pas en fait à leur père.

En décembre, pour justifier les 400 000 euros en liquide, le sénateur reconnaissait « un peu de dissimulation fiscale, mais pas [le] concernant ». Il ajoute: « Qui n'a pas fraudé le fisc? »

Il assurait: « Au bout de trente ans d'exercice, si le maire avait été malhonnête, ça se saurait. »

Son explication sur l'argent liquide? « J'imagine que, quand on a vendu notre entreprise de travaux publics, on a pris un peu d'argent en liquide. On a aussi fait quelques travaux, payés en espèces. Tout le monde acceptait de faire ça. »

Après sa mise en examen mardi, il nous a assuré: « On m'a désigné comme l'homme à abattre. La PJ a fait ce qu'elle a pu pour essayer de me faire entrer dans le système. Mais ce sont des affaires fausses montées en épingle. »

Il affirme que « rien dans le dossier » ne prouve les accusations. « Avec ma femme, nous avons donné de l'argent à nos filles. Comme je suis atteint d'un cancer, nous avons distribué nos biens. C'est tout. »

Selon son avocat, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, la mise en examen ne s'accompagne d'aucun contrôle judiciaire.

« On a levé son immunité judiciaire pour rien, assure l'avocat. La montagne a déjà accouché d'une souris. Bouger la JIRS et le juge Duchaine pour deux femmes [Les filles Vestri] qui ont essayé de mettre de l'argent de côté, c'est un peu ridicule.C'est surtout une machination politique. La justice a été instrumentalisée. »

Un autre volet de l'affaire concerne le maire divers droite de Beausoleil (Alpes-Maritimes) Gérard Spinelli. Accusé d'avoir reçu de l'argent pour ne pas s'opposer à la construction de la tour Odéon à Monaco, en bordure de sa commune, il conteste.

Lino Alberti, un entrepreneur qui affirme avoir versé cet argent à Gérard Spinelli, a aussi aidé les filles de René Vestri à placer des fonds sur des comptes offshore.

Le sénateur-maire assure être étranger à ces faits: "Entre M.Alberti et moi-même, il n'y a jamais eu l'échange d'un billet de banque", nous affirme René Vestri.

Selon son avocat, la mise en examen du sénateur UMP pour blanchiment correspond à ces versements faits par ses filles à Lino Alberti.

Mais "c'est le problème des filles", affirme Me Versini, selon qui elles "ont la quarantaine" et sont donc bien assez grandes pour savoir ce qu'elles font.

Etienne Leandri: Un riche fantôme hante le procès de Pasqua

Libération, 27 avril 2010 Par KARL LASKE

Etienne Leandri, intermédiaire décédé en 1995, a versé des fonds au fils de l’ex-ministre.

Au procès de Charles Pasqua, il y a un homme clé. Et malheureusement pour les juges de la Cour de justice de la République, il est mort en 1995. Les témoins ne parlent que de lui, mais les juges peinent à cerner le personnage. Etienne Leandri, c’est son nom, a laissé peu de choses derrière lui. Le souvenir d’un homme qui circulait en Bentley, vivait à Marbella (Espagne), et disposait d’un petit bureau rue du faubourg Saint-Honoré.

«Etienne Leandri ne peut que peser sur cette salle et sur ce procès», a expliqué le marchand d’armes Pierre Falcone. Mais ce qu’il a laissé pourrait faire condamner Pasqua : deux paiements au bénéfice de Pierre-Philippe Pasqua, le fils de l’ancien ministre, et pas des moindres, 4 et 9,8 millions de francs, sur des affaires découlant d’autorisations du ministère de l’Intérieur.

Dès lors, la Cour s’interroge. Pasqua était-il au courant ? Fréquentait-il l’homme d’affaires ? Pasqua s’est souvenu de l’avoir rencontré dans les années 1970, introduit par Patrick Devedjian. Sans plus. «Charles Pasqua et Etienne Leandri se connaissaient, admet Bernard Guillet, l’ancien conseiller diplomatique du ministre de l’Intérieur. Ils se sont vus régulièrement. Etienne Leandri me disait "Comment va le grand ?" Il l’appelait comme ça. Il était attentionné. Il voulait aider Charles Pasqua. Il a toujours eu de l’affection pour Charles Pasqua. Il n’était pas le seul.»

L’ancien diplomate, lui-même financé par Leandri, se souvient d’un dîner à trois, au Pré Catelan. «Dans les dîners, c’était presque un cérémonial, on ne parlait jamais d’affaires. Mais de la politique et des amis.» Pasqua et Leandri n’avaient évoqué que «leurs amitiés», «leurs familles», la Corse. Mais aucun «pacte de corruption» n’avait été scellé. Guillet va plus loin : «Je crois que Charles Pasqua est innocent.»

Guillet prétend qu’il a été interrogé «sous la menace» lors de l’instruction. Comme une autre membre du cabinet, Sabine de La Laurencie. «Tout ce que j’ai dit, je l’ai dit sous la menace, assure-t-elle. Je n’ai pas eu mon mot à dire.» Le président Henri-Claude Le Gall rappelle ses déclarations. L’une d’elles concerne l’ex-amie de Leandri, qui cherchait de l’aide après son décès. «Charles Pasqua aurait dit à Bernard Guillet : "C’est une mauvaise nouvelle si elle parle celle-là, vous vous souvenez ?"» questionne le président. «Je n’ai jamais rien dit de ce genre», répond Sabine de La Laurencie. Le président poursuit sa lecture : «Il y aurait un moyen plus radical d’arrêter les choses. Bernard Guillet avait compris qu’il s’agissait de l’éliminer.» Un roman des enquêteurs.

Un autre hiérarque des Hauts-de-Seine, le député Jean-Jacques Guillet - simple homonyme du précédent - a lui aussi bénéficié du «soutien» de Leandri, qui avait renfloué le Quotidien du maire qu’il dirigeait. «Il s’était proposé de nous aider», explique-t-il. Et 19 millions de francs lui parviennent. «Mais je n’ai jamais été témoin d’une quelconque relation de monsieur Pasqua avec lui», assure-t-il. Pasqua fils est entendu aujourd’hui.

Procès Pasqua : le fils défend le père

Le Figaro, 27 avril 2010

Entendu mardi par la Cour de justice, Pierre-Philippe a estimé avoir été utilisé contre son père Charles.

Déposer comme témoin au procès de son père n'est déjà pas banal, mais Pierre-Philippe Pasqua est décidément unique à plus d'un titre. Il l'est pour l'état civil, unique enfant de l'ancien ministre de l'Intérieur. Mais il l'est surtout pour la Cour de justice de la République qui, depuis lundi dernier, a vu Charles Pasqua, seul prévenu du procès, prendre méthodiquement ses distances avec toutes les personnalités que l'accusation présente comme son entourage affairiste et sulfureux. Charles Pasqua a ainsi su dresser un cordon sanitaire efficace vis-à-vis de l'intermédiaire Étienne Léandri ou de l'homme d'affaires Pierre Falcone, tous deux condamnés définitivement dans l'affaire de la Sofremi. Les choses se compliquent donc à l'évocation de son propre fils, condamné définitivement, lui aussi dans le dossier de la Sofremi mais aussi dans l'affaire GEC-Alstom. À son corps défendant, Pierre-Philippe Pasqua incarne l'ombre la plus voyante de ce que la justice a toujours considéré, au fil des procès précédents, comme la galaxie ­Pasqua.

À la barre des témoins, Pierre-Philippe Pasqua nie farouchement cet «amalgame». Physique robuste, œil vif, il annonce d'emblée son credo: il croit en l'innocence de son père, en la sienne mais surtout pas en la justice qui l'aurait manipulé et utilisé comme une vulgaire arme par destination pour exécuter son père: «Jamais je n'aurais imaginé en 1968 lorsque mon père a été élu pour la première fois député qu'il serait un jour renvoyé devant une juridiction comme la vôtre. J'en suis doublement meurtri. Je suis le trait avec lequel on veut l'abattre depuis des années.» Plus tard, on l'entendra ajouter cette formule: «Je ne suis responsable de rien, coupable de rien, et Charles Pasqua l'est encore moins.»


Filiations bancaires

Pour les autres témoins, la mise à distance vis-à-vis du ministre d'État était passée par l'explication de l'agenda surchargé d'un locataire de la Place Beauvau ou par le fait, selon l'expression de Charles Pasqua lui-même, que «des gens de (son) entourage avait essayé de se servir de (son) nom» à son insu. De la part du fils, cette fois, le témoignage se conjugue à la première personne du singulier et sur le mode de celui qui a réussi à voler de ses propres ailes: «La réalité, expose Pierre-Philippe Pasqua, est que j'ai toujours eu des activités différentes de celles de mon père. J'ai décidé de ne pas m'engager en politique - un Pasqua, ça suffisait - et j'ai choisi d'implanter mes activités à l'étranger. Je n'ai pas informé Charles Pasqua de mes activités pas plus qu'il ne m'informait des siennes. Je n'ai eu aucun rapport avec GEC-Alstom ou la Sofremi.»

Sur le fond de ces deux dernières affaires - pour lesquelles son père comparait devant la CJR pour «corruption passive» et «complicité et recel d'abus de biens sociaux» -, Pierre-Philippe Pasqua doit affronter des filiations qui, celles-ci, sont davantage bancaires que généalogiques. L'avocat général Yves Charpenel mentionne les circuits qui auraient permis à Pierre-Philippe Pasqua «de récupérer des fonds qui venaient du ministère de l'Intérieur (…) par le biais de circuits de financement d'argent en Corée, mais aussi au Liechtenstein, au Panama ou au Liban». L'ombre de l'homme d'affaires Étienne Léandri, mort en 1995, plane sur ces deux dossiers. Pierre-Philippe Pasqua avait travaillé avec lui en Corée du Sud dans une entreprise d'alcool et de spiritueux. Cela ne fait pas de lui «le fils spirituel» de Léandri, précise le fils de l'ancien ministre, qui ferraille ensuite avec l'accusation pour démentir sa mainmise sur un compte suisse ouvert par le premier et dont le second était devenu l'ayant droit après le décès de Léandri.

Le banquier suisse appelé peu après à la barre est suffisamment confus dans ses confidences sur sa clientèle privée pour apporter du grain à moudre au fils de Charles Pasqua. «Nous constatons qu'il y a un amas de poussières extérieur à M. Charles Pasqua», observe en fin d'audience et à voix aussi haute que satisfaite Léon Lef Forster, l'un des trois défenseurs de Charles Pasqua. Mais un parlementaire, juge suppléant, fronce encore le sourcil.

- Monsieur le ministre d'État, interroge l'un d'eux, avez-vous eu à connaître les activités de votre fils lorsque vous étiez au ministère de l'Intérieur?

- Je n'ai eu aucune information émanant ni du ministère de l'Intérieur ni de l'Économie et des Finances. S'ils avaient été informés de quoi que ce soit d'anormal, ils l'auraient fait. Manifestement, ils ne l'ont pas été…

Pour les faits qui lui ont valu ses deux condamnations, Pierre-Philippe Pasqua ne dit pas autre chose: «Je suis condamné. C'est une réalité judiciaire. Mais la réalité des faits est différente.»

Le dilemme de Charles Pasqua

par Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde. prdchroniques.blog.lemonde.fr, 28 avril 2010.

Pris séparément, chacun des trois dossiers qui vaut à Charles Pasqua de comparaître devant la Cour de justice de la République, n’apporte pas la preuve irréfutable de la culpabilité de l’ancien ministre de l’intérieur dans les faits de corruption et de recels d’abus de biens de sociaux qui lui sont reprochés.

La difficulté, pour sa défense, vient de leur accumulation et de l’effet produit sur la Cour par la galerie de personnages appelés à témoigner.

Beaucoup d’entre eux ont été condamnés devant les juridictions ordinaires. Etranges Janus à la façade sociale respectable et aux comportements privés moins reluisants dès lors que la perspective de gagner (beaucoup) d’argent s’offrait à eux, ils éclairent à tout le moins le choix singulier de ses collaborateurs par l’ancien ministre.

M. Pasqua détient sans doute le nombre record - sept, dont Jean-Charles Marchiani - de membres de son cabinet ayant fait l’objet de condamnations.

A ceux là, il faut ajouter son fils unique, Pierre-Philippe Pasqua qui, après avoir pris la fuite en Tunisie, a été condamné à deux reprises à un an de prison ferme et à de fortes amendes pour avoir perçu d’importants virements sur des comptes bancaires à l’étranger, dont la justice a considéré qu’ils provenaient de rétrocommissions.

Depuis le début des débats devant la Cour de justice de la République, tous ceux qui à des degrés divers, avaient mis en cause Charles Pasqua pendant l’enquête, ont considérablement nuancé leurs déclarations ou les ont démenties, en les mettant sur le compte des conditions de garde à vue qu’ils ont subies et de “l’acharnement” du juge d’instruction Philippe Courroye - actuel procureur de Nanterre - à viser l’ancien locataire de la place Beauvau.

Ces rétractations et les mises en cause des conditions de garde à vue ont d’ailleurs offert à Charles Pasqua l’occasion de “regretter très profondément, en [sa] qualité d’ancien ministre de l’intérieur, un comportement contraire aux droits de nos citoyens”.

Le président de la Cour, Henri-Claude Le Gall, avait apprécié, qui avait lui même observé, après la déposition de l’un des témoins évoquant “les menaces policières, la cellule partagée avec des clochards, le réveil de nuit, les toilettes nauséabondes”: “les juges qui sont là [six députés et six sénateurs] ont donc un témoignage direct de ce qui se passe tous les jours et qui est vécu par des gens qui n’ont pas la même qualité que vous. C’est l’égalité devant la loi…”

Devant la cour, Charles Pasqua répète avec constance avoir tout ignoré des pots-de-vin perçus dans l’affaire GEC-Alsthom par Pierre-Henri Paillet, son ancien conseiller à la SEM 92, puis au ministère, devenu ensuite grâce à lui patron de la DATAR; du généreux système de rétrocommissions dont ont bénéficié le directeur général et le directeur général adjoint de la SOFREMI, Bernard Dubois et Bernard Poussier qu’il avait nommés dès son arrivée place Beauvau à la tête de cette société de ventes de matériel de sécurité alors sous tutelle du ministère de l’intérieur; des dizaines de millions de francs versés par le sulfureux Etienne Leandri au Quotidien du maire, alors dirigé par un de ses proches, le député Jean-Jacques Guillet; des centaines de milliers de francs amicalement consentis par le même Leandri à Bernard Guillet, le conseiller diplomatique du ministre afin de lui permettre l’acquisition de sa résidence principale; et bien sûr des virements via des circuits financiers compliqués effectués, toujours et encore par Etienne Leandri qui les détenait lui-même en partie de Pierre Falcone, sur un compte suisse dont son fils Pierre-Philippe Pasqua était l’ayant-droit.

Le dilemme de Charles Pasqua est cruel: reconnaître avoir eu connaissance de ces détournements engagerait à coup sûr sa responsabilité de ministre. Il se défend donc en rappelant que “les journées d’un ministre de l’intérieur sont lourdes et que l’on ne peut diriger un tel ministère sans faire confiance à ses collaborateurs”. Mais le terrible Charles Pasqua peut-il, à 83 ans, commencer une carrière de gogo?

mardi 27 avril 2010

Procès Pasqua: "intimidation de témoin"?

Le Figaro et AP, 27 avril 2010

Le parquet de Paris a ouvert mardi une enquête pour "intimidation" après qu'un témoin au procès Pasqua a dénoncé des pressions à l'issue de sa déposition lundi soir, a-t-on appris de source judiciaire.

Mardi matin, à la reprise de l'audience devant la Cour de justice de la République (CJR), l'avocat général Yves Charpenel avait informé la Cour qu'il avait décidé de saisir le parquet général de la cour d'appel pour enquêter sur ces faits. Saisi à son tour, le parquet de Paris a fait suite à cette demande et ouvert une enquête préliminaire, qu'il a confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre les personnes (BRDP).

« Vous êtes fière de ce que vous avez fait?"

Annabelle Claudet, ancienne secrétaire employée par une société de l'homme d'affaires Pierre Falcone, affirme avoir été interpellée lundi soir par un homme à la sortie du palais de Justice de Paris, au sujet du témoignage qu'elle venait de livrer. "Vous êtes fière de ce que vous avez fait?", lui aurait lancé cette personne. Annabelle Claudet venait de répéter à la barre qu'elle avait vu Charles Pasqua rencontrer Pierre Falcone dans les bureaux de ce dernier. Des propos qu'elle avait déjà tenus lors de l'instruction. Une autre secrétaire de Pierre Falcone, qui avait également témoigné dans ce sens devant les magistrats instructeurs, n'a, pour sa part, pas répondu à la convocation de la CJR.

L'ancien ministre de l'Intérieur et l'homme d'affaires nient s'être jamais rencontrés. Pierre Falcone a été définitivement condamné il y a un mois pour avoir touché des commissions occultes issus de détournements de fonds au préjudice de la Sofremi, une société dépendant de la Place Beauvau où officiait alors Charles Pasqua.

Devant la cour de justice, le fils de Pasqua clame son innocence et celle de son père

Libération, 27 avril 2010

Le fils unique de Charles Pasqua, Pierre-Philippe Pasqua, entendu mardi par la cour de justice de la République (CJR), a affirmé, avec fermeté, son innocence et celle de son père dans les malversations financières qui lui sont imputées.

«Je suis le trait avec lequel on veut l’abattre depuis des années», s’est indigné Pierre-Philippe Pasqua à propos des démêlés judiciaires du sénateur (UMP) des Hauts-de-Seine. Sans poser son regard sur lui. Le fils de Charles Pasqua était convoqué devant la cour de justice par l’accusation qui le considère comme témoin à charge pour son père.

Pierre-Philippe Pasqua a été définitivement condamné par la Cour de cassation dans les dossiers GEC-Alsthom et Sofremi, deux des trois affaires pour lesquelles son père est jugé depuis une semaine.

«La réalité des faits est autre»

Les juges ont considéré qu’il avait empoché de l’argent issu de pot-de-vin ou commissions indues versées dans ces affaires en ayant connaissance de leur origine délictueuse.

Pour le fils de l’ancien ministre de l’Intérieur, il s’agit là d’une «vérité judiciaire», mais «la réalité des faits est autre». Il continue d’affirmer être étranger à toute malversation.

«J’ai été condamné mais je suis innocent de ce dont on m’a accusé. Je ne suis responsable de rien et Charles Pasqua l’est encore moins», a-t-il martelé avec véhémence.

Il a précisé ne jamais avoir eu «de liens directs avec Alsthom et la Sofremi», une société d’aide à l’exportation de matériel français de police dépendant de la Place Beauvau. Ajoutant, toujours aussi affirmatif: «Jamais, je n’ai échangé d’informations à ce sujet avec Charles Pasqua».

Procès Pasqua, une atmosphère inquiétante

prdchroniques.blog.lemonde.fr, 27 avril 2010. Pascale Robert-Diard.

Lundi, son audition avait été brève. Dans son dos à gauche, il y avait Charles Pasqua, prévenu devant la Cour de justice de la République. De l’autre côté, à droite, Pierre Falcone, extrait de sa prison de Fleury-Mérogis pour venir témoigner sur les commissions qu’il a perçues dans l’affaire de la SOFREMI. Elle a été l’une de ses secrétaires chez Brenco.

Elle s’était avancée tranquillement à la barre et avait répété ce qu’elle avait toujours dit pendant l’instruction. Cela tient en deux phrases :

- Eh bien, tout simplement, un soir, M. Pasqua s’est trouvé dans le bureau de M. Falcone. C’était en décembre 1996.

Ça n’a l’air de rien, dit comme ça, mais c’est très embêtant. Car Charles Pasqua a toujours nié avoir rencontré Pierre Falcone. Et Pierre Falcone a toujours nié avoir rencontré Charles Pasqua. Alors, cette fichue secrétaire tombe mal avec ses souvenirs et sa manière très simple de les exprimer. Ce soir là, elle était restée tard au bureau, elle avait d’abord entendu la voix de Charles Pasqua, elle s’était ensuite approchée et elle l’avait reconnu dans le bureau de son patron. Une autre secrétaire avait confirmé.

L’avocat de Charles Pasqua, Me Léon-Lev Forster était ennuyé et l’avait montré en s’efforçant d’instiller le doute sur les souvenirs du témoin. Mais elle lui avait répondu, toujours aussi tranquillement:

- Je l’ai vu, c’est tout, je ne vois pas pourquoi je le dirai autrement.

Une des juges parlementaires de la Cour de justice de la République avait interrogé Charles Pasqua :

- M. Pasqua, après ce que Madame vient de dire, pouvez-vous dire solennellement devant cette Cour que vous n’êtes jamais allé dans les locaux de Brenco ?

L’ancien ministre s’était levé doucement. Et avait répondu:

- Solennellement, je vous confirme que je ne suis jamais allé dans les établissements de M. Falcone.

Mais voilà que ce mardi matin, avant que le fils unique de Charles Pasque, Pierre Philippe, ne vienne s’expliquer à la barre, l’avocat général Yves Charpenel s’est levé pour informer la Cour d’un étrange épisode.

Il avait en effet été alerté par l’ancienne secrétaire de M. Falcone que hier, après sa déposition, alors qu’elle rejoignait son véhicule dans le parking devant le palais de justice, elle avait été abordée par un homme, âgé d’une cinquantaine d’années, qui lui avait demandé si “elle était fière de son témoignage”.

- Je tenais seulement à en informer la Cour, a expliqué l’avocat général.

Karachi: Pourquoi Balladur ne répond pas sur l'essentiel

Libération, 27 aavril 2010

Après les révélations de «Libération» sur un financement présumé illégal de sa campagne présidentielle de 1995, Edouard Balladur a demandé à être entendu par la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi en 2002.

«Il a lui-même demandé à être entendu», a déclaré à l'AFP le député UMP Yves Fromion, président de cette mission, confirmant une information du Point.fr. La date d'audition de l'ancien Premier ministre (1993-1995) n'est pas encore connue.

Dans ce contexte, «Libération» revient point par point sur la réponse d'Edouard Balladur à nos révélations sur des soupçons de financement illégal de la campagne présidentielle de 1995.

1) «La vente de trois sous-marins au Pakistan a été autorisée par moi lors de la visite en 1994 de Mme Bhutto. La décision d’autoriser l’octroi de commissions n’était pas de la responsabilité du Premier ministre ou de ses services. J’ignore si, en l’espèce, il a été décidé d’y avoir recours.»

Edouard Balladur se réserve les lauriers industriels d’un grand contrat d’armement (5,4 milliards de francs à l’époque), mais sans se mêler des basses contingences financières. Contrairement à ce qu’il proclame, le versement de commissions relevait bien d’une décision gouvernementale - ne serait que pour permettre au vendeur de les déduire de son bénéfice imposable. En matière d’armement, le ministre du Budget (Nicolas Sarkozy à l’époque) devait obligatoirement donner son feu vert. Nicolas Bazire, alors proche conseiller à Matignon, a également eu son mot à dire. A entendre Balladur, ses deux Nicolas ne faisaient pas partie de «ses services»… A moins que lui-même n’eut été un Premier ministre fantoche.

2) «Pour assurer le financement des dépenses électorales de ma campagne, j’ai eu recours à l’ensemble des moyens légaux dont je disposais (…). Les comptes de ma campagne ont été audités puis validés par le Conseil constitutionnel.»

Edouard Balladur se garde bien de répondre ou de démentir l’information de «Libé»: dix millions de francs ont atterri sur son compte électoral en avril 1995, soit 20% du budget de sa campagne. L’intitulé officiel de cette colossale remise en espèces (collectes effectuées lors de meetings électoraux) colle difficilement avec ces coupures de 500 euros. Que le Conseil constitutionnel ait décidé de valider le tout ne change rien à cette incongruité.

3) «En 1996, si j’en crois les déclarations de certains responsables gouvernementaux de l’époque, le versement des commissions qui auraient été afférentes à ce contrat a été interrompu, alors que ma campagne présidentielle était terminée depusi un an et qu’il n’était nul besoin de la financier.»

De fait, les chiraquiens revenus au pouvoir en 1995 ont interrompu un certain nombre de commissions allouées sous le précédent gouvernement. Mais là encore, l’ex-Premier ministre fait mine d’ignorer la seconde information de «Libération»: deux intermédiaires du contrat pakistanais, introduits dans le circuit par des balladuriens, ont obtenu que leurs commissions (théoriquement échues tout au long du contrat, sur une période de dix ans), soient versées d’un seul bloc au cours du premier semestre 1995, en pleine campagne présidentielle.

Ajout à 18h: réaction de Me Olivier Morice


L'avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice, a accusé l'ancien Premier ministre de mentir et annoncé qu'il demanderait aussi son audition, mais devant le juge d'instruction antiterroriste chargé de l'enquête, Marc Trévidic.

«Les parties civiles considèrent que Monsieur Balladur ment d'une façon absolument éhontée par rapport aux éléments qui sont dans le dossier», a-t-il déclaré. «Il est bien évident que dans les prochains jours nous allons demander l'audition de M. Balladur qui n'est couvert par aucune immunité.»

Il s'agit selon lui de confronter l'ancien candidat «à un certain nombre de pièces du dossier, de témoignages qui détruisent totalement (son) système de défense» alors qu'il «se retranche totalement derrière la validation de ses comptes (de campagne, ndlr) par le Conseil constitutionnel».

Attentat de Karachi : les explications de Balladur

Le Figaro, 26 avril 2010

Dans une tribune à paraître mardi dans le Figaro, l'ancien premier ministre dément avoir bénéficié de rétro-commissions pour financer sa campagne présidentielle de 1995.

Le quotidien Libération affirme, sur la foi de documents qu'il a obtenus, que l'association pour le financement de la campagne d'Edouard Balladur aurait reçu en 1995 10 millions de francs en espèces. Un dépôt qui serait intervenu peu de temps après le versement d'une commission à deux intermédiaires «imposés par les balladuriens» dans le cadre d'un contrat de vente de sous-marins au Pakistan, assure Libération qui insiste sur la concomitance des faits sans pour autant disposer de preuve. «Pour l'instant, la preuve décisive que ces fonds auraient permis de solder les comptes de campagne d'Edouard Balladur manque», écrit le directeur de la rédaction Laurent Joffrin.

Dans une tribune à paraître mardi dans Le Figaro, l'ancien premier ministre dément avoir bénéficié de financements illégaux. Et assure n'avoir pris aucune décision autorisant l'octroi de commissions.

Voici le texte en intégralité :

« En 2002, des agents de la Direction des Constructions Navales, en service à Karachi au Pakistan pour l'armement de trois sous-marins vendus par la France, ont été victimes d'un attentat. Onze d'entre eux y ont perdu la vie. Ce drame épouvantable a légitimement suscité beaucoup d'émotion et d'interrogations sur les causes qui avaient pu l'entraîner.

Depuis huit ans que les recherches sont entreprises, aucun explication n'est encore apparue clairement. L'attentat a-t-il été le fait du terrorisme islamiste ? La conséquence d'un règlement de comptes entre clans pakistanais rivaux ? La manifestation d'une hostilité récurrente entre l'Inde et le Pakistan ? Une mesure de rétorsion prise contre la France qui aurait annulé en 1996 des commissions versées à l'occasion de la vente en 1994 au Pakistan de ces trois sous-marins ? La mission d'information constituée par l'Assemblée nationale a examiné toutes ces hypothèses. Je souhaite qu'elle puisse terminer ses travaux.

Depuis maintenant deux ans, ce drame a fourni à certains un prétexte pour me mettre en cause, au motif, prétendent-ils, qu'à la faveur de la vente de ces sous-marins en 1994, j'aurais autorisé le versement de commissions permettant ultérieurement le financement de ma campagne présidentielle de 1995. Ainsi est invoquée ma responsabilité indirecte dans la mort de onze Français, dès lors que l'annulation des commissions en 1996 aurait entraîné, par rétorsion, l'attentat de 2002.

Dans cette présentation des choses rien ne correspond à la vérité, rien n'est étayé par les faits, tout s'appuie pour l'essentiel sur une note émanant d'un agent d'une officine privée de sécurité, note établie en 2002, après l'attentat, et qui amalgame un tissu d'invraisemblances et d'absurdités.

Dès lors que je suis mis en cause sur un sujet aussi grave, et quel que soit mon désir de ne pas me laisser entraîner dans les polémiques qui émaillent notre vie publique, je tiens à rappeler certains faits :

1/ La vente des trois sous-marins au Pakistan a été autorisée par moi lors de la visite en 1994 de Mme BHUTTO Premier Ministre.

2/ La décision d'autoriser l'octroi de commissions n'était pas de la responsabilité du Premier ministre ou de ses services. J'ignore si, en l'espèce, il a été décidé d'y avoir recours. Je rappelle d'ailleurs qu'à l'époque les commissions étaient légalement permises et n'ont été interdites que six ans plus tard.

3/ Pour assurer le financement des dépenses électorales de ma campagne, j'ai eu recours à l'ensemble des moyens légaux dont je disposais : emprunt pour une grande partie, contribution de certains partis politiques qui appuyaient ma candidature et, évidemment le concours financier de tous ceux, militants et électeurs, qui ont soutenu ma campagne électorale par voie de souscription et aussi par dons directs, dont le total a été très inférieur au plafond légal alors applicable. Tout cela en parfaite transparence.

Les comptes de ma campagne ont été audités puis remis au Conseil constitutionnel et validés par lui dans une décision publiée au Journal Officiel du 12 octobre 1995. Ni les dépenses ni les recettes n'ont été estimées par lui contraires au droit.

4/ En 1996, si j'en crois les déclarations de certains responsables gouvernementaux de l'époque, le versement des commissions qui auraient été afférentes à ce contrat a été interrompu, alors que ma campagne présidentielle était terminée depuis un an et qu'il n'était nul besoin de la financer. Sur quelles bases, sur le fondement de quelles informations a été prise la décision d'interdire les commissions en cause en 1996 ? Quelle a été la portée de cette décision ? C'est aux autorités françaises de l'époque de faire la clarté sur ce point.

5/ Deux autres questions devraient également recevoir des réponses claires.

Si véritablement l'attentat de 2002 est dû à la suppression du versement de commissions en 1996, comment expliquer que les mesures de rétorsion qui auraient été prises par leurs bénéficiaires soient intervenues six ans après ? Pourquoi un tel délai ?

Quant au rapport demandé en 2002, après l'attentat, ses destinataires n'en ont fait aucun usage durant six ans jusqu'en 2008. Comment expliquer cette négligence ? Comment se fait-il que ce rapport ait été découvert comme par hasard dans un dossier relatif à d'autres affaires ?

Il faut répondre à ces questions. Il est regrettable qu'une fois de plus tout soit fait pour donner le sentiment que le débat politique recourt à de pareils procédés.

Je m'en tiens à ce dont je suis certain : je n'ai pris en tant que Premier Ministre aucune décision d'octroi de commissions ; les comptes de ma campagne présidentielle ont été validés sans réserve, il y a quinze ans, par le Conseil constitutionnel.»

Pasqua : les écrits accusent, les paroles dédouanent

Le Figaro, 26 avril 2010

Face aux témoins du jour, notamment Pierre Falcone, l'avocat général part en guerre contre les revirements de déposition.

«La plume est serve mais la parole est libre» : cette maxime judiciaire s'applique habituellement aux procureurs qui peuvent s'exprimer à l'audience selon leurs consciences mais qui, à l'écrit, ont l'obligation de suivre les instructions de leur hiérarchie. Au procès Pasqua, cette maxime judiciaire est victime d'un curieux renversement et elle s'applique cette fois aux seuls témoins : à la barre de la cour de justice de la République, depuis la semaine dernière, bien d'entre eux viennent conscienceusement démolir à l'oral les accusations que les procédures judiciaires écrites avaient consigné. Tous mettent en cause les méthodes d'interrogatoires de la brigade financière et surtout du magistrat Philippe Courroye qui, comme juge financier, a instruit les trois affaires reprochées aujourd'hui à Charles Pasqua. Les uns après les autres, tous finissent donc par brosser l'impression générale d'un procès favorable à l'ancien ministre de l'Intérieur.

Ce lundi, à cinq jours du verdict, voilà Pierre Falcone, condamné à six ans de prison dans l'affaire de l'Angolagate et prévenu dans l'affaire de la Sofremi que la cour de justice continue à examiner. L'homme d'affaires, costume noir et chemise blanche, a été extrait pour l'occasion de sa cellule de Fleury-Mérogis. Il joue sa déposition avec une surabondance d'énumération. «Je n'ai pas eu d'intimité secrète avec Charles Pasqua ni en terme d'entente illicte, de commerce caché ou quoi que ce soit. Je n'ai jamais voté Charles Pasqua. Il n'est jamais venu aux bureaux de Brenco France... «Même distance avec Etienne Léandri, homme clé du dossier de la Sofremi avec lequel Charles Pasqua nie toute proximité. «Etienne Léandri m'a menti. Seul ou accompagné, je ne sais pas. Ce sera à vous de le dire. (...) Mais il m'a eu. Je n'ai rien gardé», assure Pierre Falcone qui énumère encore : «Rien gardé : pas un franc, pas un pesos, pas un dollar...»

L'homme d'affaires aujourd'hui emprisonné n'a que mépris pour la thèse retenue pour l'accusation : «Quand on négocie sur la cordillière des Andes, à Caracas ou en plein centre de l'Afrique, on a bien d'autres choses à penser que le financement d'un journal - le Quotidien du maire - dont j'ignorais même l'existence.» Cette nouvelle énumération est à peine terminée que l'avocat général Yves Charpenel raille la version du témoin du jour d'un ton courtois : «De là, à vous présenter comme un héros de la République française, il y a une marge... (...) La cour d'appel, dans le dossier de la Sofremi, vous reproche d'avoir été le taxi de monsieur Léandri, en offrant vos sociétés comme des coquilles pour les transferts de fonds. 30 millions de francs y ont transité».

«C'est rédigé à charge»

L'avocat général, qui la semaine dernière rappelait systématiquement les déclarations recueillies lors de l'instruction mais sans insister plus avant, a ce lundi décidé de passer à la vitesse supérieure. L'occasion vient notamment du passage à la barre de l'ancien conseiller diplomatique de Charles Pasqua, Bernard Guillet. Lui se souvient que «Charles Pasqua et Etienne Léandri se connaissaient» effectivement et qu'il a «dîné une seule fois avec les deux». Charles Pasqua dit ne pas se rappeler de cette rencontre qui aurait lieu «un soir d'été agréable, au pré Catelan». Et, suite à la curiosité provoquée par cette première interrogation, Bernard Guillet se montre circonspect : «Je n'ai pas indiqué qu'ils avaient des relations suivies. Je ne l'ai pas indiqué !»

Quand son procès verbal lui est lui, pour confronter ses paroles d'hier avec celles d'aujourd'hui, le témoin a cette saillie : «Je dis que ce n'est pas ce que j'ai dit !». Le diplomate souligne qu'il met quiconque «au défi, dans l'enfer jurdique et judiciaire de résister à Monsieur Courroye au moment de signer son procès verbal». «C'est rédigé à charge», dénonce Bernard Guillet qui poursuit : «La présence d'un avocat ne sert à rien. On lui disait : je vous en prie n'allez pas nous faire perdre du temps. Mes procès verbaux, c'était l'esprit de ce que je disais mais pas la lettre»...

Juste après, une ancienne collaboratrice de Bernard Guillet assure même avoir entendu le juge dire : «Ce qui nous intérresse, c'est Charles Pasqua. On l'aura. Avec ou sans vous». Soupirs du côté de l'estrade du ministère public : «Nous continuons d'instruire le procès de Philippe Courroye», déplore Yves Charpenel.

Mais le ton est nettement plus apaisé en fin de journée quand Henri Guaino, actuel conseiller spécial de Nicolas Sarkozy vient témoigner. Il fut un an durant conseiller technique place Bauveau dans les années Pasqua. Face à la cour de justice de la République, personne ne conteste un double language éventuel d'Henri Guaino. Pour cause : il n'avait pas été entendu lors de l'instruction.

lundi 26 avril 2010

Attentat de Karachi : Edouard Balladur va être entendu

Le Monde, 26 avril 2010

Edouard Balladur devrait être prochainement entendu par la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi, selon des informations révélées lundi 26 avril par Le Point.

"Edouard Balladur en a pris lui-même l'initiative", a expliqué à l'hebdomadaire le président de la mission, le député UMP Yves Fromion, sans préciser la date de son audition. Le Point rappelle que les élus UMP, majoritaires dans la mission, étaient pourtant hostiles à la convocation de l'ancien premier ministre.

Ce dernier a été mis en cause par des informations révélées par Libération plus tôt dans la journée. Selon le quotidien, la campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995 aurait été financée notamment par 10 millions de francs (1,52 million d'euros) qui pourraient provenir de commissions versées sur un contrat de vente de sous-marins au Pakistan.

Un contrat apparu au cours de l'enquête sur l'attentat de Karachi du 8 mai 2002, dans lequel quatorze personnes sont mortes, dont onze salariés français de la Direction des constructions navales (DCN).

Selon le quotidien, le 26 avril 1995, l'Association pour le financement de la campagne d'Edouard Balladur a encaissé dans une agence du Crédit du Nord à Paris 10 millions de francs en espèces (1,5 million d'euros), soit près de 20 % de l'ensemble des recettes mentionnées dans les comptes de campagne d'Edouard Balladur.

"Sur le bordereau bancaire, il a été mentionné que l'argent provenait de collectes effectuées lors des meetings électoraux", relève le quotidien, qui s'étonne que "la moitié de ces 10 millions a été apportée en grosses coupures de 500 francs".

Trois fac-similés de documents bancaires prouvant ces versements d'espèces sont consultables sur le site Mediapart.

Interrogé par le site d'actualité, le trésorier de la campagne d'Edouard Balladur, René Galy-Dejean, ancien député et maire du 15e arrondissement de Paris, n'a pas caché sa surprise. "Cela ne me dit rien. Une telle somme, tout de même, je ne l'aurais pas oubliée", a-t-il assuré.

"RIEN NE CORRESPOND À LA VÉRITÉ"

Dans une tribune à paraître mardi dans Le Figaro, l'ancien premier ministre dément avoir bénéficié de ces commissions.

"Dans cette présentation des choses, écrit M. Balladur, rien ne correspond à la vérité, rien n'est étayé par les faits, tout s'appuie pour l'essentiel sur une note émanant d'un agent d'une officine privée de sécurité, note établie en 2002, après l'attentat, et qui amalgame un tissu d'invraisemblances et d'absurdités."

L'ancien premier ministre rappelle ensuite certains faits, affirmant notamment que le financement de sa campagne a été fait "en parfaite transparence".

Il pointe également certaines incohérences dans les accusations qui lui sont faites : "Si véritablement l'attentat de 2002 est dû à la suppression du versement de commissions en 1996, comment expliquer que les mesures de rétorsion qui auraient été prises par leurs bénéficiaires soient intervenues six ans après ? Pourquoi un tel délai ?"

"Je m'en tiens à ce dont je suis certain : je n'ai pris en tant que premier ministre aucune décision d'octroi de commissions ; les comptes de ma campagne présidentielle ont été validés sans réserve, il y a quinze ans, par le Conseil constitutionnel", conclut M. Balladur.

184 MILLIONS DE FRANCS DE COMMISSIONS

Le parquet de Paris a ouvert début février une enquête préliminaire à la suite d'une plainte des familles des victimes de l'attentat de Karachi pour entrave à la justice et pour corruption, notamment contre le club politique présidé par M. Balladur.

L'enquête sur cet attentat a longtemps privilégié la piste Al-Qaida, mais le juge Marc Trévidic l'a réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt des versements de commissions attachées à ce contrat — signé en 1994 et baptisé "Agosta" — décidé par Jacques Chirac après son élection en 1995.

Entre janvier et juin 1995, deux intermédiaires du contrat Agosta pour le versement de ces commissions auraient perçu 184 millions de francs (28 millions d'euros), affirme Libération, qui s'est procuré le contrat Agosta et l'accord entre DCN et Mercor Finance, société off-shore représentant les deux intermédiaires.

Or, selon des témoignages d'anciens de la branche internationale de DCN versés au dossier, ces deux hommes — Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir — ont été imposés en 1994 comme intermédiaires dans le contrat par "le pouvoir politique", en l'occurrence Renaud Donnedieu de Vabres, lequel était à l'époque chargé de mission auprès du ministre de la défense, François Léotard. Tous deux avaient pris parti pour Edouard Balladur face à Jacques Chirac pour la présidentielle.

Selon plusieurs rapports et témoignages versés au dossier, ces commissions, à l'époque légales, pourraient avoir donné lieu à des rétrocommissions illégales mais non prouvées à ce stade.

Les policiers ont trouvé en 2007 à la DCN une note mentionnant l'aval pour la création d'une société off-shore — baptisée "Heine" – et par laquelle transitaient les commissions du contrat Agosta du directeur de cabinet de M. Balladur à Matignon, Nicolas Bazire, et de celui du ministre du budget d'alors, Nicolas Sarkozy.

"DÉCLASSIFIER LES DOCUMENTS"

Pierre Moscovici (PS) a estimé, lundi sur France 2, qu'Edouard Balladur devait "s'expliquer" à la suite des informations parues dans la presse.

Selon lui, le gouvernement doit également "déclassifier les documents qui permettent de savoir ce qui s'est passé, puisque ce sont des commissions officielles". Le député du Doubs juge que le chef de l'Etat est aussi concerné par cette affaire.

"Il ne faut pas oublier que Nicolas Sarkozy, aujourd'hui président de la République, était le directeur de campagne d'Edouard Balladur, a-t-il fait valoir. Donc, il faut que les pouvoirs publics, à commencer par le président de la République, le ministre de la défense, s'expliquent sur ce qui s'est passé."

"En réalité, on a en 1995 une loi récente [sur le financement de la vie politique], elle entre en application pour la première fois. Qu'en est-il à l'époque ? je suis incapable de répondre sur cette question", a affirmé lundi sur LCI le secrétaire d'Etat à la fonction publique, Georges Tron, qui avait participé à la campagne présidentielle de l'ancien premier ministre.

"Ce que je sais en revanche c'est que maintenant il y a une loi précise qui codifie les campagnes pour le futur, il y a des modes de campagne qui sont différents et donc par définition on ne pourra plus être dans ce type d'interrogations", a-t-il assuré.

Les heureux millions du candidat de 1995

Libération, 26 avril 2010

La campagne de Balladur a bénéficié d’importants dons suspects.

Par GUILLAUME DASQUIÉ

Libération a pris connaissance de documents bancaires portant sur la campagne présidentielle d’Edouard Balladur, et émanant de l’agence du Crédit du Nord située au 6, boulevard Haussmann à Paris, qui a géré le compte par lequel passaient les recettes et les dépenses du candidat.

Ce compte numéro 327548 avait été ouvert par l’Aficeb, l’Association pour le financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur, la structure fondée par ses amis politiques pour prendre en charge ses frais électoraux. Un aspect matériel crucial, puisque Jacques Chirac, leur ennemi du moment, conservait la haute main sur le RPR et sur ses capacités de financement.

Or, les relevés de ce compte montrent que le 26 avril 1995, l’Aficeb a encaissé une importante remise d’argent liquide : 10 millions de francs déposés en une seule fois et sans justificatif sérieux.

Sur le bordereau bancaire, il a été mentionné que l’argent provenait de collectes effectuées lors des meetings électoraux. Un détail étonnant. Selon le décompte des billets effectué par les guichetiers du Crédit du Nord, la moitié de ces 10 millions a été apportée en coupures de 500 francs.

Au total, cette remise d’espèce représente près de 20% des recettes globales mentionnées dans le compte de campagne de Balladur, tel qu’il a été arrêté deux mois plus tard, pour être déposé au Conseil constitutionnel le 5 juillet 1995. Une opération essentielle, la loi interdisant au candidat de présenter un état comptable en déficit.

Le 11 octobre suivant, l’institution, alors présidée par Roland Dumas, a définitivement validé les comptes du candidat Balladur, dans une délibération qui ne fait aucune référence au versement des 10 millions.

Il y a près d’un an, le 28 juin 2009, Edouard Balladur s’était indigné que des soupçons de financement illicite puissent lui être adressés pour sa campagne de 1995, qualifiant de «parfaitement infondé» le scénario selon lequel une partie de l’argent du contrat des sous-marins au Pakistan serait revenue dans les caisses de son mouvement politique.

Sollicité par Libération, le comptable de la campagne balladurienne n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Charles Pasqua, dernier rôle

Le blog de Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde. 26 avril 2010

Au cas où le nuage de cendres vous aurait voilé l’information selon laquelle Charles Pasqua, ancien ministre de l’intérieur, comparaît pour recel d’abus de biens sociaux et corruption devant la Cour de justice de la République, voici une révision complète des épisodes précédents pour comprendre le film à la reprise des débats, lundi 26 avril.

Après avoir examiné l’affaire de l’autorisation d’exploitation du casino d’Annemasse, puis celle du transfert du siège social de GEC Alsthom, et les rétrocommissions auxquelles elles ont donné lieu, la cour a ouvert, jeudi dernier, le troisième dossier reproché à Charles Pasqua, celui de la SOFREMI, cette société de ventes de matériel de sécurité placée sous la tutelle du ministère de l’intérieur.

L’audience de jeudi a donné lieu à une scène d’anthologie où le prévenu Charles Pasqua est venu peser de tout son poids sur les deux témoins qui s’expliquaient à la barre.

L’examen de ce dossier se poursuit ce lundi après-midi, avec la déposition, entre autres témoins, de Pierre Falcone. L’homme d’affaires a été condamné définitivement dans cette affaire de la SOFREMI devant la juridiction ordinaire. Il est détenu depuis son arrestation prononcée à l’audience par le tribunal correctionnel qui l’a condamné à six de prison ferme dans l’affaire de l’Angolagate. M. Falcone a fait appel.

Le réquisitoire et les plaidoiries de la défense sont attendues jeudi. Le verdict sera rendu vendredi en milieu de journée.

L'encombrant M. Leandri

Le Monde, 23 avril 2010

Le nom d'Etienne Leandri, surnommé le "vieux monsieur", revient obstinément dans les dossiers Sofremi et GEC-Alsthom. Ce personnage, mort en 1995, sent le souffre. Condamné pour collaboration économique à la Libération, il prend la fuite, vit en Italie et en Suisse sous une fausse identité avant de reprendre ses activités d'intermédiaire en France, sans jamais y élire de domicile fiscal.

Très bien introduit au sein du groupe Thomson, il ne se déplace qu'en Bentley ocre avec chauffeur immatriculée au Luxembourg, fréquente les grandes familles régnantes des pays pétroliers, possède à Marbella (Espagne) une villa mitoyenne de celle du roi d'Arabie saoudite, entretient compagnes - il aurait eu "les bonnes grâces" de Marlène Dietrich - et compagnons.

Il apparaît très lié à Pierre-Henri Paillet, qui porte toujours au poignet la Rolex qu'Etienne Leandri lui a offerte. Parmi les personnalités avec lesquelles il a noué des relations professionnelles - et financières - figurent notamment Pierre-Philippe Pasqua, le fils de l'ancien ministre.

Alors qu'Etienne Leandri était perçu comme l'un de ses proches, Charles Pasqua a affirmé lors de l'instruction n'avoir eu que des contacts épisodiques, qui remonteraient à la fin des années 1960, avec l'encombrant "vieux monsieur".

Pascale Robert-Diard

Quand le prévenu Pasqua interroge le témoin Dubois

Le Monde, 23 avril 2010

Une première fois, Charles Pasqua s'est levé. Il a fait quelques pas dans le prétoire et s'est avancé, près, tout près, de Bernard Dubois qui venait d'achever sa déposition à la barre.

L'estrade sur laquelle l'ancien ministre de l'intérieur se tient accentue la différence de taille entre les deux hommes. M. Pasqua plante son regard dans celui qu'il a nommé à la tête de la Sofremi en 1993.

"- Vous vous souvenez de l'entretien que nous avons eu ?

- Euh, oui, monsieur.

- Vous vous souvenez que je vous ai dit de n'accepter aucune intervention de quiconque vous dirait qu'elle vient de mon cabinet ? Vous vous en souvenez ?

- Oui, monsieur.

- Est-ce que je vous ai demandé de faire travailler Pierre-Philippe Pasqua, mon fils ?

- Jamais.

- Trrrrès bien ! Est-ce que vous avez appris que Pierre-Philippe Pasqua travaillait avec Pierre Falcone ?

- Non, monsieur le ministre.

- Bien ! Vous étiez président de la Sofremi, donc vous aviez la responsabilité de cette société, à la fois dans le domaine de sa gestion et dans le domaine moral.

Je constate avec regret que, sous votre présidence, un certain nombre de personnes dépendantes de la Sofremi ont bénéficié de commissions. Le saviez-vous ?

- Absolument pas, monsieur le ministre.

- Et si vous l'aviez su, qu'auriez-vous fait ?

- Je les aurais éjectées.

- Trrrrès bien."

Charles Pasqua va se rasseoir dans son fauteuil. Les épaules de Bernard Dubois s'affaissent légèrement.

Quand Bernard Poussier, l'ancien numéro deux de la Sofremi, répond à son tour aux questions de la cour, l'ancien ministre ne perd pas une miette des débats, griffonne parfois quelques mots à ses avocats, vérifie une cote du dossier.

L'interrogatoire se termine, M. Pasqua demande à reprendre la parole. Il se lève à nouveau, s'approche du témoin, les mains nouées dans le dos, et vient s'incliner légèrement devant lui.

"- M'avez-vous déjà vu ?

- Euh, oui, dans des réunions politiques..."

L'ancien ministre se penche à nouveau vers le visage de M. Poussier.

"- Et vous ai-je jamais demandé quelque chose ?"

Le témoin, très affable :

"- Non, Monsieur, et je le regrette d'ailleurs. - Eh bien, pas moi !", tonne Charles Pasqua en tournant les talons.


Pascale Robert-Diard

Procès Pasqua : le petit jeu entre amis de la Sofremi

Le Monde, 23 avril 2010

Charles Pasqua, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, est entré en fonctions le 29 mars 1993. Sept jours plus tard, le 4 mai, il nommait un nouveau président-directeur général à la tête de la Sofremi, la société de ventes de matériel de sécurité placée sous la tutelle de son ministère. Son choix s'est porté sur Bernard Dubois, polytechnicien, cadre chez Thomson-CSF.

C'est avec ce témoin que la Cour de justice de la République a commencé, jeudi 22 avril, l'examen du troisième dossier qui vaut à M. Pasqua de comparaître devant elle pour complicité d'abus de biens sociaux. Au printemps 1993, raconte M. Dubois, "on" lui téléphone pour lui indiquer qu'il va être sollicité pour la présidence de la Sofremi. Le président Henri-Claude Le Gall lui demande d'être un peu plus précis.

"Qui est "on" ?

- Etienne Leandri.

- Et puis ?

- Il m'a dit que j'allais recevoir un coup de fil de Charles Pasqua.

- Et puis ?

- J'ai reçu un appel de Charles Pasqua à 11 heures du soir, qui me demandait de venir au ministère le lendemain.

- Quel a été le contenu de votre conversation ?

- Il m'a expliqué qu'il avait des doutes sur ce qui s'était passé à la Sofremi...

- Lesquels ?

-Des financements, euh, politiques, vers le parti de la précédente... majorité.

- Lequel ?

- Euh, le PS. Je dis à Charles Pasqua que je n'ai pas l'intention d'en faire une pompe à finances pour le RPR.

- Et quelle a été sa réaction ?

- Il m'a dit en rigolant que, vu le nombre de ses élus, la nouvelle majorité n'en avait pas besoin."

Omniprésent dans le dossier d'accusation, Etienne Leandri était un sulfureux intermédiaire qui avait ses entrées au sein du groupe Thomson. Il est mort en 1995.

Une semaine plus tard, Bernard Dubois prend ses fonctions à la tête de la Sofremi et la question se pose alors pour lui de choisir un directeur général. "On" lui suggère le nom de Bernard Poussier, collaborateur de Thomson-CSF.

Même demande de précision du président sur le "on".

"Il était clair, parce que Leandri me l'avait dit, qu'il fallait prendre Poussier. C'était son poulain..

- Vous, personnellement, vous aviez des réserves ?

- Oui, euh, portant sur... je dirais, son côté un peu secret. Chez Thomson, on disait qu'il était difficilement... contrôlable."

Nouveau coup de téléphone, de Pierre-Henri Paillet cette fois, membre du cabinet de Charles Pasqua et patron de la Datar. "Il m'a recommandé Etienne Leandri comme étant un très bon professionnel", explique M. Dubois. Le président plonge dans les procès-verbaux.

"- Vous disiez alors : "J'ai ressenti deux lourdes contraintes : prendre comme adjoint Poussier et commissionner Leandri."

- Disons que c'était une forte incitation..."

Le duo se met au travail. Parmi les dossiers en souffrance, figure un important contrat de vente de matériel au Koweït. Les choses se passent mal, les autorités koweïtiennes s'en plaignent auprès de M. Pasqua. "Etienne Leandri me dit qu'il est très introduit auprès de la famille de l'émir et qu'il va pouvoir nous arranger tout ça", poursuit M. Dubois. L'intermédiaire est donc chargé de l'exécution de ce contrat, moyennant une commission de 6 millions (environ 914 690 euros). Le président observe :

"Et Bernard Poussier, votre adjoint, touche dessus 600 000 francs Vous le saviez ?

- Non."

Le deuxième contrat porte sur l'Argentine. De nouveau, décision est prise de le confier à Etienne Leandri. "Il connaissait bien cette région d'Amérique du Sud et il nous a proposé de nous aider...", raconte M. Dubois. "Il connaissait le monde entier !", s'amuse le président.

Sur ce deuxième contrat, l'intermédiaire touche 15 millions de francs. 1,5 million de francs arrive sur le compte de M. Poussier.

Un troisième contrat est en cours avec la Colombie. C'est Pierre Falcone qui est missionné. L'homme d'affaires est introduit depuis des années à la Sofremi. Sa commission s'élève à 14 millions de francs. Mais il rétrocède aussitôt 1 million à Etienne Leandri et 600 000 francs à Bernard Guillet, le conseiller diplomatique de M. Pasqua. Le même Pierre Falcone récupère aussi la négociation d'un contrat avec le Brésil et se montre là encore généreux : il alimente à la fois les comptes suisses d'Etienne Leandri et de... Pierre-Philippe Pasqua, le fils unique de l'ancien ministre de l'intérieur, pour un montant de 9,8 millions de francs.

C'est au tour de Bernard Poussier de s'expliquer sur sa nomination et ses liens avec Etienne Leandri. "Quand je suis arrivé à la Sofremi, j'ai peut-être fait l'erreur d'amener avec moi mon portefeuille relationnel...", convient-il. "Portefeuille relationnel", répète en souriant le président, qui rappelle que le directeur général de la Sofremi avait conservé ses fonctions de consultant dans le cabinet d'Etienne Leandri : "Vous étiez donc à la fois son employeur et son employé, en quelque sorte..." A la barre, le témoin toussote et remue fébrilement sa main gauche dans son dos. "A l'époque, je n'avais pas perçu le conflit d'intérêt...", dit-il.

Devant la juridiction de droit commun, Bernard Poussier a été condamné définitivement à quatre ans d'emprisonnement, dont deux fermes et 300 000 euros d'amende ; Bernard Dubois à trois ans avec sursis et 100 000 euros d'amende ; Pierre Falcone et Pierre-Philippe Pasqua, à deux ans dont un ferme et 375 000 euros d'amende. Les deux hommes sont appelés à témoigner la semaine prochaine.

Avant de se retirer, M. Poussier a été interrogé sur les conditions de son licenciement de la Sofremi en 1997, lorsque Jean-Pierre Chevènement a succédé à Jean-Louis Debré au ministère de l'intérieur.

"Quelles ont été vos indemnités ?

- Nulles.

- Ah bon, je croyais que c'était 350 000 francs ?

- Euh, oui, c'est maladroit. Je veux dire que c'était juste le minimum légal.

- Les pièces jaunes, en quelque sorte", dit le président.


Pascale Robert-Diard

Attentat de Karachi : la campagne d'Edouard Balladur dans le collimateur

Le Monde, 26 avrill 2010

La campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995 aurait reçu 10 millions de francs qui pourraient provenir de commissions versées sur un contrat de vente de sous-marins au Pakistan, auquel s'intéresse un juge antiterroriste enquêtant sur l'attentat de Karachi en 2002, avance Libération, lundi 26 avril.

Selon le quotidien, le 26 avril 1995, l'Association pour le financement de la campagne d'Edouard Balladur (Aficeb) a encaissé dans une agence du Crédit du Nord à Paris 10 millions de francs en espèces (1,5 million d'euros), soit près de 20 % de l'ensemble des recettes mentionnées dans les comptes de campagne d'Edouard Balladur. "Sur le bordereau bancaire, il a été mentionné que l'argent provenait de collectes effectuées lors des meetings électoraux", relève le quotidien, qui s'étonne que "la moitié de ces 10 millions a été apportée en grosses coupures de 500 francs".

Ce versement est intervenu alors qu'entre janvier et juin 1995, deux intermédiaires du contrat Agosta pour le versement de ces commissions ont perçu 184 millions de francs, affirme Libération, qui s'est procuré le contrat Agosta et l'accord entre DCN et Mercor Finance, société off-shore représentant les deux intermédiaires.

Or, selon des témoignages d'anciens de la branche internationale de DCN versés au dossier, ces deux hommes — Ziad Takieddine et Abdulrahman El Assir — ont été imposés en 1994 comme intermédiaires dans le contrat par "le pouvoir politique", en l'occurrence Renaud Donnedieu de Vabres, lequel était à l'époque chargé de mission auprès du ministre de la défense, François Léotard. Tous deux avaient pris parti pour Edouard Balladur face à Jacques Chirac pour la présidentielle.

BALLADUR : "PARFAITEMENT INFONDÉES"

Selon plusieurs rapports et témoignages versés au dossier, ces commissions, à l'époque légales, pourraient avoir donné lieu à des rétrocommissions illégales mais non prouvées à ce stade. M. Balladur a ces derniers mois jugé "parfaitement infondées" les allégations d'un financement occulte, son ancien directeur de campagne, Nicolas Sarkozy, trouvant pour sa part "grotesque" cette "fable". Les policiers ont trouvé en 2007 à la DCN une note mentionnant l'aval pour la création d'une société off-shore — baptisée "Heine" – et par laquelle transitaient les commissions du contrat Agosta du directeur de cabinet de M. Balladur à Matignon, Nicolas Bazire, et de celui du ministre du budget d'alors, Nicolas Sarkozy.

Le parquet de Paris a ouvert début février une enquête préliminaire à la suite d'une plainte des familles des victimes de l'attentat pour entrave à la justice et pour corruption, notamment contre le club politique présidé par M. Balladur. L'enquête sur cet attentat qui fit quatorze morts, dont onze salariés de la Direction des constructions navales (DCN) le 8 mai 2002 à Karachi, a longtemps privilégié la piste Al-Qaida, mais le juge Marc Trévidic l'a réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt des versements de commissions attachées à ce contrat — signé en 1994 et baptisé "Agosta" — décidé par Jacques Chirac après son élection en 1995.

Les familles considèrent qu'elles ont "été trompées par l'Etat français et par plusieurs dirigeants politiques français et pakistanais de premier plan, que leurs proches ont été exposés et tués à la suite d'une sordide affaire de financement politique illicite", avait alors expliqué leur avocat Me Olivier Morice, pour qui Nicolas Sarkozy est "au cœur de la corruption".

Karachi: la campagne de Balladur aurait bénéficié de commissions

Par AFP, publié le 26/04/2010 à 07:54

La campagne présidentielle d'Edouard Balladur pourrait avoir bénéficié d'un financement illégal: 10 millions de francs proviendraient de commissions liées au contrat d'armement signé avec le Pakistan en 1994, selon Libération.La campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995 aurait reçu 10 millions de francs pouvant provenir de commissions versées sur un contrat de vente de sous-marins au Pakistan auquel s'intéresse un juge antiterroriste enquêtant sur l'attentat de Karachi en 2002, avance Libération à paraître lundi.

Selon plusieurs rapports et témoignages versés au dossier, ces commissions, à l'époque légales, pourraient avoir donné lieu à des rétro-commissions illégales mais non prouvées à ce stade.

Edouard Balladur a ces derniers mois jugé "parfaitement infondées" les allégations d'un financement occulte, son ancien directeur de campagne, Nicolas Sarkozy, trouvant pour sa part "grotesque" cette "fable".

Selon Libération, le 26 avril 1995, l'Association pour le financement de la campagne d'Edouard Balladur (Aficeb) a encaissé dans une agence du Crédit du Nord à Paris 10 millions de francs en espèces (1,5 million d'euros), soit près de 20% de l'ensemble des recettes mentionnées dans le compte de campagne d'Edouard Balladur.

"Sur le bordereau bancaire, il a été mentionné que l'argent provenait de collectes effectuées lors des meetings électoraux", relève le quotidien, s'étonnat que "la moitié de ces 10 millions a été apportée en grosses coupures de 500 francs".

Ce versement est intervenu alors qu'entre janvier et juin 1995, deux intermédiaires du contrat Agosta pour le versement de ces commissions ont perçu 184 millions de francs, affirme Libération qui s'est procuré le contrat Agosta et l'accord entre DCN et Mercor Finance, société off-shore représentant les deux intermédiaires.

Or, selon des témoignages d'anciens de la branche internationale de DCN versés au dossier, ces deux hommes -Ziad Takieddine et Abdulrahman El Assir- ont été imposés en 1994 comme intermédiaires dans le contrat par "le pouvoir politique", en l'occurence Renaud Donnedieu de Vabres.

Les familles des victimes s'estiment trompées par l'Etat

Renaud Donnedieu de Vabres était à l'époque chargé de mission auprès du ministre de la Défense, François Léotard. Tous deux avaient pris parti pour Edouard Balladur face à Jacques Chirac pour la présidentielle.

Le parquet de Paris a ouvert début février une enquête préliminaire à la suite d'une plainte des familles des victimes de l'attentat pour entrave à la justice et pour corruption, notamment contre le club politique présidé par Edouard Balladur.

Les familles considèrent qu'elles ont "été trompées par l'Etat français et par plusieurs dirigeants politiques français et pakistanais de premier plan, que leurs proches ont été exposés et tués à la suite d'une sordide affaire de financement politique illicite", avait alors expliqué leur avocat Me Olivier Morice, pour qui Nicolas Sarkozy est "au coeur de la corruption".

Les policiers avaient trouvé en 2007 à la DCN une note mentionnant l'aval pour la création d'une société off-shore -baptisée Heine et par laquelle transitait les commissions du contrat Agosta- du directeur de cabinet d'Edouard Balladur à Matignon, Nicolas Bazire, et celui du ministre du Budget d'alors, Nicolas Sarkozy.



Nota bene: L'enquête sur cet attentat qui fit 14 morts, dont 11 salariés de la Direction des constructions navales (DCN) le 8 mai 2002 à Karachi, a longtemps privilégié la piste Al-Qaïda. Mais le juge Marc Trévidic l'a réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt des versements de commissions attachées à ce contrat -signé en 1994 et baptisé Agosta- décidé par Jacques Chirac après son élection en 1995.