20 minutes, 30/11/2010
Vingt personnes ont été entendues hier par le juge Duchaine. L'enquête du juge Duchaine sur les marchés de déchets dans les Bouches-du-Rhône prend un nouveau tournant.
Alexandre Guérini, frère de Jean-Noël Guérini, sénateur PS et président de conseil général, a été entendu hier matin par les gendarmes et placé en garde à vue. Au total, vingt personnes ont été auditionnées dans les locaux de la gendarmerie de Marseille en présence du juge Duchaine, dont cinq ont été placées en garde à vue.
Parmi elles, figurerait Philippe Rapezzi, qui occupent diverses fonctions de direction dans plusieurs sociétés d'Alexandre Guérini. Trois fonctionnaires de la communauté urbaine (MPM) et de la communauté d'agglomération d'Aubagne ont aussi été placés en garde à vue. Il s'agit de Michel Karabadjakian, directeur adjoint de la communauté urbaine (MPM) en charge de la propreté depuis février 2010. Il était auparavant directeur de la propreté urbaine pour la ville de Marseille.
« Ils ont coopéré pleinement »
Au sein de la communauté d'agglomération d'Aubagne, Hervé Thérond, actuel directeur général des services et son prédécesseur Daniel Pinna, aujourd'hui à la retraite, ont été placés en garde à vue. Quinze autres personnes ont été entendues par le juge.
Rémy Barges, le directeur de cabinet du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, et Gilbert Gaudin, directeur de la communication ont été entendus en qualité de témoins.
«Ils ont coopéré pleinement et en toute transparence pour favoriser l'enquête en cours sur des marchés publics et ont repris leurs fonctions en milieu de journée au terme de leur audition», a indiqué le conseil général dans un communiqué.
Deux personnes seraient en fuite
Fait nouveau, les auditions du juge Duchaine ne se sont cantonnées à la question des déchets.
Jean-François Noyes, ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini et président de l'office HLM, Habitat 13, a été entendu. Tout comme le directeur général de l'office Bernard Escalle et sa chef de cabinet Antoinette Camigliari.
Selon le site bakchich.info, deux autres personnes, visées par le juge Duchaine, seraient en fuite: René Nostriano, président de la fédération du BTP des Bouches-du-Rhône, et Jean-Marc Nabitz, ex-patron de la société d'économie mixte, Treize Développement.
Dans son communiqué, le département estime qu'«il ne lui appartient pas de commenter l'instruction judiciaire en cours». «On est inattaquable au niveau de l'institution, commentait hier Robert Abad, directeur de cabinet du président de la communauté d'agglomération d'Aubagne. «Ici, aucun de nos agents n'a touché d'enveloppe», a-t-il affirmé. De sources policières, les gardes à vue pourraient se prolonger pendant 48 heures, soit jusqu'à demain matin.
mardi 30 novembre 2010
samedi 27 novembre 2010
Karachi : Donnedieu de Vabres mis en cause
Le Monde, 27 novembre 2010
Renaud Donnedieu de Vabres, ex-ministre de la culture, est à son tour mis en cause dans l'affaire des attentats de Karachi. Dans une enquête du Monde (à lire dans l'édition abonnés du site), un ancien membre du cabinet de François Léotard, ministre de la défense d'Edouard Balladur, affirme que M. Donnedieu de Vabres, alors conseiller spécial du ministre, était la cheville ouvrière de la mise en place des commissions sur les contrats Agosta et Sawari II.
Ces contrats ont donné lieu au versement d'argent en direction d'intermédiaires libanais et saoudiens, imposés à la dernière minute. En principe, ces commissions, susceptibles de favoriser la vente de sous-marins et de frégates, étaient légales jusqu'en 2000. Mais en l'espèce, la justice soupçonne qu'une partie de ces commissions, d'un montant plus élevé que l'usage, aient donné lieu à des rétrocommissions, un retour d'une partie de l'argent en France, où il aurait servi à financer certains partis de manière illicite.
Premier visé, le premier ministre de l'époque, Edouard Balladur, dont les comptes de campagne pour la présidentielle de 1995 ont été entachés d'irrégularités, mais validés tout de même par le conseil constitutionnel, comme l'a relaté Le Monde dans son édition du 25 novembre (à lire dans l'édition abonnés). Entendu sous le sceau du secret défense par une mission parlementaire au printemps, Edouard Balladur avait assuré, comme le révèle samedi 27 novembre le Journal du Dimanche, qu'il n'était pas au courant des commissions versées pour les ventes.
Plusieurs chiraquiens, dont Dominique de Villepin ou Charles Millon, ont raconté à la justice comment Jacques Chirac, à peine élu en 1995, avait ordonné une enquête sur ces ventes de matériel militaire. De manière illégale, plusieurs personnalités, dont le ministre de la défense d'Edouard Balladur, François Léotard, ont été mises sous écoute. L'enquête menée par la DGSE a permis aux chiraquiens d'avoir confirmation "de forts soupçons", selon les mots de Dominique de Villepin, de rétrocommissions illicites.
Jacques Chirac aurait alors, selon eux, ordonné de stopper le versement des commissions. Pour "assainir la vie politique", selon Dominique de Villepin, ou plus prosaïquement, selon d'autres sources, pour mettre fin à ce que M. Chirac voyait comme le "trésor de guerre de Balladur". Cet arrêt, qui n'aurait été total qu'en 2000, pourrait être à l'origine de l'attentat contre des Français à Karachi en 2002, qui avait tué 11 de nos compatriotes.
"RÉTROCOMMISSIONS"
Le Monde révèle samedi le témoignage de Patrice Molle, préfet et ancien membre de la DGSE (les services de renseignement extérieur français). L'homme travaillait au sein du cabinet de François Léotard à la défense. Une fois Jacques Chirac au pouvoir et François Léotard remplacé par Charles Millon, M. Molle faisait partie des hauts fonctionnaires mis sur écoutes par les services.
Il dit avoir eu vent de ces écoutes, mais précise : "je n'avais rien à cacher. Tout Paris sait qui a imposé les intermédiaires libanais dans le dossier Agosta, Renaud Donnedieu de Vabres traitait tout cela directement, il référait en personne au ministre. Les rétrocommissions, ça ne passe pas par le cabinet officiel, ça s'est joué dans les circuits parallèles."
L'accusation replace M. Donnedieu de Vabres au centre du jeu. Egalement questionné par Le Monde, il reconnaît avoir géré ces contrats, mais en toute légalité : "Evidemment, j'ai reçu des émissaires, j'ai organisé un dîner avec Benazir Bhutto, je suis allé en Arabie saoudite comme envoyé du ministre, j'ai rencontré des intermédiaires. Mais ce n'est pas nous qui imposions ces intermédiaires. Ils étaient imposés par les pays", promet-il.
Une version démentie par nombre de pièces et de témoignages, qui montrent que les deux intérmédiaires, Ziad Takkiendine et Abdulraman el-Assir ont été imposés à l'initiative de la France et même du ministère de la défense.
Les révélations du Monde remettent également en question les témoignages de Dominique de Villepin. Celui qui était alors secrétaire général de l'Elysée a nié, devant les juges, que MM. Leotard ou Donnedieu de Vabres aient été écoutés.
Renaud Donnedieu de Vabres, ex-ministre de la culture, est à son tour mis en cause dans l'affaire des attentats de Karachi. Dans une enquête du Monde (à lire dans l'édition abonnés du site), un ancien membre du cabinet de François Léotard, ministre de la défense d'Edouard Balladur, affirme que M. Donnedieu de Vabres, alors conseiller spécial du ministre, était la cheville ouvrière de la mise en place des commissions sur les contrats Agosta et Sawari II.
Ces contrats ont donné lieu au versement d'argent en direction d'intermédiaires libanais et saoudiens, imposés à la dernière minute. En principe, ces commissions, susceptibles de favoriser la vente de sous-marins et de frégates, étaient légales jusqu'en 2000. Mais en l'espèce, la justice soupçonne qu'une partie de ces commissions, d'un montant plus élevé que l'usage, aient donné lieu à des rétrocommissions, un retour d'une partie de l'argent en France, où il aurait servi à financer certains partis de manière illicite.
Premier visé, le premier ministre de l'époque, Edouard Balladur, dont les comptes de campagne pour la présidentielle de 1995 ont été entachés d'irrégularités, mais validés tout de même par le conseil constitutionnel, comme l'a relaté Le Monde dans son édition du 25 novembre (à lire dans l'édition abonnés). Entendu sous le sceau du secret défense par une mission parlementaire au printemps, Edouard Balladur avait assuré, comme le révèle samedi 27 novembre le Journal du Dimanche, qu'il n'était pas au courant des commissions versées pour les ventes.
Plusieurs chiraquiens, dont Dominique de Villepin ou Charles Millon, ont raconté à la justice comment Jacques Chirac, à peine élu en 1995, avait ordonné une enquête sur ces ventes de matériel militaire. De manière illégale, plusieurs personnalités, dont le ministre de la défense d'Edouard Balladur, François Léotard, ont été mises sous écoute. L'enquête menée par la DGSE a permis aux chiraquiens d'avoir confirmation "de forts soupçons", selon les mots de Dominique de Villepin, de rétrocommissions illicites.
Jacques Chirac aurait alors, selon eux, ordonné de stopper le versement des commissions. Pour "assainir la vie politique", selon Dominique de Villepin, ou plus prosaïquement, selon d'autres sources, pour mettre fin à ce que M. Chirac voyait comme le "trésor de guerre de Balladur". Cet arrêt, qui n'aurait été total qu'en 2000, pourrait être à l'origine de l'attentat contre des Français à Karachi en 2002, qui avait tué 11 de nos compatriotes.
"RÉTROCOMMISSIONS"
Le Monde révèle samedi le témoignage de Patrice Molle, préfet et ancien membre de la DGSE (les services de renseignement extérieur français). L'homme travaillait au sein du cabinet de François Léotard à la défense. Une fois Jacques Chirac au pouvoir et François Léotard remplacé par Charles Millon, M. Molle faisait partie des hauts fonctionnaires mis sur écoutes par les services.
Il dit avoir eu vent de ces écoutes, mais précise : "je n'avais rien à cacher. Tout Paris sait qui a imposé les intermédiaires libanais dans le dossier Agosta, Renaud Donnedieu de Vabres traitait tout cela directement, il référait en personne au ministre. Les rétrocommissions, ça ne passe pas par le cabinet officiel, ça s'est joué dans les circuits parallèles."
L'accusation replace M. Donnedieu de Vabres au centre du jeu. Egalement questionné par Le Monde, il reconnaît avoir géré ces contrats, mais en toute légalité : "Evidemment, j'ai reçu des émissaires, j'ai organisé un dîner avec Benazir Bhutto, je suis allé en Arabie saoudite comme envoyé du ministre, j'ai rencontré des intermédiaires. Mais ce n'est pas nous qui imposions ces intermédiaires. Ils étaient imposés par les pays", promet-il.
Une version démentie par nombre de pièces et de témoignages, qui montrent que les deux intérmédiaires, Ziad Takkiendine et Abdulraman el-Assir ont été imposés à l'initiative de la France et même du ministère de la défense.
Les révélations du Monde remettent également en question les témoignages de Dominique de Villepin. Celui qui était alors secrétaire général de l'Elysée a nié, devant les juges, que MM. Leotard ou Donnedieu de Vabres aient été écoutés.
lundi 22 novembre 2010
Karachi: des traces de "montages financiers opaques" à Bercy?
L'Express, 23/11/2010
Le Parisien de ce mardi révèle que le juge Renaud Van Ruymbeke a effectué une perquisition il y a une dizaine de jours au ministère du Budget.
Le juge Renaud Van Ruymbeke a perquisitionné récemment au ministère du Budget à Bercy où il aurait saisi des notes sur les "montages financiers opaques" mis en place autour du contrat de vente de sous-marins Agosta au Pakistan, affirme ce mardi Le Parisien/Aujourd'hui en France.
"Il y a une dizaine de jours, dans la plus grande discrétion, le juge Renaud Van Ruymbeke a perquisitionné la Direction générale des Impôts, au ministère du Budget à Bercy", affirme le quotidien.
La justice cherche notamment à établir s'il y a un lien entre l'arrêt à partir de 1995 du versement de commissions dans le cadre du contrat d'armement avec le Pakistan et l'attentat de Karachi en 2002 qui a coûté la vie à 15 personnes dont 11 Français.
Elle enquête également sur le versement de rétrocommissions qui auraient pu financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995.
"Lors de sa perquisition, le juge du pôle financier aurait mis la main sur des documents extrêmement intéressants", écrit Le Parisien qui précise qu'il "s'agirait de notes manuscrites, non signées, datées de fin 2006".
Ces notes "confirmeraient et détailleraient les montages financiers opaques mis en place autour du contrat Agosta notamment les circuits empruntés par l'argent à l'aller (vers le Pakistan) comme au retour (en direction de la France)", ajoute le quotidien.
Le contrat de la vente de trois sous-marins Agosta au Pakistan en septembre 1994 est au coeur d'une affaire de commissions et de possibles rétrocommissions qui secoue actuellement la vie politique française.
L'information "a tout d'une bombe à retardement"
Dans ces notes, il "serait question de plusieurs pays (...) dans lesquels les fonds transitent", ajoute Le Parisien.
Le journal cite une "source proche du dossier" selon laquelle "ces notes manuscrites (...) étaient adressées à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac et en pleine campagne pour l'élection présidentielle de 2007".
Cette information, assure le Parisien, "a tout d'une bombe à retardement".
Le Parisien de ce mardi révèle que le juge Renaud Van Ruymbeke a effectué une perquisition il y a une dizaine de jours au ministère du Budget.
Le juge Renaud Van Ruymbeke a perquisitionné récemment au ministère du Budget à Bercy où il aurait saisi des notes sur les "montages financiers opaques" mis en place autour du contrat de vente de sous-marins Agosta au Pakistan, affirme ce mardi Le Parisien/Aujourd'hui en France.
"Il y a une dizaine de jours, dans la plus grande discrétion, le juge Renaud Van Ruymbeke a perquisitionné la Direction générale des Impôts, au ministère du Budget à Bercy", affirme le quotidien.
La justice cherche notamment à établir s'il y a un lien entre l'arrêt à partir de 1995 du versement de commissions dans le cadre du contrat d'armement avec le Pakistan et l'attentat de Karachi en 2002 qui a coûté la vie à 15 personnes dont 11 Français.
Elle enquête également sur le versement de rétrocommissions qui auraient pu financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur de 1995.
"Lors de sa perquisition, le juge du pôle financier aurait mis la main sur des documents extrêmement intéressants", écrit Le Parisien qui précise qu'il "s'agirait de notes manuscrites, non signées, datées de fin 2006".
Ces notes "confirmeraient et détailleraient les montages financiers opaques mis en place autour du contrat Agosta notamment les circuits empruntés par l'argent à l'aller (vers le Pakistan) comme au retour (en direction de la France)", ajoute le quotidien.
Le contrat de la vente de trois sous-marins Agosta au Pakistan en septembre 1994 est au coeur d'une affaire de commissions et de possibles rétrocommissions qui secoue actuellement la vie politique française.
L'information "a tout d'une bombe à retardement"
Dans ces notes, il "serait question de plusieurs pays (...) dans lesquels les fonds transitent", ajoute Le Parisien.
Le journal cite une "source proche du dossier" selon laquelle "ces notes manuscrites (...) étaient adressées à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac et en pleine campagne pour l'élection présidentielle de 2007".
Cette information, assure le Parisien, "a tout d'une bombe à retardement".
dimanche 21 novembre 2010
Karachi: un cadre de l'armement admet des rétrocommissions
L'Express, 22 novembre 2010
Pour cet ancien PDG de la Sofresa interviewé par Libération, leur arrêt n'aurait pas de lien avec l'attentat de 2002.
L'ex-cadre supérieur de l'armement, Michel Mazens, témoin clé dans l'affaire de Karachi, admet l'arrêt des rétrocommissions mais sans "lien" avec l'attentat de 2002 dans une interview publiée par Libération lundi.
L'ancien président de la Société française d'exportation de systèmes avancés (Sofresa) estime qu'il y a eu une "exagération" et une "surinterprétation" de ses propos, selon Libération. "Sa mise au point diminue le bien-fondé d'une plainte visant Jacques Chirac, un peu vite accusé d'avoir, en stoppant les rétrocommissions, entraîné l'attentat sept ans plus tard", écrit aussi le quotidien.
"L'attentat s'est déroulé longtemps après cet épisode. A mon sens, il n'y a pas de lien entre les deux. Je n'ai jamais reçu la moindre information qui m'aurais permis de le penser" a déclaré M. Mazens au cours de l'interview.
Le site internet d'information Mediapart a affirmé vendredi que l'ancien PDG de la Sofresa, Michel Mazens, a expliqué jeudi au juge Van Ruymbeke qu'il avait été chargé en 1995 d'interrompre le versement de commissions sur le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie saoudite.
C'est quand M. Mazens a averti Dominique Castellan, ex-président de DCNI (la branche internationale et export de la DCN) que les commissions promises en marge d'un contrat de vente de sous-marins au Pakistan en 1994 ne seraient pas versées, que ce dernier lui aurait fait part des risques encourus par le personnel de DCN.
"Un soir je suis ainsi allé voir M. Castellan dans son bureau pour lui faire part de la directive de M. de Villepin. Il a réagi en disant que pour lui c'était compliqué car c'était faire courir des risques au personnel", a ajouté le responsable sans que le magistrat lui demande de préciser ces "risques". "J'ai senti Dominique Castellan soucieux, mais pas au point de craindre un acte criminel, ça ne se situait pas sur ce plan-là", a dit Michel Mazans à Libération.
Pour cet ancien PDG de la Sofresa interviewé par Libération, leur arrêt n'aurait pas de lien avec l'attentat de 2002.
L'ex-cadre supérieur de l'armement, Michel Mazens, témoin clé dans l'affaire de Karachi, admet l'arrêt des rétrocommissions mais sans "lien" avec l'attentat de 2002 dans une interview publiée par Libération lundi.
L'ancien président de la Société française d'exportation de systèmes avancés (Sofresa) estime qu'il y a eu une "exagération" et une "surinterprétation" de ses propos, selon Libération. "Sa mise au point diminue le bien-fondé d'une plainte visant Jacques Chirac, un peu vite accusé d'avoir, en stoppant les rétrocommissions, entraîné l'attentat sept ans plus tard", écrit aussi le quotidien.
"L'attentat s'est déroulé longtemps après cet épisode. A mon sens, il n'y a pas de lien entre les deux. Je n'ai jamais reçu la moindre information qui m'aurais permis de le penser" a déclaré M. Mazens au cours de l'interview.
Le site internet d'information Mediapart a affirmé vendredi que l'ancien PDG de la Sofresa, Michel Mazens, a expliqué jeudi au juge Van Ruymbeke qu'il avait été chargé en 1995 d'interrompre le versement de commissions sur le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie saoudite.
C'est quand M. Mazens a averti Dominique Castellan, ex-président de DCNI (la branche internationale et export de la DCN) que les commissions promises en marge d'un contrat de vente de sous-marins au Pakistan en 1994 ne seraient pas versées, que ce dernier lui aurait fait part des risques encourus par le personnel de DCN.
"Un soir je suis ainsi allé voir M. Castellan dans son bureau pour lui faire part de la directive de M. de Villepin. Il a réagi en disant que pour lui c'était compliqué car c'était faire courir des risques au personnel", a ajouté le responsable sans que le magistrat lui demande de préciser ces "risques". "J'ai senti Dominique Castellan soucieux, mais pas au point de craindre un acte criminel, ça ne se situait pas sur ce plan-là", a dit Michel Mazans à Libération.
vendredi 19 novembre 2010
Karachigate: Qu'est-ce qu'une rétrocommission ?
Le Monde, 19 novembre 2010
La question est au cœur de l'affaire. Dans le cas d'une vente d'armes à l'étranger, il était légal jusqu'en 2000 de rémunérer des intermédiaires chargés de faciliter la négociation avec le pays acheteur.
Ces "commissions" – le terme officiel, mais elles s'apparentent à des pots-de-vin légaux – peuvent représenter des sommes importantes.
Dans le cadre du contrat de vente des sous-marins Agosta, les deux intermédiaires, Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, ont récupéré 10,25 % du total de la vente, qui s'élevait à 5,4 milliards de francs (826 millions d'euros).
Les deux hommes devaient toucher encore plus sur un autre contrat, cette fois pour des frégates destinées à l'Arabie saoudite : on leur promettait 18 % du montant du contrat, qui portait sur 19 milliards de francs (environ 3 milliards d'euros).
Une rétrocommission, pratique illégale, consiste pour le vendeur à offrir plus de commission que nécessaire, pour ensuite récupérer à son profit de la part de l'intermédiaire une partie des sommes engagées par l'Etat.
Dans l'affaire de Karachi, on soupçonne que les commissions versées aux deux intermédiaires ont donné lieu à des rétrocommissions, qui auraient financé la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.
L'arrêt du versement des sommes promises aurait conduit à l'attentat contre des Français à Karachi en 2002.
Samuel Laurent
La question est au cœur de l'affaire. Dans le cas d'une vente d'armes à l'étranger, il était légal jusqu'en 2000 de rémunérer des intermédiaires chargés de faciliter la négociation avec le pays acheteur.
Ces "commissions" – le terme officiel, mais elles s'apparentent à des pots-de-vin légaux – peuvent représenter des sommes importantes.
Dans le cadre du contrat de vente des sous-marins Agosta, les deux intermédiaires, Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, ont récupéré 10,25 % du total de la vente, qui s'élevait à 5,4 milliards de francs (826 millions d'euros).
Les deux hommes devaient toucher encore plus sur un autre contrat, cette fois pour des frégates destinées à l'Arabie saoudite : on leur promettait 18 % du montant du contrat, qui portait sur 19 milliards de francs (environ 3 milliards d'euros).
Une rétrocommission, pratique illégale, consiste pour le vendeur à offrir plus de commission que nécessaire, pour ensuite récupérer à son profit de la part de l'intermédiaire une partie des sommes engagées par l'Etat.
Dans l'affaire de Karachi, on soupçonne que les commissions versées aux deux intermédiaires ont donné lieu à des rétrocommissions, qui auraient financé la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.
L'arrêt du versement des sommes promises aurait conduit à l'attentat contre des Français à Karachi en 2002.
Samuel Laurent
Karachi : plainte de familles de victimes contre Chirac et Villepin
Le Monde, 19 novembre 2010
Des familles de victimes de l'attentat de Karachi vont porter plainte contre Jacques Chirac et Dominique de Villepin pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "homicide involontaire", a annoncé vendredi 19 novembre leur avocat, Olivier Morice.
Les familles de victimes de cet attentat, qui avait coûté la vie à onze Français, avaient déjà insisté jeudi pour que le chef de l'Etat soit entendu par la justice comme témoin dans ce dossier.
"M. Sarkozy nous doit cette audition. Qu'il dise ce qu'il a à dire, lui qui a qualifié de 'fable' cette piste financière [en 2009]", a déclaré la fille d'une victime, Sandrine Leclerc, lors d'une conférence de presse.
L'enquête sur cet attentat, perpétré à Karachi le 8 mai 2002 contre la Direction des constructions navales (DCN), a longtemps été focalisée sur une responsabilité d'Al-Qaida.
Mais depuis plus d'un an, elle s'est réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt du versements de commissions promises par la France dans le cadre du contrat sur la vente de sous-marins Agosta au Pakistan, signé en 1994 pour environ 850 millions d'euros.
LA CAMPAGNE DE BALLADUR
Les commissions, légales jusqu'à leur interdiction par l'OCDE en 2000, étaient dans ce type de contrats versées aux intermédiaires facilitant leur signature. Il pouvait arriver qu'une rétrocommission, illégale, soit prélevée sur la commission au profit de responsables du pays ayant remporté le contrat.
Les commissions françaises auraient été distribuées au Pakistan par l'actuel chef de l'Etat Asif Ali Zardari, alors ministre dans un gouvernement dirigé par sa femme Benazir Bhutto (tuée dans un attentat fin 2007).
Les rétrocommissions pakistanaises auraient servi au financement de la campagne présidentielle en 1994 du premier ministre français d'alors, Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole et ministre du budget, selon des témoignages et rapports versés au dossier.
Dès son élection à la présidence française en 1995, Jacques Chirac a décidé de stopper le versement de commissions, asséchant d'éventuelles rentrées d'argent, via des rétrocommissions, au profit de son rival, qui a toujours démenti tout financement illicite de sa campagne.
Si les soupçons ne sont pas nouveaux, l'affaire a pris un tour nouveau après la confirmation de l'existence de rétrocommissions par l'ancien ministre de la défense Charles Millon (mai 1995 à juin 1997), révélée par une source proche du dossier.
L'ancien ministre a déclaré lundi au juge Renaud van Ruymbeke que des vérifications menées en 1995 par les services secrets après l'élection de M. Chirac avaient établi l'existence de rétrocommissions vers des décideurs français en marge de contrats de ventes de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie saoudite. "On a eu une intime conviction", a-t-il confié au juge.
Depuis, l'opposition et les familles de victimes demandent que la justice auditionne comme témoin M. Sarkozy, Jacques Chirac et son secrétaire général de l'Elysée de l'époque, Dominique de Villepin.
"Au sommet de l'Etat, on craint l'avancée de ce dossier car il implique Nicolas Sarkozy et ses proches", a commenté Me Olivier Morice. Le ministre de la justice Michel Mercier a affirmé pour sa part que la justice faisait "son travail" dans cette affaire.
Des familles de victimes de l'attentat de Karachi vont porter plainte contre Jacques Chirac et Dominique de Villepin pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "homicide involontaire", a annoncé vendredi 19 novembre leur avocat, Olivier Morice.
Les familles de victimes de cet attentat, qui avait coûté la vie à onze Français, avaient déjà insisté jeudi pour que le chef de l'Etat soit entendu par la justice comme témoin dans ce dossier.
"M. Sarkozy nous doit cette audition. Qu'il dise ce qu'il a à dire, lui qui a qualifié de 'fable' cette piste financière [en 2009]", a déclaré la fille d'une victime, Sandrine Leclerc, lors d'une conférence de presse.
L'enquête sur cet attentat, perpétré à Karachi le 8 mai 2002 contre la Direction des constructions navales (DCN), a longtemps été focalisée sur une responsabilité d'Al-Qaida.
Mais depuis plus d'un an, elle s'est réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt du versements de commissions promises par la France dans le cadre du contrat sur la vente de sous-marins Agosta au Pakistan, signé en 1994 pour environ 850 millions d'euros.
LA CAMPAGNE DE BALLADUR
Les commissions, légales jusqu'à leur interdiction par l'OCDE en 2000, étaient dans ce type de contrats versées aux intermédiaires facilitant leur signature. Il pouvait arriver qu'une rétrocommission, illégale, soit prélevée sur la commission au profit de responsables du pays ayant remporté le contrat.
Les commissions françaises auraient été distribuées au Pakistan par l'actuel chef de l'Etat Asif Ali Zardari, alors ministre dans un gouvernement dirigé par sa femme Benazir Bhutto (tuée dans un attentat fin 2007).
Les rétrocommissions pakistanaises auraient servi au financement de la campagne présidentielle en 1994 du premier ministre français d'alors, Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole et ministre du budget, selon des témoignages et rapports versés au dossier.
Dès son élection à la présidence française en 1995, Jacques Chirac a décidé de stopper le versement de commissions, asséchant d'éventuelles rentrées d'argent, via des rétrocommissions, au profit de son rival, qui a toujours démenti tout financement illicite de sa campagne.
Si les soupçons ne sont pas nouveaux, l'affaire a pris un tour nouveau après la confirmation de l'existence de rétrocommissions par l'ancien ministre de la défense Charles Millon (mai 1995 à juin 1997), révélée par une source proche du dossier.
L'ancien ministre a déclaré lundi au juge Renaud van Ruymbeke que des vérifications menées en 1995 par les services secrets après l'élection de M. Chirac avaient établi l'existence de rétrocommissions vers des décideurs français en marge de contrats de ventes de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie saoudite. "On a eu une intime conviction", a-t-il confié au juge.
Depuis, l'opposition et les familles de victimes demandent que la justice auditionne comme témoin M. Sarkozy, Jacques Chirac et son secrétaire général de l'Elysée de l'époque, Dominique de Villepin.
"Au sommet de l'Etat, on craint l'avancée de ce dossier car il implique Nicolas Sarkozy et ses proches", a commenté Me Olivier Morice. Le ministre de la justice Michel Mercier a affirmé pour sa part que la justice faisait "son travail" dans cette affaire.
Karachi : un nouveau témoin confirme l'arrêt des paiements en 1995
Le Monde, 19 novembre 2010
Un témoin, entendu par le juge Van Ruymbeke jeudi 18 novembre, a confirmé que les versements de commissions (légales jusqu'en 2000) aux intermédiaires de la vente des trois sous-marins Agosta au Pakistan avaient été stoppés en 1995 par Jacques Chirac.
Les familles des victimes soupçonnent que l'arrêt de ses versements, qui auraient pu donner lieu à des rétrocommissions (voir encadré), pourrait être à l'origine de la mort des 11 Français employés par la direction des constructions navales à Karachi.
Le témoin, Michel Mazens, à l'époque haut fonctionnaire en charge de négocier les contrats d'armements, a confirmé ce que Charles Millon, alors ministre de la défense, avait déjà indiqué au juge : Jacques Chirac a bien fait cesser le versement des 84 millions d'euros de "commissions" versées aux intermédiaires de cette vente.
"Je me suis engagé à arrêter les paiements aux intermédiaires du réseau K, à savoir essentiellement M. Takieddine qui était en première ligne (...) et à détruire les documents qui pouvaient lier l'Etat français à ce réseau", a-t-il confié à Renaud Van Ruymbeke selon le compte-rendu de son audition, publiée par Mediapart.
"CESSER CES VERSEMENTS, C'ÉTAIT FAIRE COURIR DES RISQUES"
M. Mazens explique qu'il travaillait alors directement avec Dominique de Villepin, secrétaire général de l'Elysée, et avec le chef de l'Etat, Jacques Chirac. Il raconte également que les deux intermédiaires de la vente des sous-marins, Ziad Takkedine (présenté par Mediapart comme un proche de Nicolas Sarkozy, ce qu'il nie) et Abdul Raman al-Assir, ont également été privés d'une autre commission dans le cadre d'une vente de frégates à l'Arabie Saoudite (le contrat Sawari II). Le montant atteignait cette fois 200 millions d'euros.
Toujours selon ce témoignage, lorsque M. Mazens a annoncé a fin des commissions à Dominique Castellan, dirigeant de la branche commerciale de la direction des constructions navales, ce dernier lui aurait expliqué que cesser ces versements "c'était faire courir des risques à ses personnels".
C'est la première fois qu'un témoin fait le lien entre l'arrêt des commissions et l'attentat de 2002. Son témoignage signifie également que l'Etat était sans doute conscient que l'arrêt du versement de ces commissions pouvait avoir des répercussions sur la sécurité des personnels de la DCN.
Surtout, il implique deux nouveaux hommes politiques : Dominique de Villepin et Jacques Chirac.
L'avocat des familles de victimes, Me Olivier Morice, qui cherche à multiplier les procédures pour espérer percer le mur du secret défense, qui a été opposé à toutes les enquêtes menées sur cette affaires, a annoncé que ses clients allaient déposer plainte contre les deux hommes pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui et homicide involontaire".
Samuel Laurent
Un témoin, entendu par le juge Van Ruymbeke jeudi 18 novembre, a confirmé que les versements de commissions (légales jusqu'en 2000) aux intermédiaires de la vente des trois sous-marins Agosta au Pakistan avaient été stoppés en 1995 par Jacques Chirac.
Les familles des victimes soupçonnent que l'arrêt de ses versements, qui auraient pu donner lieu à des rétrocommissions (voir encadré), pourrait être à l'origine de la mort des 11 Français employés par la direction des constructions navales à Karachi.
Le témoin, Michel Mazens, à l'époque haut fonctionnaire en charge de négocier les contrats d'armements, a confirmé ce que Charles Millon, alors ministre de la défense, avait déjà indiqué au juge : Jacques Chirac a bien fait cesser le versement des 84 millions d'euros de "commissions" versées aux intermédiaires de cette vente.
"Je me suis engagé à arrêter les paiements aux intermédiaires du réseau K, à savoir essentiellement M. Takieddine qui était en première ligne (...) et à détruire les documents qui pouvaient lier l'Etat français à ce réseau", a-t-il confié à Renaud Van Ruymbeke selon le compte-rendu de son audition, publiée par Mediapart.
"CESSER CES VERSEMENTS, C'ÉTAIT FAIRE COURIR DES RISQUES"
M. Mazens explique qu'il travaillait alors directement avec Dominique de Villepin, secrétaire général de l'Elysée, et avec le chef de l'Etat, Jacques Chirac. Il raconte également que les deux intermédiaires de la vente des sous-marins, Ziad Takkedine (présenté par Mediapart comme un proche de Nicolas Sarkozy, ce qu'il nie) et Abdul Raman al-Assir, ont également été privés d'une autre commission dans le cadre d'une vente de frégates à l'Arabie Saoudite (le contrat Sawari II). Le montant atteignait cette fois 200 millions d'euros.
Toujours selon ce témoignage, lorsque M. Mazens a annoncé a fin des commissions à Dominique Castellan, dirigeant de la branche commerciale de la direction des constructions navales, ce dernier lui aurait expliqué que cesser ces versements "c'était faire courir des risques à ses personnels".
C'est la première fois qu'un témoin fait le lien entre l'arrêt des commissions et l'attentat de 2002. Son témoignage signifie également que l'Etat était sans doute conscient que l'arrêt du versement de ces commissions pouvait avoir des répercussions sur la sécurité des personnels de la DCN.
Surtout, il implique deux nouveaux hommes politiques : Dominique de Villepin et Jacques Chirac.
L'avocat des familles de victimes, Me Olivier Morice, qui cherche à multiplier les procédures pour espérer percer le mur du secret défense, qui a été opposé à toutes les enquêtes menées sur cette affaires, a annoncé que ses clients allaient déposer plainte contre les deux hommes pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui et homicide involontaire".
Samuel Laurent
mercredi 17 novembre 2010
Karachi : Charles Millon confirme les rétrocommissions
Le Figaro, 17 novembre 2010
L'ancien ministre de la Défense a assuré au juge Van Ruymbeke que des rétrocommissions ont été versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Il y aurait bien eu des rétrocommissions dans l'affaire Karachi. C'est l'ancien ministre de la Défense, Charles Millon, qui l'a lui-même affirmé.
Entendu lundi par le juge Renaud Van Ruymbeke - chargé d'une enquête pour faux témoignage et entrave à la justice dans l'affaire de l'attentat de Karachi en 2002 -, celui-ci a confirmé l'existence de rétrocommissions versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Selon une source proche du dossier, Charles Millon a confié au juge que «dans les quinze jours qui ont suivi» sa nomination au gouvernement en 1995, Jacques Chirac - alors tout juste élu président - lui «a demandé de procéder à la révision des contrats d'armement et de vérifier dans la mesure du possible s'il existait des indices sur l'existence de rétrocommissions».
«Pour le contrat pakistanais, au vu des rapports des services secrets et des analyses qui ont été effectuées par les services du ministère, on a eu une intime conviction qu'il y avait rétrocommissions», a rapporté l'ancien ministre, citant également le contrat Sawari II (vente de frégates à l'Arabie saoudite).
Au cours de cette audition, dont le Nouvel Observateur fait également état dans son édition de jeudi, Charles Millon précise avoir été «en lien direct» avec les collaborateurs de Jacques Chirac, «en particulier avec le secrétaire général, Dominique de Villepin, qu'(il tenait) régulièrement informé des investigations».
Debré oppose le secret du délibéré
Ce témoignage vient étayer une piste explorée depuis plus d'un an dans l'enquête sur l'attentat de Karachi - dans lequel quinze personnes, dont onze Français, avaient trouvé la mort - et donne plus que jamais au dossier l'allure d'une affaire d'État.
Alors que l'attentat avait dans un premier temps été attribué à al-Qaïda, l'enquête s'est par la suite réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt, en 1995, de versements de commissions sur un contrat d'armements.
Or, selon des témoignages et rapports versés au dossier, une partie de cet argent versé à des intermédiaires Pakistanais, pour faciliter la signature des contrats, aurait bénéficié en retour à des responsables français.
Ces rétrocommissions auraient notamment servi au financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1994. Ce que l'ancien premier ministre - dont le ministre du Budget et porte-parole de campagne n'était autre que Nicolas Sarkozy - dément formellement.
Reste qu'en 1995, les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient prôné un rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur. Un avis non suivi par le Conseil, alors présidé par Roland Dumas, qui les avait validés.
Pour quelle raison les rapporteurs avaient-ils rendu cet avis ? Étaient-ils au courant pour les rétrocommissions ?
Pour le savoir, le juge Van Ruymbeke a demandé l'accès au contenu des échanges entre les membres du Conseil. Mais mercredi, une source proche du dossier a indiqué que le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis, lui avait opposé un refus.
Dans un courrier daté du 9 novembre, Jean-Louis Debré argue du «secret qui s'attache aux délibérations», fixé selon lui à 5 ans par l'article 63 de la Constitution.
Pourtant le 20 octobre 2010, Michèle Alliot-Marie, qui était encore garde des Sceaux, avait assuré à l'Assemblée nationale que la justice pouvait avoir accès au contenu de ces débats internes.
Il y a une semaine, c'est le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui avait de la même manière refusé de communiquer au juge les comptes rendus des auditions réalisées par les députés dans cette affaire.
Nourrissant ainsi les soupçons des familles des victimes au sujet de prolongements politiques éventuels de l'affaire Karachi.
L'ancien ministre de la Défense a assuré au juge Van Ruymbeke que des rétrocommissions ont été versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Il y aurait bien eu des rétrocommissions dans l'affaire Karachi. C'est l'ancien ministre de la Défense, Charles Millon, qui l'a lui-même affirmé.
Entendu lundi par le juge Renaud Van Ruymbeke - chargé d'une enquête pour faux témoignage et entrave à la justice dans l'affaire de l'attentat de Karachi en 2002 -, celui-ci a confirmé l'existence de rétrocommissions versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
Selon une source proche du dossier, Charles Millon a confié au juge que «dans les quinze jours qui ont suivi» sa nomination au gouvernement en 1995, Jacques Chirac - alors tout juste élu président - lui «a demandé de procéder à la révision des contrats d'armement et de vérifier dans la mesure du possible s'il existait des indices sur l'existence de rétrocommissions».
«Pour le contrat pakistanais, au vu des rapports des services secrets et des analyses qui ont été effectuées par les services du ministère, on a eu une intime conviction qu'il y avait rétrocommissions», a rapporté l'ancien ministre, citant également le contrat Sawari II (vente de frégates à l'Arabie saoudite).
Au cours de cette audition, dont le Nouvel Observateur fait également état dans son édition de jeudi, Charles Millon précise avoir été «en lien direct» avec les collaborateurs de Jacques Chirac, «en particulier avec le secrétaire général, Dominique de Villepin, qu'(il tenait) régulièrement informé des investigations».
Debré oppose le secret du délibéré
Ce témoignage vient étayer une piste explorée depuis plus d'un an dans l'enquête sur l'attentat de Karachi - dans lequel quinze personnes, dont onze Français, avaient trouvé la mort - et donne plus que jamais au dossier l'allure d'une affaire d'État.
Alors que l'attentat avait dans un premier temps été attribué à al-Qaïda, l'enquête s'est par la suite réorientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt, en 1995, de versements de commissions sur un contrat d'armements.
Or, selon des témoignages et rapports versés au dossier, une partie de cet argent versé à des intermédiaires Pakistanais, pour faciliter la signature des contrats, aurait bénéficié en retour à des responsables français.
Ces rétrocommissions auraient notamment servi au financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1994. Ce que l'ancien premier ministre - dont le ministre du Budget et porte-parole de campagne n'était autre que Nicolas Sarkozy - dément formellement.
Reste qu'en 1995, les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient prôné un rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur. Un avis non suivi par le Conseil, alors présidé par Roland Dumas, qui les avait validés.
Pour quelle raison les rapporteurs avaient-ils rendu cet avis ? Étaient-ils au courant pour les rétrocommissions ?
Pour le savoir, le juge Van Ruymbeke a demandé l'accès au contenu des échanges entre les membres du Conseil. Mais mercredi, une source proche du dossier a indiqué que le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis, lui avait opposé un refus.
Dans un courrier daté du 9 novembre, Jean-Louis Debré argue du «secret qui s'attache aux délibérations», fixé selon lui à 5 ans par l'article 63 de la Constitution.
Pourtant le 20 octobre 2010, Michèle Alliot-Marie, qui était encore garde des Sceaux, avait assuré à l'Assemblée nationale que la justice pouvait avoir accès au contenu de ces débats internes.
Il y a une semaine, c'est le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui avait de la même manière refusé de communiquer au juge les comptes rendus des auditions réalisées par les députés dans cette affaire.
Nourrissant ainsi les soupçons des familles des victimes au sujet de prolongements politiques éventuels de l'affaire Karachi.
Affaire Karachi : Millon confirme l'existence de rétrocommissions
Le Monde, 17 novembre 2010
Nouveau rebondissement dans l'affaire de Karachi : l'ex-ministre de la défense de Jacques Chirac, Charles Millon, a confirmé lundi 15 novembre 2010, devant le juge Renaud Van Ruymbeke, l'existence de rétrocommissions, versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français, selon l'AFP et Le Nouvel Observateur.
En clair, une partie des commissions versées à des intermédiaires ayant aidé à obtenir le contrat revenait en France au bénéfice de certaines personnes.
Charles Millon avait déjà expliqué, en juin 2010 à Paris-Match, qu'il avait bloqué le versement de commissions "pouvant donner lieu à des rétrocommissions".
La justice soupçonne que l'attentat commis en 2002 à Karachi contre des personnels de la direction des constructions navales (DCN), qui avait fait 14 morts, puisse être lié à l'arrêt du versement de ces commissions aux intermédiaires saoudiens et pakistanais du contrat de vente des sous-marins.
Selon Le Nouvel Observateur, Charles Millon aurait cette fois déclaré, lors de son audition : "Le président de la République [Jacques Chirac] m'a dit […] qu'il souhaitait une moralisation de la vie publique et politique et qu'il y avait trop de bruit autour des contrats d'armement dû à l'existence de rétrocommissions. Il m'a donc demandé de faire procéder à une vérification sur tous les contrats."
JEAN-LOUIS DEBRÉ REFUSE DE DIVULGUER DES DOCUMENTS
L'information vient corroborer les conclusions d'un rapport effectué en 2002 par un ancien agent de la direction de la surveillance du territoire (DST), qui jugeait lui aussi que l'arrêt du versement de ces commissions avait conduit à l'attentat de Karachi. Or, les autorités françaises n'ont jamais divulgué les conclusions de ce rapport, avant qu'il ne soit révélé par Le Point en 2008. Durant toutes ces années, la piste suivie par les enquêteurs était celle d'un attentat commandité par Al-Qaida.
Un silence qui pourrait s'expliquer par l'autre volet, politique, de l'affaire : le soupçon selon lequel les intermédiaires aient reversé une partie de leurs commissions, notamment pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995, codirigée par Nicolas Sarkozy.
Un dépôt d'argent liquide de 10 millions de francs avait été effectué sur le compte de campagne du candidat à la présidentielle. Selon l'équipe d'Edouard Balladur, il s'agissait de sommes correspondant à la vente d'articles publicitaires en marge de la campagne. Une explication pour le moins vague.
Les comptes de campagne avaient pourtant été validés par le Conseil constitutionnel.
La justice réclame de pouvoir examiner les délibérations des "sages" à cette époque. Mercredi 17 novembre 2010, Jean-Louis Debré, actuel président du Conseil, a une nouvelle fois refusé de confier ces archives aux juges, arguant du "secret des délibérés".
UN CHANTAGE CONTRE NICOLAS SARKOZY EN 2007 ?
Mediapart révèle mercredi d'autres faits troublants : le versement des commissions aux deux intermédiaires lors de la vente des sous-marins avait donné lieu à la constitution par la DCN de sociétés-écran basées au Luxembourg.
L'une d'elles, Heine, aurait été, selon un rapport de la police luxembourgeoise, supervisée "directement" par Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget.
Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke aurait, selon Mediapart, recueilli plusieurs témoignages d'anciens cadres de la DCN, qui accréditent l'idée d'un montage opaque, permettant de dégager d'importantes sommes d'argent frais.
L'un des éléments de ce montage serait passé par Cedel, une société luxembourgeoise ensuite rebaptisée sous le nom de… Clearstream.
Toujours d'après le site d'information, l'ancien dirigeant de Heine, Jean-Marie Boivin, aurait tenté de faire pression sur des personnalités politiques. C'est du moins ce dont l'accuse, devant le juge, l'ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas.
En 2004, la DCN a décidé de se passer de ses services, lui octroyant une indemnité de 610 200 euros. La somme étant trop modeste aux yeux de l'intéressé, il aurait tenté de la gonfler.
Selon le témoignage de M. Menayas, cité par Mediapart, Jean-Marie Boivin "envoyait des courriers d'abord à l'entreprise, puis à des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président".
Il réclamait huit millions d'euros et menaçait "de faire des révélations" sur les rétrocommissions. Parmi les destinataires de ses courriers de menace, Jacques Chirac, Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy.
Jean-Marie Boivin aurait également raconté à Gérard-Philippe Menayas avoir reçu la visite, au Luxembourg en 2006, d'anciens agents de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure, les services de renseignement français). Ces hommes, qui l'auraient menacé physiquement, auraient été envoyés par l'actuel chef de l'Etat, aurait affirmé M. Boivin à M. Menayas.
Toujours selon ce dernier, Jean-Marie Boivin aurait fini par obtenir une compensation plus importante grâce à un protocole entre Heine, la DCN et l'Etat.
Pour Gérard-Philippe Menayas, cette somme pourrait être une manière d'acheter le silence de M. Boivin.
Nouveau rebondissement dans l'affaire de Karachi : l'ex-ministre de la défense de Jacques Chirac, Charles Millon, a confirmé lundi 15 novembre 2010, devant le juge Renaud Van Ruymbeke, l'existence de rétrocommissions, versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français, selon l'AFP et Le Nouvel Observateur.
En clair, une partie des commissions versées à des intermédiaires ayant aidé à obtenir le contrat revenait en France au bénéfice de certaines personnes.
Charles Millon avait déjà expliqué, en juin 2010 à Paris-Match, qu'il avait bloqué le versement de commissions "pouvant donner lieu à des rétrocommissions".
La justice soupçonne que l'attentat commis en 2002 à Karachi contre des personnels de la direction des constructions navales (DCN), qui avait fait 14 morts, puisse être lié à l'arrêt du versement de ces commissions aux intermédiaires saoudiens et pakistanais du contrat de vente des sous-marins.
Selon Le Nouvel Observateur, Charles Millon aurait cette fois déclaré, lors de son audition : "Le président de la République [Jacques Chirac] m'a dit […] qu'il souhaitait une moralisation de la vie publique et politique et qu'il y avait trop de bruit autour des contrats d'armement dû à l'existence de rétrocommissions. Il m'a donc demandé de faire procéder à une vérification sur tous les contrats."
JEAN-LOUIS DEBRÉ REFUSE DE DIVULGUER DES DOCUMENTS
L'information vient corroborer les conclusions d'un rapport effectué en 2002 par un ancien agent de la direction de la surveillance du territoire (DST), qui jugeait lui aussi que l'arrêt du versement de ces commissions avait conduit à l'attentat de Karachi. Or, les autorités françaises n'ont jamais divulgué les conclusions de ce rapport, avant qu'il ne soit révélé par Le Point en 2008. Durant toutes ces années, la piste suivie par les enquêteurs était celle d'un attentat commandité par Al-Qaida.
Un silence qui pourrait s'expliquer par l'autre volet, politique, de l'affaire : le soupçon selon lequel les intermédiaires aient reversé une partie de leurs commissions, notamment pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995, codirigée par Nicolas Sarkozy.
Un dépôt d'argent liquide de 10 millions de francs avait été effectué sur le compte de campagne du candidat à la présidentielle. Selon l'équipe d'Edouard Balladur, il s'agissait de sommes correspondant à la vente d'articles publicitaires en marge de la campagne. Une explication pour le moins vague.
Les comptes de campagne avaient pourtant été validés par le Conseil constitutionnel.
La justice réclame de pouvoir examiner les délibérations des "sages" à cette époque. Mercredi 17 novembre 2010, Jean-Louis Debré, actuel président du Conseil, a une nouvelle fois refusé de confier ces archives aux juges, arguant du "secret des délibérés".
UN CHANTAGE CONTRE NICOLAS SARKOZY EN 2007 ?
Mediapart révèle mercredi d'autres faits troublants : le versement des commissions aux deux intermédiaires lors de la vente des sous-marins avait donné lieu à la constitution par la DCN de sociétés-écran basées au Luxembourg.
L'une d'elles, Heine, aurait été, selon un rapport de la police luxembourgeoise, supervisée "directement" par Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget.
Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke aurait, selon Mediapart, recueilli plusieurs témoignages d'anciens cadres de la DCN, qui accréditent l'idée d'un montage opaque, permettant de dégager d'importantes sommes d'argent frais.
L'un des éléments de ce montage serait passé par Cedel, une société luxembourgeoise ensuite rebaptisée sous le nom de… Clearstream.
Toujours d'après le site d'information, l'ancien dirigeant de Heine, Jean-Marie Boivin, aurait tenté de faire pression sur des personnalités politiques. C'est du moins ce dont l'accuse, devant le juge, l'ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas.
En 2004, la DCN a décidé de se passer de ses services, lui octroyant une indemnité de 610 200 euros. La somme étant trop modeste aux yeux de l'intéressé, il aurait tenté de la gonfler.
Selon le témoignage de M. Menayas, cité par Mediapart, Jean-Marie Boivin "envoyait des courriers d'abord à l'entreprise, puis à des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président".
Il réclamait huit millions d'euros et menaçait "de faire des révélations" sur les rétrocommissions. Parmi les destinataires de ses courriers de menace, Jacques Chirac, Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy.
Jean-Marie Boivin aurait également raconté à Gérard-Philippe Menayas avoir reçu la visite, au Luxembourg en 2006, d'anciens agents de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure, les services de renseignement français). Ces hommes, qui l'auraient menacé physiquement, auraient été envoyés par l'actuel chef de l'Etat, aurait affirmé M. Boivin à M. Menayas.
Toujours selon ce dernier, Jean-Marie Boivin aurait fini par obtenir une compensation plus importante grâce à un protocole entre Heine, la DCN et l'Etat.
Pour Gérard-Philippe Menayas, cette somme pourrait être une manière d'acheter le silence de M. Boivin.
Episode 7 : Un chantage sur Sarkozy avant 2007 ?
Encore renforcé par ces refus répétés, le volet politique de l'affaire pourrait rebondir à nouveau. Mediapart révèle, le 17 novembre, le contenu de l'audition de Gérard-Philippe Menayas, ancien directeur financier de la DCN, par le juge Van Ruymbeke.
L'homme fait des révélations troublantes : d'une part, que le montage opaque entre Heine, la DCN et d'autres sociétés-écrans, supposé servir au versement des commissions aux deux intermédiaires, passait par Cedel, société luxembourgeoise qui sera plus tard connue sous le nom de Clearstream.
Surtout, Gérard-Philippe Menayas raconte comment, selon lui, Jean-Marie Boivin, Français naturalisé Luxembourgeois, proche du grand-duc et ancien dirigeant de Heine, l'une de ces sociétés-écrans, aurait tenté de faire chanter plusieurs hommes politiques. Estimant insuffisante l'indemnité qu'il avait reçue de la DCN, qui cessait ses activités avec lui, il aurait multiplié les courriers, adressés à "des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président". Il réclamait 8 millions d'euros et menaçait de "faire des révélations" sur les rétrocommissions.
Toujours selon M. Menayas, qui possède des traces écrites de ses conversations, Jean-Marie Boivin aurait évoqué devant lui la visite d'anciens agents de la DGSE qui l'auraient menacé pour qu'il cesse ces courriers. M. Boivin se disait persuadé que ces hommes étaient envoyés par Nicolas Sarkozy. Il aurait fini par toucher une plus grosse somme, qui aurait servi à "acheter" son silence.
Ces révélations en cascade poussent le PS à demander la levée du secret défense sur ce dossier
L'homme fait des révélations troublantes : d'une part, que le montage opaque entre Heine, la DCN et d'autres sociétés-écrans, supposé servir au versement des commissions aux deux intermédiaires, passait par Cedel, société luxembourgeoise qui sera plus tard connue sous le nom de Clearstream.
Surtout, Gérard-Philippe Menayas raconte comment, selon lui, Jean-Marie Boivin, Français naturalisé Luxembourgeois, proche du grand-duc et ancien dirigeant de Heine, l'une de ces sociétés-écrans, aurait tenté de faire chanter plusieurs hommes politiques. Estimant insuffisante l'indemnité qu'il avait reçue de la DCN, qui cessait ses activités avec lui, il aurait multiplié les courriers, adressés à "des responsables de l'Etat français, voire M. Sarkozy lui-même avant qu'il ne soit président". Il réclamait 8 millions d'euros et menaçait de "faire des révélations" sur les rétrocommissions.
Toujours selon M. Menayas, qui possède des traces écrites de ses conversations, Jean-Marie Boivin aurait évoqué devant lui la visite d'anciens agents de la DGSE qui l'auraient menacé pour qu'il cesse ces courriers. M. Boivin se disait persuadé que ces hommes étaient envoyés par Nicolas Sarkozy. Il aurait fini par toucher une plus grosse somme, qui aurait servi à "acheter" son silence.
Ces révélations en cascade poussent le PS à demander la levée du secret défense sur ce dossier
Episode 6 : Entraves à l'enquête
Le Monde, 17 novembre 2010
Une question demeure : pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il validé les comptes de campagne d'Edouard Balladur si ceux-ci étaient entachés d'irrégularités ? Le juge Trévidic demande à consulter les archives des délibérations. Mais Jean-Louis Debré, l'actuel président du Conseil constitutionnel, renâcle. A une première requête de l'avocat des victimes, Me Morice, qui souhaite organiser une rencontre entre elles et lui début octobre 2010, il répond par la négative. Il explique par ailleurs au Monde qu'il "faudrait [qu'il y ait] une bonne raison pour rapatrier les archives" des délibérations de 1995. "Donc, en l'état, je ne vois pas comment tirer les choses au clair", conclut M. Debré.
Début novembre 2010, Jean-Louis Debré refuse une nouvelle fois de divulguer le contenus des débats, cette fois au juge Van Ruymbeke. Dans un courrier, il lui oppose le "secret qui s'attache aux délibérations" du Conseil constitutionnel, s'appuyant sur l'article 63 de la Constitution pour estimer qu'il faut attendre vingt-cinq ans avant de rendre publics les débats entre les "sages". Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, a pourtant garanti, à l'Assemblée, que le juge pourrait consulter ces archives.
Interrogé par Le Monde, Roland Dumas, le président socialiste du Conseil constitutionnel en 1995, ne semble pas, quant à lui, se rappeler de cet épisode troublant : "Je n'ai pas le souvenir d'avoir infirmé le rapport des rapporteurs, assure-t-il au Monde. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu le moindre problème sur les comptes de campagne de M. Balladur, comme je ne me rappelle pas que leur rejet ait été préconisé. Pourtant, j'étais quand même dans l'opposition à cette époque..."
Même opacité du côté de l'Assemblée : Lorsque Marc Trévidic demande à consulter les auditions de la commission d'enquête de Bernard Cazeneuve, le président de la commission de la défense, l'UMP Guy Tessier, refuse sèchement. Le juge se tourne alors vers Bernard Accoyer. Mais le président de l'Assemblée nationale refuse à son tour, arguant de la "séparation des pouvoirs" et de la confidentialité de ces auditions. Une plainte a été déposée contre lui par les familles de victimes pour "entrave à la justice".
Par ailleurs, Mediapart affirme, début novembre 2010, que les deux journalistes qui travaillent sur le dossier Karachi ont été "géolocalisés" et mis sous surveillance par la Direction centrale du renseignement intérieur.
Face à cette opacité, les familles de victime adoptent une stratégie : engager des plaintes tous azimuts contre les responsables politique de l'époque pour faire éclater la vérité. Elles portent ainsi plainte, suite au témoignage de Michel Mazens (voir épisode 2), qui a confirmé le rôle de Jacques Chirac et Dominique de Villepin dans l'arrêt du versement des commissions, contre les deux hommes, pour "homicide involontaire" et "mise en danger de la vie d'autrui".
Enfin, François Fillon a refusé au juge Renaud Van Ruymbeke l'autorisation de perquisitionner les locaux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dans le cadre de cette enquête.
Une question demeure : pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il validé les comptes de campagne d'Edouard Balladur si ceux-ci étaient entachés d'irrégularités ? Le juge Trévidic demande à consulter les archives des délibérations. Mais Jean-Louis Debré, l'actuel président du Conseil constitutionnel, renâcle. A une première requête de l'avocat des victimes, Me Morice, qui souhaite organiser une rencontre entre elles et lui début octobre 2010, il répond par la négative. Il explique par ailleurs au Monde qu'il "faudrait [qu'il y ait] une bonne raison pour rapatrier les archives" des délibérations de 1995. "Donc, en l'état, je ne vois pas comment tirer les choses au clair", conclut M. Debré.
Début novembre 2010, Jean-Louis Debré refuse une nouvelle fois de divulguer le contenus des débats, cette fois au juge Van Ruymbeke. Dans un courrier, il lui oppose le "secret qui s'attache aux délibérations" du Conseil constitutionnel, s'appuyant sur l'article 63 de la Constitution pour estimer qu'il faut attendre vingt-cinq ans avant de rendre publics les débats entre les "sages". Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, a pourtant garanti, à l'Assemblée, que le juge pourrait consulter ces archives.
Interrogé par Le Monde, Roland Dumas, le président socialiste du Conseil constitutionnel en 1995, ne semble pas, quant à lui, se rappeler de cet épisode troublant : "Je n'ai pas le souvenir d'avoir infirmé le rapport des rapporteurs, assure-t-il au Monde. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu le moindre problème sur les comptes de campagne de M. Balladur, comme je ne me rappelle pas que leur rejet ait été préconisé. Pourtant, j'étais quand même dans l'opposition à cette époque..."
Même opacité du côté de l'Assemblée : Lorsque Marc Trévidic demande à consulter les auditions de la commission d'enquête de Bernard Cazeneuve, le président de la commission de la défense, l'UMP Guy Tessier, refuse sèchement. Le juge se tourne alors vers Bernard Accoyer. Mais le président de l'Assemblée nationale refuse à son tour, arguant de la "séparation des pouvoirs" et de la confidentialité de ces auditions. Une plainte a été déposée contre lui par les familles de victimes pour "entrave à la justice".
Par ailleurs, Mediapart affirme, début novembre 2010, que les deux journalistes qui travaillent sur le dossier Karachi ont été "géolocalisés" et mis sous surveillance par la Direction centrale du renseignement intérieur.
Face à cette opacité, les familles de victime adoptent une stratégie : engager des plaintes tous azimuts contre les responsables politique de l'époque pour faire éclater la vérité. Elles portent ainsi plainte, suite au témoignage de Michel Mazens (voir épisode 2), qui a confirmé le rôle de Jacques Chirac et Dominique de Villepin dans l'arrêt du versement des commissions, contre les deux hommes, pour "homicide involontaire" et "mise en danger de la vie d'autrui".
Enfin, François Fillon a refusé au juge Renaud Van Ruymbeke l'autorisation de perquisitionner les locaux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dans le cadre de cette enquête.
Karachi, Episode 5 : Bras de fer judiciaire
Fin 2009, le député PS Bernard Cazeneuve avait obtenu la création d'une mission d'information parlementaire sur l'attentat. Les députés ont auditionné des dizaines de personnes liées à l'enquête, dont François Léotard, qui confirme le rôle de M. Takkiedine comme intermédiaire. En avril 2010, M. Cazeneuve dénonce "les blocages absolus" qu'oppose l'exécutif à leur travail, en refusant notamment de déclassifier des documents.
Nouveau rebondissement fin août 2010 : les familles de victimes lancent une nouvelle plainte, pour faux témoignage, contre Jean-Marie Boivin, l'ancien administrateur de Heine, la société off-shore qui faisait transiter les commissions. La plainte conduit le parquet de Paris à ouvrir une information judiciaire, confiée au juge Renaud Van Ruymbeke.
Mais le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, accusé par les familles de victimes d'être proche de l'Elysée, refuse que l'enquête porte sur les accusations de corruption qui concernent les responsables politiques de l'époque, les estimant prescrites. Renaud Van Ruymbeke est donc supposé travailler uniquement sur les soupçons d'entrave à la justice envers la DCN, qui aurait dissimulé des preuves (notamment le rapport "Nautilus"), et sur les faux témoignages de Jean-Marie Boivin, ancien patron de Heine.
Le juge ne l'entend pas de cette oreille. Le 7 octobre, on apprend qu'il passe outre l'avis du procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Estimant que les faits ne sont pas prescrits, il compte enquêter sur les rétrocommissions et leur possible retour en France pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995.
Fin mai, la mission d'information rend son rapport (consultable ici en pdf). Si elle juge toujours la piste islamiste "plausible", elle n'écarte pas pour autant celle des rétrocommissions. "L'absence de preuve ne signifie pas que de telles rétrocommissions aient été absentes du contrat mais rien pour l'heure ne permet d'étayer cette thèse", conclut le rapport. En novembre 2010, Charles Millon confirmera pourtant au juge Van Ruymbeke qu'il y a bien eu des rétrocommissions.
Nouveau rebondissement fin août 2010 : les familles de victimes lancent une nouvelle plainte, pour faux témoignage, contre Jean-Marie Boivin, l'ancien administrateur de Heine, la société off-shore qui faisait transiter les commissions. La plainte conduit le parquet de Paris à ouvrir une information judiciaire, confiée au juge Renaud Van Ruymbeke.
Mais le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, accusé par les familles de victimes d'être proche de l'Elysée, refuse que l'enquête porte sur les accusations de corruption qui concernent les responsables politiques de l'époque, les estimant prescrites. Renaud Van Ruymbeke est donc supposé travailler uniquement sur les soupçons d'entrave à la justice envers la DCN, qui aurait dissimulé des preuves (notamment le rapport "Nautilus"), et sur les faux témoignages de Jean-Marie Boivin, ancien patron de Heine.
Le juge ne l'entend pas de cette oreille. Le 7 octobre, on apprend qu'il passe outre l'avis du procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Estimant que les faits ne sont pas prescrits, il compte enquêter sur les rétrocommissions et leur possible retour en France pour financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995.
Fin mai, la mission d'information rend son rapport (consultable ici en pdf). Si elle juge toujours la piste islamiste "plausible", elle n'écarte pas pour autant celle des rétrocommissions. "L'absence de preuve ne signifie pas que de telles rétrocommissions aient été absentes du contrat mais rien pour l'heure ne permet d'étayer cette thèse", conclut le rapport. En novembre 2010, Charles Millon confirmera pourtant au juge Van Ruymbeke qu'il y a bien eu des rétrocommissions.
Karachi, Episode 4 : Le nom de Nicolas Sarkozy cité
Le Monde, 17 novembre 2010
Début juin 2010, Mediapart révèle un nouvel élément troublant : selon la police luxembourgeoise, qui enquête elle aussi sur l'affaire, Nicolas Sarkozy serait soupçonné d'être impliqué. En 1994, il aurait donné, en tant que ministre du budget, son accord à la création dans le grand-duché d'une société off-shore, Heine, par laquelle auraient transité des fonds provenant des commissions.
Le document des policiers luxembourgeois explique qu'"une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" et, "en 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission [illégale] pour payer des campagnes politiques en France". "Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR, dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua", ajoutent les policiers du grand-Duché. En France, la droite est unanime à se "scandaliser" de ces "amalgames". La gauche observe un silence prudent, mais réclame une commission d'enquête.
Interrogé sur ces allégations, en mars 2009, en marge d'un sommet européen Nicolas Sarkozy avait nié catégoriquement ces rétrocommissions, évoquant des allégations "ridicules", "grotesques", une "fable". Il s'en amuse, avant de se reprendre : "Je ne ris pas du tout. Karachi, c'est la douleur des familles, des trucs comme ça".
Le 18 juin 2010, le juge Trévidic confirme l'existence de "rétrocommissions illicites" en marge des contrats de vente de sous-marins. Suffisamment pour que l'avocat des familles des victimes de l'attentat, Me Olivier Morice, accuse : "Au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", estime-t-il. Il dénonce par ailleurs l'attitude du parquet, qui, selon lui, refuse de donner au juge les moyens d'enquêter.
Début juin 2010, Mediapart révèle un nouvel élément troublant : selon la police luxembourgeoise, qui enquête elle aussi sur l'affaire, Nicolas Sarkozy serait soupçonné d'être impliqué. En 1994, il aurait donné, en tant que ministre du budget, son accord à la création dans le grand-duché d'une société off-shore, Heine, par laquelle auraient transité des fonds provenant des commissions.
Le document des policiers luxembourgeois explique qu'"une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises" et, "en 1995, des références font croire à une forme de rétrocommission [illégale] pour payer des campagnes politiques en France". "Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR, dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua", ajoutent les policiers du grand-Duché. En France, la droite est unanime à se "scandaliser" de ces "amalgames". La gauche observe un silence prudent, mais réclame une commission d'enquête.
Interrogé sur ces allégations, en mars 2009, en marge d'un sommet européen Nicolas Sarkozy avait nié catégoriquement ces rétrocommissions, évoquant des allégations "ridicules", "grotesques", une "fable". Il s'en amuse, avant de se reprendre : "Je ne ris pas du tout. Karachi, c'est la douleur des familles, des trucs comme ça".
Le 18 juin 2010, le juge Trévidic confirme l'existence de "rétrocommissions illicites" en marge des contrats de vente de sous-marins. Suffisamment pour que l'avocat des familles des victimes de l'attentat, Me Olivier Morice, accuse : "Au plus haut niveau de l'Etat français, on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l'arrêt du versement des commissions", estime-t-il. Il dénonce par ailleurs l'attitude du parquet, qui, selon lui, refuse de donner au juge les moyens d'enquêter.
Karachi, Episode 3 : Un attentat meurtrier
Le Monde, 17 novembre 2010
Arrivé au pouvoir, Jacques Chirac découvre ces ventes et les commissions. Il demande à son ministre de la défense, Charles Millon, d'enquêter à leur sujet. Celui-ci fait appel à la DGSE, et aurait même demandé la mise sur écoutes de son prédecesseur, François Léotard. Les conclusions de son enquête lui permettent, selon ce qu'il a déclaré au juge Van Ruymbeke, de conclure à l'existence de rétrocommissions.
Fort de ce constat, Jacques Chirac décide en 1996 d'arrêter de verser les commissions dues aux intermédiaires. Il décide aussi de ne pas leur verser l'argent promis pour le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie Saoudite.
Un témoin du juge Van Ruymbeke, Michel Mazens, chargé à l'époque de négocier les contrats d'armement et en liaison constante avec le secrétaire général de l'Elysée, Dominique de Villepin, est envoyé auprès de la DCN pour annoncer la décision du chef de l'Etat. Son interlocuteur, Dominique Castellan, lui aurait alors déclaré que l'arrêt de ces paiements l'inquiétait, car il risquait de "faire courir des risques à ses personnels" à l'étranger. Mais Michel Mazans a ensuite nié, dans un entretien à Libération (lien payant), tout lien entre la fin des rétrocommissions et l'attentat.
Michel Mazens a également confirmé au juge que Jacques Chirac lui avait demandé de ne pas rémunérer Takkedine et al-Assir pour le contrat des frégates en Arabie Saoudite. Un mystère demeure : si les commissions ont été stoppées en 1996, pourquoi l'attentat n'est-il survenu qu'en 2002 ? Car, selon Libération, un flux d'argent aurait continué d'alimenter les comptes des deux intermédiaires, de manière officieuse jusqu'en 2001.
L'année suivante, le 8 mai 2002, un attentat frappe les chantiers de construction navale de Karachi. Un kamikaze jette sa voiture remplie d'explosifs contre un bus qui transporte des personnels français de la Direction des constructions navales (DCN), qui participent à la construction d'un sous-marin. Onze employés français et trois Pakistanais perdent la vie. L'attentat ne sera jamais revendiqué, même si Oussama Ben Laden y fera allusion quelques mois plus tard, dans un message vidéo où il cite une somme d'actions terroristes, dont la prise d'otage du théâtre de Moscou, qui n'avait rien à voir avec Al-Qaida.
Un an après le 11-Septembre, Paris soupçonne prioritairement le réseau terroriste de Ben Laden d'être à l'origine de l'opération, et oriente son enquête, menée par le juge antiterroriste Bruguière, sur les filières terroristes islamistes. Jean-Louis Bruguière, peu apprécié des familles de victimes, est remplacé en 2007 par deux juges (lui-même se présente aux élections législatives sous la bannière de l'UMP). L'un d'entre eux, Marc Trévidic, privilégie une autre piste : l'attentat serait la conséquence de l'arrêt du versement des commissions de la DCN.
Il n'est pas le seul : un ancien agent de la DST (Direction de la sûreté du territoire), employé par la DCN pour enquêter sur l'affaire, exprime les mêmes soupçons dans un rapport baptisé "Nautilus". On peut notamment y lire : " Les personnalités militaires ayant instrumentalisé le groupe islamiste qui a mené à bien l'action poursuivaient un but financier. Il s'agissait d'obtenir le versement de commissions non-honorées, et promises par le réseau [Abdulrahman] El Assir lors de la signature du contrat de septembre 1994. " Mais ce rapport, écrit en 2002, ne sera jamais transmis à la justice par la DCN et restera secret jusqu'à ce que Le Point en révèle l'existence, en 2008.
Arrivé au pouvoir, Jacques Chirac découvre ces ventes et les commissions. Il demande à son ministre de la défense, Charles Millon, d'enquêter à leur sujet. Celui-ci fait appel à la DGSE, et aurait même demandé la mise sur écoutes de son prédecesseur, François Léotard. Les conclusions de son enquête lui permettent, selon ce qu'il a déclaré au juge Van Ruymbeke, de conclure à l'existence de rétrocommissions.
Fort de ce constat, Jacques Chirac décide en 1996 d'arrêter de verser les commissions dues aux intermédiaires. Il décide aussi de ne pas leur verser l'argent promis pour le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie Saoudite.
Un témoin du juge Van Ruymbeke, Michel Mazens, chargé à l'époque de négocier les contrats d'armement et en liaison constante avec le secrétaire général de l'Elysée, Dominique de Villepin, est envoyé auprès de la DCN pour annoncer la décision du chef de l'Etat. Son interlocuteur, Dominique Castellan, lui aurait alors déclaré que l'arrêt de ces paiements l'inquiétait, car il risquait de "faire courir des risques à ses personnels" à l'étranger. Mais Michel Mazans a ensuite nié, dans un entretien à Libération (lien payant), tout lien entre la fin des rétrocommissions et l'attentat.
Michel Mazens a également confirmé au juge que Jacques Chirac lui avait demandé de ne pas rémunérer Takkedine et al-Assir pour le contrat des frégates en Arabie Saoudite. Un mystère demeure : si les commissions ont été stoppées en 1996, pourquoi l'attentat n'est-il survenu qu'en 2002 ? Car, selon Libération, un flux d'argent aurait continué d'alimenter les comptes des deux intermédiaires, de manière officieuse jusqu'en 2001.
L'année suivante, le 8 mai 2002, un attentat frappe les chantiers de construction navale de Karachi. Un kamikaze jette sa voiture remplie d'explosifs contre un bus qui transporte des personnels français de la Direction des constructions navales (DCN), qui participent à la construction d'un sous-marin. Onze employés français et trois Pakistanais perdent la vie. L'attentat ne sera jamais revendiqué, même si Oussama Ben Laden y fera allusion quelques mois plus tard, dans un message vidéo où il cite une somme d'actions terroristes, dont la prise d'otage du théâtre de Moscou, qui n'avait rien à voir avec Al-Qaida.
Un an après le 11-Septembre, Paris soupçonne prioritairement le réseau terroriste de Ben Laden d'être à l'origine de l'opération, et oriente son enquête, menée par le juge antiterroriste Bruguière, sur les filières terroristes islamistes. Jean-Louis Bruguière, peu apprécié des familles de victimes, est remplacé en 2007 par deux juges (lui-même se présente aux élections législatives sous la bannière de l'UMP). L'un d'entre eux, Marc Trévidic, privilégie une autre piste : l'attentat serait la conséquence de l'arrêt du versement des commissions de la DCN.
Il n'est pas le seul : un ancien agent de la DST (Direction de la sûreté du territoire), employé par la DCN pour enquêter sur l'affaire, exprime les mêmes soupçons dans un rapport baptisé "Nautilus". On peut notamment y lire : " Les personnalités militaires ayant instrumentalisé le groupe islamiste qui a mené à bien l'action poursuivaient un but financier. Il s'agissait d'obtenir le versement de commissions non-honorées, et promises par le réseau [Abdulrahman] El Assir lors de la signature du contrat de septembre 1994. " Mais ce rapport, écrit en 2002, ne sera jamais transmis à la justice par la DCN et restera secret jusqu'à ce que Le Point en révèle l'existence, en 2008.
Karachi, Episode 2 : 10 millions de francs en liquide
Le Monde, 17 novembre 2010
Des révélations de Libération fin avril 2010 soulignent une coïncidence troublante : Takkedine et El-Assir parviennent, le 2 juin 1995, à vendre à une banque espagnole leur contrat de commission. Ils empochent directement 54 millions de francs de l'établissement, qui doit se rembourser une fois la commission versée par la DCN.
Quelques jours plus tôt, le 26 avril 1995, 10 millions de francs ont été versés sur le compte de campagne du RPR. Officiellement, il s'agit du produit de collectes organisées durant les meetings. Mais près de la moitié de ces 10 millions (un cinquième du total des recettes de toute la campagne) est constituée de billets de 500 francs.
En avril 2010, le trésorier de la campagne de 1995, René Galy-Dejean, avoue son ignorance quant à cette somme, expliquant : "Cela ne me dit rien. Une telle somme, tout de même, je ne l'aurais pas oubliée."
Les juges soupçonnent que ces fonds proviennent des fameuses rétrocommissions. Une allégation démentie, le 10 novembre 2010 devant le juge Renaud Van Ruymbeke, par Renaud Donnedieu de Vabres.
L'ancien premier ministre publie une tribune dans Le Figaro pour clamer son innocence. Son principal point de défense : le Conseil constitutionnel a validé ses comptes de campagne en 1995. Roland Dumas, qui le présidait à l'époque, dit n'avoir "pas le souvenir" du "moindre problème sur les comptes de campagne".
Les rapporteurs du Conseil ont pourtant notifié par écrit, dans un rapport que Le Monde a pu consulter, plusieurs anomalies graves, dont le versement de ces 10 millions de francs en espèces. Une somme qui pourrait provenir de "rétrocommissions" : le reversement par les intermédiaires d'une partie de la commission qu'ils ont touchée sur la vente des trois sous-marins.
Des révélations de Libération fin avril 2010 soulignent une coïncidence troublante : Takkedine et El-Assir parviennent, le 2 juin 1995, à vendre à une banque espagnole leur contrat de commission. Ils empochent directement 54 millions de francs de l'établissement, qui doit se rembourser une fois la commission versée par la DCN.
Quelques jours plus tôt, le 26 avril 1995, 10 millions de francs ont été versés sur le compte de campagne du RPR. Officiellement, il s'agit du produit de collectes organisées durant les meetings. Mais près de la moitié de ces 10 millions (un cinquième du total des recettes de toute la campagne) est constituée de billets de 500 francs.
En avril 2010, le trésorier de la campagne de 1995, René Galy-Dejean, avoue son ignorance quant à cette somme, expliquant : "Cela ne me dit rien. Une telle somme, tout de même, je ne l'aurais pas oubliée."
Les juges soupçonnent que ces fonds proviennent des fameuses rétrocommissions. Une allégation démentie, le 10 novembre 2010 devant le juge Renaud Van Ruymbeke, par Renaud Donnedieu de Vabres.
L'ancien premier ministre publie une tribune dans Le Figaro pour clamer son innocence. Son principal point de défense : le Conseil constitutionnel a validé ses comptes de campagne en 1995. Roland Dumas, qui le présidait à l'époque, dit n'avoir "pas le souvenir" du "moindre problème sur les comptes de campagne".
Les rapporteurs du Conseil ont pourtant notifié par écrit, dans un rapport que Le Monde a pu consulter, plusieurs anomalies graves, dont le versement de ces 10 millions de francs en espèces. Une somme qui pourrait provenir de "rétrocommissions" : le reversement par les intermédiaires d'une partie de la commission qu'ils ont touchée sur la vente des trois sous-marins.
Karachi, Episode 1 : Une simple vente de sous-marins
Pour comprendre cette affaire, il faut remonter à 1993. Edouard Balladur vient d'être nommé premier ministre par François Mitterrand et la Direction des constructions navales (DCN) cherche, via la Sofma, société chargée de l'export des produits militaires français, à vendre des sous-marins au Pakistan. La France est en concurrence avec l'Allemagne. Pour "motiver" la Sofma, qui doit bâtir un réseau d'intermédiaires au Pakistan, celle-ci doit percevoir, en cas de réussite, 6,25 % du montant de la commande. Une commission alors encore légale.
En 1994, alors que la vente de trois sous-marins est sur le point de se conclure, deux intermédiaires entrent en scène : Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir, deux hommes d'affaires libanais. Aujourd'hui, le premier nie toute implication dans ces ventes, malgré les preuves publiées par le site Bakchich. Les deux hommes seront également sollicités pour un autre contrat, cette fois pour trois frégates, à l'Arabie Saoudite. Un contrat à 19 milliards de francs, dont ils devaient toucher 18% du montant sous forme de commission.
Renaud Donnedieu de Vabres, chargé de mission auprès du ministre de la défense, François Léotard, les impose dans les négociations, alors même que, selon plusieurs sources, ils ne font que peu de choses concrètes pour cette vente. Selon des témoignages d'anciens responsables de la DCN, la consigne de les embaucher serait venue directement de Matignon, donc d'Edouard Balladur.
Libération révèle par ailleurs en octobre 2010 une note datée du début 1994 dans laquelle la direction du Trésor déconseille au premier ministre de conclure ce contrat, évoquant "la situation financière précaire du Pakistan". Surtout, le contrat est signé à perte, comme le constatera la Cour des comptes dans un audit de 1999.
Les avertissements ne sont pas entendus. Le 21 septembre 1994, un contrat, baptisé Agosta, est signé entre Paris et Karachi. Le Pakistan achète pour 5,41 milliards de francs (826 millions d'euros) de sous-marins. La Sofma va récupérer 6,25 % du total, soit 338 millions de francs. Quant à Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, il doivent percevoir, via leur société off-shore Mercor, 4 % de commission, soit 216 millions de francs.
Une partie de ces fonds doit servir à rémunérer les intermédiaires pakistanais. Fait inhabituel, les deux hommes exigent la somme dès janvier 1995, contrairement aux habitudes du secteur, où l'on attend parfois plusieurs années avant le versement des commissions.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle en France. La droite est engagée dans une lutte fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Celui-ci s'appuie avant tout sur deux fidèles : son directeur de cabinet, Nicolas Bazire, et Nicolas Sarkozy, ministre du budget et de la communication, qui copilote la campagne d'Edouard Balladur.
En 1994, alors que la vente de trois sous-marins est sur le point de se conclure, deux intermédiaires entrent en scène : Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir, deux hommes d'affaires libanais. Aujourd'hui, le premier nie toute implication dans ces ventes, malgré les preuves publiées par le site Bakchich. Les deux hommes seront également sollicités pour un autre contrat, cette fois pour trois frégates, à l'Arabie Saoudite. Un contrat à 19 milliards de francs, dont ils devaient toucher 18% du montant sous forme de commission.
Renaud Donnedieu de Vabres, chargé de mission auprès du ministre de la défense, François Léotard, les impose dans les négociations, alors même que, selon plusieurs sources, ils ne font que peu de choses concrètes pour cette vente. Selon des témoignages d'anciens responsables de la DCN, la consigne de les embaucher serait venue directement de Matignon, donc d'Edouard Balladur.
Libération révèle par ailleurs en octobre 2010 une note datée du début 1994 dans laquelle la direction du Trésor déconseille au premier ministre de conclure ce contrat, évoquant "la situation financière précaire du Pakistan". Surtout, le contrat est signé à perte, comme le constatera la Cour des comptes dans un audit de 1999.
Les avertissements ne sont pas entendus. Le 21 septembre 1994, un contrat, baptisé Agosta, est signé entre Paris et Karachi. Le Pakistan achète pour 5,41 milliards de francs (826 millions d'euros) de sous-marins. La Sofma va récupérer 6,25 % du total, soit 338 millions de francs. Quant à Ziad Takkedine et Abdul Rahman El-Assir, il doivent percevoir, via leur société off-shore Mercor, 4 % de commission, soit 216 millions de francs.
Une partie de ces fonds doit servir à rémunérer les intermédiaires pakistanais. Fait inhabituel, les deux hommes exigent la somme dès janvier 1995, contrairement aux habitudes du secteur, où l'on attend parfois plusieurs années avant le versement des commissions.
Nous sommes en pleine campagne présidentielle en France. La droite est engagée dans une lutte fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Celui-ci s'appuie avant tout sur deux fidèles : son directeur de cabinet, Nicolas Bazire, et Nicolas Sarkozy, ministre du budget et de la communication, qui copilote la campagne d'Edouard Balladur.
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