mardi 7 octobre 2014
Vente d'hélicoptères au Kazakhstan : une enquête vise l'entourage de Nicolas Sarkozy
vendredi 23 décembre 2011
Plainte contre la mairie de Menton pour 20 000 euros de cigares
Plainte contre la mairie de Menton pour 20 000 euros de cigares
L'association de lutte contre la corruption Anticor s'intéresse à la consommation de cigares de la mairie de Menton. Selon le site d'informations Rue89, Anticor a envoyé un courrier au procureur de la République de Nice, Eric de Montgolfier, "en marge d'une plainte pour 'prise illégale d'intérêts' contre le député-maire UMP Jean-Claude Guibal".
Dans cette lettre, l'association détaille les sommes dépensées en cigares entre 2006 et 2009 par la municipalité, "aux frais du contribuable". Au total, 20 810 euros sont ainsi partis en fumée. Soit, selon les calculs de Rue89, "près de 1 900 cigares" en quatre ans.
L'association dénonce des factures qui "ne présentent, de par leur nature, aucun intérêt communal". Mais le maire de Menton réfute l'argument, affirmant à Rue89 que ces cigares constituaient "un des postes de notre budget protocole, comme les boissons par exemple".
Eric de Montgolfier "est actuellement en vacances" selon le site, "on ne sait donc pas encore ce qu'il adviendra de la plainte d'Anticor".
mercredi 19 octobre 2011
L'ex-suppléante de Sarkozy entendue sur des soupçons de malversations financières
Joëlle Ceccaldi-Raynaud, maire UMP de Puteaux et présidente de l'Epad, aurait placé plus de 4 millions d'Euros dans des paradis fiscaux.
La députée-maire UMP de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, a été entendue en août 2011 comme témoin assisté par un juge de Nanterre dans une enquête sur des soupçons de malversations financières, a-t-on appris mardi auprès de son avocat, confirmant une information du "Canard Enchaîné" à paraître mercredi 19 octobre 2011.
"Joëlle Ceccaldi-Raynaud a été convoquée comme témoin assisté le 1er août 2011 et a conservé son statut de témoin assisté. L'instruction est clôturée et aucune infraction n'est ni reproché, ni reprochable à Joëlle Ceccaldi-Raynaud", a déclaré Me Rémi-Pierre Drai.
Corruption et abus de biens sociaux
L'instruction judiciaire ouverte à Nanterre pour corruption et abus de biens sociaux est liée à l'attribution d'un marché par le syndicat intercommunal de chauffage urbain de la Défense (Sicudef) à la société Enerpart, créée pour l'occasion par trois associés, Jean Bonnefont, ex-dirigeant de Charbonnage de France, Bernard Forterre, ex-dirigeant de Vivendi et Laurent Gimel.
Dans cette affaire, le père de l'élue, l'ex-sénateur-maire UMP de Puteaux Charles Ceccaldi-Raynaud, avec lequel elle est en conflit ouvert depuis plusieurs années, a été mis en examen en 2007 pour "favoritisme, recel d'abus de biens sociaux et corruption passive".
Selon "Le Canard Enchaîné", dans le cadre de cette enquête, Charles Ceccaldi-Raynaud a accusé sa fille d'avoir touché des commissions occultes.
"Héritage de Grand-Mère"
Le journal détaille que Joëlle Ceccaldi-Raynaud a ouvert en septembre 1996 un compte au Luxembourg sur lequel elle a déposé "20 millions de francs", "provenant d'un héritage de grand-mère". Plusieurs dépôts ont été faits sur ce compte, estimé en 2005 à "plus de 4 millions d'euros".
Ce compte a été, selon le journal, clôturé en avril 2009 et "transféré vers une destination inconnue".
"Les choses sont claires, cet argent, qui était en Suisse quand elle en a hérité, est purement familial et elle en a fait don à sa fille il y a longtemps", a dit Me Drai, précisant que ces fonds se trouvent désormais en France et que les droits y afférant "sont ou seront payés".
Sollicitée par l'AFP, la députée-maire de Puteaux n'a pas souhaité faire de commentaire.
Joëlle Ceccaldi-Raynaud est aussi la présidente du conseil d'administration de l'Epad, l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense. Elle occupe cette fonction depuis le scandale provoqué par la candidature à ce poste du fils du président de la République, Jean Sarkozy.
Le Nouvel Observateur - AFP
L'ex-suppléante de Sarkozy entendue sur des soupçons de malversations financières
Joëlle Ceccaldi-Raynaud, maire UMP de Puteaux et présidente de l'Epad, aurait placé plus de 4 millions d'Euros dans des paradis fiscaux.
La députée-maire UMP de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, a été entendue en août 2011 comme témoin assisté par un juge de Nanterre dans une enquête sur des soupçons de malversations financières, a-t-on appris mardi auprès de son avocat, confirmant une information du "Canard Enchaîné" à paraître mercredi 19 octobre 2011.
"Joëlle Ceccaldi-Raynaud a été convoquée comme témoin assisté le 1er août 2011 et a conservé son statut de témoin assisté. L'instruction est clôturée et aucune infraction n'est ni reproché, ni reprochable à Joëlle Ceccaldi-Raynaud", a déclaré Me Rémi-Pierre Drai.
Corruption et abus de biens sociaux
L'instruction judiciaire ouverte à Nanterre pour corruption et abus de biens sociaux est liée à l'attribution d'un marché par le syndicat intercommunal de chauffage urbain de la Défense (Sicudef) à la société Enerpart, créée pour l'occasion par trois associés, Jean Bonnefont, ex-dirigeant de Charbonnage de France, Bernard Forterre, ex-dirigeant de Vivendi et Laurent Gimel.
Dans cette affaire, le père de l'élue, l'ex-sénateur-maire UMP de Puteaux Charles Ceccaldi-Raynaud, avec lequel elle est en conflit ouvert depuis plusieurs années, a été mis en examen en 2007 pour "favoritisme, recel d'abus de biens sociaux et corruption passive".
Selon "Le Canard Enchaîné", dans le cadre de cette enquête, Charles Ceccaldi-Raynaud a accusé sa fille d'avoir touché des commissions occultes.
"Héritage de Grand-Mère"
Le journal détaille que Joëlle Ceccaldi-Raynaud a ouvert en septembre 1996 un compte au Luxembourg sur lequel elle a déposé "20 millions de francs", "provenant d'un héritage de grand-mère". Plusieurs dépôts ont été faits sur ce compte, estimé en 2005 à "plus de 4 millions d'euros".
Ce compte a été, selon le journal, clôturé en avril 2009 et "transféré vers une destination inconnue".
"Les choses sont claires, cet argent, qui était en Suisse quand elle en a hérité, est purement familial et elle en a fait don à sa fille il y a longtemps", a dit Me Drai, précisant que ces fonds se trouvent désormais en France et que les droits y afférant "sont ou seront payés".
Sollicitée par l'AFP, la députée-maire de Puteaux n'a pas souhaité faire de commentaire.
Joëlle Ceccaldi-Raynaud est aussi la présidente du conseil d'administration de l'Epad, l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense. Elle occupe cette fonction depuis le scandale provoqué par la candidature à ce poste du fils du président de la République, Jean Sarkozy.
Le Nouvel Observateur - AFP
mardi 20 septembre 2011
L'argent trouble de la politique
Comme l'a très tôt relevé -Tocqueville, la France reste spécialiste des règles dures et des applications molles. Nous adorons les lois et les principes, à condition qu'ils s'appliquent d'abord aux autres. Les relations entre la politique et l'argent en fournissent un exemple significatif. Certes, depuis le milieu des années 1980, l'économie de la politique (des élections et des partis) a commencé à être organisée, mais les pratiques grises de débordement des règles ont été poursuivies, devenant à l'occasion des transgressions caractérisées.
Les effets délétères de l'argent sur la politique constituent une vieille rhétorique. Mais elle n'a été longtemps qu'une arme de combat politique sans effets concrets sur le fonctionnement des campagnes et des partis. La question a été refoulée jusqu'au milieu des années 1980. La vie politique semblait ne pas avoir de coût.
Les mythes du désintéressement et de la défense de l'intérêt général occultaient les questions essentielles du financement des carrières et de la compétition électorale. En 1919, Max Weber a été l'un des premiers à montrer l'impact de la professionnalisation sur l'activité politique depuis la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, comme l'a écrit Pierre Bourdieu, "on peut vivre de la politique à condition de vivre pour la politique" - en partageant les valeurs, les codes et les connivences de ses pairs. Et les règles pratiques qui gouvernent la vie politique sont souvent éloignées de celles qui encadrent la vie sociale ordinaire.
Une des particularités françaises réside dans l'abondance des règles produites depuis le milieu des années 1980 à la suite d'une série d'affaires ayant conduit les principaux partis devant la justice. Entre 1988 et 2010, quinze lois et décrets ont été adoptés introduisant un large éventail de règles sanctionnées, parfois pénalement, surtout financièrement : limitation des dépenses électorales pour toutes les élections, transparence des comptes de campagne et des partis, interdiction des dons faits par les entreprises, aides publiques conditionnelles, limitation des dons individuels, etc. La mise à disposition de "fonds spéciaux" (en liquide) à disposition du gouvernement a également été supprimée en 2002.
Deux commissions de contrôle ont été créées : en 1988, la commission pour la transparence financière de la vie politique, chargée du suivi du patrimoine des élus, et en 1990 la commission des comptes de campagne et des financements politiques. L'introduction de ces nouvelles règles et organismes a eu un effet d'apprentissage certain. 98 % des candidats déposent leurs comptes de campagne et moins de 4 % de ceux-ci sont rejetés.
Cependant, il suffit de lire les rapports annuels de ces commissions et d'observer les tentatives répétées de certains élus pour en limiter les pouvoirs, pour comprendre que la mise en oeuvre de ce nouveau cadre réglementaire a rencontré de nombreux problèmes : manque de pouvoirs d'investigation des commissions, défaut de moyens matériels, faiblesse ou inexistence de sanctions, etc.
Des zones grises ont aussi fructifié, tels ces micropartis qui permettent à un futur candidat de collecter des fonds en marge de son parti, ou l'absence de limites du nombre de dons annuels que peut effectuer un particulier. Certes, on ne modifie pas en vingt ans des décennies de pratiques laxistes, encore faut-il vouloir et pouvoir cadrer les rapports à haut risque qui subsistent entre argent et politique.
De plus, l'observation des affaires politico-financières récentes (en général révélées par les médias et non par les organismes de contrôle...) montre que les pratiques de débordements sont multiformes. C'est la recherche de financements politiques illicites qui se trouve sous les divers dossiers "d'atteinte à la probité publique" (corruption, trafic d'influence, prise illégale d'intérêts, atteintes aux règles des marchés publics, etc.).
Deux ouvrages récents, Armes de corruption massive, de Jean Guisnel (La Découverte, 22 euros), et La République des mallettes, de Pierre Péan (Fayard, 484 p., 23 euros), dressent un bilan très noir des "marchés souverains" (armement, énergie, télécommunication), qui ne se concluent pas sans un aval des autorités politiques en place et qui peuvent donner lieu à des séries de commissions et de rétrocommissions. La convention de l'OCDE (1997) permettant de sanctionner dans un Etat la corruption de fonctionnaires étrangers semble n'avoir eu qu'un effet de réprobation symbolique et avoir suscité surtout une complexification des circuits d'argent sale.
On retrouve là un effet pervers bien connu des régulations. Tout comme la prohibition de l'alcool aux Etats-Unis a fait la fortune des mafias, la lutte contre les flux d'argent illicite fait celle des intermédiaires en tout genre (conseils, banques et Etats cyniques). Le problème avait été soulevé en France lors de l'interdiction des dons aux partis par les entreprises.
A ce sujet, l'ancien ministre de l'intérieur Pierre Joxe (peu suspect de laxisme) s'exprime ainsi : "Les moralistes pensaient qu'il fallait rompre clairement le lien entre financement politique et entreprises, les autres pensaient que, comme un tel financement s'est toujours fait plus ou moins dans la clandestinité, sa suppression immédiate serait purement optique et que les procédés souterrains perdureraient, notamment sous la forme spécialement détestable des mallettes." La circulation de l'argent liquide reste très difficilement prouvable. L'usage des places sous-régulées (paradis fiscaux) et les tolérances bancaires facilitent ces opérations. Mais la recherche de traces comptables et financières est toujours possible à condition de s'en donner les moyens.
Le liquide a une source et forcément des bénéficiaires. Encore faut-il que ces investigations ne soient pas entravées. Ainsi, l'usage extensif du bunker du "secret défense" est en soi un aveu de volonté dissimulatrice. De plus, il est peu crédible que les intermédiaires qui aujourd'hui s'expriment n'aient conservé aucune preuve, ne serait-ce que par souci de protection.
Beaucoup d'acteurs politiques évaluent mal l'impact social de ces réglementations molles et des détournements répétés. Pourtant, les études nationales et européennes ne cessent de confirmer la détérioration continue de l'image du monde politique. Les rapports ambigus à l'argent en sont un des facteurs-clés. Les critiques portent souvent sur le carriérisme et le cumul des mandats, qui sont d'abord des moyens de vivre de la politique. Elles soulignent aussi la dépendance à l'égard d'intérêts économiques toujours en quête d'influence.
La défense rétribuée (directement ou indirectement) des intérêts particuliers se substitue alors à ceux du bien public. Enfin, c'est aussi l'esprit clanique qui est stigmatisé, la défense des pairs et la priorité donnée à l'entre-moi, droite et gauche confondues. Et ces connivences ne sont jamais aussi visibles que lorsqu'il s'agit de préserver l'opacité des revenus politiques.
La répétition des abus de fonction lamine autant la confiance qu'elle crée de la démission et du cynisme. Ainsi, sous nos yeux, le procès des chargés de mission de la Ville de Paris, une fois amorcé, suscite politiquement et médiatiquement très peu d'intérêt (Le Monde est une des rares exceptions). Après l'excitation sur l'état de santé du principal prévenu, l'inventaire des anomalies dans la gestion des personnels de la Ville de Paris, qui concrétise les abus de fonction, semble lasser tous les commentateurs.
Pourtant, ce sont les accumulations de ces petites transgressions et la tolérance dont elles ont toujours bénéficié qui font preuve pour la plupart des citoyens. Elles attestent autant de la banalité de l'exercice intéressé du pouvoir que de l'inexistence des garde-fous. Elles renforcent les comportements "antipolitiques", la défiance à l'égard des institutions publiques, l'abstentionnisme et le vote pour les partis les plus protestataires.
Rattaché au Centre d'études européennes de Sciences Po, Pierre Lascoumes, directeur de recherche au CNRS, est spécialiste de l'analyse des politiques publiques en matière de droit et justice, d'environnement et de risques. Il a travaillé sur la lutte contre la délinquance économique et financière et sur les perceptions de la corruption et de la lutte antiblanchiment.
Il est l'auteur de "Favoritisme et corruption à la française" (Presses de Sciences Po, 2010) et "Une démocratie corruptible" (Seuil, 100 p., 11,50 €).
jeudi 30 juin 2011
Affaire Karachi : plus de 20 millions de francs suspects pour la campagne de Balladur en 1995
L'enquête sur le volet financier de l'affaire de Karachi se révèle de plus en plus embarrassante pour Edouard Balladur.
Les derniers développements de l'instruction menée par les juges Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke, chargés d'établir si la campagne présidentielle de M. Balladur, en 1995, a été financée par des ventes d'armes, mettent à mal la défense de l'ancien premier ministre (1993-1995).
Ce dernier, entendu le 28 avril 2010 par une mission d'information parlementaire, qui s'étonnait notamment d'une arrivée en espèces de 10 millions de francs entre les deux tours, avait affirmé que ces fonds, recueillis "lors de centaines de meetings", provenaient "des militants, des sympathisants ".
Or, il ressort des témoignages et documents recueillis ces derniers mois par la Division nationale des investigations financières (Dnif) et dont Le Monde a pris connaissance qu'au total, 23,6 millions de francs, dont 20 millions de francs en espèces, auraient alimenté sans explication la campagne malheureuse de M. Balladur, somme qui ne saurait s'expliquer par la générosité des sympathisants balladuriens...
Dans un rapport de synthèse du 10 mars, la DNIF, qui a reconstitué l'ensemble des recettes de l'Association de financement de la campagne d'Edouard Balladur (Aficeb), et qui s'étonne de la disparition de certains documents, notamment des archives du conseil constitutionnel, signale de nombreuses irrégularités.
Ainsi, s'agissant des versements en espèces, qui s'élèvent officiellement à un peu plus de 15 millions de francs, les policiers affirment qu'il s'agit "du poste le plus litigieux et le plus opaque sur l'origine des fonds".
Ils s'interrogent ainsi sur une la somme de 1,4 million de francs, justifiée dans les comptes de l'Aficeb comme correspondant aux remboursements faits par des sympathisants qui se rendirent, en train au meeting du Bourget, le 25 mars 1995, un mois avant le premier tour de la présidentielle : "Les déplacements de militants par transport en commun (...) sont payés directement par l'Aficeb, et nous n'avons constaté aucune demande de contribution financière aux militants", notent les policiers.
Les enquêteurs se montrent tout aussi dubitatifs s'agissant d'un montant de 1,6 million de francs supposé correspondre au règlement par des militants de repas facturés par un traiteur.
"On ne peut avoir aucune certitude car le bordereau de remise d'espèces correspondant à ce dépôt n'est pas présent dans les archives du compte de campagne de M. Balladur."
Et puis, bien sûr, les policiers ont investigué sur cette somme de 10, 25 millions de francs apparue comme par magie sur le compte de l'Aficeb le 26 avril 1995, trois jours après le premier tour.
Ils constatent que les bordereaux de ces dépôts d'espèces, eux aussi, ont disparu des archives des comptes de campagne.
Surtout, ils relèvent que plusieurs témoins, ont indiqué que cette somme ne pouvait "en aucun cas correspondre à la vente de t-shirts et autres gadgets vendus lors des meetings".
"On peut conclure que ce versement d'espèces de 10,25 millions ne correspond à aucune recette provenant de collectes, de vente d'articles publicitaires, de remboursement de frais ou de dons de particuliers, et par conséquent que cette somme n'est pas justifiable sur le plan comptable", assure la Dnif.
Les policiers ajoutent que ces constatations "remettent par conséquent en cause les explications fournies par M. Galy-Dejean [trésorier de la campagne Balladur], devant le magistrat instructeur lors de sa déposition".
Aux quelque 15 millions en espèces figurant sur les comptes de campagne dont l'origine semble suspecte s'ajoute une somme d'environ 5 millions, selon les enquêteurs.
Ils ont recueilli le 8 avril les confidences d'un ancien élu (RPR) de Vaucresson (Hauts-de-Seine), dont la société s'occupa de la sécurité des meetings de M. Balladur en 1995.
Sur procès-verbal, Olivier Michaud a assuré qu'il avait été rémunéré en grande partie en liquide. M. Michaud a ajouté que M. Galy-Dejean lui aurait dit à propos de cet argent que "c'était les fonds secrets de Matignon".
Ses déclarations font écho à celles d'Alexandre Galdin, un ancien membre de l'équipe de campagne.
Le 25 mars, il a pointé devant le juge le rôle majeur joué, durant la campagne, par Pierre Mongin, alors chef de cabinet de M. Balladur à Matignon, et qui avait de ce fait la haute main sur les fonds spéciaux attribués au premier ministre.
"M. Mongin venait régulièrement au sein du QG, a-t-il révélé. J'étais convaincu que certaines recettes de l'Aficeb provenaient des fonds secrets." Ces révélations rendent désormais inéluctable l'audition de M. Mongin.
De même que celle de Brice Hortefeux, désigné par plusieurs témoins comme ayant dirigé la cellule d'organisation des meetings au cours desquels les fameuses espèces auraient, à en croire M. Balladur, été collectées.
Autre proche de Nicolas Sarkozy susceptible d'intéresser les juges, Nicolas Bazire, alors directeur du cabinet du premier ministre et de sa campagne présidentielle.
D'après plusieurs témoins, il disposait d'un coffre-fort au sein du QG de campagne. Raymond Huard, affecté à la trésorerie, a ainsi assuré que de "grosses sommes arrivaient dans la coffre de Nicolas Bazire".
LA RENCONTRE SUSPECTE ENTRE M. BALLADUR ET M. GALY-DEJEAN
Autre élément troublant : cette rencontre, un jour de février 2011, entre l'ancien premier ministre Edouard Balladur et René Galy-Dejean, ex-député et maire (RPR) du 15e arrondissement de Paris, à l'occasion d'un colloque sur les années Pompidou.
Alors que l'enquête liée à l'attentat de Karachi ne cesse de tourner autour du financement suspect de la campagne présidentielle de M. Balladur, en 1995, l'ex-premier ministre s'inquiète. Du moins si l'on en croit le récit fourni le 10 mai au juge Renaud Van Ruymbeke par M. Galy-Dejean.
"En descendant de la tribune, a raconté sur procès-verbal l'ancien député, j'ai croisé M. Balladur et je l'ai informé de votre convocation pour le mardi suivant [le 15 février]. Je l'ai senti ennuyé. Le lendemain, il m'a fait porter un carton m'invitant à le rencontrer le jeudi 10 février à 11 h 30 chez lui, ce que j'ai fait."
La conversation porte évidemment sur l'affaire de Karachi. "Il m'a alors proposé de me fournir un avocat et de demander le report de ma convocation, ce qu'il a dit avoir déjà été demandé à votre collègue [Roger Le Loire, co-désigné avec le juge Van Ruymbeke]. J'ai indiqué que j'avais mes propres avocats et que je ne souhaitais pas le report de mon audition. La conversation a tourné court."
Cette rencontre, dont l'ex-élu a livré le récit aux magistrats, suscite la colère de l'un des avocats des parties civiles.
"Non satisfait d'avoir menti devant la représentation nationale pour s'expliquer sur le financement de sa campagne présidentielle de 1995 alors qu'il apparaît que des fonds illicites ont servi à la financer, M. Balladur se prête maintenant à des pressions sur un témoin capital au point de lui proposer les services d'un avocat et de dicter sa défense", indique Me Olivier Morice, qui défend les familles des victimes de l'attentat de Karachi.
Les deux anciens élus se sont revus, une seconde fois, au printemps 2011. A cette occasion, l'ancien premier ministre a remis à M. Galy-Dejean une longue note, en forme de plaidoyer pro domo, dont Le Monde a eu connaissance. Ce document a été versé au dossier d'instruction. Dans sa note, M. Balladur se défend vigoureusement.
"Je n'ai pas entendu parler de commissions, encore moins de rétrocommissions", tient-il a rappeler. Il déplore que cette thèse soit reprise dans la presse, "en associant à la réprobation qu'on cherche à susciter contre moi le nom de Nicolas Sarkozy (...) En tant que ministre du budget, il n'avait jamais évoqué avec moi une question de cet ordre".
M. Balladur se tourne donc vers le camp chiraquien. Dominique de Villepin avait évoqué, dans le livre Le Contrat (ed. Stock, 2010), des preuves liées aux rétrocommissions, parlant du "trésor de M. Balladur" auquel M. Chirac aurait voulu s'attaquer, en mettant fin aux commissions versées à l'occasion du contrat Agosta.
"Cette déclaration mériterait que M. Chirac fût invité à apporter son témoignage, persifle M. Balladur. Si ces preuves existent et qu'il peut les produire, d'où vient qu'il n'en ait pas saisi l'autorité judiciaire pour que soient sanctionnées des pratiques contraires à la loi ?"
LE FAUX RAPPORT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE
Par ailleurs, l'ex-contrôleur général des armées Jean-Louis Porchier, entendu le 20 juin par le juge Renaud Van Ruymbeke, a réitéré ses doutes sur le contrat Agosta et les éventuelles rétrocommissions versées en France, en marge de la conclusion de ce marché portant sur la vente de sous-marins français au Pakistan en 1994.
M. Porchier avait été missionné par le ministère de la défense, en 1997, pour examiner les dessous – notamment financiers – de ce contrat.
"Mon enquête a montré, explique M. Porchier, que la courbe, selon laquelle les acomptes excédaient les dépenses, a été fabriquée par le ministère de la défense (...) Elle traduisait un surfinancement, alors qu'en réalité le contrat était sous-financé." Le but aurait été de sous-évaluer les risques financiers liés à ce marché, qu'il fallait semble-t-il signer à tout prix.
Dans un rapport classé "confidentiel défense", daté du 28 avril 1998, le contrôleur général Porchier faisait état de ses doutes.
Le juge Van Ruymbeke a sollicité, le 23 juin, auprès du ministère de la défense, la déclassification de ce rapport, excipant de l'existence "d'un document qui aurait été fabriqué pour les besoins de la cause par un membre du cabinet du ministre de la défense", à l'époque François Léotard.
M. Porchier a aussi évoqué de nouveau les confidences dont il avait été destinataire, lors de son enquête, émanant de Michel Ferrier, alors responsable français des exportations de matériels sensibles : "Il m'a dit que 10 % des commissions étaient des rétrocommissions et que ces rétrocommissions se partageaient entre le financement de la campagne de M. Balladur et le financement du parti républicain". Des propos tenus, dit-il, "sans employer le conditionnel".
M. Porchier révèle enfin avoir été contacté au début de l'année par un ancien haut fonctionnaire, Philippe Bros, ex-commissaire du gouvernement auprès de la Sofma, société d'exportation pour les ventes d'armes mandatée pour le contrat Agosta : "Il était convaincu de l'existence des rétrocommissions", a assuré M. Porchier au magistrat.