vendredi 20 novembre 2009

Affaire Julien Dray : le parquet de Paris décide de poursuivre les investigations

Affaire Julien Dray : le parquet de Paris décide de poursuivre les investigations, Le Monde, 20 novembre 2009

Le parquet de Paris a confié à la brigade financière, jeudi 19 novembre des investigations complémentaires, dans le cadre de l'enquête portant sur des mouvements de fonds suspects relevés sur les comptes du député socialiste de l'Essonne Julien Dray. Cette décision, révélée par LePoint.fr, fait suite à la remise d'observations par les avocats de l'élu et de plusieurs associations visées par les investigations. A l'issue de ces nouvelles investigations, qui doivent être rendues au parquet le 15 décembre au plus tard, le procureur de Paris devra décider s'il cite à comparaître Julien Dray devant le tribunal correctionnel, ou s'il classe sans suite l'enquête.

Le parquet demande aux policiers de procéder à de nouvelles auditions dans les agences bancaires titulaires de comptes de M.Dray, afin de vérifier ses assertions. Deuxième complément d'enquête: demander à l'administration fiscale de communiquer les déclarations de revenus des collaborateurs de M.Dray.

Le parquet, qui dirige cette enquête préliminaire ordonnée en décembre2008 pour "abus de confiance", avait donné la possibilité à M.Dray et aux autres personnes mises en cause dans cette procédure de demander des actes complémentaires. Fin septembre, les avocats du député avaient donc déposé des observations, demandant que Julien Dray soit "personnellement" entendu par le procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Cette requête ne devrait pas être satisfaite.

Julien Dray réclamait également de nouvelles "vérifications sur la réalité des prestations" fournies auprès de ces associations par des proches qui lui auraient prêté de l'argent, ainsi que sur la connaissance réelle qu'avait le député de l'origine des fonds, selon son avocat Léon-Lef Forster. "Cela montre que l'on ne peut pas poursuivre quelqu'un sur des suspicions mais sur des éléments clairement établis", a estimé jeudi 19 novembre l'avocat, saluant le fait qu'ait été retenu le principe d'une poursuite de l'enquête.

Les enquêteurs de la brigade financière avaient mis fin, le 13 juillet (Le Monde du 25 juillet), à leurs investigations. Des mouvements suspects sur les comptes bancaires de M.Dray, avaient initialement été relevés en 2008 par l'organisme antiblanchiment Tracfin. Dans leur rapport de synthèse, les policiers avaient dressé un constat de base: tous mouvements de fonds confondus, entre 2005 et 2008, M. Dray aurait perçu, selon eux, 1 631 417 euros. Dans la même période, il aurait dépensé 2 087 678 euros.

Depuis sa mise en cause, le député a lancé un vaste processus de remboursement. Mais M. Dray conteste la véracité de ces sommes, établies par la brigade financière, et assure en avoir fourni la preuve aux enquêteurs.

Cinq associations – dont SOS Racisme et la FIDL –, souvent en difficulté financière, ont contribué à alimenter les comptes de l'élu, huit particuliers lui ont consenti des prêts, sans pour autant rééquilibrer totalement ses finances. Outre des procédures incidentes (soupçons de fausses factures, fraudes au fisc…), le parquet doit déterminer si l'argent décaissé au profit de M.Dray, via des intermédiaires proches de l'élu et salariés par ces associations – c'est le cas de Nathalie Fortis et de Thomas Persuy –, est constitutif d'un abus de confiance.
Ce complément d'enquête intervient alors que le Parti socialiste constitue actuellement ses listes en vue des élections régionales. Les têtes de liste ont jusqu'au 25 novembre pour les adresser aux militants, appelés à voter début décembre. Une convention nationale de ratification est prévue le 12 décembre.

Julien Dray se présente à l'investiture de son parti en Ile-de-France. Il a affirmé début novembre qu'il prendrait "très mal" une éventuelle demande de la direction du parti de renoncer à sa candidature. Vice-président sortant du conseil régional d'Ile-de-France, Julien Dray est plus que jamais décidé à se présenter sur la liste du PS – voire, à la conduire – dans l'Essonne. S'il avait été cité devant le tribunal correctionnel, certains dirigeants hostiles à M.Dray envisageaient de faire obstacle à sa candidature. En revanche, l'abandon des poursuites aurait levé leurs réticences. Or, la décision du parquet de poursuivre les investigations impose aux socialistes de trancher.
Julien Dray est soutenu par ses amis du courant l'Espoir à gauche, très influents dans l'Essonne – Vincent Peillon s'est déclaré "solidaire" et invoqué la présomption d'innocence. Ses adversaires, qui rechignent à devoir "prendre une décision dépendante d'un calendrier judiciaire", font remarquer qu'il est, pour l'instant, le seul parlementaire d'Ile-de-France à se mettre en position de cumuler ce mandat avec un autre, régional.

Sa candidature sera examinée le 24 novembre par le conseil fédéral de l'Essonne qui adoptera un projet de liste départementale. En dernier ressort, c'est Jean-Paul Huchon, président sortant du conseil régional et tête de liste des socialistes en Ile-de-France, qui tranchera avant le vote des militants, le 3 décembre. Les deux hommes se sont retrouvés en début de semaine pour participer au lancement d'une campagne pour soutenir les jeunes victimes de violences.

Gérard Davet et Jean-Michel Normand

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