vendredi 8 octobre 2010

Karachi : le juge Van Ruymbeke veut enquêter largement

Le Monde, 8 octobre 2010

Le juge du pôle financier, Renaud Van Ruymbeke, a affirmé sa volonté d'enquêter sur des faits de corruption et d'abus de biens sociaux dans l'enquête sur l'attentat de Karachi, qui fit 14 morts dont 11 Français en 2002. Dans une ordonnance datée du 6 octobre, et dont Mediapart a révélé la teneur, il estime "impossible d'affirmer à ce stade des investigations que les faits sont prescrits, dès lors que les commissions ont emprunté des circuits offshore".

Le parquet de Paris ne partage pas cette analyse et a fait savoir, jeudi 7 octobre, qu'il ferait appel de cette décision. Le procureur Jean-Claude Marin juge totalement prescrits les faits de corruption et d'abus de biens sociaux et n'établit pas de lien entre l'attentat et d'éventuelles rétro-commissions à des décideurs politiques français. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris devra trancher le débat et préciser l'étendue de la saisine de M. Van Ruymbeke, déjà chargé, dans la même affaire, d'une enquête pour entrave à la justice.

L'enquête sur l'attentat de Karachi prend un tour politique, puisque le nom de Nicolas Sarkozy, mais aussi celui d'Edouard Balladur, premier ministre entre 1993 et 1995, est cité à plusieurs reprises dans ce dossier. M. Sarkozy avait pourtant qualifié de "fable" la piste politique, alors que les investigations initiales, confiées au juge antiterroriste Marc Trévidic, s'étaient réorientées vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt de versements de commissions françaises dans le contrat des sous-marins français Agosta vendus en 1994 par la France au Pakistan. Du coup, les familles des victimes avaient décidé de se constituer partie civile en déposant plainte en juin 2010.

Au vu de l'enquête préliminaire diligentée depuis par le parquet de Paris, le juge Renaud Van Ruymbeke estime qu'il est fondé à enquêter sur d'éventuelles rétro-commissions, qualifiées juridiquement d'abus de biens sociaux, ainsi que sur le versement des commissions sur un contrat d'armement avec le Pakistan, susceptibles d'être qualifiées de corruption d'agent public étranger.

VERSEMENT EN ESPÈCES

Pour M. Van Ruymbeke, "l'enquête préliminaire confirme l'existence des commissions". Deux réseaux auraient été identifiés, dont l'un mettrait potentiellement en cause les autorités politiques françaises de l'époque, M. Sarkozy, alors ministre du budget, et M. Balladur, premier ministre. Selon un rapport de synthèse de la police luxembourgeoise du 19 janvier, M. Sarkozy aurait ainsi "directement" supervisé et validé depuis Bercy, où il a été en poste de 1993 à 1995, la constitution au Luxembourg d'une obscure société offshore, baptisée Heine, par laquelle ont transité les commissions suspectes.

D'après l'ordonnance du juge, l'enquête préliminaire "s'est orientée vers le financement de la campagne présidentielle de M. Balladur". Le magistrat souligne le versement en espèces de 10 150 000 francs, le 26 avril 1995, sur le compte de campagne de M. Balladur. Il cite à cet égard un rapport du Conseil constitutionnel qui met l'accent sur l'étrangeté de cet apport d'argent. Les rapporteurs avaient ainsi assuré que l'allégation du candidat - expliquant qu'il avait accumulé les espèces dans un coffre-fort - était "à l'évidence démentie par le fonctionnement du compte".

Gérard Davet

1 commentaire:

  1. Le jour où la cours constitutionnel a étonnement validé les compte de Chirac, Balladur ...

    C'est le même jour où la cours constitutionnel n'a pas validé les compte de campagne de Jacques Cheminade !

    http://www.cheminade2012.fr/Quinze-ans-apres-la-verite-s-invite-dans-la-presidentielle
    ...
    Mobilisons nous pour connaitre la vérité !

    David CABAS
    david.cabas.over-blog.fr

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