jeudi 6 mai 2010

Double pourvoi après le procès Pasqua

Le Figaro, 6 mai 2010

L'ancien ministre de l'Intérieur et le parquet général se pourvoient tous les deux en cassation après l'arrêt de la Cour de justice de la République.

Charles Pasqua aurait pu en rester là après l'arrêt de la Cour de justice de la République qui, vendredi dernier, a clairement fait s'éloigner de lui la menace de la prison ou de la déchéance parlementaire. Le parquet général de la Cour de cassation avait pour sa part toutes les raisons de ne pas se satisfaire de cette décision bien clémente à la lumière des réquisitions prononcées. L'avocat général avait demandé deux ans ferme et la culpabilité sur trois affaires, les juges-parlementaires ont retenu un an avec sursis sur une seule des trois affaires.

C'est pourtant le sénateur des Hauts-de-Seine qui, jeudi matin, a, le premier, décidé de prendre l'initiative en formant un pourvoi en cassation. Le parquet général de la Cour de cassation a formalisé la décision dans l'après-midi, précisant qu'il ne s'agissait pas d'un pourvoi «incident» mais une décision motivée par le déroulement de l'audience.

Cette initiative annonce d'ores et déjà un calendrier judiciaire encore plus serré que prévu pour Charles Pasqua, qui avait fêté ses 83 ans le 18 avril, à la veille du procès devant la Cour de justice de la République. Première étape, avant la fin de l'été : l'assemblée pléniaire de la Cour de cassation doit en effet statuer dans un délai de trois mois à compter de ce jeudi sur le pourvoi. Elle examinera la forme et non le fond des trois dossiers. Les magistrats du quai de l'Horloge diront donc si un vice de procédure peut être trouvé dans les débats et dans l'arrêt de la CJR. Si l'arrêt était cassé, un nouveau procès serait organisé, toujours devant une cour composée de trois juges professionnels et douze juges parlementaires mais ils devront être différents de la première fois. Un petit casse tête en perspective pour la Cour de cassation, l'Assemblée et le Sénat chargés de mettre en musique un nouveau tribunal d'exception déjà tant décrié depuis sa naissance en 1993.


Un pourvoi risqué

Le choix de formuler ce pourvoi est dans la logique de ce que l'ancien ministre de l'Intérieur a mis en avant depuis ses premières mises en cause. Être blanchi aux deux-tiers par la CJR ne lui suffit pas : vendredi dernier, les trois juges et douze parlementaires qui le jugeaient l'ont certes déclaré coupable dans un seul des trois dossiers (Sofremi) mais ils lui ont épargné la prison ferme en raison, selon les termes des juges, de son «âge» et de «son passé au service de la France». En le condamnant à un an avec sursis et en reconnaissant son innocence dans deux dossiers (Gec-Althsom et Annemasse), ils sont allés bien en-deçà des réquisitions de l'avocat général qui, réclamait quatre ans de prison dont deux ferme. «La Cour de justice de la République a reconnu mon innocence dans deux des trois dossiers qui avaient été construits contre moi», avait affirmé le sénateur UMP des Hauts-de-Seine juste après la lecture de l'arrêt, parvenant presque à faire oublier que les juges écrivent dans leur arrêt au sujet de l'affaire Sofremi que «les faits commis par Charles Pasqua présentent une gravité certaine car ils ont été commis par un ministre d'Etat, dépositaire de l'autorité publique, dans l'exercice de ses fonctions».

D'ici trois mois, on saura si cet arrêt devient définitif ou s'il est envoyé au pilon dans l'attente de la désignation d'une nouvelle CJR, autrement composée. Les risques ne sont pas absents : Charles Pasqua a formulé un pourvoi pour l'affaire de la Sofremi mais les trois dossiers ayant été joints à l'audience, ils seraient - en cas de nouveau procès devant la CJR - à nouveau réunis, avec le risque toujours possible de voir les relaxes remises en cause...


De nouvelles échéances

Avec les échéances induites par ce pourvoi en cassation, voilà en tout cas de nouveaux rendez-vous judiciaires pour Charles Pasqua. Il n'en manque pas. Si l'arrêt de la CJR devenait définitif dés cet été, Charles Pasqua entend en effet - comme l'a déjà annoncé son avocat historique, Me Léon Lef Forster - demander une révision de sa condamnation à 18 mois de prison avec sursis dans le volet non ministériel de l'affaire du casino d'Annemasse. Ce pan de l'affaire avait été jugé devant une juridiction de droit commun, condamnant des proches de Charles Pasqua pour corruption active. Seulement, dans son arrêt, la CJR a innocenté Charles Pasqua de corruption passive... Sa défense entend donc déposer un recours face à cette contradiction entre la justice de droit commun et la justice de la CJR.

Enfin, et par ailleurs, Charles Pasqua doit aussi être rejugé dans les prochains mois dans l'affaire des ventes d'armes à l'Angola, où il a été frappé en première instance en octobre dernier de trois ans de prison dont un an ferme et 100.000 euros d'amende pour «recel d'abus de biens sociaux, trafic d'influence». La cour d'appel n'a pas encore fixé de dates d'audiences.

L'ancien ministre de l'Intérieur est aussi en attente d'une décision dans l'instruction visant la corruption présumée de personnalités françaises par le régime irakien de Saddam Hussein, en marge du programme de l'ONU «pétrole contre nourriture». Charles Pasqua est mis en examen mais le parquet a requis un non-lieu dans ce dossier.

Dernier point : une juge d'instruction de Versailles doit prochainement rendre sa décision dans le dossier Hamon. L'enquête porte sur des détournements de fonds présumés en marge d'un projet concernant une fondation. Charles Pasqua mis en examen dans cette affaire pourrait être renvoyé en correctionnelle aux côtés des autres protagonistes ou alors bénéficier d'un non-lieu.

Ces décisions devraient tomber en rafales successives, au plus tard dans les deux années qui viennent.

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