mercredi 19 mai 2010

Estrosi épinglé pour ses deux appartements de fonction

Le Figaro, 19 mai 2010

Le Canard enchaîné révèle que le ministre de l'Industrie occupe un appartement à Bercy et loge sa fille dans un hôtel particulier parisien qui appartient à la République. Pour se défendre, il a invité la presse à venir voir par elle-même chez lui.

Christian Estrosi ne nie pas : au Canard Enchaîné qui révèle mardi soir qu'il dispose de deux appartements de fonction, dont un pour sa fille, le ministre de l'Industrie rétorque, selon le journal : «Une soupente et un ancien bureau minable, je suis le ministre le plus mal loti !»

Mal-logé, Christian Estrosi ? Le Canard explique par le menu les tractations qui ont émaillé l'installation du maire de Nice dans la capitale. Lorsqu'il est nommé ministre, en juin 2009, il demande à être logé par la République. Faveur à laquelle il a droit, n'ayant pas d'hébergement à Paris.

Aucun appartement de fonction n'étant disponible à Bercy, Christian Estrosi hérite d'abord d'un 60 m² dans l'hôtel de Seignelay, un hôtel particulier du XVIIIe siècle qui appartient à l'Etat, dans le VIIe arrondissement de Paris, rue de Lille.

«Tout ministre ou secrétaire d'Etat dépendant de Bercy y dispose d'un bureau et d'un secrétariat», spécifie le journal.

Il déménage ensuite pour Bercy et installe sa fille dans l'appartement devenu vacant de l'hôtel de Seignelay. Si, selon Le Canard, la jeune Estrosi «se fait discrète», il n'en demeure pas moins qu'elle est logée aux frais de la République.

Qui plus est, dans un hôtel particulier dont la superficie totale fait 2.900 m², avec «une équipe de maîtres d'hôtel et de cuistots à la disposition de ces messieurs-dames. A toute heure du jour et - parfois - de la nuit...», affirme l'hebdomadaire satirique.

Souvenir de l'affaire Gaymard

Selon le porte-parole du ministre, la circulaire Raffarin de février 2005 «stipule que les membres du gouvernement peuvent être logés dans la limite de 80 m² + 20 m² par enfant à charge».

Cette circulaire avait été mise en place après «l'affaire Gaymard» pour préciser les modes d'attribution des logements de fonction. On s'en souvient, le ministre de l'Économie de l'époque avait fait scandale lorsque Le Canard enchaîné, coutumier du fait, avait révélé qu'il logeait dans un 600 m² payé 14.400 euros par mois par l'Etat.

Ces révélations avaient provoqué sa démission. Tout comme, quelques mois plus tard, celle du directeur de cabinet de la ministre du Logement, Christine Boutin, logé dans une HLM depuis des années.

Reste à savoir quelles suites aura cette nouvelle affaire de logement de fonction pour le ministre de l'Industrie. D'autant que la règle des «80 m² + 20 m² par enfant à charge» ne s'applique qu'aux ministres ne disposant pas d'un logement de fonction dans les locaux de leur ministère. Ce qui n'est pas son cas.

Bercy et Estrosi pas d'accord sur les chiffres

Après l'impression du quotidien satirique, mardi soir, Christian Estrosi a immédiatement tenté de désamorcer la bombe. Sur LCI, le ministre a déclaré que son logement à Bercy devait «représenter à peu près 30 m², c'est-à-dire un lit dans un bureau». Il a précisé qu'il l'utilisait lorsqu'il terminait tard ses journées de travail.

Tonalité différente du côté de Bercy, qui a publié dans la soirée un communiqué de presse sur le sujet.

Les chiffres annoncés ne sont pas les mêmes que ceux d'Estrosi : «Le ministre chargé de l'Industrie occupe en famille un logement de fonction de 70 m² dans les locaux du ministère situé rue de Lille» et «il est également mis à sa disposition un logement de 55 m² à Bercy pour ses contraintes de fonctions».

Mercredi, Christian Estrosi a invité la presse à venir visiter son appartement de fonction de la rue de Lille pour répondre aux «accusations mensongères» du Canard Enchaîné.

Recevant les journalistes, venus très nombreux, Christian Estrosi a affirmé qu'il logeait «ici avec (sa) famille depuis le mois de juin 2009» quand il avait été «nommé ministre en charge de l'Industrie».

«Je ne me plains pas», a-t-il affirmé dans une ambiance tendue et refusant de répondre aux questions.

«Je paye ici la taxe d'habitation ainsi que la circulaire du gouvernement l'exige», a-t-il rappelé. «Non il n'y a pas eu de logement attribué à ma famille», a-t-il insisté en ajoutant: «je ne coûte pas un centime à l'Etat, ma fille non plus».

Début 2008, Christian Estrosi, alors secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, avait déjà été épinglé dans une autre affaire : il avait modifié au dernier moment l'organisation d'un déplacement à Washington pour participer à un «pot» à l'Elysée, l'obligeant à louer en catastrophe un avion privé à 138 000 euros. Cette polémique avait conduit le ministre à exprimer publiquement ses «regrets».

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