mardi 1 mars 2011

Le juge Renaud Van Ruymbeke retrouve en Suisse la trace de l'intervention de l'intermédiaire Ziad Takieddine

Le Monde, 1er mars 2011

Manifestement, le juge Renaud Van Ruymbeke estime que l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine lui cache quelque chose.

M. Takieddine passait déjà en 1994 pour "un agent libanais sulfureux", aux yeux de Gérard-Philippe Menayas, ancien directeur financier de DCN-International, la direction des constructions navales, qui a construit les sous-marins vendus au Pakistan.

Il avait été imposé avec un autre intermédiaire libanais à l'été 1994 par Renaud Donnedieu de Vabres, alors chargé de mission du ministre de la défense François Léotard, alors que le contrat Agosta avec le Pakistan était bouclé et qu'il n'y avait plus personne à corrompre.

Les deux Libanais réclamaient 4 % du marché, soit 216 millions de francs (33 millions d'euros), et avaient de surcroît exigé, contre tous les usages, d'être payés à l'avance. La DCN n'avait finalement versé que 85 % des sommes, fin 1995.

"Le nouveau premier ministre (Alain Juppé) exigera que l'on arrête le paiement des sommes restant dues à M. Takieddine, a indiqué M. Menayas, et les services de la défense que l'on fasse pression sur lui pour qu'il accepte la destruction de l'original du contrat signé avec lui." Ce qu'il a refusé.

"Investigation complexe"

Le juge Van Ruymbeke estime que d'éventuelles rétrocommissions reversées en France viendraient des comptes des Libanais. "La destination finale de ces sommes reste inconnue, indiquait le 6 octobre 2009 le juge dans une ordonnance.

Seules des investigations complexes à l'île de Man, au Liechtenstein, en Suisse et dans les Caraïbes sur les circuits offshore empruntés par les commissions sont de nature à permettre la manifestation de la vérité."

En attendant, il a fait procéder le 26 janvier, à une perquisition au cabinet du notaire suisse, Me Pierre Natural. Celui-ci gardait un contrat signé le 12 juillet 1994 entre la DCN-I et la société Mercor, qui a réceptionné, in fine, les commissions versées à M. Takieddine.

L'avocat suisse Hans-Ulrich Ming a paraphé ce document pour le compte de Mercor, mais M. Takieddine a toujours nié être le réel responsable de Mercor.

Or, qu'a relevé le magistrat ? "Constatons qu'il apparaît que le cachet et la signature de Me Ming ont été surajoutés, pour s'y substituer, sur le cachet de M. Ziad Takieddine préalablement effacé par un trait de blanc."

Le juge Van Ruymbeke s'est par ailleurs fait communiquer une audition de M. Takieddine de novembre 1998, dans le cadre de l'affaire du "Fondo", où le Parti républicain, dirigé par François Léotard et Gérard Longuet, était suspecté de financement illégal.

M. Takieddine y disait notamment qu'à l'occasion du contrat Sawari II - la livraison de frégates à l'Arabie saoudite -, il n'avait "pas été rémunéré" pour ses "services de traductions".

Douze ans plus tard, dans le Journal du Dimanche, il expliquera pourtant avoir perçu la somme de 45 millions d'euros, via quatre versements...

Gérard Davet

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