mercredi 1 juillet 2009

Attentat de Karachi: la DCN victime des luttes pakistanaises

Attentat de Karachi: la DCN victime des luttes pakistanaises, bakchich.info, 1 juillet 2009

La piste d’une vengeance des généraux pakistanais contre la France après l’arrêt du versement des commissions « est une fable » selon le juge qui avait débuté l’enquête sur l’attentat de Karachi, en 2002.

Les commissions, et leurs destinataires, versées lors de la vente en 1994 de trois sous-marins au Pakistan n’ont pas intéressé que la justice, les médias et les barbouzes françaises.

Selon les informations glanées par Bakchich, le ministère de la Défense pakistanais s’est, dès 1997, fendu d’une drôle de démarche. Saisir le ministère de la Justice française pour connaître les ayant-droit des commissions de ce marché de 826 millions d’euros. Une étrange demande d’entraide judiciaire puisqu’à l’époque aucune enquête de la justice pakistanaise ne portait sur ledit contrat. Mieux, la demande, émanant de généraux, avait « tout d’une demande de renseignement et ne ressemblait absolument pas à une commission rogatoire internationale », décrit un magistrat en poste à l’époque des faits. D’où un rejet en bonne et dûe forme de la demande.

Une péripétie qui éclaire les dissensions au sein de l’Etat et de l’armée pakistanaise autour de ce contrat avec la DCN. Et qui n’ont fait que s’accentuer avec les attentats du 11 septembre 2001 et la main-tendue du général président Pervez Mucharraf vers l’Occident.

Les gars de la Marine

Partagée entre une mouvance traditionnelle et religieuse très importante dans l’armée de terre et une frange plus favorable à l’Occident dans la Marine ou l’aviation, la grande muette du pays des hommes purs s’est entre-déchirée, au début des années 2000.

Une lutte des corps et des services qu’Alain Chouet, alors patron du renseignement à la DGSE, a clairement retranscrite dans un article de l’été 2003 publiée dans la revue Politique étrangère de l’Ifri. Et selon l’ancien ponte du boulevard Mortier, l’attentat du 8 mai 2002 n’est qu’un artefact de ces luttes intestines. Et Les 11 ingénieurs français tués lors de l’attaque furent visés « parce qu’ils constituaient une cible facile, spectaculaire et significative liée à la marine » .

Une fois n’est pas coutume, la thèse des services français et la thèse judiciaire ont épousé un profil similaire.

En 2002, l’équipe dépêchée autour du juge Michel Debacq privilégie en effet la piste d’un attentat islamiste, favorisé par les dissensions entre les fractions de l’armée.

« Les services pakistanais ont sans doute mis une ’poussette" à leurs ami barbus pour frapper », décrit à Bakchich l’un des limiers qui a fouiné sur place. « Et si la DCN a été visé, c’était tout simplement parce qu’elle était très identifiable. Leur bus était affrété par la Marine et même leur chauffeur portait un uniforme de la Marine ». Bref la cible idoine. La négociation par cette même DCN de vente de sous-marins à l’ennemi indien n’a rien fait pour augmenter sa côte de popularité au sein de ses détracteurs de l’armée…. [1]

Une lutte de service secrets, des commissions, des enjeux politiques, des islamistes, un attentat, un vrai scandale d’Etat, mais interne au Pakistan.

Debacq : « Cette thèse est une fable »

Bien loin de la thèse qui a récemment fait florès, portée par l’avocat des parties civiles de l’attentat et par l’ex barbouze Claude Thévenet, chargé en 2002 par la DCN d’éclaircir les raisons de l’attaque. (cf. Pakistan, Thévenet pris qui croyait prendre)

Selon leur scénario, l’attentat serait lié une guerre de gros sous chiraco-balladurienne remontant aux années 90 ! En bloquant effectivement le versement des commissions promises en 1994 par Balladur, Jacques Chirac aurait provoqué la colère de hauts gradés pakistanais. Qui auraient répliqué en 2002 avec cet attentat.

« Cette thèse est une fable » . La phrase, comme un écho à celle prononcée par Nicolas Sarkozy sur le sujet, émane de Michel Debacq lui-même, harcelé par Bakchich depuis 10 jours.

L’ancien juge anti-terroriste s’était rendu sur place dès les premiers jours après l’attentat, en 2002, pour y mener son enquête. Une opération dans laquelle l’a effectivement assisté Randall Benett, alors responsable du service de sécurité diplomatique de l’ambassade des Etats-Unis. Une aide précieuse pour reconstituer la scène de crime, puisque Benett prit des photos des lieux quelques minutes après l’attentat. « Mais aucun élément de renseignement qui accrédite la piste des commissions », assure Debacq.

Tant pis pour le scandale d’Etat entre la France et le Pakistan….

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