jeudi 2 juillet 2009

Attentat de Karachi : le rôle d'Edouard Balladur en question

Attentat de Karachi : le rôle d'Edouard Balladur en question, Le Monde, 2 juillet 2009

Selon le site Internet Mediapart (sur abonnement), l'ancien premier ministre Edouard Balladur serait impliqué dans l'affaire du versement de commissions en marge de la vente de sous-marins au Pakistan. Commissions qui pourraient être liées à l'attentat de Karachi, le 8 mai 2002, qui avait coûté la vie à quatorze personnes dont onze Français travaillant pour la Direction des constructions navales (DCN).

Dans ce dossier, l'instruction avait d'abord privilégié la piste de la mouvance islamiste visant les intérêts français au Pakistan. Mais le juge chargé de l'instruction a récemment confié aux familles des victimes qu'il avait mis de côté la piste d'Al-Qaïda. Il enquête désormais sur un éventuel règlement de comptes entre le Pakistan et la France, à propos du versement de commissions sur la vente de sous-marins nucléaires par la DCN. Le scénario privilégié est celui d'une possible vengeance après l'arrêt du versement de commissions sur la vente, en 1994, de sous-marins de la DCN.

L'arrêt du versement des commissions avait eu lieu peu après l'élection de Jacques Chirac comme président de la République. Selon Mediapart, cette mesure aurait pu être dirigée envers son ancien concurrent Edouard Balladur, premier ministre à l'époque de la vente des sous-marins.

Charles Millon, ancien ministre de la défense de Jacques Chirac, a confirmé, dans une interview à Paris Match, avoir coupé de nombreux versements de commissions, pour éviter en retour des "rétro-commissions" en faveur d'hommes et de partis politiques.

Jeudi 2 juillet, Mediapart a affirmé détenir des éléments confirmant des liens financiers entre Edouard Balladur et l'homme d'affaires libanais Abdulrahman El-Assir, principal bénéficiaire des commissions sur la vente de sous-marins, par ailleurs soupçonné de blanchiment d'argent et de trafic d'armes.

LIENS FINANCIERS

Mediapart appuie sa révélation sur le témoignage d'un ancien agent de la Direction de la surveillance du territoire (DST), Claude Thévenet, qui avait été chargé par la DCN de mener une enquête sur les attentats de Karachi.

C'est notamment sur la foi de son témoignage que la piste islamiste a été petit à petit abandonnée. Aujourd'hui, il dit avoir eu partiellement accès à une fiche de la DGSE portant sur les relations financières entre Abdulrahman El-Assir et Edouard Balladur.

Mais le site Bakchich.info remet en cause la qualité du témoignage de Claude Thévenet, rappelant qu'il a été mis en examen dans le cadre d'une enquête sur des faits de corruption au sein de la DCN.

Le site estime que l'arrêt du versement des commissions ne constitue pas un mobile suffisant pour l'attentat puisque, selon ses sources, "88 % des commissions avaient déjà été réglées" lorsque Jacques Chirac en a suspendu le paiement.

Selon Mediapart, ces liens auraient aussi été confirmés devant le juge d'instruction par l'ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas. Car selon lui, c'est le pouvoir politique qui, en 1994, a imposé à la DCN les deux intermédiaires qui devaient négocier auprès du Pakistan les contrats de vente de sous-marins, Abdulrahman El-Assir et Ziad Takkieddine.

Selon le rapport Nautilus écrit par Claude Thévenet et cité par Médiapart, "en France, le réseau El-Assir a eu pour principale fonction d'assurer le financement de la campagne d'Edouard Balladur".

Un courrier du parquet de Paris que l'agence Reuters s'est procuré en juin envisagerait un lien entre une société créée par la DCN au Luxembourg et le financement de la campagne d'Edouard Balladur.

Le lien entre les ventes de sous-marins et Edouard Balladur a été évoqué dès le 19 juin par Mediapart. Nicolas Sarkozy, à l'époque ministre du budget, avait qualifié ces accusations de "ridicules".

Edouard Balladur avait lui aussi démenti : "Les comptes de ma campagne ont été établis, déposés, contrôlés et validés par l'organe compétent à cet effet", a-t-il déclaré, dimanche 28 juin, lors du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro.

"Toute référence à une utilisation autre que la rémunération, légitime d'ailleurs dans une certaine mesure, de ceux qui avaient joué un rôle dans ces tractations commerciales est parfaitement infondée", a-t-il ajouté.

Le Monde.fr

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