Par KARL LASKE, Libération, 23 avril 2010
Presque tous les jours, les hommes de Charles Pasqua se plaignent des «méthodes policières» devant la Cour de justice de la République. Leurs gardes à vue ont été expéditives. Certains ont été contraints de signer des déclarations préécrites. Hier, Bernard Dubois, l’ancien patron de l’office de ventes d’armes du ministère de l’Intérieur (Sofremi), nommé par Pasqua, s’est souvenu des pressions exercées par un policier. «Ce n’est pas les réponses qu’on attend de vous, lui aurait-on dit. On veut que vous nous donniez M. Pasqua.» Dubois a craqué, forcément.
Lors de son interrogatoire, il avait parlé d’un «pillage» organisé. «Je n’ai jamais été au courant d’un système de financement», dit-il aujourd’hui. Le président Henri Claude Le Gall égrène la liste des «rétrocommissions» gérées par l’intermédiaire Etienne Leandri et le marchand d’armes Pierre Falcone. L’une d’elles a bénéficié au propre fils du ministre, Pierre-Philippe Pasqua, qui sera entendu mardi.
Pour la Cour, l’affaire commence en 1993 par la désignation par Pasqua d’un nouvel état-major à l’office d’armement. Bernard Dubois apprend sa nomination par l’intermédiaire clé, celui-là même qui a gratifié le fils Pasqua. «M. Leandri m’avait fait savoir que j’allais être convoqué par M. Pasqua, raconte-t-il. Et puis j’ai reçu un coup de téléphone du ministre un samedi, à 11 heures du soir. Le lundi suivant, M. Pasqua m’a donné la mission de diriger la Sofremi. Je suis un patriote discipliné. J’ai dit : "Bien M. le ministre."»
Du haut d’une estrade, Charles Pasqua s’empare du micro. «M. Dubois. Vous vous souvenez de l’entretien que nous avons eu ? Je vous ai dit qu’il allait vous appartenir de diriger personnellement cette société. Vous vous en souvenez ?» Dubois approuve. «Est-ce que personnellement, je vous ai demandé de rencontrer mon fils Pierre-Philippe ?»«Jamais !» s’exclame Dubois. «Très bien !» lance Pasqua. «Est-ce que vous avez appris que Pierre-Philippe Pasqua travaillait avec Falcone ?»«Non…»«Bien !»
Après Dubois, c’est au tour de Bernard Poussier, l’ex-numéro 2 de la Sofremi, d’être questionné. «Vous avez regretté que je ne sois pas assez présent au sein de la Sofremi, lance Pasqua. Qu’est-ceque vous voulez dire ?»«C’était général, s’excuse-t-il. Rien !»«Vous ne m’avez jamais vu quand j’étais au ministère de l’Intérieur ?»«Dans certaines réunions publiques, peut-être», répond Poussier. «Et je ne vous ai jamais rien demandé.»«Rien ! Je le regrette d’ailleurs…» «Moi pas !» dit Pasqua.
vendredi 23 avril 2010
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