Libération, 17 avril 2010
L'ancien ministre de l'Intérieur comparait à partir de lundi pour des faits présumés de corruption dans trois dossiers différents.
Charles Pasqua, figure de la droite française, comparait lundi pour deux semaines face aux quinze juges de la Cour de justice de la République. Il doit être jugé pour des faits présumés de corruption remontant à l'époque où il était ministre de l'Intérieur, entre 1993 et 1995.
Le vieux lion politique de 83 ans sera l'unique prévenu à ce procès devant la CJR, seule compétente pour examiner des crimes et délits reprochés à un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions.
Les juges devront déterminer quel rôle a joué l'ancien ministre d'Edouard Balladur et actuel sénateur UMP des Hauts-de-Seine dans trois dossiers différents.
Il y a, d’abord, l'affaire dite du casino d'Annemasse (Haute-Savoie): Pasqua est accusé d'avoir, en 1994, accordé à des proches l'autorisation d'exploiter cet établissement de jeux, en échange d'un financement politique ultérieur. Il est renvoyé pour corruption passive.
En 1994 toujours, le ministre a signé un agrément autorisant le déménagement d'une entité de GEC-Alsthom. Un pot-de-vin a été versé à un proche de Pasqua. L'élu en est-il l'ordonnateur? Il est mis en examen pour complicité et recel d'abus de biens sociaux.
La même qualification a été retenue dans le dossier de la Sofremi, société d'exportation de matériel militaire qui dépendait du ministère de l'Intérieur: là encore, des commissions illicites ont bénéficié à l'entourage du ministre.
Ces trois affaires ont déjà été jugées par des juridictions de droit commun: d'autres protagonistes (hommes d'affaires, cadres d'entreprise, hauts fonctionnaires) ont été condamnés pour leur participation à ces malversations.
Charles Pasqua lui-même a écopé de 18 mois de prison avec sursis dans le volet non ministériel du dossier du casino d'Annemasse, première peine définitive au casier de l'élu.
«Tout a été fait pour m'abattre»
Autant de mauvais présages pour l'ancien ministre qui ne semble pas se faire d'illusion sur l'issue du procès devant la CJR: «J'ai le sentiment que tout est réglé d'avance, comme une formalité», a-t-il confié au Point, estimant sa condamnation «inéluctable».
Sa défense va soutenir que le sénateur est victime d'un règlement de comptes politique. «Ce que je sais, c'est que mes ennuis judiciaires ont commencé en 2000, quand j'ai laissé entendre que je serais peut-être candidat à la présidentielle de 2002. Dès lors, tout a été fait pour m'abattre», a-t-il raconté au Point. «On veut faire de Pasqua un mafieux, le juger en fonction d'une légende sulfureuse totalement fausse. Le procès permettra de dire qui il est vraiment», espère l'un de ses avocats Me Léon Lev Forster.
Le sénateur clame son innocence. «Les enquêteurs ont cherché partout, à aucun moment, ils n'ont pu prouver que M. Pasqua avait bénéficié de quoi que ce soit. Il n'y a que des déclarations de certains témoins qui se basent sur des +on dit+», dénonce l'avocat.
Quelque 57 témoins seront appelés à la barre, dont des figures du monde politique: le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, ancien directeur adjoint du cabinet du ministre, Philippe de Villiers qui s’était allié à Pasqua lors de la création du RPF, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat, sont attendus dès le deuxième jour. Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy, Pierre Falcone, incarcéré dans l'affaire de l'Angolagate, et le fils de Charles Pasqua témoigneront la deuxième semaine.
Au lendemain des réquisitions de l’avocat général près la cour de cassation, Yves Charpenel, les juges rendront leur décision le 30 avril.
Charles Pasqua encourt dix ans de prison, mais reste protégé par son immunité parlementaire et pourra encore engager un recours.
samedi 17 avril 2010
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