lundi 26 avril 2010

Quand le prévenu Pasqua interroge le témoin Dubois

Le Monde, 23 avril 2010

Une première fois, Charles Pasqua s'est levé. Il a fait quelques pas dans le prétoire et s'est avancé, près, tout près, de Bernard Dubois qui venait d'achever sa déposition à la barre.

L'estrade sur laquelle l'ancien ministre de l'intérieur se tient accentue la différence de taille entre les deux hommes. M. Pasqua plante son regard dans celui qu'il a nommé à la tête de la Sofremi en 1993.

"- Vous vous souvenez de l'entretien que nous avons eu ?

- Euh, oui, monsieur.

- Vous vous souvenez que je vous ai dit de n'accepter aucune intervention de quiconque vous dirait qu'elle vient de mon cabinet ? Vous vous en souvenez ?

- Oui, monsieur.

- Est-ce que je vous ai demandé de faire travailler Pierre-Philippe Pasqua, mon fils ?

- Jamais.

- Trrrrès bien ! Est-ce que vous avez appris que Pierre-Philippe Pasqua travaillait avec Pierre Falcone ?

- Non, monsieur le ministre.

- Bien ! Vous étiez président de la Sofremi, donc vous aviez la responsabilité de cette société, à la fois dans le domaine de sa gestion et dans le domaine moral.

Je constate avec regret que, sous votre présidence, un certain nombre de personnes dépendantes de la Sofremi ont bénéficié de commissions. Le saviez-vous ?

- Absolument pas, monsieur le ministre.

- Et si vous l'aviez su, qu'auriez-vous fait ?

- Je les aurais éjectées.

- Trrrrès bien."

Charles Pasqua va se rasseoir dans son fauteuil. Les épaules de Bernard Dubois s'affaissent légèrement.

Quand Bernard Poussier, l'ancien numéro deux de la Sofremi, répond à son tour aux questions de la cour, l'ancien ministre ne perd pas une miette des débats, griffonne parfois quelques mots à ses avocats, vérifie une cote du dossier.

L'interrogatoire se termine, M. Pasqua demande à reprendre la parole. Il se lève à nouveau, s'approche du témoin, les mains nouées dans le dos, et vient s'incliner légèrement devant lui.

"- M'avez-vous déjà vu ?

- Euh, oui, dans des réunions politiques..."

L'ancien ministre se penche à nouveau vers le visage de M. Poussier.

"- Et vous ai-je jamais demandé quelque chose ?"

Le témoin, très affable :

"- Non, Monsieur, et je le regrette d'ailleurs. - Eh bien, pas moi !", tonne Charles Pasqua en tournant les talons.


Pascale Robert-Diard

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire