mardi 27 avril 2010

Karachi: Pourquoi Balladur ne répond pas sur l'essentiel

Libération, 27 aavril 2010

Après les révélations de «Libération» sur un financement présumé illégal de sa campagne présidentielle de 1995, Edouard Balladur a demandé à être entendu par la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi en 2002.

«Il a lui-même demandé à être entendu», a déclaré à l'AFP le député UMP Yves Fromion, président de cette mission, confirmant une information du Point.fr. La date d'audition de l'ancien Premier ministre (1993-1995) n'est pas encore connue.

Dans ce contexte, «Libération» revient point par point sur la réponse d'Edouard Balladur à nos révélations sur des soupçons de financement illégal de la campagne présidentielle de 1995.

1) «La vente de trois sous-marins au Pakistan a été autorisée par moi lors de la visite en 1994 de Mme Bhutto. La décision d’autoriser l’octroi de commissions n’était pas de la responsabilité du Premier ministre ou de ses services. J’ignore si, en l’espèce, il a été décidé d’y avoir recours.»

Edouard Balladur se réserve les lauriers industriels d’un grand contrat d’armement (5,4 milliards de francs à l’époque), mais sans se mêler des basses contingences financières. Contrairement à ce qu’il proclame, le versement de commissions relevait bien d’une décision gouvernementale - ne serait que pour permettre au vendeur de les déduire de son bénéfice imposable. En matière d’armement, le ministre du Budget (Nicolas Sarkozy à l’époque) devait obligatoirement donner son feu vert. Nicolas Bazire, alors proche conseiller à Matignon, a également eu son mot à dire. A entendre Balladur, ses deux Nicolas ne faisaient pas partie de «ses services»… A moins que lui-même n’eut été un Premier ministre fantoche.

2) «Pour assurer le financement des dépenses électorales de ma campagne, j’ai eu recours à l’ensemble des moyens légaux dont je disposais (…). Les comptes de ma campagne ont été audités puis validés par le Conseil constitutionnel.»

Edouard Balladur se garde bien de répondre ou de démentir l’information de «Libé»: dix millions de francs ont atterri sur son compte électoral en avril 1995, soit 20% du budget de sa campagne. L’intitulé officiel de cette colossale remise en espèces (collectes effectuées lors de meetings électoraux) colle difficilement avec ces coupures de 500 euros. Que le Conseil constitutionnel ait décidé de valider le tout ne change rien à cette incongruité.

3) «En 1996, si j’en crois les déclarations de certains responsables gouvernementaux de l’époque, le versement des commissions qui auraient été afférentes à ce contrat a été interrompu, alors que ma campagne présidentielle était terminée depusi un an et qu’il n’était nul besoin de la financier.»

De fait, les chiraquiens revenus au pouvoir en 1995 ont interrompu un certain nombre de commissions allouées sous le précédent gouvernement. Mais là encore, l’ex-Premier ministre fait mine d’ignorer la seconde information de «Libération»: deux intermédiaires du contrat pakistanais, introduits dans le circuit par des balladuriens, ont obtenu que leurs commissions (théoriquement échues tout au long du contrat, sur une période de dix ans), soient versées d’un seul bloc au cours du premier semestre 1995, en pleine campagne présidentielle.

Ajout à 18h: réaction de Me Olivier Morice


L'avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice, a accusé l'ancien Premier ministre de mentir et annoncé qu'il demanderait aussi son audition, mais devant le juge d'instruction antiterroriste chargé de l'enquête, Marc Trévidic.

«Les parties civiles considèrent que Monsieur Balladur ment d'une façon absolument éhontée par rapport aux éléments qui sont dans le dossier», a-t-il déclaré. «Il est bien évident que dans les prochains jours nous allons demander l'audition de M. Balladur qui n'est couvert par aucune immunité.»

Il s'agit selon lui de confronter l'ancien candidat «à un certain nombre de pièces du dossier, de témoignages qui détruisent totalement (son) système de défense» alors qu'il «se retranche totalement derrière la validation de ses comptes (de campagne, ndlr) par le Conseil constitutionnel».

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