Le Figaro, 20 avril 2010
Devant la CJR, Claude Guéant a confirmé avoir agi en 1994 sur instruction de Charles Pasqua mais estimé que la procédure suivie était «normale». Philippe de Villiers n'a pas répété les attaques prononcées lors de l'instruction.
Si le spectacle ne s'était pas offert à lui depuis son fauteuil de prévenu de la cour de justice de la République , Charles Pasqua aurait pu se croire revenu seize ans en arrière.
En 1994, il était le ministre de l'Intérieur puissant et très entouré du gouvernement Balladur. Il avait la haute main sur la sécurité, sur l'aménagement du territoire, sur le secteur sensible de l'ouverture des casinos et il était à quatre ans d'un succès électoral inattendu aux élections europénnes.
Depuis 94, les hommes qui entouraient Charles Pasqua place Beauvau ont tracé leurs propres chemins. Mais il subsiste mardi matin dans leurs témoignages bien des indices d'un passé commun. A la barre des témoins, l'exercice de style qu'ils s'imposent offre une distance respectueuse des faits.
Claude Guéant, Jean-Marc Sauvé et plusieurs cadres du ministère de l'Intérieur usent ainsi de prudence face aux juges et les parlementaires de la Cour de justice de la République qui débutent l'exploration de l'affaire du casino d'Annemasse. Charles Pasqua est soupçonné dans ce dossier-là de corruption passive.
Leur ministre a-t-il fauté en décidant d'accorder l'exploitation du casino d'Annemasse à Michel Tomi en dépit des avis contraires de la commission supérieure des jeux ?
Jean-Marc Sauvé, actuel vice-président du conseil d'Etat était à l'époque directeur des libertés publiques de la Beauvau. Il souligne qu' «un faisceau de présomptions (lui) faisait dire qu'il fallait faire preuve de la plus grande prudence» mais que son avis n'était que consultatif : «J'ai reçu des instructions contraires. Je les exécutées», admet-il.
Claude Guéant, témoin phare du programme de cette deuxième journée de procès devant la cour de justice de la République , était quant à lui directeur adjoint du cabinet du ministre de l'Intérieur.
Son passage express à la barre n'excéde pas vingt minutes : «Le ministre m'a fait savoir ses instructions sur ce dossier comme il le faisait pour d'autres» et «je ne pense pas qu'il y avait de signification particulière» dans la mention «merci de me tenir au courant» signée «CP», ajoutée de la main du ministre dans une note de mars 1994.
Le pouvoir d'autoriser ou non les exploitations de casinos était et le reste aujourd'hui - un pouvoir exclusif et personnel du ministre.
Passés ces témoignages issus des hautes sphères de l'Etat, le commandant de police Daniel Anceau donne une vision bien plus accablante de l'autorisation accordée au casino.
Cet ancien sous-directeur de la section des courses et des jeux des renseignements généraux et se présente comme un familier de la commission supérieur des jeux et de ses avis très motivés mais très consultatifs.
Avant le feu vert accordé en 1994 à Michel Tomi pour le casino d'Annemasse, trois refus avaient été émis. «Pour les professionnels des jeux que nous étions, ce revirement nous a paru très bizarre. J'ai demandé au sous-directeur pourquoi ce dossier était soudainement devenu positif.
Il m'a répondu 'Ca a été fait sur ordre'». «Dans nos réunions de service, on sentait bien que ce dossier avait été téléguidé. C'était clair pour tout le monde. Jamais, je n'avais vu cela en quinze ans», confirme-t-il plus tard.
L'accusation reproche à Charles Pasqua d'avoir accordé l'autorisation du casino à Michel Tomi et Robert Felicciagi en échange d'un financement futur pour les europénnes de 1999.
Charles Pasqua avait alors fait liste commune avec Philippe de Villiers et battu la liste conduite alors par Nicolas Sarkozy. Pour le financement de la campagne, 7,5 millions de francs avait été versés par Marthe Mondoloni, la fille de Michel Tomi.
Le circuit de fiancement avait fait bondir Philippe de Villiers lors de leur découverte judiciaire. Mais, mardi soir, dernier témoin du jour, le président du conseil général de la Vendée se fait bien moins vindicatif que lors de ses auditions chez les enquêteurs.
«Je trouvais la gestion opaque. Je n'ai jamais eu accès aux informations concernant le financement du RPF et c'est pour cela que je l'ai quitté», lance-t-il prudemment sur les agissements reprochés à l'ancien locataire de la place Bauveau, soulignant que lui-même manque de preuves.
Mais on l'entend surtout rendre hommage aux positions «patriotiques» d'un Charles Pasqua qui, à son tour, prend la parole pour saluer leur «engagement commun au service de la France».
Cette dernière audition du jour donne elle aussi l'impression que la cour de justice de la République a, à son insu, organisé les retrouvailles de vieux compagnons de route.
mercredi 21 avril 2010
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