Le Figaro, 27 avril 2010
Entendu mardi par la Cour de justice, Pierre-Philippe a estimé avoir été utilisé contre son père Charles.
Déposer comme témoin au procès de son père n'est déjà pas banal, mais Pierre-Philippe Pasqua est décidément unique à plus d'un titre. Il l'est pour l'état civil, unique enfant de l'ancien ministre de l'Intérieur. Mais il l'est surtout pour la Cour de justice de la République qui, depuis lundi dernier, a vu Charles Pasqua, seul prévenu du procès, prendre méthodiquement ses distances avec toutes les personnalités que l'accusation présente comme son entourage affairiste et sulfureux. Charles Pasqua a ainsi su dresser un cordon sanitaire efficace vis-à-vis de l'intermédiaire Étienne Léandri ou de l'homme d'affaires Pierre Falcone, tous deux condamnés définitivement dans l'affaire de la Sofremi. Les choses se compliquent donc à l'évocation de son propre fils, condamné définitivement, lui aussi dans le dossier de la Sofremi mais aussi dans l'affaire GEC-Alstom. À son corps défendant, Pierre-Philippe Pasqua incarne l'ombre la plus voyante de ce que la justice a toujours considéré, au fil des procès précédents, comme la galaxie Pasqua.
À la barre des témoins, Pierre-Philippe Pasqua nie farouchement cet «amalgame». Physique robuste, œil vif, il annonce d'emblée son credo: il croit en l'innocence de son père, en la sienne mais surtout pas en la justice qui l'aurait manipulé et utilisé comme une vulgaire arme par destination pour exécuter son père: «Jamais je n'aurais imaginé en 1968 lorsque mon père a été élu pour la première fois député qu'il serait un jour renvoyé devant une juridiction comme la vôtre. J'en suis doublement meurtri. Je suis le trait avec lequel on veut l'abattre depuis des années.» Plus tard, on l'entendra ajouter cette formule: «Je ne suis responsable de rien, coupable de rien, et Charles Pasqua l'est encore moins.»
Filiations bancaires
Pour les autres témoins, la mise à distance vis-à-vis du ministre d'État était passée par l'explication de l'agenda surchargé d'un locataire de la Place Beauvau ou par le fait, selon l'expression de Charles Pasqua lui-même, que «des gens de (son) entourage avait essayé de se servir de (son) nom» à son insu. De la part du fils, cette fois, le témoignage se conjugue à la première personne du singulier et sur le mode de celui qui a réussi à voler de ses propres ailes: «La réalité, expose Pierre-Philippe Pasqua, est que j'ai toujours eu des activités différentes de celles de mon père. J'ai décidé de ne pas m'engager en politique - un Pasqua, ça suffisait - et j'ai choisi d'implanter mes activités à l'étranger. Je n'ai pas informé Charles Pasqua de mes activités pas plus qu'il ne m'informait des siennes. Je n'ai eu aucun rapport avec GEC-Alstom ou la Sofremi.»
Sur le fond de ces deux dernières affaires - pour lesquelles son père comparait devant la CJR pour «corruption passive» et «complicité et recel d'abus de biens sociaux» -, Pierre-Philippe Pasqua doit affronter des filiations qui, celles-ci, sont davantage bancaires que généalogiques. L'avocat général Yves Charpenel mentionne les circuits qui auraient permis à Pierre-Philippe Pasqua «de récupérer des fonds qui venaient du ministère de l'Intérieur (…) par le biais de circuits de financement d'argent en Corée, mais aussi au Liechtenstein, au Panama ou au Liban». L'ombre de l'homme d'affaires Étienne Léandri, mort en 1995, plane sur ces deux dossiers. Pierre-Philippe Pasqua avait travaillé avec lui en Corée du Sud dans une entreprise d'alcool et de spiritueux. Cela ne fait pas de lui «le fils spirituel» de Léandri, précise le fils de l'ancien ministre, qui ferraille ensuite avec l'accusation pour démentir sa mainmise sur un compte suisse ouvert par le premier et dont le second était devenu l'ayant droit après le décès de Léandri.
Le banquier suisse appelé peu après à la barre est suffisamment confus dans ses confidences sur sa clientèle privée pour apporter du grain à moudre au fils de Charles Pasqua. «Nous constatons qu'il y a un amas de poussières extérieur à M. Charles Pasqua», observe en fin d'audience et à voix aussi haute que satisfaite Léon Lef Forster, l'un des trois défenseurs de Charles Pasqua. Mais un parlementaire, juge suppléant, fronce encore le sourcil.
- Monsieur le ministre d'État, interroge l'un d'eux, avez-vous eu à connaître les activités de votre fils lorsque vous étiez au ministère de l'Intérieur?
- Je n'ai eu aucune information émanant ni du ministère de l'Intérieur ni de l'Économie et des Finances. S'ils avaient été informés de quoi que ce soit d'anormal, ils l'auraient fait. Manifestement, ils ne l'ont pas été…
Pour les faits qui lui ont valu ses deux condamnations, Pierre-Philippe Pasqua ne dit pas autre chose: «Je suis condamné. C'est une réalité judiciaire. Mais la réalité des faits est différente.»
mercredi 28 avril 2010
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