Le Figaro, 29 avril 2010
Pour l'avocat général de la cour de Justice Yves Charpenel, qui a requis quatre ans de prisons dont deux fermes, le pari était de renverser l'impression générale que le procès a souvent donné.
Charles Pasqua avait ironisé mercredi après-midi en se demandant si ce procès était réellement le sien. L'avocat général de la cour de Justice Yves Charpenel s'est chargé pendant près de deux heures ce jeudi matin de le remettre au centre du jeu.
Pour ce faire, le magistrat se lance dans l'exercice habituel de l'énumération patiente des charges mais son urgence est ailleurs : le ministère public doit renverser l'impression générale que le procès avait souvent donnée. Yves Charpenel a donc choisi de railler le spectacle offert par le prévenu et par les témoins acquis à sa cause.
«Personne ne peut croire à l'extrême naïveté de cet homme face à la cupidité de ses proches», se désole l'avocat général, presque chagriné d'un tel discours de la part «d'un homme d'Etat» , «combattant inlassable» qui deux fois fut ministre d'Etat place Beauvau.
Pour l'avocat général, «ce parcours ne peut occulter les ombres judiciaires» : «Ces trois dossiers ne montrent aucune âpreté personnelle au gain, ni aucune volonté d'enrichissement crapuleux». Ils seraient en revanche la manifestation de «deux faiblesses» : «la passion politique qui fait perdre de vue les limites de la probité publique».
Pour la culture politique, l'accusateur cite l'une des biographies politiques de Charles Pasqua dans laquelle il disait son amertume vis-à-vis de la famille gaulliste du RPR et sa volonté de trouver des moyens pour mener seul le combat politique.
Pour le détail des charges, Yves Charpenel souligne «l'étroite relation entre les ministres et les receleurs». C'est au terme de leur défilé, pourtant, que Charles Pasqua avait dénoncé les indélicatesses menées par un entourage qui aurait odieusement abusé de son nom.
Dans sa globalité, le réquisitoire est construit en six parties aussi ordonnées que destructrices.
L'une des flèches de l'avocat général est ainsi dérochée en nom collectif à la plupart des 57 témoins que la cour de justice de la République avait convoqué dans la perspective déçue de les entendre réitérer leurs déclarations accablantes.
Au lieu de ça, la cour eut «l'indécent retournement homogène des témoins qui ont fait l'effort d'oublier, laissant à tous l'impression de malaise sur le poids des charges».
Sous des dehors policés et cultivés, on entend même Yves Charpenel glisser quelques ironies souriantes comme celle-ci : Charles Pasqua aurait été «corrompu à l'insu de son plein gré».
Au terme de ses réquisitions, le magistrat réclame quatre ans de prison dont deux fermes contre l'ancien ministre, 200.000 euros d'amende et une interdiction d'exercer ses droits électifs.
Dans le cumul des dossiers du casino d'Annemasse, de Gec-Alsthom et de la Sofremi, la peine maximale encourue était de dix ans de prison.
Les délits reprochés, de trois ordres : corruption passive, complicité d'abus de biens sociaux et complicité de recel d'abus de biens sociaux.
Dans cet univers de la délinquance financière, rappelle le magistrat, les tribunaux ne recherchent «ni aveu ni preuve scientifique» car «ce sont des infractions où la dissimulation domine et où l'aveu est rare».
Sa mission est donc d'énumérer «les séries d'indices concordant qui fondent un faisceaux de culpabilité». Au fur et à mesure, le faisceau de culpabilité est détaillé point par point. «A moins de croire que le seul délit est la naïveté ou l'incompétence», «les faits sont parfaitement établis», dira par exemple le magistrat à l'occasion du dossier du casino d'Annemasse.
Même s'il avait tenté de s'en démarquer, Charles Pasqua est plus que jamais au centre de son procès.
Le verdict de la cour de justice de la République doit être rendu vendredi à la mi-journée après, ce jeudi, la plaidoirie des avocats de l'ancien ministre, Jacqueline Laffond, Pierre Haïk et Léon Lef Forster.
jeudi 29 avril 2010
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