RécitL’ancien ministre de l’Intérieur a comparu, hier, à l’ouverture de son procès devant la Cour de justice de la République. Sans rien lâcher.
«Monsieur Pasqua ! Monsieur Pasqua ! Est-ce que vous êtes serein ?» La question a été lancée par des journalistes, hier, à Charles Pasqua, alors qu’il traversait la salle des pas perdus pour rejoindre la Cour de justice de la République, au premier jour de son procès. Encadré par ses avocats et les gendarmes qui repoussaient la presse, le sénateur n’a pas répondu. Marchant lentement, les mains dans le dos, légèrement incliné. Conduit vers la salle d’audience, comme un buffle qui n’a d’autre choix que d’avancer. Regardant à droite et à gauche. Ailleurs. A sa sortie, la même question lui est posée. «Qu’est-ce que ça vous fait d’être jugé par vos pairs ?»«Ça me fait… Ça me fait ni chaud ni froid ! répond-il. Moi je suis un vieux combattant. J’en ai vu d’autres…»
Bonbon. L’audience de la Cour de justice, chargée d’examiner sa responsabilité dans trois dossiers de corruption et d’abus de biens sociaux lorsqu’il était ministre de l’Intérieur entre 1993 et 1995, a commencé par l’installation de 24 députés et sénateurs - juges titulaires et suppléants - dans leurs fauteuils. Ils entrent, pour certains empruntés. Intimidés. La robe de juge qu’ils ont dû enfiler, peut-être. A l’image des deux Assemblées qui les ont désignés, ils sont 20 hommes et 4 femmes. En mâchonnant un bonbon, Charles Pasqua s’assoit devant eux, dans un grand fauteuil.
Le président de la Cour, le magistrat Henri-Claude Le Gall, lui demande son identité. Il se lève. «Je m’appelle Pasqua, Charles, je suis né le 18 avril 1927 à Grasse, de Pasqua André et de Rinaldi Françoise.» Durant une heure, ses dernières cartouches procédurales sont exposées par ses avocats. Les pot-de-vin versés pour l’autorisation d’ouverture du casino d’Annemasse, le déménagement du siège de GEC-Alsthom et les marchés de l’office de vente d’armes du ministère de l’Intérieur ont donné lieu à des condamnations définitives des principaux suspects. C’est, aux yeux des avocats, une «atteinte à la présomption d’innocence» de Pasqua. «Vous devrez faire l’effort éthique de faire fi de ce qui a été déjà jugé», avertit Me Léon-Lef Forster.
La Cour rejette diverses demandes de nullité, avant que le président Le Gall rappelle ce qu’encourt Pasqua. Dans l’affaire du casino d’Annemasse, une peine de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende pour «corruption passive», et dans les deux autres affaires, cinq ans et 40 000 euros d’amende pour «recel d’abus de biens sociaux».
Charles Pasqua est invité à livrer ses explications préliminaires. Il se lève. Se place au centre de la salle, mains dans les poches. Il s’approche des juges, insensiblement. «Ma première réponse est simple : je suis innocent des faits qui me sont reprochés.» Voix rocailleuse, méridionale. Professionnelle. «D’une certaine manière, je pourrais me réjouir d’être devant vous aujourd’hui, mais il y a un jugement qui est déjà intervenu. C’est celui du tribunal de l’opinion publique. Il a été saisi depuis dix ans. Ça fait dix ans que je suis traîné dans la boue sans pouvoir me défendre.» La presse a fait campagne. Les juges aussi. «Les magistrats ont instruit avec un à-priori évident. Ils n’étaient pas à la recherche de la vérité, mais à la recherche de la preuve de ma culpabilité.»
Famille. Lorsqu’il avait repris le ministère de l’Intérieur, en 1993, il avait «exigé» d’avoir l’aménagement du territoire, pour prolonger son travail au conseil général des Hauts-de-Seine. L’idée qu’il soit pour quelque chose dans le «pot-de-vin» versé par GEC-Althom pour son déménagement est «grotesque». «Je n’ai jamais compris pourquoi le directeur général de GEC-Althom, qui était victime de ce racket, n’a pas eu le réflexe de me téléphoner. J’aurais prévenu la justice», fait Pasqua. L’autorisation au casino d’Annemasse, c’était d’ailleurs aussi une question d’aménagement du territoire. «On refusait une autorisation d’ouverture à Monsieur Feliciaggi dont on était incapable de me dire ce qu’on lui reprochait.» Pasqua avait «demandé une enquête à Claude Guéant», l’actuel secrétaire général de l’Elysée, alors à son cabinet. Rien ne lui était revenu. L’impliquer dans une affaire de dessous-de-table, c’est mal le connaître.«Je suis entré au service du pays, je n’avais pas 16 ans. Dans notre famille, l’argent n’a jamais été l’étalon de la vertu et de la réussite, cela se saurait.»
Quelques phrases plus tard, Pasqua retombe sur sa famille. Son fils, Pierre-Philippe, bénéficiaire des pots-de-vin de GEC-Alsthom et la Sofremi. «Des accusations ont été portées contre mon fils, dit-il. Mon fils a été condamné. Cette décision est définitive. J’en prends acte. Ça me touche personnellement, mais cela ne signifie pas que je suis moi-même coupable», conclut-il.
mardi 20 avril 2010
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