jeudi 29 avril 2010

Pierre-Philippe Pasqua refuse d'être "le trait avec lequel on veut abattre" son père

Le Monde, 28 avril 2010

Pierre-Philippe Pasqua se savait très attendu devant la Cour de justice de la République, mardi 27 avril. "Je suis le trait avec lequel on veut abattre Charles Pasqua depuis des années", a observé, dans sa déclaration liminaire, le fils unique de l'ancien ministre de l'intérieur.

Dans ces dossiers construits en cercles plus ou moins étroits, qui enserrent Charles Pasqua sans le toucher personnellement, Pierre-Philippe Pasqua constitue en effet une prise de choix pour l'accusation. Le fait qu'il a bénéficié en 1994, sur un compte ouvert à l'étranger, de deux virements de 700 000 et 1 835 000 dollars de la part du sulfureux intermédiaire Etienne Leandri, lui a valu une double condamnation définitive à une peine d'un an de prison ferme.

"J'ai été condamné, je ne suis responsable de rien, coupable de rien, et Charles Pasqua encore moins", a-t-il assuré. Solidement campé à la barre, jetant un regard noir au public quand celui-ci s'avisait de réagir à ses propos, il a expliqué avoir toujours eu des activités différentes de celles de son père : "Je ne me suis jamais engagé en politique. Un Pasqua, ça suffisait."

"VOUS NE SAVEZ RIEN"

A son célèbre géniteur, qui a effectué une partie de sa carrière chez Ricard, Pierre-Philippe Pasqua doit tout de même d'avoir "baigné depuis l'enfance dans le monde de l'anisette, de la vodka et des spiritueux", notamment au gré des "colonies de vacances de chez Ricard" dont il a évoqué le souvenir ému devant la Cour. Tout ceci pour dire qu'il était parfaitement qualifié pour servir, via l'intermédiaire d'Etienne Leandri, de "conseiller spécial du président d'un groupe coréen de taille mondiale dans les spiritueux", et justifier ainsi les émoluments qu'il avait perçus. "2 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent, mais il faut remettre en perspective", a indiqué Pierre-Philippe Pasqua.

Le fils de l'ancien ministre de l'intérieur a ensuite tenté d'expliquer comment il s'était retrouvé, presque à son insu, ayant-droit d'un compte à l'étranger alimenté par Etienne Leandri et sur lequel celui-ci bénéficiait d'une procuration. Il a démenti tout lien entre le virement de ces fonds et les très confortables commissions que percevait à cette même période Etienne Leandri de la part de la Sofremi, la société de vente de matériel de sécurité placée sous la tutelle du ministère de l'intérieur. "Je n'ai jamais travaillé avec GEC-Alsthom, ni avec la Sofremi. Jamais Charles Pasqua ne s'est entretenu avec moi de ces sujets. Jamais Etienne Leandri ne m'a sollicité pour demander quelque service à Charles Pasqua", a-t-il dit.

L'un des juges parlementaires s'est alors tourné vers M. Pasqua : "Avez-vous eu connaissance des activités de votre fils ?

- Non.

- En votre qualité de ministre de ministre de l'intérieur, ces activités pouvaient-elles rester ignorées de vous, alors que votre fils détenait des comptes à l'étranger ?

- Je n'ai eu aucune information venant du ministère de l'intérieur ou des finances."

Quelques minutes plus tôt, la Cour avait entendu le témoignage de Gilbert Grilhault des Fontaines, un ami très proche d'Etienne Leandri. Pendant l'enquête, il avait expliqué que celui-ci vouait une immense admiration à Charles Pasqua - qu'il appelait "le grand" - et que les liens entre les deux hommes s'étaient "consolidés" quand le ministre lui avait demandé de "veiller sur son fils." A la barre, le témoin met ces propos sur le compte des conditions épuisantes de sa garde à vue. Le président de la Cour, Henri-Claude Le Gall, lui en a rappelé d'autres, tenus devant le juge d'instruction : "Etienne Leandri m'avait dit, au cas où l'on viendrait à m'interroger sur le fils Pasqua : "vous ne savez rien"." "Ce moment est donc arrivé", a observé en souriant le président.

Pascale Robert-Diard

L'étrange épisode du parkingLundi 26 avril, une ancienne secrétaire de Pierre Falcone avait raconté qu'un soir de décembre 1996, restée tard dans les locaux de la société Brenco, elle avait aperçu Charles Pasqua dans le bureau de son patron. Ce témoignage est fâcheux pour l'ancien ministre de l'intérieur, qui a toujours nié avoir eu un quelconque contact avec Pierre Falcone.

A l'une des juges qui lui demandait si, "solennellement", il maintenait sa position, M. Pasqua avait répondu : "Solennellement, je vous confirme que je ne suis jamais allé dans les établissements de M. Falcone." A la reprise de l'audience, mardi matin, l'avocat général Yves Charpenel a informé la cour d'un étrange épisode.

Le témoin lui a signalé qu'après sa déposition, alors qu'elle regagnait son véhicule dans le parking devant le palais de justice, elle avait été abordée par un homme, âgé d'une cinquantaine d'années, qui lui avait demandé si "elle était fière de son témoignage". Le parquet général a demandé une enquête.

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